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Le « patrimoine naturel » comme catégorie à étudier et protéger

2. Le patrimoine culturel

3.2. Le « patrimoine naturel » comme catégorie à étudier et protéger

L’UNESCO et l’UICN, rédigèrent des projets parallèles de conventions fondés sur le concept de patrimoine mondial (« world heritage »), le premier dans la perspective de la protection des biens culturels (voir paragraphe 2), le second dans celle des biens naturels et culturels, le tout pour la Conférence des Nations Unies de 1972. Un compromis fut trouvé et, le 16 novembre 1972, la Conférence générale de l’UNESCO adoptait à Paris la Convention pour la protection du patrimoine culturel et naturel mondial.20.

La convention définit le champ du « patrimoine », en distinguant le « patrimoine culturel » (article 1) du « patrimoine naturel » (article 2). Ces définitions relèvent de la même conception d’une politique « patrimoniale » que celle de la protection des monuments historiques telle qu’elle a été développée depuis 1830 en France : elles reprennent la notion de « monument » et y ajoutent celle de « valeur universelle ». Le préambule de la Convention précise le mode d’action adopté : « il incombe à la collectivité internationale toute entière de

participer à la protection du patrimoine culturel et naturel de valeur universelle exceptionnelle, par l’octroi d’une assistance collective ». Pour ses auteurs, il est possible de décrire un « patrimoine universel » et de créer un système de protection au nom d’une collectivité de dimension internationale, ainsi que le rappelle l’un de ses inspirateurs :

« C’est un concept simple et pourtant révolutionnaire : il existe, dans le monde entier, des régions naturelles et culturelles tellement uniques qu’elles font véritablement partie du patrimoine, non seulement de telle ou telle nation, mais de l’humanité entière. […] C’est une idée qui exprime avec éloquence, à travers une action internationale coopérative, la vérité selon laquelle la terre est réellement le foyer de l’homme et nous appartient à tous. » Russell TRAIN, dans le « manifeste » publié en 1972 par la Sierra Club, Action for

Wilderness21.

Grâce à cette Convention, les instances internationales ont défini des règles de fonctionnement, monté des partenariats et engagées des actions sur les cinq continents visant à préserver des sites naturels, culturels et historiques (voir AUDRERIE et al., 1998).

3.2.2. Au niveau français, un inventaire du « patrimoine naturel »

La protection du « patrimoine naturel » au niveau international est relayée au niveau français par des associations de protection de la nature et des chercheurs. Jean-Claude LEFEUVRE (1990, p53) explique que la notion de « patrimoine naturel » doit être objectivée, recouvrir des catégories bien identifiées, pour être reconnue au niveau scientifique et se différencier d’une utilisation politique du mot :

« Paradoxalement, ce terme apparaît comme un stimulant, un outil pédagogique non négligeable apportant un second souffle aux politiques de protection de la nature, et s’avère à la fois critiqué de la part de ceux qui veulent créer une véritable technologie de la conservation de la nature. En réalité, une partie de cette apparente contradiction résulte d’une confusion entre une démarche politique et une approche scientifique ou technique. Si l’on peut, au plan politique, parler de gestion du patrimoine naturel, le scientifique, par contre, a besoin d’identifier des objets, de la manipuler, d’expérimenter : il gère des espèces et des espaces, il gère l’eau comme milieu et comme ressource, non pas dans l’abstrait mais sur la base de connaissances scientifiques rigoureuses ».

Cette conception du « patrimoine naturel » a débouché en France sur « l’inventaire national du patrimoine naturel », géré par le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN). Sur le site de l’Inventaire national, le patrimoine naturel est défini :

« Le patrimoine naturel comprend les richesses écologiques, faunistiques, floristiques, géologiques, minéralogiques et paléontologiques de la France (territoire naturel terrestre, fluvial et marin, en métropole et dans les départements et territoires d’outre-mer). »

3.2.3. Des pratiques associatives et institutionnelles se développent pour la

protection du patrimoine naturel

La protection du patrimoine naturel a donné naissance à de multiples pratiques techniques et scientifiques dans des zones spécifiques où la protection est plus où moins affirmée et qui peuvent se chevaucher : zone naturelle d’intérêt faunistique et floristique, réserves naturelles, parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réseau Natura 2000... Au niveau international, la protection du patrimoine mondial obéit à la même logique. Les associations de protection de la nature et les scientifiques développent des pratiques, des outils techniques et scientifiques pour gérer ces milieux et ces espèces, souvent dans un cadre institutionnel. Peu à peu, la prise en charge du patrimoine naturel a évolué, les outils ont changé. La protection de la nature extraordinaire dans un espace où l’homme n’intervient pas n’est plus la seule référence, le seul enjeu. Des modalités nouvelles sont testées pour gérer ce patrimoine dans des milieux

dégradé ou tout simplement « ordinaires », des milieux où l’action de l’homme est indispensable pour favoriser la biodiversité, en particulier les milieux agricoles22. La gestion

de l’eau comme un « patrimoine naturel » a, tout particulièrement, modifié les pratiques institutionnelles : création des Agences de l’eau par grands bassins versants, puis décentralisation de la gestion de l’eau par territoire et sous-bassins versants, promotion de la concertation entre les acteurs de l’eau au niveau européen, passage de la « gestion des rivières » à la « gestion des milieux aquatiques »…

3.2.4. Peu à peu, le mot « biodiversité » remplace l’expression « patrimoine

naturel » dans son acception scientifique

Une conception scientifique et administrative du patrimoine naturel, détaché de son caractère « politique », comme l’écrit Jean-Claude LEFEUVRE débouche sur une recherche, un recensement et des pratiques de protection mais éloigne peu à peu le mot de l’attachement auquel nous faisions référence au début de cette thèse. Les caractéristiques de la faune et de la flore sont mises en avant, leur caractère exceptionnel comme argument de protection diminue peu à peu au profit de la diversité du vivant. C’est pourquoi, le terme même de « patrimoine naturel » semble, de plus en plus, être supplanté par celui de biodiversité, mot littéralement inventé à partir d’une racine grecque et d’une racine latine à la fin des années 1980. La convention pour la diversité biologique (1992) la définit comme suit : « la variabilité des

êtres vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela comprend la diversité au sein des espèces, ainsi que celle des écosystèmes » (art. 2).

3.3. L’utilisation du terme « patrimoine naturel » continue d’interroger les

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