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Pour l’ensemble des discours étudiés, la recherche a tenté de déterminer, par le relevé des occurrences de la notion de constitution et de société, le contenu conceptuel de ces notions en

B. Méthodologie de la présente étude

28. Pour l’ensemble des discours étudiés, la recherche a tenté de déterminer, par le relevé des occurrences de la notion de constitution et de société, le contenu conceptuel de ces notions en

fonctions des groupes qui les mobilisent, mais également d’identifier ce qu’ils voulaient faire en les invoquant. Elle a tenté d’analyser les corpus de discours philosophiques et politiques sélectionnés en suivant les méthodes développées par Michel Foucault et Quentin Skinner. Ces deux auteurs imposent une triple exigence : en premier lieu, celle ne pas prendre les textes en soi, mais de les replacer dans leur contexte ; en second lieu, celle de remettre la langue et les usages linguistiques au centre de la détermination du contexte d’énonciation ; en troisième lieu, celle de considérer les actes de langages comme des événements88. En ce sens, l’adoption de l’article 16 peut s’analyser comme

un événement politique et discursif majeur, tant du point de vue de l’histoire de la Révolution que de celle de la notion de constitution.

La reconstitution du contexte d’énonciation d’un texte implique, comme nous y invite Régine Robin, non pas de leur poser nos questions, mais de se poser la question de leurs questions89.

88 « En effet, il s’agit de montrer, d’une étude à l’autre, que les auteurs considérés ne se contentent pas de conceptualiser dans une situation spécifique, mais qu’en écrivant, ils investissent le contexte dans leur mouvement argumentatif par des actes de langage : ils disent donc quelque chose au sens performatif du dire, ils sont agissants. » Jacques GUILHAUMOU, Discours et événement. L’histoire langagière des concepts, Presses universitaires de Franche-Comté, Besançon, 2006, p. 52.

89 « Ainsi l’étude des cahiers de doléances a plus d’un siècle d’existence. Mais on ne lit les cahiers qu’en fonction des questions qu’on leur pose. Interroger les cahiers de doléances, en dernière analyse, ce n’est pas seulement leur poser des questions, pénétrer dans l’ordre de leurs raisons mais c’est plus exactement leur poser la question de leurs

Pour analyser l’usage d’un terme, il convient de se référer au champ sémantique de ce terme, afin de déterminer quels sont les termes qui y sont associés et ceux avec lesquels il est mis en opposition90. Par exemple, il n’est pas toujours facile de savoir si la notion de constitution est

employée dans le sens d’ordre ou de norme. En revanche, il peut être aisé et peut-être plus intéressant d’identifier à quoi elle se rapporte (la société, le royaume, l’État) et à quoi elle est associée (les droits des Ordres ou des individus, la séparation des pouvoirs ou des Ordres, la souveraineté de la nation, etc.)

La définition du contexte implique de tenter de définir le « système de la discursivité ». Michel Foucault estime à cet égard que « s’il y a des choses dites – et celles-là seulement –, il ne faut pas en demander la raison immédiate aux choses qui s’y trouvent dites ou aux hommes qui les ont dites, mais au système de la discursivité, aux possibilités et aux impossibilités énonciatives qu’il ménage. »91 La délimitation de ces possibilités et la reconstitution des rapports d’oppositions peut

permettre de comprendre ce que fait un individu ou un groupe produisant un énoncé. Quentin Skinner estime également que participe à la définition d’un contexte d’énonciation, la détermination de ce qu’il était possible de dire à un moment donné et de la place prise par l’énonciateur dans ce champ de possibilité92.

Le contexte doit permettre de comprendre ce qu’essaie de faire celui qui produit l’énoncé. Dans le cas de l’article 16, il doit permettre de saisir non seulement pourquoi les patriotes adoptent

questions. » Régine ROBIN, La société francaise en 1789 : Semur-en-Auxois, coll. « Civilisations et mentalités », Plon, 1970, p. 271.

90 « Le lexique n’est pas une collection de termes qui se juxtaposent mais un tout structuré, un système fait d’associations et d’oppositions, chaque unité dépendant étroitement de sa position dans la chaîne lexicale, de sa position et non d’un sens univoque explicite, fixé une fois pour toutes. C’est donc pas les contextes qu’il faudra préciser le sens et la valeur d’un terme. » Régine ROBIN, La société francaise en 1789 : Semur-en-Auxois, coll. « Civilisations et mentalités », Plon, 1970, p. 294.

91 Michel FOUCAULT, L’archéologie du savoir, éd. cit., p. 177.

« La question, par exemple, ne serait pas de déterminer à partir de quel moment apparaît une conscience révolutionnaire, ni quels rôles respectifs ont pu jouer les conditions économiques et le travail d’élucidation théorique dans la genèse de cette conscience ; il ne s’agirait pas de retracer la biographie générale et exemplaire de l’homme révolutionnaire, ou de trouver l’enracinement de son projet ; mais de montrer comment se sont formés une pratique discursive et un savoir révolutionnaire qui s’investissent dans des comportements et des stratégies, qui donnent lieu à une théorie de la société et qui opèrent l’interférence et la mutuelle transformation des uns et des autres. » Ibid., p. 264.

92 « La question essentielle à laquelle nous sommes alors confrontés, en étudiant n’importe quel texte, est qu’est-ce que son auteur, en écrivant au moment où il a écrit, pour le public auquel il voulait s’adresser, a pu en pratique avoir l’intention de communiquer en énonçant cet énoncé particulier […] Le “contexte” est à tord traité comme le facteur déterminant de ce qui est dit. Il doit plutôt être traité comme le cadre principal pour aider à décider de quelles significations conventionnellement reconnues, dans une société de ce type, il aurait été en principe possible pour une personne d’avoir voulu communiquer. » [T.d.A.]

« The essential question which we therefore confront, in studying any given text, is what its autor, in writing at the time

he did write for the audience he intended to address, could in practice have been intending to communicate by the utterance of this given utterance. […] The “context” mistakenly gets treated as the determinant of what is said. It needs rather to be treated as an ultimate framework for helping to decide what conventionally recognizable meanings, in a society of that kind, it might in principle have been possible for someone to have intended to communicate. » Quentin SKINNER, « Meaning and Understanding in the History of Ideas(s) » in History and Theory, Vol. 8, n° 1, 1969, p. 48-49.

cet article et cette formulation, mais également ce qu’il veulent faire en l’adoptant. Quentin Skinner considère à cet égard qu’un texte ne peut s’analyser qu’en comprenant le débat plus général dans lequel il s’insère93. Dans le cas de l’article 16 ce contexte ne semble pas pouvoir se limiter à la

discussion ayant lieu le 26 août 1789 dans l’Assemblée nationale.

La principale objection adressée aux démarches originalistes est qu’il n’est pas possible connaître les intentions des auteurs d’un texte, spécialement quand cet auteur n’est pas un individu, mais une Assemblée de plusieurs centaines de personnes94. L’analyse linguistique et contextualiste

permet dans une certaine mesure de dépasser ce problème. L’énoncé d’un texte n’est plus compris simplement comme la somme des choix individuels des acteurs qui décident de l’adopter, mais il s’analyse comme une prise de position dans le cadre d’un contexte linguistique et politique plus large. L’analyse du texte repose alors, au-delà de l’analyse linguistique, sur la reconstitution de son contexte d’énonciation, pour comprendre ses conditions de production.

29. Pour l’étude des interprétations de l’article 16, la recherche a tenté de déterminer quel

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