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Le pacte de sujétion est un contrat juridique et l’État se distingue de gouvernement (Grotius)

XVIIIᵉ siècles

Section 1. L’extension des significations de la notion de constitution et l’invention d’une conception contractualiste et artificielle de la société au

C. La contractualisation progressive de la notion de société en philosophie politique

3. Le pacte de sujétion est un contrat juridique et l’État se distingue de gouvernement (Grotius)

113. Grotius est l’un des premiers auteurs à analyser le fonctionnement de l’État d’un point de vue purement juridique, en tant que jurisconsulte. Il analyse les pactes de sujétions comme des actes pleinement juridiques et contraignants et non comme de simples métaphores. Si sa conception de la société et de l’origine du pouvoir n’est pas contractualiste, il conçoit néanmoins que l’État puisse être le résultat d’un contrat juridique. Le souverain est alors tenu par les clauses du pacte et ses actes doivent y être conformes. Cette construction théorique représente une forme de hiérarchie des normes.

Si, pour Grotius, l’existence d’une communauté politique et le résultat d’un processus naturel (a), il admet néanmoins que le pouvoir soit institué par un contrat et il analyse ce contrat en termes juridiques (c). Cela n’est pour lui qu’une éventualité et non une nécessité. Une telle position s’explique par le relativisme politique dont il fait montre (b). Enfin, Grotius esquisse une distinction entre État et gouvernement (d).

a. La communauté politique, le résultat d’un processus naturel

114. Pour Grotius, comme pour une partie des hommes des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, la société reste un objet naturel. Par exemple, dans l’Encyclopédie, à la définition jurisprudentielle de la société, Boucher d’Argis considère que la famille, la société politique et la société du genre humain sont des sociétés naturelles408, reprenant ainsi la conception aristotélicienne et thomiste de la société

politique409. De même, Bossuet définit la société comme l’ensemble des hommes soumis au même

gouvernement et exclut ainsi complètement l’aspect associatif de cette dernière410.

En ce sens, Grotius adopte une conception aristotélicienne et cicéronienne de la cité : la cité est un objet naturel. Chez Grotius, comme chez Aristote, la société a une origine naturelle411 et se

forme par l’union naturelle des familles et non par un acte volontaire d’association. Le premier effet de cette association est la souveraineté412. Il est alors assez artificiel de voir chez lui la première

formulation du contrat social413, et ce pour deux raisons. D’une part, Grotius ne se propose jamais

de formuler une telle théorie et ce n’est que par l’agencement de passages épars de son œuvre qu’une telle conception est « reconstituée »414. D’autre part, il semble, par son relativisme, exclure

408« Chaque famille forme une société naturelle dont le père est le chef.

« Plusieurs familles réunies dans une même ville, bourg ou village, forment une société plus ou moins considérable, selon le nombre de ceux qui la composent, lesquels sont liés entre eux par leurs besoins mutuels & par les rapports

qu’ils ont les uns aux autres ; cette union est ce qu’on appelle société civile ou politique ; & dans ce sens tous les

hommes d’un même pays, d’une même nation & même du monde entier, composent une société universelle. » Nous soulignons.

409« Si l’homme est partie d’une famille, la famille elle-même est partie de la société politique, et c’est cette dernière qui constitue la société parfaite, selon le livre I des Politiques. C’est pourquoi, de même que le bien d’un seul individu n’est pas la fin ultime mais est ordonné au bien commun ; de même encore le bien d’une famille est ordonné au bien de la cité, qui est la société parfaite. Aussi, celui qui gouverne une famille peut bien faire des prescriptions et des statuts, ceux-ci n’auront pas raison de loi. » Somme théologique, [37449] Iª-IIae q. 90 a. 3 ad. 3. 410« La société humaine peut être considérée en deux manières. Ou en tant qu’elle embrasse tout le genre humain,

comme une grande famille. Ou en tant qu’elle se réduit en nations ; ou en peuples composés de plusieurs familles particulières, qui ont chacune leurs droits. La société considérée de ce dernier sens s’appelle société civile. On la peut définir selon les choses qui ont été dites, société d’hommes unis ensemble sous le même gouvernement, et sous les mêmes lois. » BOSSUET, Politique, vol. 1, éd. cit., p. 48.

