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DE L’INDÉPENDANCE À LA FIN DES ANNÉES

I REGARD TRANSVERSAL : PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE L’ÉCONOMIE VIETNAMIENNE

A. DE L’INDÉPENDANCE À LA FIN DES ANNÉES

En ce qui concerne le secteur tertiaire, son développement est restreint au Nord et pléthorique au Sud. Les autorités du Nord s’en tiennent à l’essentiel, tandis que le rôle pivot de Saïgon dans l’Indochine et la présence des soldats américains multiplient les services.

Dans le domaine industriel, le Vietnam hérite des éléments du tissu industriel légués par la période coloniale. En appliquant le modèle soviétique, l’État indépendant du Nord concentre ses efforts sur l’industrie lourde. L’accent est mis sur le charbon et l’électricité qui existent déjà, sur la mécanique naissante et sur la sidérurgie créée de toutes pièces. L’industrie des biens d’équipement est orientée vers le matériel agricole, passant peu à peu du petit matériel aux générateurs diesel, moulins à riz, machines-outils et plus tard aux tracteurs. Les résultats du développement de cette dernière industrie sont inférieurs aux performances du charbon et de l’électricité. Les biens de consommation usuels restent en arrière-plan, hormis le papier et les médicaments.

Le Sud, quant à lui, produit également de l’électricité, du papier et des médicaments. Il reprend le textile et les brasseries de la période coloniale et crée des usines à oxygène et à acétylène pour alimenter les centres de travail du métal. Il développe diverses branches d’activités : une industrie chimique de plastiques et d’insecticides, une industrie de produits de construction (ciment et verre), une industrie de produits dérivés du bois (allumettes) et une industrie du transport (pneus et assemblage des motocyclettes). Ces industries s’étoffent ensuite (détergents, piles, câbles, radios, montres, disques)104.

De 1945 à 1975, les troubles et la guerre jouent contre le développement industriel des deux Vietnam. Durant cette période, les usines ne produisent pas au mieux de leurs capacités. Les infrastructures sont dévastées par les combats. Celles

du Nord sont scindées pour éviter les bombardements américains et ce de 1965 à 1968 puis en 1972 et 1973. Dans un tel contexte, la production est orientée vers la production de matériel de guerre. Cette réorientation a le mérite, à l’époque, de donner un objectif à la réorganisation et à la prise en main de l’économie après le départ des français. Mais elle deviendra toutefois un fardeau après la guerre. À l’écart des circuits commerciaux, le Nord ne peut pas profiter du développement progressif des échanges commerciaux en Asie.

Même le tissu industriel du Sud Vietnam qui paraissait solide et prospère ne résiste pas à la guerre. Le Sud Vietnam n’a pas l’occasion de maximiser l’aide américaine à la différence de la Corée du Sud et de Taïwan. Son intégration à l’Asie manufacturière et commerçante reste éphémère. La nouvelle bourgeoisie n’a pas le temps de se constituer durablement et de dépasser ses excès euphoriques pour envisager une participation à la construction d’une patrie Sud-viêtnamienne. La situation militaire et politique a toujours dominé les esprits. À partir de 1970, les industries s’effondrent les unes après les autres. En 1975, la production industrielle du Nord représente presque quatre fois celle du Sud.

Après la réunification, en 1976, l’économie administrée et le système des subventions sont étendus à l’ensemble du pays. La première partie de la transformation socialiste du Sud va de 1976 à 1980. Les industries sont nationalisées, les paysans et les commerçants sont regroupés dans des coopératives. Mais, très tôt, le processus de nationalisation piétine. En 1977, 15 000 entrepreneurs privés travaillent toujours à Hô Chi Minh-ville105. Pour accélérer le processus

entamé, le gouvernement décide en 1978 une réduction drastique de leur nombre. Or, la situation économique se détériore en même temps. L’embargo économique qui suit l’entrée des troupes vietnamiennes au Cambodge accroît les difficultés. Le Vietnam se trouve de nouveau coupé du commerce international. Les promesses d’aide de l’Europe occidentale et de la Chine sont annulées. Les relations se dégradent rapidement avec la Chine. Différents accrochages ont lieu sur la frontière. Le Vietnam entre dans le Comecon en juin 1978 pour sceller son alliance avec

104 DE VIENNE Marie-Sybille, 1994, L'économie du Viêt-nam (1955-1995), bilan et prospective, Paris, CHEAM, coll. “ Notes africaines, asiatiques et caraïbes ”, pp. 50-92.

105 RIEDEL James, 1995, “ The Transition to Market Economy in Vietnam ”, HKCER Letters, vol. 35, novembre (1995), p. 2 du texte (source internet. La pagination d’origine n’est pas indiquée).

l’Union soviétique, dans un but autant politique qu’économique. Les autorités n’en continuent pas moins à suivre attentivement les changements en Chine et les aménagements qui se produisent à l’intérieur même du Vietnam. Elles sont conscientes des limites de l’aide soviétique et des difficultés économiques que connaissent les pays du Comecon.

En 1979, le VIe congrès décide de réduire le rythme de la transformation socialiste. Les premières mesures libérales sont adoptées. Ainsi, dans l’agriculture, le contrat est introduit. Les paysans sont autorisés à conserver et à vendre le surplus agricole qui dépasse le quota contractuel. Les effets semblent immédiats, l’agriculture se développe rapidement. Dans l’industrie, le système des trois plans apparaît. Les entreprises reçoivent les intrants nécessaires pour la réalisation du premier plan, aux prix subventionnés, et doivent produire les quantités requises de biens. Dans le deuxième plan, les entreprises peuvent produire au-delà des montants spécifiés par l’État en achetant les intrants supplémentaires sur le marché libre. Le troisième plan autorise, lui, les entreprises à s’engager dans des activités additionnelles.

