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3,98% de la superficie du territoire national

Section 2 Véhiculé du Nord au Sud

2.2. La création des aires protégées en Afrique subsaharienne

2.2.2. En Afrique subsaharienne francophone

En Afrique centrale et occidentale, que l’administration coloniale française désignait Afrique Equatoriale Française (AEF) et Afrique de l’Ouest Française (A0F), les premières aires protégées créées en 1920 furent des réserves de chasse. Contrairement à l’Afrique australe et orientale, ces réserves étaient dotées dès le début d’une législation nationale. Les les droits de chasse y étaient cependant aussi réservés aux ‘‘colons’’. Pendant les années 1930, les parcs nationaux et les réserves de faune, dont la juridiction s’opposait à toute forme d’exploitation, ont succédé aux réserves de chasse. Dans ces dernières, les droits de chasse réservés aux colons blancs s’appliqueront seulement à la périphérie. Ces droits vont s’exercer à partir des années 1950 sur de nouvelles concessions appelées, selon les pays, blocs de chasse, secteurs de chasse, domaine de chasse ou zones d’intérêts cynégétiques. Au Gabon, ce sera le domaine de chasse, à l’exemple du domaine de chasse de Ndendé créé en 1956. Quelques années plus tard, aux parcs nationaux et aux réserves de faune, viendront se joindre les aires d’exploitation réglementée de la flore. C’est essentiellement l’exploitation des ressources forestières à des fins économiques qui a suscité la création d’aires protégées sous la forme de forêts classées dans les années 1950. Leur position est étroitement liée à leur accessibilité. Elles seront ainsi situées le long des axes routiers, ferroviaires ou à proximité des villes. A titre d’exemple, la forêt classée de la Mondah au Gabon, créée en 1951, se trouve sur l’axe routier Libreville-Cap-Esterias107.

En Afrique de l’Ouest, le Gouvernement Général de l’Afrique Occidentale Française prévoyait en 1933 « comme moyen efficace d’empêcher une trop grande déforestation du pays, de créer un vaste domaine des terres boisées vacantes et sans maître, bien constitué en droit, définitivement assis en superficie et spécialement protégée » (Schnell, 1976)108. La réglementation de la chasse est décrétée en 1935 et le principe de création de parcs de refuge pour les espèces animales se constitue. Le code forestier de 1935 légalise en effet les pratiques du classement des forêts commencées bien avant cette année. En Côte-d’Ivoire, le classement s’effectue de 1925 aux années 1950. Ainsi, en 1951, 213 forêts classées

107 Le Cap-Esterias se trouve au nord de Libreville, la capitale du Gabon et important pôle administratif de

l’AEF.

120 couvrent un quart de la zone forestière de l’AOF ; quatre réserves intégrales qui seront créées pendant la période de l’entre-deux-guerres mondiale. Entre 1952-1953, la réserve totale de faune du W fut classée. En en 1954 elle devient le parc national du W. Il s’étend sur le Bénin, le Burkina-Faso et le Niger.

La réglementation de la chasse et la création de parcs de refuge pour les espèces animales gagneront également l’Afrique Equatoriale Française dans les années 1930-1950. En 1953, lors de l’Assemblée de l’Union française, s’affirme la prééminence de l’aménagement agronomique des pays tropicaux. Des mesures seront prises pour protéger les forêts et la couverture végétale spontanée du sol, et procéder à l’aménagement agronomique des territoires d’Outre-mer.

A côté de l’AOF et de l’AEF, le Congo Belge109 est souvent cité en exemple quant aux origines des aires protégées en Afrique centrale. La première réserve forestière de ce pays et de la région, le Sankurukasai a été créée en 1910 (Kendrick, 1989)110.

En 1933, la réunion de Londres sur la Convention pour la protection de la faune et de la flore en Afrique consacre la conservation de la nature et promeut une idéologie propre à toutes les colonies africaines. Les possessions françaises passent ainsi d’une stratégie d’exploitation à une stratégie de protection de forêts, ce qui conduit à la création de réserves totales de faune et un peu plus tard à celle de parcs nationaux. Près de la moitié des aires protégées de l’Afrique subsaharienne, soit 42,5 % (Rodary et al., 2003), a été créée avant 1960, années des indépendances dans la plupart des anciennes colonies. Le reste a été mis en place par les nouveaux Etats indépendants.

En Afrique centrale, dans les années 1970, à la suite des parcs nationaux qui étaient alors principalement centrés sur les savanes et leur grande faune, les aires protégées de forêt voient le jour avec la création du parc national de la Salonga (en RDC, ex Zaïre et ex Congo belge). Dans la décennie 1980, l’augmentation de l’exploitation forestière entraine la création massive des aires protégées de forêt (CARPE et PFBC, 2006).

109 Ancien nom de l’ex Zaïre, actuelle République Démocratique du Congo. 110 Cité par Guillaumet et Morat In Cahiers d’Outre Mer, 1990.

Figure 13 : Evolution des aires protégées et de leurs usages pendant la colonisation en Afrique subsaharienne francophone (AOF et AEF)

Réalisation : Chiberth Aulaire MOUSSAVOU Sources : Guillaumet et Morat In Cahiers d’Outre Mer, 1990 / Obiang Ebanega, 2004.

