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Carte 3 : Répartition de la population

2.4. L’exploitation des ressources minières et la place de l’agriculture

L’exploitation du manganèse joue aussi un rôle déterminant dans l’économie du pays. D’autres ressources élargissent l’éventail de cette exploitation minière, à savoir le fer, l’or, le phosphate, le niobium, le cuivre, le zinc, la barytine et le talc. La plupart d’entre elles sont exploitées de façon artisanale.

La production de manganèse a commencé au Gabon en 1962 avec une production de 203.000 tonnes (Pourtier et al., 2004). Elle a depuis lors considérablement augmenté malgré une évolution en dents de scie. Elle oscille aujourd’hui trois millions de tonnes (3 300 000 de tonnes en 2007). Cette production vaut au Gabon le rang de deuxième producteur mondial de manganèse après l’Afrique du Sud (Pourtier et al., 2004). La totalité de la production de manganèse gabonais est vendue sur le marché international, principalement à la Chine.

Figure 4 : Production de manganèse au Gabon de 1988 à 2008 (millions de tonnes)

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 19881989199019911992199319941995199719981999200020012002200320042005200620072008

68 L’agriculture, la pêche, l’élevage, le transport, les télécommunications, l’hôtellerie, le tourisme et quelques autres activités contribuent aussi au développement économique du pays. Mais leur poids est très peu perceptible. En 1999, le trio agriculture, pêche et élevage ne représentait que 4,5 % du PIB (DGE, 2009). En 2002, il était de 4 % (CEA, BAC63, 2004). Nous nous intéressons à l’agriculture.

Figure 5 : Ventilation sectorielle du PIB au Gabon en 2002

Source : Commission Economique pour l’Afrique, Bureau pour l’Afrique Centrale, 2004.

L’agriculture est la « transformation du milieu physique par les travaux des champs et la culture de certains végétaux sélectionnés » (Brunet et al., 1993). En 1994, l’agriculture ne représentait que 8 % du PIB alors même qu’elle concentrait 48 % de la population active (DGE, 2000). Elle n’a jamais dépassé les 10 %. Elle est actuellement de 9 % (Pourtier et al., 2004). La faible contribution de l’agriculture au PIB contrairement aux grands pilliers de l’économie gabonaise tels que le pétrole se justifie par la quasi inexistence de l’agriculture industrielle, la faible envergure de l’agriculture maraîchère et la pratique constante d’une agriculture vivrière. Ceci dit, même si elle a une faible place économique, elle occupe une place sociale majeure.

Le peuple gabonais, en général, est très attaché à la terre et à la forêt. Quelques situations illustrant ce lien informent sur la place sociale de l’agriculture. Nous allons nous

63 Commission Economique pour l’Afrique, Bureau pour l’Afrique Centrale .

40% 2% 4% 9% 26% 5% Pétrole brut et mines Exploitation forestière Agriculture, élevage et pêche Services non marchands Commerce, services, transports et télécommunucation Raffinage, recherche et autres industries

69 baser sur les relations que les jeunes, les retraités et les familles, particulièrement ceux résidant en milieu urbain, peu importe leur statut social, entretiennent avec les activités agricoles.

D’une manière générale, les jeunes urbains (écoliers, collégiens, lycéens, etc.) passent les grandes vacances scolaires au village pour aider les parents ou les grands- parents dans les travaux champêtres (abattage des arbres, brûlis, sarclage, semences, etc.). Leurs efforts sont parfois compensés par une rémunération financière64, certes modeste, qui leur permet d’assurer l’achat de fournitures scolaires.

Les retraités (fonctionnaires ou du privé), choisissent dans la majorité des cas de (re)partir s’intaller au village pour s’adonner à l’agriculture. Le choix d’aller vivre ou de repartir au village marque le retour à la forêt ou vers la terre de la forêt. Ce comportement peut sembler invraissemblable pour un européen, notamment en France, où le rêve premier d’un retraité est de finir ses beaux jours au bord de la mer. Au Gabon, c’est l’inverse : ils quittent la côte pour l’intérieur du pays.

Dans le cadre familial, au moins une famille citadine sur deux possède une ou plusieurs plantation(s) à la périphérie de la ville ou dans un village proche de la ville. Cette population urbaine pratique soit une agriculture péri-urbaine soit à la périphérie d’un village. Il n’est pas rare de croiser chaque fin de semaine un ballet de voitures en direction des localités rurales périphériques à une ville ou bien en direction de l’intérieur du pays pour s’adonner à une activité agricole. Les routes Libreville-Kango et Libreville-Cap- Estérias en sont des exemples. L’agriculture contribue ainsi à la pluri-activité des populations urbaines.