411« L’Union de plusieurs chefs de famille en un corps de peuple ou d’État, donne au corps sur ses membres le plus grand droit qu’il puisse avoir. Car c’est la plus parfaite de toutes les sociétés ; et il n’y a aucune action extérieure de l’homme qui ou ne se rapporte par elle-même à cette société, ou ne puisse s’y rapporter à cause des circonstances. C’est pourquoi Aristote a dit, que les lois ordonnent toutes sortes de choses. » « Consociatio qua multi patres

familiarum in unum populum ac civitatem coeunt maximum dat jus corpori in partes : quia hæc perfectissima est societas : neque ulla est actio hominis externa, quæ non ad hanc societatem, aut per se spectet, aut ex circunstantiis specatare possit. Et hoc est quoi ab Aristotele est proditum : [citation erronée d’Aristote, V, III], leges de omnis generis rebus præcipere. » Hugo GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paix, trad. Jean Barbeyrac, Amsterdam,

1724, vol. 1, II, V, §23, p. 305-306.

412« tout peuple est une de ces sorte de corps, qui sont composés de parties séparées les unes des autres, mais réunies sous un seul nom, et par la vertu d’une même constitution [ἕξις : qui signifie bonne constitution du corps], comme dit Plutarque, ou d’un même esprit [unum spiritus], comme s’exprime le jurisconsulte Paul. Cet esprit [spiritus], ou cette constitution [ἕξις], qui forme les corps d’un peuple n’est autre chose qu’une association pleine et entière pour la vie civile [vitæ civilis consociatio plena atque perfecta] ; association, dont le premier effet est la souveraineté [summum imperium], ce grand lien [vinculum] de l’État [respublica], ce souffle de vie [spritus vitalis], que tant de milliers de gens respirent, pour parler avec Sénèque. » Ibid., vol. 1, II, IX, §3, 2.

413Voir en ce sens Jean TERREL, op. cit., p. 97 et s.

414Quentin Skinner met en garde contre une telle tentation : « Premièrement, il y a le danger de convertir quelques remarques éparses et incidentes d’un théoricien classique en sa “doctrine” sur des thèmes attendus. Cela peut

tout principe général d’une origine contractuelle de l’État et de la souveraineté415.

115. Sa définition juridique de l’État se rapproche également des conceptions antiques : « l’État est un Corps [coetus] parfait de personnes libres, qui se sont jointes ensemble pour jouir paisiblement de leurs droits [juris], et pour leur utilité commune »416. Il est difficile de ne pas y

reconnaître l’héritage d’Aristote et de Cicéron417.

S’il innove en reconnaissant une liberté individuelle et en présentant les hommes comme des individus et non comme une masse, une multitude, il ne conçoit toutefois pas cette union comme une association volontaire des individus. Lorsqu’il oppose sa définition juridique de l’État à une définition politique, il précise clairement que le droit est indifférent aux rapports qui peuvent exister entre les gouvernants et les gouvernés418. L’État, la civitas, est d’ailleurs défini par le fait qu’il est

une communauté de droits et de souveraineté, et non une association d’individus libres.

générer deux types particuliers d’absurdité historique, l’un caractéristique des biographies intellectuels et des présentations synoptiques d’histoires de la pensée, dans lesquelles l’accent est mis sur les penseurs individuels (ou sur leur succession), et l’autre plus caractéristique des vraies “histoires des idées”, dans lesquelles l’accent est mis sur le développement même de quelques “idées” données. Le danger particulier avec la biographie intellectuelle est celui du pur anachronisme […] À part cette grossière possibilité d’attribuer à un auteur une signification qu’il ne pouvoir pas vouloir exprimer, car cette signification n’était pas disponible, il y a aussi le danger (peut-être plus insidieux) de trop facilement “voir dans” une doctrine qu’un auteur donné pourrait en principe avoir voulu exposer, mais qu’en fait il n’avait aucun intention d’exprimer. […] Si tous les auteurs sont censés avoir voulu articuler la doctrine qu’on leur attribue, pourquoi échoue-t-ils notoirement à le faire, tellement que l’histoire se retrouve à reconstruire ses intentions implicites à partir de conjectures et de vagues allusions. La seule réponse plausible est bien sur fatale à la prétention elle-même : après tout, l’auteur n’a pas voulu (ou même pu vouloir) énoncer une telle doctrine. » [T.d.A.] « First, there is the danger of converting some scattered or quite incidental remarks by a classic

