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Les conceptions médiévales et les prémices modernes : l’ordre politique est consenti voire créé par le peuple (Ockham, Suarez et Hotman)

XVIIIᵉ siècles

Section 1. L’extension des significations de la notion de constitution et l’invention d’une conception contractualiste et artificielle de la société au

C. La contractualisation progressive de la notion de société en philosophie politique

2. Les conceptions médiévales et les prémices modernes : l’ordre politique est consenti voire créé par le peuple (Ockham, Suarez et Hotman)

107. La naissance de l’individualisme conduit à reconsidérer les rapports du peuple au pouvoir politique371. Dans un premier temps, cela conduit Ockham a renoncer à tout idée d’unité au sein de

la société (a). Puis, Suarez avance l’idée que le pouvoir est institué par la volonté de la communauté politique (b). Enfin, les monarchomaques, comme Hotman, tirent toutes les conséquences de cette idée en affirmant que le peuple a créé l’ordre politique (c).

369Contra Simone GOYARD-FABRE, Op. cit., p. 49-56.

370Cité de Dieu, livre XIX, Chap. XXI ; CICÉRON, III « Selon les définitions de Cicéron dans ses livres de la République, il n’y a jamais eu de république parmi les Romains » :

« Il [Scipion] explique ce qu’on doit entendre par garantie du droit [juris consensum], en montrant qu’un gouvernement ne peut donner cette garantie à un État [rempublicam] sans la justice [justitia]. Où la vraie justice [justitia vera] ne règne pas, il n’y a donc pas de droit [jus]. Ajoutons encore que ce qui est conforme au droit [jure] se fait justement [juste], et ce qui se fait injustement [injuste] est contraire au droit [jure]. On ne doit pas regarder comme des droits [jura] les iniques conventions [constituta] des hommes ; car les Romains eux-mêmes disent qu’il n’y a de droit [jus] que celui qui découle de la justice [justitiæ] comme de sa source, et qu’il est très-faux de soutenir, avec certains esprits mal faits, que le droit [jus], c’est tout ce qui convient au plus fort. Ainsi donc, dans un État où la vraie justice ne règne pas [vera justitia], il n’y a point de société établie sous la garantie du droit [juris consensu sociatus cœtus

hominum non potest esse] ; par conséquent il n’y a point de peuple tel que Scipion et Cicéron le définissent ; et s’il

n’y a point de peuple [populus], il n’y a point de chose du peuple [res populi] ; l’État devient la chose de je ne sais quelle multitude, indigne du nom de peuple [populi]. Nous voyons enfin que si la république [respublica] est la chose du peuple [res populi], le peuple une société formée sous la garantie du droit, et que si le droit disparaît avec la justice, il faut en conclure nécessairement que là où la justice [justitia] ne règne pas, il n’y a point de république [rempublicam]. Quant à la justice [justitia], c’est cette vertu qui rend à chacun ce qui lui appartient. »

371Pour de plus amples développements sur les origines médiévales et modernes des théories du contrat social voir Simone GOYARD-FABRE, op. cit., spécialement p. 75-173.

a. La société comme simple agrégation d’individus : Ockham

108. L’invention de l’individualisme par Ockham conduit ce dernier à renoncer à toute idée d’unité372. Ainsi il n’y a plus qu’une agrégation d’individus. Toutefois, cette rupture permet de

considérer que le pouvoir politique a pour origine des volontés individuelles373. Par son

individualisme, Ockham permet de repenser l’union politique comme un acte de volonté des individus et non comme une donnée transcendantale. Cette évolution intellectuelle fut parachevée par Suarez.

b. Le pouvoir est institué par la volonté de la communauté politique : Suarez

109. Comme le montre Martine Pécharman374, Suarez375 pose comme condition d’existence de la

société, une union ou lien moral376 dépassant le simple lien (vinculum)377 proposé par Cicéron. Il

estime que la communauté politique doit reposer sur un consentement et donc un pacte exprès ou tacite378. Il rompt ainsi avec la conception aristotélicienne de la cité en considérant que la

communauté a « pour cause efficiente »379 la volonté de tous, et non plus la nature. Sans

l’expression d’une volonté, il n’y a qu’un « agrégat dont toute l’unité se réduit à une simple […] juxtaposition inapte à produire une véritable communauté. »380

Suarez considère donc que le pouvoir politique réside dans la collectivité des hommes381. Il

justifie cette affirmation par l’idée que les hommes naissent libres et ne sont naturellement assujettis qu’au créateur382. En conséquence, la liberté naturelle des hommes empêche que l’un d’eux dispose

372Simone GOYARD-FABRE, op. cit., p. 85-87.

