• Aucun résultat trouvé

L'absence de rancœur

Dans le document MOHAMMAD. Un Prophète pour l humanité (Page 42-48)

Le Prophète avait fait la paix avec les Quraychites à Hudaybiyya (an 6H) à trois conditions: la première était que tout Mecquois qui aurait accepté l'islam et aurait voulu s'installer à Médine, serait livré aux Quraychites après signature du traité. Par contre, si un musulman médinois allait à la Mecque, les Mecquois ne le reverraient pas à Médine. A peine quelques minutes après la signature du traité, un jeune Mecquois du nom d'Abu Jandal s'échappa de la Mecque pour rejoindre les musulmans à Hudaybiyya, le corps couvert de marques de coup de fouet, la peau écorchée par les chaînes. "Délivrez-moi de mes ennemis !" cria – t-il aux musulmans. C'était un moment extrêmement sensible. Les compagnons du Prophète tirèrent leurs épées. La vue d'abu Jandal avait soulevé chez eux un tel sentiment de colère qu'ils étaient pour la plupart prêts à rompre le traité pour lui sauver la vie. Cependant, les Quraychites rappelèrent aussitôt au Prophète que c'était l'occasion de prouver qu'ils respecteraient le pacte signé entre eux.

Le Prophète décida finalement qu'il ne pouvait revenir sur les clauses qui avaient été conclues auparavant. Aussi pénible que fut la situation pour les musulmans, Abu Jandal fut rendu aux Quraychites. Le Prophète remettait aux yeux de tous une innocente victime de l'oppression entre les griffes de ses bourreaux. Mais

43

en réalité, il agissait selon un principe moral élevé. Les oppresseurs en retour étaient confus et frappés par une telle conduite morale. S'il fut facile pour les Mecquois d'emmener Abû Jandal pour l'emprisonner, cet évènement était un symbole de leur dégradation en contraste flagrant avec l'ascendant moral de l'islam. Les gens de la Mecque furent conquis par les principes élevés de l'islam que beaucoup d'entre eux ne tardèrent pas à embrasser. La présence même d'Abu Jandal à la Mecque devint un témoignage vivant de la véracité de la foi du Prophète. Cependant, Abû Jandal échappa à ses geôliers. Au début pour survivre, il pilla une caravane Quraychite mais voyant la gêne que cela occasionnait aux Mecquois, il décida de lancer des embuscades à toutes les caravanes qu'il rencontrait. Rapidement, Abû Jandal fut rejoint par d'autres fugitifs qui, comme, lui ne pouvaient aller à Médine à cause de traité mais se refusaient à rester prisonniers. Ensemble, ils semèrent le trouble dans les affaires commerciales mecquoises, empêchant les caravanes d'arriver à bon port. Rapidement, les Quraychites se rendirent compte de leur erreur. Pensant au début que la clause de ce traité leur servirait, ils finirent par voir que celle-ci les desservait fortement.

Ils demandèrent alors au Prophète de récupérer Abû Jandal et ses troupes, pensant qu'ils étaient moins nuisibles auprès des autres musulmans. Ainsi, cette clause considérée comme une victoire de la part des Quraychites devint pour eux un très grand souci et ce fut eux qui demandèrent d'annuler cette clause.

Alors que le Prophète vivait à Médine, où il détenait le pouvoir politique et religieux, il envoya des cavaliers dans le Najd, région dont les habitants étaient ses ennemis jurés. Sur leur route, ils croisèrent Thammama Ibn Uthal, le gouverneur de la ville de Yamama. Ils le firent prisonnier et le ramenèrent à Médine où ils l'attachèrent à un des piliers de la mosquée. Le Prophète vint demander de ses nouvelles. "Si tu me tues, dit Thammama, mon peuple me vengera. Mais si tu me relâches, je te serai à jamais reconnaissant. Si c'est de