theorist into his "doctrine" on one of the mandatory themes. This in turn can be shown to generate two particular types of historical absurdity, one more characteristic of intellectual biographies and the more synoptic histories of thought, in which the focus is on the individual thinkers (or the procession of them), and the other more characteristic of actual "histories of ideas," in which the focus is on the development of some given "idea" itself. The particular danger with intellectual biography is that of sheer anachronism. […] Besides this crude possibility of crediting a writer with a meaning he could not have intended to convey, since that meaning was not available to him, there is also the (perhaps more insidious) danger of too readily "reading in" a doctrine which a given writer might in principle have meant to state, but in fact had no intention to convey. […] if all the writers are claimed to have meant to articulate the doctrine with which they are being credited, why is it that they so signally failed to do so, so that the historian is left reconstructing their implied intentions from guesses and vague hints? The only plausible answer is of course fatal to the claim itself: that the author did not (or even could not) have meant after all to enunciate such a doctrine. » Quentin SKINNER, « Meaning and Understanding in the History of Ideas(s) » in History and Theory, Vol. 8, No. 1 (1969), p. 7-10.

415« Grotius ne s’interroge pas sur la genèse de la société et, de ce fait, laisse totalement dans l’ombre l’idée de pactum

societatis. » Simone GOYARD-FABRE, op. cit., p. 152.

416« Est autem Civitas coetus perfectus liberorum hominum, juris fruendi et communis utilitatis causa sociatus. » Ibid., vol. 1, I, I, §14, 2.

417Voir en ce sens Jean TERREL, op. cit., p. 105-107.

418« il y a une forme d’État, qui consiste dans la communauté de droits et de Souveraineté ; et une autre, qui consiste dans le rapport qu’il y a entre les Membres qui gouvernent, et ceux qui sont gouvernés. Celle-ci est l’objet des recherches d’un Politique ; et la première des réflexions d’un Jurisconsulte. » « civitatis species una est, consociatio

juris atque imperii ; altera, relatio partium inter ses earum quæ regunt, et quæ reguntur » Ibid., vol. 1, II, IX, §8, 2,

b. Le relativisme politique de Grotius : le peuple n’est pas toujours à l’origine du pouvoir politique

116. Cette indifférence aux rapports entre gouvernants et gouvernés fait toute la modernité de Grotius qui distingue clairement le droit de la politique419. Grotius est relativiste s’agissant de la

forme du pouvoir politique et de la souveraineté et il se refuse à énoncer un quelconque jugement moral sur la forme du gouvernement420. Grotius se place donc d’un point de vue juridique et

positiviste pour examiner « entre les mains de qui est le Pouvoir Souverain de chaque État. »421

Il envisage les rapports de souveraineté comme de réels rapports juridiques et livre une analyse subtile et détaillée de différentes modalités d’exercice de la souveraineté en appuyant sa démonstration sur des exemples tirés aussi bien des auteurs antiques (Thucydide, Aristote, Tite-Live, Cicéron, Xénophon, Plutarque, Hérodote, Euripide, Polybe, Tacite, Sénèque, Homère, etc.) que des écritures saintes (David, Jésus, Moïse, etc.) La place qu’a le peuple dans l’établissement et l’exercice du pouvoir est relative et contingente pour Grotius.

117. Il résulte de son enquête qu’il n’y a pas de titulaire universel de la souveraineté et que cette question trouve des réponses contingentes : « L’État est donc, dans le sens que je viens de dire, le sujet commun de la Souveraineté. Mais le sujet propre où elle réside, c’est une ou plusieurs personnes, selon les lois et les coutumes de chaque Nation : en un mot le Souverain. »422 Il va plus

loin en affirmant que : « le droit de gouverner n’est pas toujours soumis au jugement et à la volonté de ceux qui sont gouvernez. Mais il paraît encore et par l’Histoire Sainte et par l’Histoire Profane, qu’il y a des Rois qui ne dépendent point du peuple considéré comme Corps. »423 Il en conclut ainsi

que « la Puissance Souveraine ne réside pas toujours dans le peuple »424 et qu’« il est faux d’ailleurs

que, comme on le suppose, tous les rois soient établis par le peuple »425. Le peuple n’est donc ni le

souverain originel, ni un souverain perpétuel. Il réfute également la maxime, selon laquelle le salut du peuple et la loi suprême (salus populi suprema lex est) : « il n’est pas vrai généralement et sans restriction, que tout pouvoir soit établi en faveur de ceux qui sont gouvernés »426.