Dans les années 1920

- Début de création des premières aires protégées : réserves de chasse.

- Législation nationale (contrairement aux colonies britanniques) mais droits cynégétiques (privilège) réservés à l’élite coloniale blanche.

Dans les années 1930

- Les réserves de chasse laissent place aux parcs nationaux et réserves de faune. - Interdiction de toute forme d’exploitation.

- Droits de chasse réservés aux colons applicables seulement à la périphérie de ces aires protégées.

A partir des années 1950

- Création de nouvelles concessions de chasse. Selon les pays, elles sont appelées blocs de chasse, secteurs de chasse ou zone d’intérêt cynégétique + Droits de chasse de nouveau applicables dans ces nouvelles aires protégées pour les colons.

- Explosion des forêts classées. Elle est liée à l’augmentation de l’exploitation économique des ressources forestières.

122 Conclusion du chapitre 2

Il existe actuellement dans le monde plus de 100 000 aires protégées (UICN, 2003) dont une grande partie se trouve dans les pays en voie de développement (PVD). Ces derniers possèdent au début du XXIème siècle environ 850 millions d’hectares en aires protégées (Rodary et al., 2003). Dans le début des années 2000, les espaces protégés englobaient 2 074 276 km² sur les 23 007 543 km² du territoire africain, soit environ 9 % de la surface dudit continent (Rodary et al., 2003). Ce taux se rapprochait déjà des objectifs mondiaux de conservation de la biodiversité qui ont été établi lors du congrès de Caracas (1992). Celui-ci recommande que 10 % de chacun des biomes du globe soit intégré dans un réseau d’aires protégées.

Tableau 25 : Les aires protégées dans les pays en voie de développement111

Région Nombre d’aires protégées

Superficie du continent (km²)

Sup. des aires protégées (km²) % de surface protégée Afrique 1 254 23 007 543 2 074 276 9,0 Caraïbes 409 511 602 104 995 20,5 Pacifique 69 529 973 11 108 2,1 Asie 2 247 8 841 019 732 239 8,3 Amérique Latine 1 883 19 048 900 2 039 991 10,7 Total 5 862 51 939 037 4 962 609 50,6

Source : Davies in Rodary et al., 2003.

Depuis lors, le nombre d’espaces protégés n’a cessé d’évoluer sur le continent africain. Dans la seconde moitié de la décennie 2000, il en comptabilisait 5 897 répartis sur 3 041 052 km² soit sur 10,04 % de son territoire (Rodary et Aubertin, 2008), atteignant ainsi la recommandation de la communauté internationale. Même si son effectif et son taux de couverture en aires protégées sont inférieurs à ceux des autres continents, la superficie que l’Afrique consacre à la conservation la positionne parmi les plus actifs. Elle est au 4ème rang après l’Asie (4 155 537), l’Amérique du Nord (3 876 180) et l’Amérique du Sud (3 827 243).

123 Tableau 26 : Les aires protégées par continent

Continent Nombre Surface (en Km²) % du continent

Amérique du Nord 11 669 3 876 180 17,79 Afrique 5 897 3 041 052 10,04 Amérique du Sud 3 904 3 827 243 18,82 Asie 8 273 4 155 537 11,31 Océanie 10 171 1 894 610 21,18 Europe 57 493 1 296 395 12,47 Moyen-Orient 786 1 158 365 16,38 Total 98 193 19 249 382

Source : Rodary et Milan (2008). In Rodary et Aubertin, 2008.

La conservation de la nature occupe aujourd’hui une place importante dans les politiques publiques nationales et internationales. De nombreux enjeux expliquent l’intérêt accordé aux aires protégées, particulièrment les parcs nationaux qui constituent la catégorie la plus présente au Gabon.

124 CHAPITRE 3 : LES ENJEUX GLOBAUX ET LOCAUX DES PARCS NATIONAUX GABONAIS

Dans la loi N° 016101 de 2001 portant code forestier, le parc national était défini comme : « une portion du territoire où la flore, la faune, les sites géomorphologiques, historiques et d'autres formes de paysages jouissent d'une protection spéciale et à l'intérieur de laquelle le tourisme est organisé et réglementé ». Contrairement à la loi N° 003/2007 sur les parcs nationaux, la définition de 2001 ne prenait en compte que les dimensions écologiques et économiques. La dimension sociale, qui intègre les communautés locales, était totalement absente alors même que les notions de gestion intégrée et de développement durable étaient déjà à l’ordre du jour dans les politiques internationales de la protection. La loi N° 003/2007 les a intégrée, rapprochant ainsi les fonctions du parc national des trois piliers du développement durable et par conséquent de la définition de l’UICN (1994). La récente définition du parc national (2007) est plus en accord avec l’UICN par la considération des intérêts socioéconomiques des communautés locales, un aspect mis en avant par les adeptes de la protection depuis le sommet de Rio (1992).

C’est en nous fondant sur la définition d’un parc national (UICN, 1994 et loi de 2007), traductrice des fonctions qui lui sont assignées, que nous allons aborder les enjeux des parcs nationaux gabonais aussi bien à l’échelle internationale, régionale, nationale que locale. Il s’agit des enjeux écologiques, scientifiques, économiques, sociaux, politiques et financiers.