373« Le droit d’établir un gouvernement a été en effet donné à tous les hommes par une attribution immédiate de Dieu. Lois divine, naturelle et humaine concourent à fonder l’autorité politique : divine, puisque le pouvoir politique provient directement de la volonté de Dieu ; naturelle, puisque l’établissement d’un tel pouvoir est conforme à la liberté de l’homme qui peut en user ou non ; humaine, car un tel pouvoir peut résulter d’une élection ou d’une concession, donation ou résignation de la part d’autrui. Tel est celui de l’empereur ; le peuple y concourt par élection, en lui accordant non seulement son consentement, mais aussi en lui transférant ce pouvoir qu’il détient originellement de manière effective, et qu’il peut lui retirer le cas échéant. » Jeannine QUILLET, « Un exemple de nominalisme politique de la scolastique tardive : les doctrines de Guillaume d’Ockham » in Aspects de la pensée

médiévale dans la philosophie politique moderne sous la direction de Yves-Charles Zarka, coll. « fondements de la

politique », P.U.F., 1999, p. 65.

374Martine PÉCHARMAN, « Les fondements de la notion d’unité du peuple selon Suarez » in Aspects de la pensée

médiévale dans la philosophie politique moderne sous la direction de Yves-Charles Zarka, coll. « fondements de la

politique », P.U.F., 1999, p. 104.

375Sur ce point voir, Jean-Fabien SPITZ, John Locke et les fondements de la liberté moderne, coll. « Fondements de la politique », P.U.F., 2001, p. 43-53 ; Quentin SKINNER, The foundations of modern political thought, tome 2 The age of reformation, Cambridge University Press, 1978, p. 155 et s. ; Simone GOYARD-FABRE, op. cit., p. 149. 376« au sens de voulue par tous ceux qu’elle met en relation (car un effet n’est dit “moral” qu’en tant qu’il dépend de la

volonté) » Martine PÉCHARMAN, art. cit., p. 119. 377Martine PÉCHARMAN, art. cit., p. 118.

378Ibid., p. 119. 379Ibid., p. 120. 380Ibid., p. 121.

381SUAREZ, De legibus, III, II, 3.

d’une juridiction politique naturelle sur les autres383.

110. Chez Suarez, la société et le pouvoir politiques sont des artéfacts et non des objets naturels ou résultant de la création divine. Néanmoins, il existe des nécessités naturelles qui fixent la voie que les hommes doivent suivre. Ainsi, la communauté politique est une nécessité naturelle, car une seule famille ne constitue pas une société parfaite384. En outre, « dans une communauté parfaite, il

est nécessaire qu’il existe une puissance publique à laquelle il appartient, en vertu de son office, de rechercher et de procurer le bien commun »385. La formation d’une société parfaite, la recherche du

bien commun et la soumission à une autorité unique sont donc des nécessités naturelles, mais elles ne peuvent se réaliser que par l’action volontaire d’hommes libres. Ainsi, le pouvoir législatif ou la capacité législative386, en vertu de la nature des choses, n’a pas pour origine un homme, mais toute

la collectivité des hommes, car tous les hommes naissent naturellement libres387.

La concorde et la communauté d’intérêts qui formaient la société cicéronienne ne suffisent plus chez Suarez pour créer la communauté politique. Pour lui, le corps politique est une personne fictive créée par « les volontés de toutes les personnes qui le composent »388. La création de cette

personne fictive n’est parfaite que lorsque cette communauté a désigné un gouvernement civil, c’est-à-dire un homme ou la réunion d’hommes dans lesquels réside le pouvoir de gouverner la communauté parfaite389. Ce gouvernement dispose alors, en vertu du droit naturel, du pouvoir

d’édicter des lois, sous réserve du respect des conditions nécessaires pour la loi390. Les hommes

créent ainsi une société qui dispose collectivement du pouvoir législatif.