L’importante pratique de l’agriculture par les urbains au Gabon n’est pas seulement liée à l’attachement de la population gabonaise à la terre et à la forêt. Elle est aussi due à l’exode rural. Pour des raisons professionnelles (migrations de travail), familiales, médicales, de sorcellerie, etc., les villages se sont vidés au profit de la ville. Ce mouvement a entraîné un dépeuplement des villages, et donc d’agriculteurs, et a amoindri la fonction vivrière (agriculture vivrière) conférée au milieu rural. L’agriculture s’est déplacée vers la ville à travers cette population issue de l’exode rural, modifiant les fonctions de la ville et les activités des citadins. Ganyo Galley (2006)65 s’expriment sur la relation entre exode rural et pratique de l’agriculture périurbaine au Gabon, notamment à Libreville, dans les termes suivants :

64 Cette rémunération est issue de la vente de produits agricoles effectuée par les jeunes vacanciers, par les

parents ou les grands parents.

70 « L’extraordinaire croissance urbaine enregistrée au cours du 20ème siècle partout dans le monde, et plus particulièrement dans les pays en développement, ainsi que l’explosion démographique qui a suivi, ont fini par vider les campagnes de leurs habitants. L’opposition ville-campagne s’est accentuée non seulement au plan démographique (les villes gabonaise regoupent actuellement près de 75 % de la population du pays, avec 50 % pour la capitale seule !), mais aussi et surtout du point de vue économique où la campagne n’arrive plus à jouer le rôle traditionnel qui leur est assigné. Il est même de notoriété publique que rester aujourd’hui dans la campagne c’est s’exclure volontairement du progrès en cours dans le pays. La ville est désormais appelée à remplir à la fois sa fonction urbaine et celle abandonnée par le monde rural : pourvoir aux besoins alimentaires des populations. Les aires péri urbaines sont devenues un espace d’agriculture marchande ».

En milieu rural, l’agriculture continue à rythmer la vie des villageois même si la modernité s’y installe progressivement (« maison en dur »66, télévision, téléphone, etc.). Chaque famille possède au moins deux plantations. Tous les jours de la semaine, sauf à quelques exceptions près67, sont consacrés à l’activité agricole.

Malgré la forte urbanisation du pays, la population gabonaise demeure, de par la pratique importante de cette activité dans la vie sociale, une population à forte culture rurale. L’importante concentration de la population en ville, essentiellement causée par l’exode rural68, n’a pas forcément fait d’elle une population aux activités typiquement urbaines dans leur totalité. En règle générale, ce sont les activités modernes (commerce, service, etc.) qui caractérisent le milieu urbain. Au Gabon, les activités rurales se juxtaposent à elles pour constituer une pluriactivité. De par sa pratique d’activités autant urbaines et que rurales, la population urbaine du Gabon peut être qualifiée de ‘‘population urbaine-rurale’’69.

Si les activités exercées sont des caractéristiques importantes pour distinguer les populations urbaines des populations rurales, le cas du Gabon nous interpelle par rapport à la pratique de l’agriculture par ces deux catégories d’individus. Il sollicite aussi un intérêt

66 Jargon local pour désigner une maison en beton ou en ciment, par opposition à la maison en bois dite

« maison en planches ».

67 Pour des raisons de maladies, de décès, de réligion (pas de travaux champêtres le jeudi et/ou le dimanche

pour les chrétiens, le vendredi pour les musulmans), etc.

68 La forte concentration de la population est surtout liée à l’exode rural, à l’immigration (représentant 15,2 %

de la population selon le RGPH de 1993, les immigrés s’installent prioritaieremnt en milieu urbain) qu’au seuil de renouvellement des générations c’est-à-dire au nombre moyen d’enfants par femme, ici à 50 ans. Ce dernier est en constante diminution. Il était de 4,3 en 2000 (DGSEE, 2000) contre 5,2 en 1993 (RGPH, 1993).

69 À ne pas confondre avec la population rurbaine ou les rurbains, c’est -à-dire les citadins qui vivent à la

71 sur la distinction entre ville et village, entre l’urbain et le rural. Le rural (la personne) est l’habitant de la campagne (ou du village70) et l’urbain (la personne) celui de la ville. Il est difficile de donner une définition de la ville et du village qui soit propre au contexte gabonais. Tel que le dit M’Boutsou (2006)71 « la ville au Gabon n’échappe pas au flou sémantique qui lui est généralement reconnu. La multiplicité des critères de définition retenus, le caractère multiforme de beaucoup d’entre elles (les villes) ainsi que l’extension progressive de leurs fonctions rendent encore plus complexe toute tentative de délimitation des contours réels dudit concept. Pourtant, et cela quelle que soit la dimension forte des éléments qui précèdent, la ville signifie bien quelque chose de géographiquement distintc de toute autre entité telle que la campagne par exemple. C’est justement dans ce souci de clarté que nous nous sommes autorisés à retenir la définition du dictionnaire de géographie selon laquelle « la ville désigne tout espace urbain par opposition à l’espace rural qui l’entoure » (…) « la ville peut également être définie en tenant compte de ses caractéristiques démographiques72, morphologiques, ses fonctions et son rôle économique et social » (Brunet et Ferras, 1997) ».

