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XVIIIᵉ siècles

Section 2. L’invention de la constitution comme acte de la société et d’une nouvelle hiérarchie des normes par des philosophes jusnaturalistes

1. La conceptualisation de la notion de police

La conceptualisation de la notion de police est initialement due à Claude de Seyssel qui présente clairement la fonction de la police : limiter le pouvoir royal (a). Néanmoins, le contenu des règles relatives à la police est plus indéterminé (b).

a. La police, un frein au pouvoir royal

130. Au XVIᵉ siècle, Claude de Seyssel495 tente de définir le contenu et la valeur juridiques de la

police. Dans son ouvrage La grand’ monarchie de France, publié en 1557, la police est, avec la religion et la justice, un des freins au pouvoir royal496. Elle est constituée d’un ensemble de lois

traditionnelles permettant la préservation de l’ordre politique497. Suivant cette conception, la police

a donc pour origine la volonté royale, sanctionnée par la tradition.

131. Elle s’impose au roi lui-même qui en est le gardien :

« fors que le Roy et monarque, congnoissant que par le moyen des lois et ordonnances et louables

coustumes de France concernans la police, le royaume est parvenu à telle gloire, grandeur et puissance

que lon void, et se conserve et entretient en paix, prospérité et reputation : les doit garder et faire observer le plus qu’il peult, attendu mesmement qu’il est astraict par le serment qu’il faict à son couronnement de

493« Car quiconque ordonne et établit la police comme le premier fondateur d’un Commonwealth, qu’il s’agisse d’une monarchie, d’une aristocratie ou d’une démocratie, doit avoir le pouvoir souverain sur le peuple pendant toute la durée de son action. » Nous soulignons. « For whosoever ordereth and establisheth the policy as first founder of a

Commonwealth, be it monarchy, aristocracy, or democracy, must needs have sovereign power over the people all the while he is doing of it. » Hobbes, Léviathan, Chap. 40, p. 670.

494Il est à distinguer de la policy qui se traduit par la politique.

495Sur la théorie des lois fondamentales chez Claude de Seyssel voir Sixte de BOURBON-PARME, Le traité

d’Utrecht et les lois fondamentales du royaume, Paris, Édouard Champion, 1914 ; André LEMAIRE, Les lois fondamentales de la monarchie francaise d’après les théoriciens de l’Ancien Régime, Albert Fontemoing, 1907.

496« L’autorité et puissance du Roy est réglée et refrenée en France par trois freins […] pour parler desdictz freins par lesquelz la puissance absoluë des Roys de France est reglée, i’en treuve trois principaulx, le premier est la religion, le second la iustice, et le tiers la police. » Claude de SEYSSEL, La grand’ monarchie de France , composée par

mess. Claude de Seyssel lors evesque de Marseille, & depuis archevesque de Thurin, adressant au Roy treschrestien, Francois premier de ce nom. Avec la Loy salicque, qui est la première & principale loy des Francois,

Paris, Galiot du Pré, 1557, p. 10.

497« Le tiers frein est celuy de la police, c’est assavoir de plusieurs ordonnances qui ont esté faictes par les Roys mesmes, et apres confirmées et approuvées de temps en temps : lesquelles tendent à la conservation du royaume en universel et particulier. » Nous soulignons. Ibid., p. 13.

ce faire. Parquoy faisant le contraire, offense Dieu et blesse sa conscience, et si acquiert la hayne et mal vueillance de son peuple : et oultre ce, s’affoiblist la force, et par consequent diminue sa gloire et sa renommée, et particulièrement quand à ce poinct, bien se doit garder de faire alienations de son domaine,

sinon les cas permis par les loix et ordonnances. »498

Selon Seyssel, la police permet au royaume d’accéder à la gloire et à la prospérité. En conséquence, le roi a une obligation juridique et religieuse, contractée par le serment, de respecter et d’exécuter les lois relatives à la police. Seyssel n’avance pas qu’il existe un contrat entre le roi et le peuple, mais présente tout de même la menace que représente pour le roi le fait de s’aliéner son peuple.

Seyssel offre ainsi une définition claire de la police : un ensemble de normes obligatoires pour le roi restreignant et réglementant l’exercice de son pouvoir. En revanche, le contenu de ces obligations est plus incertain.

b. La police, un ensemble de règles indéfini

132. Le contenu des règles relatives à la police est incertain, mais elles comprennent au moins les principes suivants : l’inaliénabilité du domaine public, la protection des droits des Ordres et le maintien d’un équilibre entre ces derniers499. La notion de police est ainsi associée à l’idée que la

monarchie doit préserver les droits de ses sujets. Il ne s’agit pas de droits individuels, mais des droits et privilèges dont disposent chaque état, d’après les coutumes. La police a donc pour fonction de maintenir l’équilibre entre les différentes parties de l’État : les Ordres entre eux et les Ordres vis- à-vis du monarque.

133. Le concept de constitution, comme limitation et équilibre du pouvoir politique se trouve ainsi exprimé par le terme de police dans le seconde moitié du XVIᵉ siècle. L’emploi du terme police est relativement fréquent à cette période, et se diffuse notamment à l’occasion des débats politiques engendrés par la Ligue500. De même, le triptyque de Seyssel religion, justice, police est

498Nous soulignons. Ibid., p. 36-37.

499« pour achever cest article de la police (qui est le plus difficile à demesler) fault venir au second poinct que i’ay touché en la première partie, de la conservation de ceste monarchie de France, causée par l’entretenement des

subiects de tous estatz en bon accord, et au contentement d’un chacun : car puisque cela est la cause principale de la

conservation et augmentation d’icelle monarchie, comme lon void par experience, est moult requis de l’entretenir et garder qu’elle ne vienne à roture et discord, pourtant que facilement s’en enfoyuroit la ruine de la monarchie, et la dissolution de ce corps mistique, ainsi que i’ay déclaré cy dessus. Et pour ne venir à cest inconvenient, ne fault autre chose fors entretenir lesdictz estats un chascun en ses libertez, privilièges et louables coustumes. Et avoir telle superintendence sur tout, que l’un ne puisse surmonter l’autre oultre mesure, ne tous trois eux ioindre contre le chef

et monarque. » Nous soulignons. Ibid., p. 37.

500Par exemple : « Or est-il mantenant le propre endroit où il faut que nous considérions quelles matières se decidoyent en cette assemblee solennelle : et admirions le grand sens et la prudence que monstrerent nos Maieurs en

establissant et ordonnant la forme de leur Police [in constituenda Rep.]. Voicy donc sommairement presque toutes

les matières qu’on y déliberoit : Premièrement de l’élection, ou de la deposition d’un Roy : Consequemment de la paix et de la guerre, et des lois publiques : des souverains estats et offices, gouvernemens et administrations de la

souvent paraphrasé501. Cet emploi du mot se perpétue jusqu’au XVIIᵉ siècle502. Néanmoins, au cours

du XVIIᵉ, la signification du terme de police évolue et se restreint.

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