• Aucun résultat trouvé

La patience et la résolution

Dans le document MOHAMMAD. Un Prophète pour l humanité (Page 125-132)

La troisième partie de la mission du Prophète, mentionnée au début de chapitre, était la patience ferme face aux épreuves rencontrées sur la voie du Dieu. Le mot arabe pour patience est "sabr". Un des mots dérivés de la même racine est "sabbara", qui signifie "un terrain dur et stérile", qui n'accepte aucune semence. Il en est de même d'une personne patiente : quelqu'un qui ne laisse pas les évènements l'affecter, qui ne perd jamais courage et qui poursuit son objectif avec une résolution implacable. Les gens courageux sont aussi appelés

"sabûr", car ils ne se courbent pas devant la pression ; ils résistent fermement sans transiger, aussi défavorables que soient les circonstances.

La patience est la vertu la plus noble de celui qui a pris l'islam pour cause.

Quand l'islam est devenu une partie vitale de notre vie, il nous imprègne d'un esprit immortel qui nous permet "de ne jamais perdre courage à cause de ce qui peut nous arriver sur la voie de Dieu", de ne jamais faiblir ou reculer misérablement62 Croire en Dieu, c'est s'en remettre à lui totalement et celui qui place sa confiance en Dieu possède une force extraordinaire: rien ne peut affaiblir sa résolution.

62 Coran 3/146

126

Sans patience, les prédicateurs de la parole de Dieu ne peuvent pas continuer leur travail très longtemps. Quand ils se lancent dans leur mission, ils se trouvent seuls en compagnie d'étrangers. Ils sont liés par les commandements de Dieu alors que d'autres se sentent libres d'agir comme bon leur semble. Tout ce qu'ils font est adapté pour la réussite et le salut dans l'autre monde tandis que toutes les avenues menant à la réussite matérielle sont ouvertes à leurs adversaires. Tous leurs efforts sont concentrés sur des fins spirituelles tandis que la compétence politique et économique des autres les rend forts aux yeux des hommes. Ils maintiennent des règles éthiques strictes alors que les actions des autres sont libres de toutes restrictions. Les prédicateurs de la Parole de Dieu peuvent facilement être affectés par de telles choses. Ils peuvent même être tentés de suivre la foule exaspérante et abandonner leur tâche. Ils peuvent même en arriver à penser que ce qu'ils font est si inefficace qu'ils feraient tout aussi bien d'éviter de le faire. C'est là que le "Sabr" vient à leur secours, les empêchant d'abandonner seulement parce que leurs mots ne semblent pas avoir d'effet sur les autres :

"Sois donc patient ! La promesse de Dieu s'accomplira. Que ceux qui ne sont pas convaincus ne t'ébranlent point !"63

Parfois la patience revêt une autre forme, celle de la résolution et de l'endurance face aux persécutions des autres. C'était la méthode adoptée par tous les Prophètes de Dieu. Ils disaient à leurs adversaires :

"Aussi sommes-nous décidés à supporter avec patience les outrages que vous nous faites subir, car ceux qui cherchent à se confier, c'est en Dieu qu'ils doivent placer leur confiance."64

63 Coran 30/60

64 Coran 14/12

127

Les difficultés qui assaillent les prédicateurs de la parole de Dieu font en fait partie intégrante de leur mission. Ceux auxquels ils s'adressent sont obligés de montrer une certaine réaction à leurs paroles et parfois même par la violence et l'intolérance. S'ils commencent à se plaindre du traitement infligé par les autres, le sérieux même de leurs efforts pour les amener à la vraie foi est mis en doute. Ceux qui œuvrent vraiment pour la cause de Dieu ne seront plus affectés par la réaction des autres par rapport à leurs actions. Les épreuves que nous rencontrons quand nous cherchons à satisfaire Dieu sont donc un véritable test pour notre sincérité, nous ne pouvons espérer que nos paroles produisent leur effet sur les autres.

Les personnes qui doivent faire face à des attaques ennemies prennent généralement leurs propres mesures de vengeance ; les gens sont généralement habitués à se venger quand ils subissent un mauvais traitement de la part des autres. "Sabr", la patience, d'un autre côté, signifie supporter patiemment tout ce que l'ennemi vous inflige. Par exemple, si des musulmans dans un pays donné se trouvent être des victimes sur le plan économique par rapport à leurs compatriotes non musulmans, la patience ne consistera pas à exiger une égalité de traitement, mais plutôt à faire des efforts supplémentaires sur soi-même pour exceller sur les autres. Les préjugés ne peuvent avoir qu'un effet contraire quand des gens avec la même compétence sont en concurrence pour un seul poste. Si, cependant, l'un des candidats surpasse clairement les autres par sa conséquence, alors tous les préjugés ne pourront lui refuser sa place de droit.