44

l'argent que tu veux, je suis prêt à t'en donner autant que tu en désires." Le Prophète ne tua pas Thamama mais il parvint, par son traitement humain, à conquérir son âme. Thamama fut libéré sans contrepartie. Il trouva alors refuge dans un refuge dans un jardin proche où il prit un bain puis retourna à la mosquée. Les gens se demandaient pourquoi il était revenu. Mais lorsqu'il proclama sa conversation à l'islam en prononçant à voix haute l'attestation de foi, les gens se rendirent compte que le Prophète avait en effet "emprisonné"

Thamama à jamais. Thamama alla ensuite en pèlerinage à la Mecque. Quand les gens de la Mecque eurent vent de sa conversion, ils lui dirent qu’il avait renié sa foi. « Je n’ai pas renié ma foi, dit-il. J’ai plutôt adopté la foi de Dieu et de son Prophète. » Thamama devint pat ailleurs une source de force pour l'islam.

Yamama était un des centres principaux où les Mecquois s'approvisionnaient en grains. Thamama leur dit que sans la permission du Prophète, il ne leur donnerait pas un seul grain. Le cas de Thamama montre qu'une noble conduite- même si elle apparaît n'avoir aucune valeur pratique- est une chose qui peut conquérir le monde.

Adopter un haut code éthique signifie pratiquer ce que l'on prêche : traiter le faible avec la même courtoisie et avec la même déférence avec laquelle on traite le puissant, respecter soi-même les règles que l'on impose aux autres, ne jamais déroger à ses principes, maintenir un haut niveau moral. Même lorsque les autres tombent dans la déchéance. De ce point de vue, le Prophète de l'islam se tenait au sommet de l'éthique humaine, n'abandonnant jamais l'exemple élevé qu'il prêchait. Les intérêts personnels ou les conflits ne le firent pas recourir à une conduite immorale. A cet égard, il n'y a pas de preuves plus substantielles que celles fournies par ses plus proches compagnons.

45

Sa id Ibn Hicham appartenait à une génération qui suivait immédiatement celle du Prophète Muhammad (ملسو هيلع الله لىص). Il demanda un jour à Aicha, la veuve du Prophète, quel était le caractère du Prophète. "C'était le Coran incarné, répondit Aicha" Cela signifie que le Prophète modelait sa propre vie sur le modèle de vie idéal qu'il présentait aux autres sous la forme du Coran. Anas Ibn Malik fut au service du Prophète pendant dix ans. Il affirma que le Prophète ne lui avait jamais fait un reproche. "Quand je faisais quelque chose, il ne remettait jamais en cause ma façon de faire et quand j'omettais de faire quelque chose, il ne me demandait jamais pourquoi je ne l'avais pas fait. De tous les hommes, il avait la meilleure nature." D'après Aicha, le Prophète n'a jamais frappé un serviteur, une femme ou qui que ce soit d'autre. Il ne combattait que pour ce qui était juste et lorsqu'il devait faire le choix entre deux possibilités, il choisissait la plus facile, tant qu'elle n'impliquait pas de péché. Il était plus consciencieux que quiconque pour éviter le péché. Il ne cherchait jamais à se venger pour lui-même d'un tort qu'il avait subi personnellement. C'était seulement lorsque les commandements divins étaient bafoués qu'il rendait la justice pour l'amour de Dieu.

C'était cette conduite du Prophète qui lui faisait gagner le respect, même auprès de ses ennemis. Ses partisans étaient à ses côtés dans toutes les infortunes et tous les revers. On l'a aimé autant dans les périodes d'oppression que dans les périodes de victoire et de suprématie. Ses partisans les plus proches le trouvaient sans défaut, tel qu'il apparaissait de loin. Il fournit à l'humanité un modèle inimitable de conduite exemplaire. Les principes sur lesquels le Prophète fit reposer sa vie étaient issus du même moule que son caractère sublime. Ces principes ne changèrent jamais. Ils firent en permanence partie de sa vie. Il les appliquait en toute équité à ceux qui suivaient sa voie comme à ceux qui l'avaient blessé ou affligé.