Le village est l’opposé de la ville. Il « est parfois assimilé au finage, c'est-à-dire fondamentalement, à une unité humaine et à son espace de souveraineté et de production, généralement avec un composant agricole » (Lévy et Lussault, 2003). La ville peut aussi être définie comme une agglomération d’immeubles et de personnes (Brunet et al., 1993), et le village un ensemble de cases et de personnes. Si la dinstinction entre la ville et le village est claire sur le plan struturel, elle ne l’est pas pour autant pour la pratique de l’agriculture. C’est le temps consacré à cette activité qui permet de différencier socialement les ruraux des urbains. Parce qu’ils vivent fondamentalement du commerce et des services (Brunet et al., 1993), l’agriculture est pour les citadins une activité irrégulière. A l’inverse, pour les populations villageoises, l’agriculture est une activité permanente.

L’agriculture est certes l’une des grandes absentes des piliers de l’économie, elle est cependant une activité supplémentaire qui participe à la pluri-activé des populations urbaines. Elle est par ailleurs un secteur considérable de l’économie informelle par le biais de la vente des produits agricoles, le transport et tout autre secteur lié à son organisation et son développement. Parmi les quatres composantes de l’agriculture gabonaise, deux font

70 Dans ce cas, l’habitant peut être appelé villageois. 71 In Djéki et Lagarec (2006).

72 Pour Brunet et al. (1993), en France, la ville est une commune de plus de 2000 habitants. Ils rappellent

toutefois que ce critère est aléatoire lorsqu’ils définissent la population rurale : « qui vit dans des communes de moins de 2000 habitants, ce qui n’a pas toujours beaucoup de sens ».

72 l’objet d’une exportation. L’agriculture traditionnelle73 et l’agriculture péri-urbaine74 sont destinées à une consommation locale. Elles sont respectivement pratiquées par les ruraux et les urbains en milieu rural pour l’une ; par les urbains en périphérie des villes pour l’autre. La crise économique des années 1980 a contribué à leur accroissement. Les cultures paysannes d’exportation, représentées par le cacao et le café, sont totalement exportées. Elles sont en nette diminution principalement à cause du vieillissement des plantations, du désintéressement des jeunes, et de la fermeture de la SOCAGAB75 qui assurait l’encadrement technique. Quant à l’agro-indutrie76, une partie est consommée localement, l’autre est exportée vers l’Afrique et l’Europe.

A cause de la faible envergure de l’agro-industrie, le Gabon importe l’essentiel des produits alimentaires : volaille, riz, pomme de terre, etc. Ils font partie des principaux produits importés par le Gabon : ils représentent 18 % (Ben Yahmed et al., 2004).

Figure 6 : Part (%) des produits alimentaires parmi les produits importés au Gabon

Source : Pourtier et al., 2004.

73 Banane plantain, Tubercules (manioc, taro, igname et patate douce), maîs, arachide, etc. 74 Maraîchage et autres cultures vivrières marchandes.

75 Société de Café et de Cacao Gabonais. 76 Palmier à huile, sucre et hévéa.

37%

25% 18%

14%

6% Biens d'équipements, Transport

Autres produits manufacturés Produits alimentaitres

Biens de consommation

73 Tableau 16 : Evolution de la production vivrière de 1960 à 2000

Produits 1960 1980 2000 Manioc 165 000 122 000 228 000 Banane plantain 80 000 80 000 270 000 Taro-Igname-Patate douce 44 000 68 000 60 000 Maïs * * 25 000 Arachide * * 19 000

Source : Direction Générale de l’Agriculture. In Pourtier et al., 2004. * absence de données.

Tableau 17 : Evolution de la production et de l’exportation de cacao de 1984 à 2002 Activités Campagne 1984/85 Campagne 1988/89 Campagne 2001/02

Production / tonnes 1 569 1 887 416

Exportations/tonnes 1 520 1 911 432

Prix moyen d’achat/F CFA/kg

355 370 524

Source : Direction Générale de l’Agriculture. In Pourtier et al., 2004.

En définitive, le pétrole et le bois demeurent depuis des décennies la base de l’économie gabonaise. Leur caractère épuisable et la dépendance aux cours mondiaux ne semblent pas avoir imposé une diversification des leviers économiques. Sans doute viendra t-elle- d’un nouveau regard à l’endroit de la conservation de la nature, d’autant plus que la nouvelle conception est censée permettre le de développement durable.

Avant d’aborder l’impact de la conservation sur le développement via les parcs nationaux, un aperçu historique des formes de mise en réserve de la nature au Gabon est nécessaire.

74 Carte 6 : Répartition des activités économiques au Gabon

75 Section 3 - L’histoire des aires protégées au Gabon

Pour comprendre le contexte de la création des parcs nationaux au Gabon, il est nécessaire de faire une rétrospective de celle des aires protégées du pays. Nous avons choisi de la subdiviser en trois périodes bien distinctes. La première correspond à la période coloniale, particulièrement de 1934, année de la création de la première aire protégée, au 17 août 1960, date de l’accession du Gabon à la souveraineté internationale. La deuxième période postcoloniale va de 1960 à 2002. La troisième, que nous avons appelée l’ère des parcs nationaux, s’étend de 2002, année de la création des 13 parcs nationaux actuels, à nos jours.

3.1. La période coloniale, début de l’institutionnalisation de la protection de la