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CHAPITRE 3. Cadre méthodologique

3.3 Analyse des données

3.3.4 Outils d’analyse : Mémos, matrices, schémas et diagrammes

Les mémos. Faire des mémos est un outil central dans la TE (Feeler, 2012, p. 80). Strauss et Corbin définisse le mémo comme : « Le compte rendu de l’analyste, de ses réflexions, de ses interprétations, de

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ses questions et directions pour la suite de la récolte des données. » (Strauss & Corbin, 2004, p.143). Ils associent les fonctions suivantes au mémo (lesquelles ont joué un rôle important dans mon étude) : Pousser le chercheur à travailler les concepts plutôt que les données brutes ; Lui permettre d’utiliser sa créativité et son imagination alors qu’une idée en stimule une autre ; L’aider à élaborer sa pensée analytique et ; Lui fournir une réserve d’idées analytiques qui peuvent être classées, triées et ordonnées (Strauss & Corbin, 2004, p. 260-261). Les mémos vont varier en termes de contenu, de degré de conceptualisation et de longueur selon le moment de la recherche, l’intention et le type de codage en cours. Ce qu’il faut retenir est que les mémos comprennent des produits de l’analyse et des directions pour l’analyste. Ils servent à représenter des relations parmi les concepts et à conserver la trace des analyses. Chaque analyste développe son propre style et outils dans la confection de mémos, donc ils peuvent varier de type et de forme (Strauss & Corbin, 2004, p. 257). Par exemple, ils peuvent être faits à la main ou via un logiciel informatique conçu pour cet objectif. Pour ma part, j’ai débuté une compilation des données de la phase qualitative au sein d’un programme informatique pour m’en remettre surtout à l’écriture de mémos sur ordinateur et à la main sur papier, tout en utilisant des codes de couleurs, schèmes de classement et autres moyens.

Quant aux comptes-rendus dans les mémos, ils peuvent être théoriques ou opérationnels. Les premiers servent à une sensibilisation et récapitulation et comprennent des réflexions et idées sur l’échantillonnage théorique et d’autres problématiques (Strauss & Corbin, 2004, p. 257). Les deuxièmes sont plus opérationnels et comprennent des directions au niveau des procédures et des rappels à ce niveau. Les mémos peuvent ne comprendre que quelques idées génératives et quelques phrases et cela peut être suffisant selon Strauss et Corbin (2004), qui ajoutent que des mémos peuvent être écrits à partir d’autres mémos. Leur utilité à travers les différents stages de codage pour Oktay est de permettre l’intégration de composantes importantes de la théorie émergente et en ce sens, ils sont un outil faisant partie du processus créatif comme tel (Oktay, 2012, p. 69). Leur focus évolue en cours de recherche, donc ils sont évolutifs selon les divers stages d’analyse avec des réflexions et intuitions (insights) sur des pistes émergentes.

Dans le stage initial de la recherche, le mémo sert à documenter des idées, décrire des concepts et les combiner ensemble en catégories. Ils aident à la recherche de catégories émergentes (La Ross 2005, in Feeler, 2012), comparer des éléments, combiner des concepts en catégories, développer des sous- catégories à ces catégories, explorer des questions et spéculer sur les réponses et laisser aller sa pesnsée là où elle nous mène (Oktay, 2012, p. 68). Il devient progressivement la clé pour développer de nouveaux concepts et poser des questions génératives, c’est-à-dire qui poussent le chercheur à penser de façon plus

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abstraite et théorique (Oktay, 2012, p. 80). Dans le stage axial, le mémo peut refléter et documenter le processus d’analyse comparative constante et d’échantillonnage théorique. Pour Oktay, le mémo implique le développement d’idées sur de possibles relations entre les concepts et les catégories. Il porte sur les pensées du chercheur concernant des facteurs contextuels et des conséquences propres aux catégories émergentes : « In memos (in axial stage), you can explore questions about the study, tentative answers, ideas for further sampling, hypotheses, and comparisons of emerging data with other theories » (Oktay, 2012, p. 80). Dans le stage avancé, les mémos servent à expliquer le modèle théorique. Ils peuvent servir à un retour sur les résultats de recherche et répondre aux questions : Sur quoi porte l’étude ? Comment la catégorie centrale et les autres catégories sont-elles reliées ? Lesquelles sont incomplètes ? Quelles sont les conditions liées aux actions, interactions, émotions et autres ? Les mémos dans le stage avancé peuvent aussi servir à passer d’un niveau micro à un niveau macro d’analyse (Oktay, 2012, p. 88), ce qui s’est avéré important pour mon étude dans l’examen de dimensions à la fois intérieures et extérieures dans la construction de la paix, en lien avec le modèle émergeant. Le mémo fait donc partie intégrante de la théorie en construction et j’en expose quelques-uns central pour cette étude dans les prochains chapitres. D’autres outils tels des matrices, schémas et diagrammes aident à représenter les relations entre les concepts de façon visuelle.

