• Aucun résultat trouvé

3,98% de la superficie du territoire national

Section 2 Enjeux économiques et sociau

3.2. Les parcs nationaux : une instrumentalisation politico-financière

3.2.3. Des modes spécifiques de financement de la conservation de la nature

La conservation de la nature dans les pays en développement est généralement financée soit directement par les Etats qui la pratiquent soit par des dons d’organismes d’aides ou d’ONG internationaux. Outre ces modes de financements classiques, nous assistons depuis quelques années, à l’avènement de nouvelles formes de donations ou de paiements pour services environnementaux. Il s’agit des plans de conversions de dettes et des mécanismes pour l’adaption au changement climatique. Ces mécanismes sont mis en œuvre à l’échelle internationale ; ils ne concernent pas uniquement le Gabon.

156 Ministère de la Planification et de la Programmation du Développement du Gabon et Délégation de la

Commission Européenne au Gabon, Coopération Gabon-Union européenne. Rapport annuel conjoint 2007, Septembre 2008.

165 ● Les financements sous forme de conversion de dette

La conversion de dette pour favoriser la protection de la nature ou encore les échanges dette-nature (debt for nature swap) « est une méthode qui permet de renégocier avec le créancier la dette d’un pays en développement ou d’une société débitrice commerciale privée aux fins de financer la conservation de la biodiversité » (CFA, 2003)157.

Le financement sous forme de conversion d’une partie de la dette est une réponse à la demande faite par les pays tropicaux auprès de la communauté internationale en échange de la protection de la biodiversité. Le Gabon, à l’instar de nombreux pays en développement, l’a fortement revendiqué surtout lors de grands rassemblements internationaux.

A titre illustratif, suite à la création de ses parcs nationaux en 2002, le Gabon avait institué le Conseil National des Parcs Nationaux. L’un des objectifs primordiaux de ce dernier était, en plus de mettre en place une administration ad hoc, d’instaurer un écotourisme suffisamment important pour financer ces aires protégées. Ce financement proviendrait en grande partie des pays développés, principaux instigateurs de la conservation. L’Etat gabonais ne souhaite pas apporter tous les financements nécessaires à une préoccupation planétaire qui est d’abord celle de l’occident. La surveillance des parcs nationaux et l’inventaire de leur richesse coûteront au moins 15 millions de dollars par an. Le gouvernement gabonais s’est décidé à n’en apporter que 2. Il est clair dans cette situation que les 13 millions de dollars restants pour la surveillance et l’inventaire, de même que les financements pour d’autres actions en faveur de la biodiversité devront provenir de l’occident. Il faut dire que l’Etat gabonais, comme l’ensemble des Etats du Bassin du Congo, souhaite la réduction ou l’annulation de sa dette en compensation des efforts de conservation. Le discours du président gabonais, Omar Bongo, lors du sommet des chefs d’Etats africains sur les forêts du bassin du Congo en 2005 vient renforcer cette position. Dans ses propos, il demandait à la communauté internationale de compenser les coûts supportés par les Etats de la région, lourdement endettés, s’ils protègent ces forêts utiles à la planète entière :

« À ce jour, nos Etats ont su préserver ce patrimoine sans compensation. La préservation de la forêt prive nos Etats de ressources mais notre dette est toujours là et de plus en plus lourde » (Thomas, 2005).

166 Omar Bongo avait affirmé son attente vis-à-vis des bailleurs de fonds et de la communauté internationale tout en rappellant l’effort du Gabon par des propos très clairs :

« Après tout, nous offrons déjà 10 % de notre pays au monde ! Cela suffit ! » (Lewino, 2005).

Les conversions de dette ou d’une partie de la dette des pays se font par le Club de Paris158. Il intervient dans des actions permettant la réduction de la pauvreté et la croissance économique des Etats endettés. Ces objectifs peuvent être atteints par divers facteurs tels que la protection de la nature et la gestion durable des forêts. C’est dans ce contexte que la France a signé, en février 2008, un accord de conversion de dette de 5 %159 avec le Gabon afin de financer les projets de développement durable dans les domaines suscités. Ce pourcentage correspond à 31 412 milliards de francs CFA, environ 50 millions d’euros (Ministère de l’économie du Gabon, 2008). En Juillet 2007, la dette elligible du Gabon était estimée à environ 2,3 milliards de dollars (Ministère de l’économie du Gabon, 2008 et Club de Paris, 2007). D’autres pays de la sous région développent aussi le système de réduction ou d’annulation de la dette. C’est le cas du Congo. En décembre 2008, le Club de Paris a annulé 805 millions de dollars, soit environ 90 % de sa dette, et rééchelonné 155 millions de dollars (Club de paris, 2008).