Quand les musulmans étaient économiquement isolés à la Mecque à l'époque du Prophète, certains d'entre eux partirent en Abyssinie, consolidant ainsi leur propre position. Les gens de la Mecque avaient rendu impossible aux partisans du Prophète la poursuite de leurs affaires. Des musulmans partirent

128

alors dans un pays limitrophe pour y poursuivre leurs activités économiques. Ils étaient si travailleurs et si honnêtes dans leurs échanges commerciaux que le Négus, le roi d'Abyssinie, déclara que quiconque léserait un musulman aurait à payer une compensation de huit dirhams. Ceci n'était qu'un des moyens par lequel Dieu aida les musulmans à se réinstaller, étant donné la patience dont ils avaient fait preuve face aux persécutions des autres.

La patience peut sembler être une vertu négative mais en ce qui concerne ses résultats, ils sont toujours très positifs. Dès qu'on prend conscience de la valeur de la patience (sabr), on ne prend pas d'immédiates mesures de vengeance contre ses oppresseurs : on considère plutôt l'avenir et on met en marche une série d'évènements sont exacerbés quand on a été lésé. Si nous répondons immédiatement, il est possible que nous ne considérions pas de façon rationnelle l'attitude à adopter ; il est même probable que nous réagissions par rapport aux émotions du moment. La patience, au contraire, nous amène à considérer, de manière rationnelle et objective, toutes les possibilités qui nous sont offertes et d'analyser la nature de la situation à laquelle nous avons à faire face. Nous sommes alors en position de poursuivre une politique saine et sensée.

L'impatience déclenche une action immédiate pour contenir la partie adverse alors que la patience nous amène à attendre que les lois éternelles de la nature décrétées par Dieu se mettent en marche pour contrer nos adversaires.

Quand nous combattons un ennemi avec impatience, nous sommes poussés par des motifs superficiels et des sentiments vils. Nous sommes forcés de faire des fautes et des erreurs de jugement qui ne peuvent que nous affaiblir.

Mais quand on est patient, au contraire, une force divine- une intelligence- naît en nous. Notre intellect devient une source extraordinaire de force. Il peut voir à l'avenir. L'intelligence nous libère des impulsions négatives et nous permet de

129

réfléchir à un niveau supérieur, à pénétrer dans les profondeurs mêmes de la situation.

L'émigration de La Mecque vers Médine est un exemple de la patience du Prophète. Quand les Quraychites décidèrent d'assassiner le Prophète, ce dernier n'eut plus alors que deux choix devant lui : soit il pouvait tirer l'épée pour se défendre, soit il pouvait quitter la Mecque pour une cité plus sûre. Le Prophète opta pour la deuxième solution. Il considéra la situation sereinement et choisit d'aller à Médine où il serait capable de poursuivre la même tâche dans un endroit différent. D'après Aïcha, le Prophète venait leur rendre visite quotidiennement les quelques jours précédant l'émigration. Il consultait Abû Bakr et tous deux firent les préparatifs dans le plus grand secret, pendant six mois. Tout allait pour le mieux selon le plan prévu et finalement le Prophète partit pour Médine emmenant avec lui un guide digne de confiance. Quand on considère les résultats de l'émigration du Prophète, on peut constater sans équivoque que c'était le plus grand tournant de l'histoire islamique.

La patience nous permet de nous empêcher d'entreprendre une action et elle permet donc aux choses de suivre leur cours naturel. La nature humaine est une réalité immuable qui exerce en permanence une forte influence sur le cours de la vie humaine. Au fond de leurs cœurs, les gens ont toujours une petite place pour celui qui supporte les offenses calmement, pour celui qui refuse d'être provoqué même face à la plus grande insulte. La conscience humaine tend naturellement à favoriser l'opprimé plutôt que l'oppresseur. Les grandes occasions s'ouvrent dans la nature, à ceux qui en sont privés dans le monde des hommes ; ensuite, lorsqu’ils tiennent avec fermeté face à la persécution, ils réussissent à convaincre qu'ils étaient dans le vrai. Le boycott imposé au Prophète et à sa famille dans la septième année de la mission prophétique, en

130

était juste un exemple. Suite à cet embargo, tout le clan des Banû Hachim, à l'exception d'Abû lahab, fut assiégé dans un ravin de montagne appelé "Chib Abû Talib". La manière dont ces gens ont calmement enduré cette cruelle oppression devait nécessairement avoir un effet sur la conscience des autres. Et ce fut le cas.

