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LE PARTI COMMUNISTE, ORGANE DIRIGEANT

I LES ORGANES CENTRAUX SOUS LA DIRECTION DU PARTI COMMUNISTE

A. LE PARTI COMMUNISTE, ORGANE DIRIGEANT

Le Parti communiste définit l’idéologie et dirige les orientations politiques à chaque niveau de l’État grâce à ses cellules. En outre, nombre de ses membres

occupent des postes étatiques. Il est, de ce fait, l’acteur principal en matière économique.

Quelles sont sa structure et son implantation ? Le Parti communiste est composé d’un Comité central, d’un Bureau politique et d’une permanence du bureau politique (qui remplace le secrétariat dont les fonctions grossissaient et dont les relations avec le Bureau politique n’étaient pas clairement définies). Le Comité central détermine les politiques. Le Bureau politique est le dernier décideur. Le comité permanent du bureau politique assume le secrétariat, prépare les documents à soumettre au Bureau politique, suit la mise en œuvre des résolutions du Parti et dirige la gestion des affaires relatives au développement socio-économique, à la défense nationale et la sécurité, aux relations extérieures, à la construction du Parti, au travail des cadres, à la mobilisation des masses et au travail quotidien du Parti. L’organisation du Parti communiste est la même au niveau local. Le Secrétaire général est élu par le Congrès du Parti qui se réunit tous les cinq ans. Les statuts de 1996 concentrent l’autorité décisionnelle dans les mains du Bureau politique en relevant le Comité central de certaines responsabilités attribuées par les statuts de 199127. Le travail quotidien du Comité central est effectué par de nombreux comités

(uy ban), commissions (ban), bureaux (van phong) et autres agences28. Après 1975,

pour suivre l’expansion de l’appareil d’État, les comités du Parti sont autorisés à mettre en place autant de commissions qu’ils le souhaitent pour les assister. Leur nombre est réduit en 1986, lors du 6e congrès, par fusion ou abolition29.

27 STERN Lewis M., 1997, b, “ Vietnam’s Eighth Party Congress : Renovated Organizations, Revisited Statues, Evolving Processes ”, Asian Survey, vol. XXXVII, n° 5, mai, (pp. 470-480), p. 475.

28 Le Comité d’inspection central, le Bureau général du Comité central, le Bureau du secrétaire général, la Commission d’organisation centrale, la Commission de défense politique interne, la Commission des relations extérieurs, la Commissions des affaires internes, la Commission de mobilisation des masses, la Commission économique, la Commission idéologique et culturelle, la Commission des sciences et de l’éducation, la Commission des finances et de la gestion. Il faut également ajouter le journal du parti Nhan Dan, le journal théorique Communist Review, l’école du parti Institut du marxisme-léninisme et de la pensée Hô Chi Minh, la Ligue de la jeunesse Hô Chi Minh et la maison nationale d’éditions politiques. SIDEL Mark, 1997, “ Generational and Institutional Transition in the Vietnamese Communist Party. The 1996 Congress and Beyond ”, Asian

Survey, vol. XXXVII, n° 5, mai, pp. 481-495.

29 VASAVAKUL Thaveeporn, 1997, “ Sectoral Politics and Strategies for State and Party Building from the VII to the VIII Congress of the Vietnamese Communist Party (1991-1996) ”, in : FFORDE

Adam (éd.), 1997, Doi Moi. Ten Years after the 1986 Party Congress, Department of Political and

Social Change, Research School of Pacific and Asian Studies, The Australian National University, Camberra, (pp. 81-135), p. 119.

Selon la revue officielle “ Édifier le Parti communiste ”, le Parti communiste compte en 1996, 1 932 746 membres et 36 360 organisations locales, ce qui correspond à une moyenne nationale de 27 membres pour 1 000 habitants, et à 65 membres pour 1 000 habitants à Hanoï30. La majorité de ses membres se trouvent au

Nord (56 %). Le Centre (29 %) et le Sud (15 %) sont moins bien représentés. Les lieux de naissance des membres du bureau politique rééquilibrent la représentation en faveur du Centre : 43 % sont nés au Centre, 37 % au Nord et 20 % au Sud. Notons également qu’Hô Chi Minh, tout comme le précédent secrétaire général du parti, le président de l’État, les ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur étaient ou sont originaires du Centre (de la partie Nord du Centre). Ces données reflètent la progression historique du recrutement des cadres et des militants mais aussi, vingt ans après la réunification, la moindre implantation du parti dans l’ancien Vietnam du Sud.

Les critères pour devenir membre se sont assouplis entre 1987 et1996. Selon les statuts de 1987, un candidat devait être présenté par deux membres intégrés depuis au moins deux ans. En 1991, un seul sponsor est nécessaire, membre depuis au moins deux ans. En 1996, la durée est ramenée à un an31.

Le Parti communiste est l’axe central de l’appareil politique vietnamien. Il guide et dirige le Gouvernement. La Constitution de 1992 réduit quelque peu son rôle. Alors que la Constitution de 1980 précisait que “ Le Parti communiste du Vietnam est la force unique qui dirige l’État et la société (...) ”, la Constitution de 1992 note simplement que “ Le Parti communiste du Vietnam (...) est la force dirigeante de l’État et de la société ”. Le Parti n’est plus responsable des affaires quotidiennes. Ce rôle reste pourtant essentiel puisque le pays continue à suivre une direction socialiste. C’est le Parti qui pilote l’économie. L’Assemblée nationale promulgue dans une large mesure les politiques décidées par le Parti communiste. Les postes clés du Gouvernement reviennent aux communistes. Dans son discours de clôture du 7e plénum du Comité Central du Parti communiste, Le Kha Phieu déclare qu’il faut maintenir le rôle dirigeant du Parti communiste vietnamien dans tous les domaines de la vie sociale. Il certifie que la population n’a qu’un désir, l’indépendance nationale et le socialisme qui ne peuvent être atteints que sous le rôle

de leader du Parti communiste vietnamien32. De fait, le Parti a les moyens d’imposer

ses politiques même lorsqu’elles peuvent paraître à contre-courant de l’orthodoxie. C’est le Parti communiste qui a accepté l’économie à plusieurs composantes et la décentralisation des décisions économiques. C’est encore le parti qui relance le processus de transformation en sociétés par actions des entreprises publiques à la fin de la décennie puis qui prévoit un plan quinquennal de privatisation partielle de 1800 entreprises publiques.