La matrice. Miles et Huberman, experts en analyse de contenu, illustrent l’importance des matrices pour développer des relations entre des catégories : « Un outil analytique pour stimuler les réflexions des analystes sur les relations entre les conditions-conséquences macro et micro aussi bien qu’entre celles-ci et le processus. » (Miles & Huberman, 1994, p. 221) La matrice est une technique utilisée dès 1967 dans l’ouvrage phare sur la TE de Glaser et Strauss (Oktay, 2012, p. 77). Elle sert de guide conceptuel au niveau visuel qui permet au chercheur de la faire correspondre à son étude et ses données (Strauss et Corbin, 2004, p. 233). Cet outil a été utile pour Oktay d’une façon qui s’apparente à mon expérience : elle lui a permis de raisonner sur la façon dont les catégories de son analyse étaient interreliées entre elles (Oktay, 2012, p. 77). Un des quatre piliers du modèle théorique final dans le cadre de mon étude, présenté dans le chapitre 6, repose d’ailleurs sur une matrice phare qui a gagné en couches explicatives à travers l’analyse des données tel que nous verrons dasn le quatrième chapitre. Le positionnement de concepts et catégories émergeantes dans cette matrice m’a fourni l’outil visuel et spatial (visuospatial) nécessaire pour mener une série d’analyses, réflexions et comparaisons constantes, stimulant des questions et faisant progresser la théorie émergente. Elle a permis de fournir une structure acceuillant des actions-réactions au centre du processus qui a pris la place avec la catégorie centrale. C’est ainsi que j’ai pu envisager

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comment des éléments clé des hypothèses de travail ayant émergé pouvaient prendre forme en lien avec l’objet d’étude. Ainsi, je corrobore les fonctions suivantes à la matrice:

Matrices helps the analyst to be theoretically sensitive to the range of conditions that might bear upon the phenomenon under study, the range of potential consequences that results from action/interaction, and assists to systematically relate conditions, actions/interactions, and consequences to a phenomenon. (Strauss & Corbin, 1990, cité dans Shreiber et Stern, 2001, p. 134)

La matrice aide à réfléchir et expliquer des variations dans les comportements et les phénomènes humains, donc à rendre compte de l’action au sein de situations complexes comportant des conséquences et impact à divers niveaux. Strauss et Corbin parlent de matrice conditionnelle et conséquentielle ; les conditions et conséquences dites macro pour ces auteurs sont celles qui sont larges en termes de portée et d’impact possible, alors que celles micro le seront de façon étroite (Strauss & Corbin, 2004, p. 221). À cet effet, une dimension systémique importante s’est ajoutée à ma matrice centrale alors qu’elle a aidé à y intégrer des indicateurs complémentaires au niveau macro. Cela a initié une collaboration importante pour la recherche que j’expliquerai dans le prochain chapitre. Les schéma et diagrammes se sont ajoutés à cet outil et furent tout aussi déterminants pour ma recherche.

Le schéma et le diagramme. L’utilisation du schéma permet de positionner des catégories importantes et intégrer des représentations abstraites liées aux données (Strauss & Corbin, 2004, p. 254). Il peut contenir des lignes et des flèches et s’imposer avec une certaine logique qui devient évidente. L’action de passer en revue et trier les mémos développés en cours d’étude permet de voir les idées d’intégration qu’ils contiennent et qui peuvent être disposées dans un schéma (Strauss & Corbin, 2004, p. 291). Ces schémas font partie d’un registre pour la suite des activités d’analyse et contiennent une réserve d’idées importantes. On peut les trier par catégories et au moment de peaufiner la théorie, les passer en revue pour en voir la cohérence interne et la logique liée à la théorie émergente (Idem). Si le mémo du scénario (en lien avec l’objet d’étude) et les schémas sont clairs, la cohérence et la logique vont suivre. Cependant, si lors de la rédaction le chercheur ressent que quelque chose n’est pas tout à fait juste ou a besoin d’être clarifié, il peut utiliser de nouveaux schémas et revoir les mémos (Strauss & Corbin, 2004, p. 194). Il peut commencer avec la catégorie centrale définie en fonction de ses propriétés et dimensions et par le schéma en exposer les points d’ancrages selon les données.

En ce sens, le diagramme peut servir à clarifier les connections entre la catégorie centrale et les autres catégories. L’analyste intègre les catégories pertinentes en un diagramme intégrateur qui permet de lier

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certaines catégories avec d’autres, afin de former une théorie substantive de l’action (Clarke, 2004, in Charmaz, 2006 p. 61). C’est le rôle que les schémas et diagrammes ont joué dans ma recherche. Ils ont aidé à intégrer des éléments qui pouvaient sembler disparates découlant de l’analyse des données pour trouver le sens qui les relie. Ils sont devenus sophistiqués dans l’analyse de variation de la phase avancée pour mener à un schéma final illustrant le modèle théorique et appliqué dans son ensemble et de façon détaillée.