46

Même pendant la période préislamique – connue sous le nom de l'âge de l'ignorance", La jahilia- la charge de gardien de la Ka'ba était tenue en haute estime. Depuis des temps immémoriaux, cette tâche avait été confiée à une famille en particulier. A l'époque du Prophète, un membre de cette famille, Utman Ibn Talha, en avait la garde.

Al-Bukhari, le plus grand compilateur des traditions du Prophète, a relaté comment le Prophète, avant son émigration pour Médine, voulut un jour entrer à l'intérieur de la Ka'ba pour prier. Il demanda des clés à Uthman afin d'ouvrir la porte. Uthman refusa et insulta le Prophète. "Uthman, dit le Prophète, peut être verras-tu le jour où ces clés seront entre mes mains et où je pourrai en disposer comme il me plaira." – "Ce sera alors un jour de malheur et de disgrâce pour les Quraychites si les clés venaient à tomber entre les mains d'une personne comme-toi, rétorqua Uthmân."

Puis vint le temps où le Prophète conquit la Mecque et y régna en maître suprême. La première chose qu'il fit en entrant dans la cité sacrée fut de se rendre à la maison de Dieu. Il en fit sept fois le tour puis il fit convoquer Uthman Ibn Talha. Selon certains dires, Uthman était entre-temps devenu musulman (entre la période du traité de Hudaybiyya et la conquête de la Mecque). Le Prophète lui prit les clés, ouvrit la porte de la Ka'ba et y pénétra. Il y resta un moment, détruisant toutes les idoles qui étaient érigées à l'intérieur.

Puis il en sortit, tenant les clés dans ses mains. Il récitait le verset suivant du Coran :

"Dieu vous ordonne de rendre leurs dépôts à leurs légitimes propriétaires."22

22 Coran: 4/58

47

C'est alors que Ali Ibn Abi Talib, cousin et gendre du Prophète, se leva:

"Dieu te bénisse, dit-il au Prophète, mais nous, les Banû Hachim, avons de tout temps eu la fonction de pourvoir les pèlerins en eau potable. Aujourd'hui est venue l'heure de prendre aussi la charge de gardiens du temple." Le Prophète ne répondit pas à Ali et demanda où se trouvait Uthman Ibn Talha. Lorsqu'il s'avança, le Prophète lui rendit les clés: "Uthman, dit-il, voici tes clés. C'est un jour de justice où les promesses sont tenues. Elles (les clés) resteront dans ta famille de génération en génération. Seul un malfaisant essayerait de te les enlever."

Cet acte du Prophète illustre à merveille comment les musulmans doivent méticuleusement remplir leurs obligations et rendre leur dépôts à leurs ayants droit. Même s'ils ont été traités avec haine par la partie adverse, ils doivent cependant donner le dû de chacun dans son intégralité. Même si cela peut les léser, ils ne doivent jamais priver les gens de leurs droits.

Quand les gens préoccupés par ce bas monde prennent le pouvoir, la première chose qu'ils font, c'est de punir leurs adversaires, de les destituer de leurs fonctions et d'installer leurs propres hommes de main. Tous ceux qui arrivent au pouvoir fonctionnent en termes de partisans et d'opposants.

Promouvoir les partisans et démettre les opposants est une part essentielle de leur politique. Mais lorsque le Prophète de l'islam eut le pouvoir en Arabie, il fut tout le contraire. Il ne considérait pas les choses en termes de partisans et d'opposants, il ne considérait que ce qui était juste et équitable. Il enterra toutes les rancunes et traita tout un chacun avec une justice sans faille et une miséricorde sans limite.

48

Chapitre 5

Dans le document MOHAMMAD. Un Prophète pour l humanité (Page 42-48)