En trois ans, des gens tels que Abû al-Bakhtari, Hicham ibn Amr, Zubeir ibn Ummaya, Za'ma Ibn al-awad et Mut'am Ibn Adi quittèrent les rangs ennemi, brisant ouvertement les termes du pacte qui imposaient le boycott des Banû Hachim. Le pacte s'effondra et ces derniers furent sauvés de leur terrible situation.

Le plus important dans la patience, c'est que cela vous donne droit au secours divin. Une patiente persévérance en vue d'accomplir une cause qui en vaut la peine, signifie mettre ses propres affaires entre les mains du Dieu de l'univers. Il est inconcevable que ceux qui placent leur confiance, pour une cause juste, soient délaissés.

Ce secours divin se manifeste sous plusieurs formes. L'esprit humain ne peut ni les comprendre ni les sonder. Certains de ces formes prises par le secours divin sont cependant clairement mentionnés dans le Coran. Quand les premiers musulmans rencontraient les non-musulmans sur un champ de bataille par exemple, le secours divin est venu compenser leurs ressources inférieures : le calme et la confiance pénétraient le cœur des croyants tandis que la peur avait affaibli leurs opposants :

"Ô croyants ! Souvenez-vous des bienfaits de Dieu sur vous quand vinrent sur vous vos ennemis. Nous lançâmes contre eux un vent et des combattants que vous ne pouviez voir. Dieu voyait tout ce que vous faisiez !" Coran 33/19

131

Ce verset fait référence à la bataille du fossé (en l'an 627) où Dieu envoya deux choses- le vent et une armée d'anges- pour soutenir les croyants. Il n'y a rien d'extraordinaire au vent. Il souffle partout. Mais à un moment précis, à un droit très spécial. Il a dû souffler plus fort, venant prêter main forte aux musulmans. Ceci montre que lorsque Dieu décide d'aider quelqu'un, il fait en sorte que des évènements physiques normaux prennent une certaine intensité qui assurera leur succès.

Quant à l'armée des anges, ils ne sont pas venus en brandissant leurs épées aux côtés des musulmans. Ils amenèrent un soutien psychologique plutôt que militaire. Comme à plusieurs autres occasions, ils encouragèrent les croyants et jetèrent la terreur dans le cœur des infidèles65. Ils firent en sorte que les ennemis apparaissent comme "un petit groupe" tandis que les musulmans apparaissent comme "une grande armée" aux yeux de leurs ennemis.

Pendant le règne du second Calife Umar (634-644 apr. JC), l'armée musulmane se trouvait à Qadissiya, au seuil de la Perse, sous le commandement de Sa'd Ibn Abi Waqqas ils durent y rester plus longtemps que prévu et très vitr ils furent à court de provision. Sa’d envoya alors quelques hommes chercher du bétail pour pouvoir manger. Ils rencontrèrent un Perse à qui ils demandèrent s'il y avait des chèvres ou des vaches dans les alentours. Bien que l'homme fût lui-même berger, il nia savoir s'il y avait des bêtes dans les parages. Il avait lui-même caché son propre troupeau dans une forêt voisine dense après avoir ouï-dire que l'armée musulmane était dans la région. Mais c'est alors qu'un bœuf gémit : "le berger ment. Nous sommes ici dans ce sous-bois". En entendant le gémissement, les musulmans pénètrent dans le bois, s'emparèrent de quelques bêtes et les conduisirent jusqu'à Sa'd. Quand le reste de l'armée entendit toute l'histoire, ils

65 Coran 8/12

132

en furent très heureux et ils l'interprétèrent comme un signe que l'aide de Dieu était avec eux.

Mais, comme l'écrit l'historien Ibn at-Taqtaqi, on ne doit pas penser que le bœuf a réellement dit : "Nous sommes ici" en arabe. Il a gémi comme le font tous les bœufs et le son émis permit aux musulmans de constater que le bétail était caché dans le sous-bois.

Dans le document MOHAMMAD. Un Prophète pour l humanité (Page 125-132)