La société politique a pour origine la volonté de la collectivité, mais elle n’existe que lorsque cette collectivité aliène son pouvoir législatif potentiel à un gouvernement civil qui dispose du pouvoir législatif réel. Ainsi, le pouvoir législatif ne coexiste pas dans la communauté et dans le chef ; il est transféré de la communauté au chef. Plus encore, la communauté n’est parachevée qu’avec l’existence de ce chef, car cela réalise une union réelle par la soumission à pouvoir unique391. Qu’importe la forme du gouvernement, lorsque la société ou communauté parfaite est

créée, le pouvoir potentiel dont elle disposait est irrévocablement transmis au gouvernement civil

383« ex natura rei omnes homines nascuntur liberi, et ideo nullus habet iurisdictionem politicam in alium, sicut nec

dominium » Suarez, De legibus, III, II, 3.

384Suarez, De legibus, III, I, 3.

385[T.d.A.] « in communitate perfecta necessaria est publica postestas ad quam ex officio pertineat commune bonum

intendere ac procurare » Suarez, De legibus, III, I, 5.

386C’est-à-dire le pouvoir d’édicter des normes. 387SUAREZ, De legibus, III, II, 3.

388Martine PÉCHARMAN, art. cit., p. 121. 389SUAREZ, De legibus, III, I, 5.

390SUAREZ, De legibus, III, I, 6. 391SUAREZ, De legibus, III, II, 4.

qu’elle a désigné et qui dispose alors d’un pouvoir réel392.

Suarez reconnaît la liberté naturelle des individus et justifie ainsi sa théorie de la fondation de la communauté politique. Néanmoins, la création de cette société ne dépend pas simplement d’une volonté humaine, mais résulte également d’une nécessité naturelle, et notamment de la nécessité de rechercher le bien commun. La création de la société politique est ainsi pour l’homme un moyen de réaliser un dessein qui le dépasse. Chez Suarez la société a comme origine la volonté des hommes, mais elle est obligatoire pour eux s’ils veulent obéir à la loi naturelle qui leur impose de rechercher le bien commun. La société politique a pour cause proximale la volonté collective des hommes et pour cause ultime l’ordre naturel des choses ou la volonté de Dieu.

Suarez ne distingue par clairement l’établissement de la société de celui du gouvernement et considère de manière générale que le pouvoir est institué par la communauté politique. En revanche, les monarchomaques comme Hotman formulent clairement l’idée que le pouvoir a pour origine la volonté du peuple.

c. Le pouvoir a pour origine la volonté du peuple : Hotman

111. Dans FrancoGallia, Hotman393 considère que l’origine du pouvoir politique réside dans le

consentement du peuple. Le pouvoir du roi n’a pas une origine héréditaire ou divine, mais est le résultat d’un octroi du peuple394. Cette idée semble inspirée de la définition que les Institutes de

Justinien donnent des constitutions, aussi appelé théorie de la lex regia395.

Selon cette définition, le peuple aliène son pouvoir au prince et lui transmet celui de faire

392« Selon Suarez, l’acte accompli par un peuple libre en constituant un chef doit être interprété – comme le discute Grotius et surtout Hobbes – comme un acte non seulement de transmission mais aussi d’abrogation de leur souveraineté originelle. » [T.d.A.] « According to Suarez, the act performed by a free people in constituting a ruler must be interpreted – in the manner later discussed by Grotius and especially Hobbes – as an act not merely of transferring but also abrogating their original sovereignty. » Quentin SKINNER, op. cit., p. 184

393Sur l’influence d’Hotman sur ses successeurs voir André LEMAIRE, Les lois fondamentales de la monarchie

francaise d’après les théoriciens de l’Ancien Régime, Albert Fontemoing, 1907 ; sur la pensée politique d’Hotman

voir Quentin SKINNER, op. cit., p. 310 et s.

394« Carolum Magnum Francogalliæ regnum non hæreditate, sed populi arbitrio delatum fuisse », « Le Royaume de la Gaulle française ne fut par donné par héritage à Charlemagne, mais c’est le peuple qui lui a octroyé par sa décision libre. » [T.d.A], HOTMAN François, Francogallia, quatrième édition, 1586, disponible sur Gallica, p. 62.