Le système de réduction ou d’annulation de dette pour favoriser la conservation dans les pays en développement s’est plus remarqué dans les années 2000. Mais sa mise en œuvre en Afrique remonte à la fin des années 1980. Madagascar est le premier pays du continent à développer un échange (dette-nature) bilatéral entre le gouvernement et l’USAID. La remise de dette était de 2,1 millions de dollars (Moye et Paddack, 2003)160.

158 Le Club de Paris est un groupe informel de créanciers publics mis en place en 1965. Son but est de trouver

des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiement des nations endettées. Il est composé des 19 pays membres permanents : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis d’Amérique, Finlande, France, Irlande, Italie, Japon, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Russie, Suède et Suisse (Club de Paris, 2007 et clubdeparis.org).

159 Ces 5 % accordés en février 2008 s’ajoutent à la première annulation de 15% conssent ie en janvier 2008. Ils

comptabilisent ainsi les 20 % de dette du Gabon que la France s’était engagée à annuler (Ministère de l’économie, 2008).

167 ● Les financements pour le changement climatique

Le changement climatique est l’une des problématiques environnementales les plus préoccupantes du moment, avec un regard particulièrement porté sur les pays en développement. La communauté internationale a mis en place des dispositifs de financements afin de les motiver à agir en faveur de la planète : le Fonds spécial pour le changement climatique et le mécanisme de Réduction des Emissions liées au Déboisement et à la Dégradation de la forêt. Faute de données et du manque de clarté sur la position du Gabon dans ces programmes, nous n’allons pas évoquer les mouvements financiers entre le pays et les bailleurs de fonds. Notre propos se limitera par conséquent à une généralité touchant les pays du Sud surtout ceux des bassins forestiers.

Le fonds spécial pour le changement climatique a été créé en 2001 par les accords de Bonn (juillet 2001) et de Marrakech (novembre 2001)161. Il touche divers domaines : adaptation, transfert de technologies, énergie-industrie-agriculture-foresterie-gestion des déchets, assistance à la diversification économique des pays en développement, notamment ceux qui exportent le pétrole et le charbon. Il est complémentaire au Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM). Ce dernier en est l’organe de gestion.

Le mécanisme ou progamme Réduction des Emissions liées au Déboisement et à la Dégradation de la forêt (REDD) a été introduit et adopté à la conférence des Parties de la Convention Cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) organisée à Bali en Décembre 2007. Mais, la proposition du REDD remonte à deux ans auparvant. C’est en effet en 2005, lors de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques de Montréal, que le troc représenté par ce que nous appellons « le principe argent contre forêt » fut proposé pour la première fois sur la scène internationale par la Papouasie Nouvelle-Guinée et le Costa Rica (Global Canopy Programme, 2009).

Le Mécanisme REDD est centré sur les Pays en Voie de Dévelppemen situés en milieu tropical. Il consiste à échanger la protection de leurs forêts et le gain de carbone contre une aide financière162. Autrement dit, le REDD prévoit de payer pour compenser le manque à gagner de la non-exploitation de la forêt. Il permet ainsi de donner une valeur financière au carbone stocké par le biais de la protection des forêts. Outre l’apport financier pour les pays du Sud, les réductions d’émissions de gaz à effet de serre, représentées par une augmentation

161 Les accords de Bonn et de Marakech ont donné naissance à 3 fonds : le fonds spécial pour le changement

climatique, le fonds pour les pays les moins avancés, tous les deux établis sous la Convention, et, le fonds d’adaptation créé sous le Protocole de Kyoto.

168 de capacité de stockage, pourront servir à compenser, voire rééquilibrer, les émissions produites par les activités industrielles du Nord163.

Au départ mis en place dans neuf pays pilotes, le programme REDD de l’ONU concerne, depuis novembre 2010, douze pays : Bolivie, République Démocratique du Congo, Indonésie, Panama, Papouasie Nouvelle Guinée, Paraguay, Tanzanie, Vietnam, Zambie, Cambodge, Philippines et îles Salomon. Le Gabon est certes membre du programme mais il ne fait pas partie des pays pilotes. Il a toutefois exprimé son intérêt en tant que pays observateur164. Le Gabon ne souhaite pas un plan d’adaptation au REDD. Il veut plutôt s’orienter vers un plan d’adaptation pour le changement climatique dont la priorité sera accordée à la zone côtière165.