La Constitution de 1992 apporte d’autres modifications relatives à la légitimation du Parti afin de prendre en compte l’évolution du pays et l’ouverture économique. Le vocabulaire typiquement militaire est adouci33 et la référence à Hô

Chi Minh prend de l’ampleur dans la construction de la doctrine. Les dirigeants amenuisent la légitimation de leur détention du pouvoir, telle qu’elle l’était jusque- là, par les faits d’armes militaires. Ce type de légitimation est par nature peu accessible aux gestionnaires. Or, les hommes qui ont participé aux guerres vieillissent, et, faute de nouvelles guerres éclatantes, ne peuvent pas être remplacés par d’autres héros militaires. Seuls des hommes issus du labyrinthe politique et des écoles de gestionnaires peuvent les remplacer.

Une insistance particulière sur les apports économiques apparaît dans les textes du Parti, semblant annoncer une connexion entre l’économique et le politique jusque dans la légitimation de l’appareil politique. Mais le Parti communiste, prudent, ne s’engage pas clairement sur la voie de la légitimation par les bienfaits économiques qui comporte un risque en cas d’échec du développement interne du pays. Toutefois, à la fin de la décennie, un retour du thème guerrier accompagne les inquiétudes économiques. Comme l’indique Philippe Papin dans le domaine cinématographique, “ depuis que les hoquets économiques de la politique d’ouverture sont perçus comme une menace potentielle pour la légitimité du régime, le thème de la guerre envahit de nouveau les écrans (deux tiers de la production) ”34.

31 STERN Lewis M., 1997, b, op. Cit., p. 474.

32 NGUYEN MANH Hung, 2000, “ Vietnam in 1999 : The Party’s Choice ”, Asian Survey, vol XL, n°1, janvier-février (2000), (pp. 98-111), p. 104.

33 Si les termes “ détachement ” et “ avant-garde ” apparaissent encore, les termes “ état-major ”, “ combat ”, “ armé ”, “ victoire ” et “ révolution ” disparaissent.

Les pensées et l’image de l’homme politique, stratège puis président Hô Chi Minh35, sont à l’honneur dans la Constitution de 1992. Hô Chi Minh symbolise

l’unité du pays et des vietnamiens ainsi que l’honneur national. Son image de combattant devenu homme d’État symbolise également la ténacité. Fondateur de la nation vietnamienne moderne, il a su ne pas apparaître uniquement comme un militaire, comme un idéologue ou comme un révolutionnaire. Ses pensées ouvertes et son pragmatisme s'accordent avec la situation économique actuelle et la recherche d’une voie de développement originale. Les fréquentes références à Hô Chi Minh marquent, outre un appel à la persévérance, une ambition de rapprochement entre l’institution politique que la Constitution représente et le vécu quotidien de la population dans le contexte socio-économique des années 90.

Le parti est soucieux de maintenir sa connexion avec la société et de procéder à un rapprochement avec les entrepreneurs privés. Pour l’organisation du 8e congrès du Parti, les comités du parti de district, des municipalités et des provinces, ont organisé des conférences avec des personnes non membres du parti associées au front de la mère patrie, dont des représentants des entreprises privées, pour recueillir leurs vues sur le rapport politique36. Cette volonté de rapprochement avec la sphère

privée apparaît également, et de façon plus soutenue, dans l’ensemble des politiques mises en oeuvre par l’intermédiaire de l’Assemblée nationale et du Gouvernement, que nous allons étudier dans la suite de ce travail.

Il est à noter que des imperfections de la connexion entre la structure centrale et le réseau des comités locaux du parti jouent, parfois, contre la volonté de l’appareil central. Les structures locales s’inscrivent davantage dans une logique d’émulation que dans celle d’une remontée d’informations. Les documents rédigés par les partis locaux sont abstraits et ne décrivent pas la situation réelle37. Ils ont

tendance à se cantonner dans les commentaires stéréotypés et à exagérer les performances locales pour montrer qu’ils ont atteint et même dépassé les objectifs fixés. Le système politique est basé sur le clientélisme et le factionnalisme. Les

35 Plus exactement la pensée qui lui est prêtée puisqu’il s’agit de l’interprétation de textes écrits en des circonstances particulières et multiples (de la colonisation à la guerre des modèles) qui sont adaptées au contexte du Vietnam des années 90.

cadres intermédiaires n’appliquent les initiatives politiques que s’ils sont certains du soutien des “ patrons ”, ce qui conduit souvent à l’inaction dans cette période de changements constants38. Il existe aussi des tensions entre le centre et les provinces à

propos des réformes économiques. Celles-ci ne sont donc pas toujours mise en œuvre par les structures locales, bien qu’elles aient été décidées par la direction centrale du Parti.

Au niveau de l’appareil central, la redéfinition du pouvoir du Parti communiste offre une plus grande autonomie à l’Assemblée nationale.

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