« Tout ce que nous venons de deduire maintenant, tend à ce poinct de faire entendre, que le Royaume de la France Gaulloise, ne pouvoit pas anciennement être transféré de peres aux enfans, comme par droit successsif, mais estre

decerné et deferé au plus digne par l’advis des estats et par les voix du peuple . » Nous soulignons. François

HOTMAN, La Gaule francoise (première édition), trad. Simon Goulart, 1574, p. 72.

395« La volonté du prince a aussi force de loi ; car, par la loi Regia, qui établit la souveraineté de l’Empereur, le peuple (romain) a remis toute sa puissance et toute son autorité entre les mains du prince. En conséquence il est constant qu’on doit considérer comme loi tout ce que l’Empereur établit par un rescrit, ou décide en connaissance de cause, ou ordonne par un édit : c’est là ce que nous appelons constitutions. » « Sed et quod principi placuit, legis habet

vigorem ; quum lege Regia, quæ de ejus imperio lata est, populus ei et in eum omne imperium suum et potestatem concessit. Quodcunque ergo Imperator per epistolam constituit, vel cognoscens decrevit, vel edicto præcipit, legem esse constat. Hæ sunt quæ constitutiones appellantur. » Livre 1er De la justice et du droit, Titre 2 Du droit naturel,

du Droit des gens et du Droit civil, Institutes de l’empereur Justinien, traduites en francais avec le texte en regard,

suivies d’un choix de textes juridiques relatifs à l’histoire externe du droit romain et au droit privé antéjustinien,

des lois. Hotman n’adhère toutefois pas pleinement à cette conception. Pour lui, d’une part, le pouvoir de faire la loi n’est pas définitivement aliéné au roi et, d’autre part, l’institution de ce dernier conduit à établir un régime mixte. De plus, dans les Institutes, les constitutions étaient des lois dérivées d’un système préexistant, chez Hotman, la constitution signifie la création ou l’institution de la République. Pour Hotman, ce sont des « pères fondateurs » (majorum notrum) qui ont constitué le royaume de la Gaulle française. L’ordre politique est ainsi le résultat de l’expression de la volonté de ces pères fondateurs. Il rompt donc avec l’idée que le pouvoir royal provient de Dieu et se propose d’écrire un récit des origines de la monarchie.

Mêlant considérations historiques et principes généraux, il considère que le peuple dispose du pouvoir d’établir et de déposer les rois s’ils sont injustes396. Le peuple opprimé par un tyran peut

à cette fin en appeler « à toute la congregation des Citoyens legitimement assemblée. »397 Il

considère également que les sujets disposent d’un droit de consentir à l’impôt398. De manière plus

générale, il estime que le roi est soumis aux lois et ne dispose en aucun cas d’une puissance absolue399.

112. La souveraineté appartient donc au peuple qui l’exerce par l’Assemblée de la nation ou des États-généraux400 : « la souveraine et principale administration du Royaume des Francsgaulois

appartenoit à la générale et solennelle assemblée de toute la nation qu’on a appellé depuis l’assemblee des trois estats. »401 Il considère que cette forme de gouvernement mixte est celle que

Platon, Aristote, Polybe et Cicéron présentent comme la meilleure car elle assure un gouvernement

396« Mais maintenant passons outre pour revenir au troisième arguement qui sert à prouver combien le droit et

authorité du peuple estait grande à establir et retenir les Rois : attendu qu’il appert par tous les Annales de France

que le peuple a eu plein pouvoir et souveraine authorité de les déposer quand ils l’avoyent desservy. Et de cette puissance populaire nous en avons un exemple notable en celuy mesmes qui fut le premier declaré Roy de France et de Gaule. Car le peuple estant informé qu’il estait tant perdu d’amour de femmes et de vin, qu’il ne vacquoit à autre chose qu’à paillardises et dissolutions, le deposé par l’avis des estats, et le contraignit de sortir du Royaume de France » Nous soulignons. François HOTMAN, La Gaule francoise (première édition), trad. Simon Goulart, 1574, p. 66-67.

397« que combien que toutes seditions soyent tousjours dangereuses, que néanmoins il y en a quelquefois qui sont justes et presque necessaires mais qu’il n’y en a point de si justes, ni de si necessaires, que quand le peuple foulé et opprimé par la cruauté d’un tyran, va demander secours à toute la congregation des Citoyens legitimement assemblée. » Ibid. p. 174-175.