Même si l’idée du REDD a été retenue par la communauté internationale, ses mécanismes restent encore à préciser. Il n’est officiellement inclus ni dans le cadre juridique de CCNUCC, ni dans celui du protocole de Kyoto. Il n’a de ce fait pas d’existence officielle. Par ailleurs, un mécanisme provisoire a été mis sur pied : le REDD+.

163 Selon la Banque mondiale, ce sont 150 millions de dollars (114 millions d’euros) qui seront déboursés par les

pays du Nord pour le financement du REDD (Batenbaum, 2010). Le paiement de chaque pays participant au REDD sera basé sur sa capacité à protéger les habitats menacés et à stocker le carbone. Il ne tiendra pas compte des forêts existantes et conservées. Seule la réduction du taux de défores tation et de dégradation fera office de référence. L’argent issu du REDD servira à mettre en place des programmes de gestion durable des forêts.

164 Les pays membres du REDD dans la catégorie observateurs sont : l’Argentine, le Bangladesh, le Bhoutan, la

République Centrafricaine, la Colombie, le Costa Rica, l’Equateur, le Gabon, le Guatémala, la Guyane , le Kenya, le Mexique, le Népal, le Nigéria, la Réuplique du Congo, le Sri Lanka et le Soudan (FAO, ONU -REDD, website : www.fao.org/climatechange/unredd/fr/).

165 Précisions apportées lors des entretiens avec les institutions des aires protégées, notamment le WWF et le

169 Carte 16 : Le Gabon, pays observateur du mécanisme REDD

Source : FAO, Programme ONU-REDD (website : www.fao.org/climatechange/unredd/fr/).

Conclusion du chapitre 3

La multitude d’enjeux exposés tout au long de ce chapitre démontre que l’intérêt accordé aux parcs nationaux a évolué en fonction des préoccupations environnementales. Ainsi, alors que leur enjeu était d’abord centré sur la déforestation, il s’est par la suite élargi au maintien de la biodiversité, pour se présenter aujourd’hui comme une soultion au changement climatique. L’ensemble de ces préoccupations fait des espaces protégés forestiers en général, et des parcs nationaux en particulier, des objets de gouvernance mondiale qui ont une influence sur la gouvernance locale. S’il fallait résumer les enjeux des parcs nationaux du Gabon, les propos de feu président Omar Bongo, parus dans le journal La Pirogue du 30 juin 2003, pourraient servir de référence :

« J’ai créé 13 parcs nationaux qui vont être des aires de préservation de la flore et de la faune ; mais cette décision ne restera pas qu’une décision de papier, comme certains s’en inquiètent. La forêt gabonaise, qui représente une richesse mondiale inestimable, va constituer l’un des axes de ma stratégie de lutte contre la pauvreté. Il s’agira de la gérer de façon rationnelle pour qu’elle soit génératrice d’emplois et de revenus autres que ceux procurés par l’exploitation du bois. Ce projet est sous ma propre responsabilité ».

170 CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Les aires protégées se présentent aujourd’hui comme l’une des solutions incontournables pour protéger la biodiversité, et par la même occasion notre planète. Alors que les populations locales étaient autrefois totalement à l’écart de leur gestion, elles sont désormais prises en compte afin de garantir une protection durable. Le terme approprié dans cette démarche est la conservation. La conservation s’oppose à la préservation. C’est une protection des ressources naturelles qui intègre les communautés locales et pense aux générations futures.

Le Gabon, un pays forestier qui dépend économiquement de ses ressources naturelles, tient à apporter sa contribution à cette cause mondiale, qui bien entendu lui sera aussi profitable. Cette volonté manifestée par son discours et la création des parcs nationaux suffisent-ils à faire de lui un conservateur et/ou un gestionnaire idéal de la nature ? Comment les parcs sont-ils gérés et quel est leur impact au niveau local et national ? L’étude du parc national de Loango nous informe sur le rôle des parcs nationaux, les caractéristiques de la gestion participative et l’apport socioéconomique et culturel des aires protégées au Gabon.

171

DEUXIEME PARTIE : LE PARC DE LOANGO, UN ESPACE DE LA