419« Je me suis abstenu de toucher ce qui est d’un autre sujet, comme de donner des Règles sur ce qu’il est à propos de faire ; car cela est du ressort d’une Science particulière, je veux dire de la Politique : et c’est avec raison qu’Aristote traite à part cette Science, sans y mêler rien d’étranger ; au lieu que Bodin la confond souvent avec le Droit que nous entreprenons d’expliquer ici. Que si en quelques endroits j’ai fait mention de l’Utile, ce n’a été qu’en passant, et pour distinguer plus clairement les questions qui s’y rapportent, d’avec celles qui doivent être décidées par les principes du Juste. » Ibid., vol. 1, Discours préliminaire, §59.

420« en matière de Gouvernement Civil, il n’y a rien qui soit sans inconvénient : et il faut juger de la nature et de l’effet d’un droit, non par les idées que telle ou telle personne peut se faire de ce qui est le meilleur, mais par la volonté de celui qui a conféré ce droit » Ibid., vol. 1, I, III, §17, 3, p. 150.

421Ibid., vol. 1, I, III, §21, 1, p. 157. 422Ibid., vol. 1, I, III, §7, 6, p. 121. 423Ibid., vol. 1, I, III, §8, 10, p. 125. 424Ibid., vol. 1, I, III, §8, 14, p. 128. 425Ibid., vol. 1, I, III, §8, 14, p. 128. 426Ibid., vol. 1, I, III, §8, 15, p. 129.

En conséquence, la légalité d’un gouvernement ne s’analyse pas, juridiquement, au regard du bénéfice que tirent les gouvernés du gouvernement. Il exclut par là l’évaluation de la légitimité du gouvernement. S’« il peut arriver et il arrive ordinairement que les Hommes se soumettent d’eux-même à l’empire de quelqu’un », « ils y sont aussi quelquefois réduits, bon gré mal gré qu’ils en aient »427. En conséquence, « les royaumes qu’un prince acquiert par droit de conquête »428

peuvent être « établis pour l’avantage du souverain », « sans que pour cela on puisse traiter ces gouvernements de tyranniques »429. Ce n’est que dans certains États que le peuple consent à

l’autorité à laquelle il est soumis.

Grotius admet donc, avec Hotman, qu’il a lu430, qu’un État peut être un établissement et une

création humaine431 et qu’il convient de se référer à son origine pour savoir quel est son

gouvernement432. En cela, il est plutôt moderne. Toutefois, il récuse toute souveraineté populaire

absolue, qu’elle soit initiale ou perpétuelle : le peuple peut ne jamais avoir été souverain être malgré tout un peuple. Il distingue alors strictement deux types de souveraineté suivant que le consentement du peuple soit à l’origine du pouvoir ou non.

c. La conceptualisation juridique du pacte de sujétion

118. Grotius analyse en terme purement juridique les cas où le gouvernement résulte du consentement du peuple. Il envisage que le pouvoir du roi soit plus ou moins étendu et que la souveraineté puisse être partagée. Le peuple peut ainsi être totalement, partiellement ou temporairement asservi433, par un pacte de sujétion434. Il s’agit alors d’une servitude volontaire435.

Quelles que soit les clauses de ce contrat, elles doivent être absolument respectées et sont juridiquement contraignantes. Ainsi, les pactes de gouvernement chez Grotius sont considérés

427Ibid., vol. 1, I, III, §8, 7, p. 124.

Cette distinction est certainement reprise par Hobbes lorsqu’il décrit l’État par institution et par acquisition (commonwealth by Institution et by acquisition) Léviathan, chap. 17. Cependant, Hobbes présume un consentement, même pour les États par acquisition.