398« qui est le Roy ou le Prince en ce monde, qui ait droit d’imposer tribut d’une maille sur ses sujets sans leur consentement et volonté ? sinon qu’il veuille user de violence et de tyrannie » Ibid. p. 178.

399« Sigisbert recite qu’ils l’osterent du siege Royaul, et y mirent un nommé Gillon en sa place. C’est un acte si vertueux et magnanime de nos ancestres fait certainement bien à noter : attendu mesmes qu’il fut fait tout au commencement et par la maniere de dire en l’enfance de ce Royaume. Qui sembla être un advertissement pour

l’advenir : que ceux qui estoyent appellez à la couronne de France, estoyent elues pour estre Rois sous certaines loix et conditions qui leur estoyent limites : et non point comme tyrans avec une puissance absolue, excessive et infinie »

Nous soulignons. Ibid. p. 67-68.

400« de la sacrée et inviolable authorité de l’assemblée generale des Estats et de quelle matieres on y traitoit » Ibid. p. 113 ; « il a fallu que les Roys mesmes, qui donnent loy aux autres, se laissent gouverner par son advis » Ibid. p. 172.

tempéré402. Il développe ainsi une théorie des freins et contre-poids qui n’est pas sans rappeler celle

qu’énonce Montesquieu à la suite des théoriciens anglais :

« Car l’estat de la Royauté estant directement contraire à un gouvernement populaire, il est besoin de mettre quelques tiers entredeux, qui serve de contre-poix, et touchant aux deux extremeitez, autant à l’une comme à l’autre, les tiene en egal balance : c’est à scavoir, l’estat où quelque nombre de gens de bien et d’honneur ait le gouvernement, lequel à raison de la noblesse de race conjointe avec la suffisance, et experience aux affaires, approche de la dignité Royale : mais aussi pour autant qu’il est un degré plus bas, à cause de la sujetion qui lui est commune avec le peuple, n’est pas fort esloigné de l’estat populaire. Car il recognait un même Seigneur, et depend d’un mesme Prince, comme le reste du peuple. Mais il y a entre autres un beau passage de Cicéron où il loue hautement ceste singulierement bonne temperature, et establissement de gouvernement politique »403.

L’existence de la noblesse faisant le lien entre le roi et le peuple, assure l’existence d’un gouvernement tempéré. S’appuyant tant sur des considérations théoriques que sur une « recherche » historique des origines, il en déduit que les « pères fondateurs » auraient choisi un gouvernement mixte :

« Pourtant me semble bien, que nos Majeurs, s’estudians à maintenir leur Republique en cette bonne

temperature, qui est meslee des trois especes de gouvernement, ordonnerent tres sagement, qu’on

tiendroit tous les ans une assemblee generale de tout le Royaume, le premier jour de May : et qu’en icelle on delibereroit par le commun conseil de tous les Estats des plus grans affaires du Royaume. »404

Hotman opère ainsi une double rupture dans la pensée traditionaliste de la renaissance : il fait naître l’idée que les lois de l’État ont pu être instituées par des « pères fondateurs », et que ce n’est pas le temps seul qui crée le droit405. Ainsi, il rejette la conception traditionnelle du pouvoir

qui voit dans la coutume la source du droit406 et il développe l’idée que l’ordre politique peut être

une création humaine. En outre, il défend l’idée qu’il faut remonter aux origines pour connaître la réelle nature du gouvernement politique, sa constitution.

Toutefois, Hotman et ses successeurs monarchomaques ne sont pas des théoriciens du contrat social. Chez Hotman, comme chez Junius Brutus407, la société politique existe déjà et il n’y a

ni interrogation sur son origine, ni explication de son émergence. Hotman ne remet à aucun moment

402« Car l’estat du gouvernement de ce Royaume, estoit tout tel, que celuy lequel au jugement des anciens Philosophes, nommément de Platon et d’Aristote, que Polybius a suyvis, est le meilleur, et le plus parfait de tous les autres : c’est à scavoir, celuy qui est composé et temperé de toutes les trois especes de gouvernement : de la Monarchie, où il n’y a qu’un Roy qui commande, de l’Aristocratie, qui est l’estat de la noblesse, où un petit nombre des plus gens de

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