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Le patrimoine : un succès international

4. L’utilisation croissante du terme de patrimoine est un symptôme de cette modification de

4.2. Le patrimoine : un succès international

L’utilisation élargie de la notion de « patrimoine » est-elle franco-française ? Il semble qu’il y ait une spécificité française dans l’utilisation de ce mot, tant il a envahi la législation pour décrire les éléments indispensableS à la vie de la Nation : l’eau, le territoire, l’environnement… Cependant, l’article 3 de la constitution espagnole reconnaît que « les différentes modalités linguistiques de l’Espagne sont un « patrimoine culturel » (cité par Alain VIAUT, 1996, p208). De même, des éléments montrent qu’en anglais, le mot évolue aussi dans une acception plus large.

4.2.1. La traduction de la notion de « patrimoine » en anglais

En anglais, le terme de “patrimoine” a plusieurs traductions. Dans un sens purement financier (les actifs d’une personne morale), il peut être traduit par « assets » voire « property », un terme plus vague, « wealth », se rapproche du français « richesse ». Quand il s’agit de traduire le terme de « patrimoine de l’humanité », qu’il soit culturel ou naturel, le terme de « heritage » est le plus souvent retenu. L’emploi d’« heritage » en anglais n’est pas aussi étendu et systématique qu’en français. Par exemple, « patrimoine génétique » se traduit « genotype ». De plus, le mot « inheritance », l’acte d’hériter, lui est parfois préféré, terme qui met encore plus l’accent sur le fait que ce sont des éléments hérités des générations précédentes. Dans les dictionnaires anglais, le terme de « patrimony » recouvre uniquement la notion française d’héritage. Cependant, il semble aussi que de plus en plus d’auteurs choisissent de traduire « patrimoine » dans son sens le plus large par « patrimony » : « natural patrimony » (voir par exemple : FAIRHEAD et LEACH, 2002), « cultural patrimony »5

Au niveau international, ces concepts font débat, le terme de « common concern » pourrait par exemple être préféré à celui de « common heritage », comme le souligne Edith BROWN WEISS (1992) :

“The concept of the “common concern of mankind” was the subject of reference in United Nations General Assembly Resolution No. 43-53 of December 1988. […] The concept possesses a social dimension as well as a temporal dimension and is considered relevant to other sectors of international environmental law, including the conservation of biological diversity. The UNEP Group of Legal Experts, which was constituted to examine the implications of that concept, at its meeting in December 1990 in Malta, expressed the view that the concept of "common concern of mankind" is a more suitable and neutral concept in dealing with planetary resources than the

earlier concept of "common heritage of mankind," in that proprietary considerations were excluded […]. The ingredients constituting the concept of "common concern of mankind" lay in "involvement of all countries, all societies, and all classes of people within countries and societies, long-term temporal dimension, encompassing present as well as future generations, and some sort of sharing of burdens of environmental protection." As will be apparent from this, the concept has been considered to possess several advantages, in that the word "mankind" implies a link with the human rights framework and with the long-term temporal dimension, including the inclusion of future generations; the word "concern" emphasizes the preventive character of environmental protection as well as the consequential effects or responses called for; the word "common" implies in international law the same sense as "public order" in municipal law, all of them making the notion of "common concern" akin to the related concepts of "obligations erga omnes," "jus

cogens," "common heritage," and "global commons."”

4.2.2. Le terme « common heritage » est utilisé en Europe et dans les accords

internationaux

D’ors et déjà, le terme de « common heritage » couvre au niveau international un ensemble d’éléments matériels et immatérielS très large.

Au niveau européen, le terme de « patrimoine commun », traduit en « common heritage » en anglais est aujourd’hui utilisé dans le domaine culturel au sens le plus large du terme, dès le milieu du XXème siècle comme le prouve le préambule de la Convention culturelle européenne (1955) : « Le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union plus étroite

entre ses membres, afin notamment de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun [common heritage]. »6.

L’accord du 18 décembre 1979, « régissant les activités des Etats sur la Lune et les autres

corps célestes », stipule dans son article 11 que « la Lune et ses ressources naturelles

constituent le patrimoine commun de l’Humanité ». La version anglaise utilise le terme d’« heritage » : “The moon and its natural resources are the common heritage of mankind”. Cet accord a été conçu au départ pour reconnaître un principe de non appropriation des corps célestes autres que la Terre et assurer sur une base équitable une exploitation ordonnée et sans risque des ressources naturelles de la Lune.

L’utilisation des termes de « patrimoine » en français et de « heritage » en anglais, semble donc évoluer en droit international, comme dans la législation française, du champ culturel et

naturel vers un champ plus large qui touche en fait ce que les Etats s’accordent à considérer comme des éléments d’intérêt planétaire à gérer comme tel. En effet, après l’accord sur la Lune, un autre accord international a utilisé les mêmes termes de « patrimoine commun de l’Humanité » (« common heritage of the mankind ») : l’accord relatif à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.7

La notion de « common heritage » n’est pas utilisée systématiquement en droit international pour des éléments qui, cependant, semblent relever de la même logique de protection. Par exemple, l’Antarctique, malgré un arsenal juridique très fourni (Traité sur l’Antarctique, Washington, 1959 ; Convention de Londres pour la protection des phoques de l'Antarctique, Londres, 1972 ; Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique, Cambera, 1980 ; Protocole de Madrid, 1991) n’a jamais été déclaré comme « common heritage ». Le cas de l’Antarctique a plutôt été envisagé sous deux aspects : les ressources qu’il contient et la protection de l’environnement (en particulier la faune et la flore). L’Antarctique fait d’ailleurs l’objet d’un débat dans les instances internationales sur le fait qu’il soit classé « patrimoine commun de l’Humanité » ou non (SAVINI, 1987).

Si le terme « heritage » semble donc s’imposer pour la traduction de « patrimoine » dans le sens du « patrimoine mondial de l’Humanité », le terme de « patrimony », traduction la plus proche phonétiquement de l’utilisation française semble aussi devoir se développer. Quoi qu’il en soit, ces deux termes, « heritage » et « patrimony », connaissent tous les deux, peu à peu, un élargissement de leur sens initial, comme le mot patrimoine en français.

4.3. Derrière le succès du mot, un problème et/ou un projet patrimoniaux

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