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CHAPITRE 1. Introduction

1.4 Contribution de l’étude et ses limites

Cette étude s’appuie sur des suggestions de Pace pour la recherche découlant de son étude de cas sur TCLP en 2005 (p. 249-250) : 1. Voir comment l’approche de l’ÉC transforme les attitudes et les actions des individus et peut servir d’influence au niveau collectif ; 2. Évaluer ou mesurer l’impact et la portée de l’expérience de la délégation sur les délégués ; 3. Voir le processus associé à l’écoute dans cette approche et sa dimension transformationnelle et de guérison (healing) associée à l’expérience. Cette recherche contribue de plus à un souhait émis par plusieurs participants aux délégations et formations offertes par TCLP dont je fus témoin : apprendre davantage sur cette approche de TCLP et notamment pouvoir avoir une forme de portrait global pour mieux comprendre « ce qui se passe » quant aux effets

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positifs sur les participants et pour la construction de la paix. Ceci, car les écrits et le curriculum sur l’ÉC ne sont pas volumineux et l’approche est foncièrement expérientielle et riche d’enseignements à mieux comprendre pour plusieurs. Cette étude doctorale présente une forme d’état des lieux répondant à ce besoin. Elle offre un savoir pouvant faciliter le développement d’une culture de la paix intérieure et extérieure dans tout environnement.

Le modèle théorique et appliqué qui en a émergé contribue à mieux comprendre une série de facteurs et d’indicateurs associés à cette approche, informant sur le type d’environnement et d’habiletés dialogiques qui la composent. Il permet de mieux reconnaître, comprendre et transcender la polarisation au sein des conflits pour laisser place à des formes de sagesse et de discernement favorisant le choix d’une écoute et compassion, voir des formes « d’amour centré sur l’autre » tel qu’est défini l’amour compassionnel. Les zones de polarisation transformées sont autant intérieures (intra personnelles) qu’extérieures (interpersonnelles et systémiques). Elles sollicitent l’intégration de formes d’intelligence diverses au niveau relationnel et pour aider à ce faire, le modèle fait figure d’outil ou de plateforme relationnelle ci- haut mentionnée pouvant guider la recherche future et l’application sur le terrain de la construction de la paix et dans tout environnement pour un mieux vivre ensemble et une coexistence pacifique. La recherche s’inscrit ainsi comme un exemple dans les sciences des religions appliquées.

Une autre contribution est l’utilisation de la notion et modèle de recherche sur l'amour compassionnel pouvant être adaptés par les chercheur selon leur champs et sujet d’étude (Fehr et al., 2009). Examiné sous l’angle de ma recherche est unique au sein de ce créneau et plus particulièrement en lien avec ladite « réponse du cœur » comme une des cinq caractéristiques centrales de l'amour compassionnel et peu étudié dans ce créneau de chercheurs. Une des questions du questionnaire en ligne fut d’ailleurs pour les répondants d’indiquer - sans qu’ils soient au courant - si les caractéristiques de base de l’amour compassionnel (Fehr et al., 2009) faisaient partie de la pratique de l’approche de l’écoute compassionnelle. Les réponses sont concluantes comme nous le verrons dans le chapitre cinq. Ce qui confère une crédibilité dans l’utilisation de cette notion pour faire des ponts avec l’objet d’étude. Une autre dimension adressée par l’étude en lien avec ce modèle de recherche sur l’amour compassionnel est le fait que la notion du transcendant est reconnue comme faisant partie des composantes du modèle, même si peu documentée. Mon étude l’aborde en plus de répondre à un souhait émis par les chercheurs Pearlman et Sanchez Aragon, qui invités à commenter l’ouvrage scientifique de Ferh et collaborateurs (2009) - lequel offre une compilation de plus de dix années de travaux scientifiques sur l’amour compassionnel - ont indiqué que les défis actuels sur la planète reposent en grande partie sur la qualité

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des relations interpersonnelles, intergroupes et internationales. Dans ce contexte, il s’avère selon Pearlman et Sanchez Aragon que l’amour compassionnel est une force prosociale qui peut contribuer à approfondir ces relations. Ils ont émis le souhait que des chercheurs puissent trouver des facteurs facilitateurs à cette force prosociale qu’est l’amour compassionnel et plus précisément dans des environnements de conflits violents, ce qui rendrait encore plus cruciale l’importance de connaître ces facteurs (in Fehr et al., 2009, p. 450).

Les résultats de cette recherche semblent répondre à ce souhait. Cette recherche contribue de plus aux lacunes suivantes identifiées dans la littérature scientifique : la dimension spirituelle dans l’écoute (Wolvin, 2010); les initiatives sur le terrain pour la construction de la paix en Israël et Palestine (Kurianski, 2007, 2006) dont celles visant la transformation et guérison de blessures en lien avec le conflit; la pratique de l’écoute compassionnelle comme nouveau domaine à ajouter à la cartographie des expériences transformatives de Mandala Schlitz et collaborateurs (2007); et le besoin identifié par Richardson de favoriser un plus grand nombre de recherches sur l’action de procurer et de recevoir de la compassion lors de la conférence du Mind and Life Institute en 2009.

En ce qui a trait aux limites de l’étude, la dimension géopolitique ne figure pas comme sujet d’étude bien que le conflit israélo-palestinien fasse partie du contexte dans lequel prennent place les sessions d’écoute et que les témoignages des invités portent en partie sur ce dernier. L’angle d’intérêt est plus psychosocial et spirituel en lien avec les questions de recherche que socio-géopolitique et religieux, bien que ces dimensions fassent partie du contexte. J’ai choisi d’aller plus à fond sur les angles privilégiés tout en informant là où c’était approprié ceux qui le sont moins. C’est un choix pragmatique et lié à mes champs d’expertise. De plus, la notion de justice sociale n’est pas abordée de front mais trouvera sa place partiellement avec le modèle final, ainsi que dans mes conclusions qui abordent des pistes pour la recherche future. La justice sociale ne fait pas partie des questions de recherche mais il importe de la mentionner en regard du modèle théorique et appliqué ayant émergé de l’étude. Notons ici que la dimension transformationnelle liée à l’expérience des délégués et la prise en compte de la souffrance, voir transformations et guérisons, des invités résonnent avec la perspective théologique développée par le théologien allemand Johann Baptist Metz dans l’ouvrage de Maureen H. O’Connell, Compassion : Loving Our Neighbor in an Age of Globalization qui fait des ponts avec la dimension systémique :

Encounters with suffering others, particularly with their memories and narratives, serve as a catalyst for the transformation of non-suffering persons from bourgeois to political understandings of self, world, and faith. Encountering with suffering of others break open private, quiet, and self-

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referential understandings of our reality with a politically and mystically disruptive other-centered orientation. (Metz, cité dans O’Connell, 2009, p. 120)

La notion d’identité humaine commune sera un thème important à cet égard. La déclaration universelle des droits de la personne (1948) par les Nations Unis, basée sur la reconnaissance de l’égalité de droits entre tous à partir de l’identité humaine commune et des besoins universels en termes de bien-être et de justice trouvera sa place dans la règle d’or qui deviendra un pilier central du modèle présenté à la fin de cette recherche (chapitre 6). Une culture de la paix dans tout environnement comme le suggère le modèle implique de facto une dimension sociale soulevant l’interdépendance entre les notions de compassion et de justice. Des écrits et recherches futures pourront élaborer plus à fond ces liens en regard du modèle.