428Hugo GROTIUS, Op. cit., vol. 2, III, VIII, §1, 1 « du droit de souveraineté que l’on acquiert sur les vaincus », p. 829 « Si l’on peut réduire à un esclavage personnel chaque particulier du parti de l’ennemi, qui est tombé entre nos mains, comme nous venons de le faire voir dans le chapitre précédent ; il n’y a pas lieu de s’étonner, que l’on puisse aussi imposer à tout le corps des ennemis, soit qu’il fasse un État entier, ou seulement partie de l’État, une sujétion purement civile, ou purement despotique, ou qui tienne de l’une et de l’autre. »

429Ibid., vol. 1, I, III, §8, 15, p. 129.

430Dans son discours préliminaire il présente côte à côte Bodin et Hotman : « Les Jurisconsultes François sont ceux qui ont entrepris avec le plus de soin d’associer l’Histoire à l’étude des Loix : entre lesquels Bodin et Hotman, se sont fort distingués » Ibid., vol. 1, §57, p. 35.

431Ibid., vol. 1, I, III, §8, 15, p. 130-131 ; II, V, §17, 1, p. 302. 432Ibid., vol. 1, I, III, §10, 4, p. 133 et II, VI, § 4 à 6, p. 315-317. 433Ibid., vol. 1, I, III, §11, 1, p. 134.

434Ibid., vol. 1, II, V, §31, 1, p. 312.

435Allant ainsi à directement à l’encontre de l’essai de La Boétie que les calvinistes publièrent entre 1574 et 1676 sous le nom de Contr’un.

comme des actes juridiques, créateurs d’obligations juridiques. Il existe de vrais « contrats des rois et des peuples »436, par lesquels les Rois sont liés et leur souveraineté limitée : « soit que les

obligations où ils entrent regardent seulement l’exercice de leur pouvoir ou qu’elles tombent directement sur le pouvoir même »437. S’ils ne respectent pas les limites relatives à l’exercice de leur

prérogative, leur acte est considéré comme injuste (au sens de juridiquement irrégulier)438. En

revanche, s’il ne respecte pas les limites même de leur prérogative, leur acte est « nul en lui-même et par le droit »439, car il a été pris par une personne incompétence ou, comme l’écrit Grotius,

« l’acte est injuste et nul en même temps, par le défaut de pouvoir »440.

Les pactes de sujétion sont ainsi analysés comme des actes créateurs de droits et d’obligations qui établissent une hiérarchie des normes. Les actes du roi doivent respecter ces conventions sous peine d’être considérés comme irréguliers voire nuls, d’un point de vue juridique.

d. L’esquisse d’une distinction entre État et gouvernement

119. C h e z Grotius, le corps du « corps de peuple » peut être dissout volontairement ou involontairement441. En revanche, il n’est pas possible de démembrer simplement une partie du

corps du peuple par un acte de volonté du souverain. Grotius estime que, dans le cas d’un démembrement partiel du corps du peuple, il faut « le peuple même du pays, qu’on veut aliéner, y consente »442. Il explique cela par le fait que :

« ceux qui se joignent ensemble pour former un corps d’État [in civitatem coeunt], contractent ensemble une société [societatem] perpétuelle et éternelle, à l’égard des parties intégrantes, comme on parle. […] Le corps dont il s’agit étant d’une autre nature [que le corps naturel], je veux dire, produit par la volonté de ceux qui le composent ; pour savoir quel droit il a sur ses membres, il faut en juger par l’intention de ceux qui l’ont originairement formé. »443

Il est tentant de voir ici la première formulation du « contrat social ». Toutefois, Grotius n’évoque l’existence d’un contrat à l’origine de la société qu’incidemment et à une seule occurrence. Ainsi, il se pourrait qu’il utilise ici simplement une métaphore pour figurer le lien fort qui relie les membres d’un même État. Il ne développe pas, comme il l’avait fait pour le contrat de gouvernement, les clauses de ce contrat et les obligations qui en découlent. Il semble simplement ici

436Ibid., vol. 1, II, XVI, §31, p. 528. 437Ibid., vol. 1, I, III, §16, 2, p. 145-146. 438Ibid.

439Ibid. 440Ibid.

441« Le corps du peuple est dissout, lors que les citoyens se désunissent, ou volontairement, par l’effet d’une peste ou d’une sédition, qui fait qu’ils prennent le parti de s’en aller les uns d’un côté, les autres de l’autre ; ou malgré eux,

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