Au Sud, à partir de 1980, et de manière informelle, le développement de petites entreprises privées est encouragé pour soutenir l’économie, bien que ces entreprises ne soient pas reconnues par la loi106. Les sociétés de négoces s’ouvrent

sur les réseaux Sud-Est asiatiques.

Toutes ces réformes rencontrent tout d’abord un succès économique. Au début des années 1980, la production reprend. Mais la reprise est de courte durée. Le déficit du secteur public conduit à émettre de la monnaie qui entraîne une inflation et mine les réformes.

La crise de 1985 est sérieuse. Les indicateurs économiques sont inquiétants. L’inflation dépasse les 400 %. La fuite des boat-people, entamée à la fin de la décennie précédente, se poursuit et repose désormais sur des motifs économiques plus que politiques. Les candidats à l’exil fuient la misère. Les crises dans l’ancienne Union soviétique et dans les pays d’Europe de l’Est s’aggravent, pesant plus encore

106 Cette politique est menée par Nguyen Van Linh, secrétaire du parti d’Hô Chi Minh-ville, puis par Vo Van Kiet qui lui succède. En 1982, l’appareil politique fait marche arrière. Nguyen Van Linh est exclu du Bureau politique. La collectivisation reprend. L’expérience d’Hô Chi Minh-ville est pourtant reconnue en 1983. Nguyen Van Linh réintègre le Bureau politique en 1985, en même temps que Vo Van Kiet l’intègre.

sur l’aide soviétique et le commerce au sein du Comecon. Les dirigeants se résolvent alors à associer l’économie de marché à leur programme de développement. Le mot d’ordre de “ rénovation ” suggère que la conversion du socialisme vers le capitalisme ne sera pas intégrale mais plutôt que le socialisme sera aménagé pour renouer avec la croissance économique. La transformation se fera en outre graduellement.

Dans l’agriculture, la réforme dépasse le système des contrats établit en 1979. Les quotas sont éliminés. En 1988, le principe du droit d’usage de la terre est mis en place au profit des paysans. Il est cessible. Les petits producteurs sont désormais maîtres de leur production et de leur terre.

Dans l’industrie, les réformes sont plus lentes. L’orientation socialiste n’étant pas remise en cause, les autorités ne privatisent pas les entreprises publiques. Elles ne voient pas encore l’utilité de les réformer. La réforme des entreprises publiques, dans un cadre qui reste étatique, deviendra pourtant peu après l’axe central de la politique de l’appareil d’État décidé à en faire le moteur de la nouvelle économie. En revanche, le commerce privé explose dès l’adoption de la politique de “ rénovation ”. Les magasins et les restaurants apparaissent rapidement. De plus, l’économie s’ouvre sur l’extérieur. En 1988, le monopole d’État sur le commerce extérieur est aboli ; des agences pour le commerce extérieur sont mises en place et certaines entreprises peuvent s’engager directement dans le commerce avec l’étranger sans passer par ces agences. Parallèlement, les investissements directs étrangers sont autorisés par une loi libérale.

Comme au début des années 1980, l’économie redémarre avant d’être minée par l’inflation qui conserve trois chiffres. Le secteur public reste déficitaire. La Banque centrale continue à créer de la monnaie afin de financer les crédits. Pour éviter les effets de l’inflation, la population se réfugie dans l’or et le dollar qui circulent librement. La balance du commerce est elle aussi déficitaire. L’Union soviétique compense encore les déficits mais le doute n’est plus possible sur la longévité de son aide. Pour dépasser les difficultés, les autorités accélèrent les réformes. Le contrôle des prix est aboli. L’État ne procure plus les intrants aux entreprises. Les taux d’intérêts sont libérés, les taux de change dévalués et unifiés. Les mesures se révèlent efficaces : l’inflation diminue. Mais les crédits continuent

pour financer les déficits des entreprises publiques. Le Gouvernement réduit alors les dépenses publiques en taillant dans les subventions aux entreprises d’État, en réduisant les programmes d’investissement, en maintenant les salaires en dessous de l’inflation et en démobilisant 500 000 soldats. Le taux d’inflation revient à un seul chiffre. En même temps, le Vietnam développe ses exportations. La libéralisation du commerce et de l’agriculture et la dévaluation de la monnaie ont stimulé les exportations. D’importateur de riz, le Vietnam devient l’un des premiers exportateurs du monde. L’exportation de produits pétroliers se développe à la même période. En revanche, l’industrie manufacturière ne joue pas un grand rôle dans les exportations (13 % des exportations en 1992). Le nombre de banques augmente, bien qu’elles restent sous contrôle des autorités publiques. La réforme des entreprises publiques démarre, avec pour objectif d’en faire le fer de lance de l’économie grâce à leur dynamisme économique, à leur productivité et à leur créativité. Il n’est plus question de compter sur leur seul statut. Les mécanismes bureaucratiques sont abolis. Les résultats de cette politique sont impressionnants. Ils dépassent les espérances de ses concepteurs. Ces résultats sont perceptibles à travers l’étude du produit intérieur brut.

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