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Observations du ciel dans l’infrarouge lointain et le (sub-)millim´etrique

1.2 L’Univers infrarouge et (sub-)millim´etrique

1.2.3 Observations du ciel dans l’infrarouge lointain et le (sub-)millim´etrique

Dans l’infrarouge lointain, l’atmosph`ere terrestre est un ´ecran opaque, brillant et tur- bulent. Il existe toutefois quelques fenˆetres atmosph´eriques `a travers lesquelles les astronomes peuvent observer le ciel avec des t´elescopes au sol.

Atmosph`ere et vapeur d’eau

L’absorption du rayonnement sub-millim´etrique est principalement caus´ee par les tran- sitions mol´eculaires de type rotationnelle des mol´ecules de vapeur d’eau pr´esentes dans les couches inf´erieures de l’atmosph`ere `a environ 2 km d’altitude. Des ´el´ements tels que l’oxyg`ene ou l’ozone contribuent ´egalement, mais plus faiblement, `a l’absorption du rayonnement. La figure 1.9 montre la courbe de transmission de l’atmosph`ere jusqu’`a 1500 GHz, c’est-`a-dire λ > 200 µm, au-dessus du site de Chajnantor dans le d´esert d’Atacama. Dans le sub-millim´etrique, nous

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Le terme TeraHertz est utilis´e pour faire r´ef´erence au mode de d´etection h´et´erodyne en opposition au r´egime sub-millim´etrique qui fait r´ef´erence `a un mode de d´etection incoh´erent.

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Notez cependant l’existence du projet nomm´e MBI ; celui-ci consiste `a utiliser pour la premi`ere fois des bolom`etres pour r´ealiser un interf´erom`etre millim´etrique (Korotkov et al. 2006)

Fig. 1.9 Courbes de transmission de l’atmosph`ere au dessus du Cerro Chajnantor. Chaque couleur correspond `a une quantit´e de vapeur d’eau pr´ecipitable donn´ee (0.2, 0.5 et 1 mm). La transmission dans les fenˆetres `a 350 et 450 µm (850 et 660 GHz) est tr`es d´ependente des conditions atmosph´eriques. Une fenˆetre `a 200 µm (1500 GHz) s’ouvre p´eniblement pour des PWV inf´erieures 0.2 mm. Cette courbe est extraite de Rev´eret et al. (2006).

trouvons trois fenˆetres partiellement ouvertes `a 350, 450 et 870 µm. Dans le millim´etrique, les fenˆetres `a 1.3, 2 et 3 mm sont plus larges et offrent une bien meilleure transmission.

Les astronomes quantifient la transmission atmosph´erique de deux mani`eres diff´erentes. La plus r´epandue consiste `a effectuer des skydips, ou profils d’atmosph`ere ; c’est-`a-dire qu’ils mesurent l’´emission de l’atmosph`ere en fonction de l’´el´evation `a l’aide d’un radiom`etre, puis ils calculent l’opacit´e atmosph´erique grˆace `a un mod`ele de transfert radiatif. L’opacit´e ´etant habituellement mesur´ee `a une fr´equence de 225 GHz, les conditions atmosph´eriques sont donc repr´esent´ees par la grandeur τ225. L’autre mani`ere consiste `a ´evaluer la quantit´e de vapeur

d’eau pr´esente au-dessus du t´elescope. Cette quantit´e est souvent donn´ee en millim`etre d’eau pr´ecipitable (PWV : Precipitable Water Vapor en anglais). Les meilleurs sites au monde offrent des PWV de l’ordre de 0.1-0.2 mm pour seulement quelques dizaines de nuits par an. Notez que les bandes spectrales `a 350 et 450 µm sont particuli`erement sensibles `a l’humidit´e de l’atmosph`ere (cf figure 1.9). Thomas-Osip et al. (2007) proposent une relation entre l’opacit´e `a 225 GHz et la quantit´e de vapeur d’eau pr´ecipitable, relation utile pour transposer les conditions d’observations du millim´etrique vers l’infrarouge lointain.

En plus d’absorber le rayonnement submillim´etrique, l’atmosph`ere est environ dix mille fois plus brillante que la plupart des sources astrophysiques. Elle se comporte en effet comme un corps gris `a ∼250 K dont l’´emissivit´e d´epend de la quantit´e de vapeur d’eau pr´esente dans l’atmosph`ere. Le contraste des images sub-millim´etriques (ou rapport signal-`a-bruit) peut ˆetre

18 Chapitre 1: Une br`eve histoire de l’astronomie infrarouge : de Herschel `a Herschel

astucieusement augment´e par le biais de modes d’observation particuliers et en co-additionant un grand nombre d’images individuelles.

D’autre part, la vapeur d’eau n’est pas distribu´ee de fa¸con homog`ene dans l’atmosph`ere, elle est plutˆot condens´ee dans des cellules de taille variable qui se d´eplacent au gr´e des vents. L’intensit´e lumineuse re¸cue au niveau du d´etecteur varie donc au rythme du passage de la vapeur d’eau dans le champ de vue du t´elescope. Ces lentes fluctuations introduisent du bruit basse fr´equence que l’on appelle sky noise en anglais. Il est possible de s’affranchir de ce bruit en modulant le signal `a une fr´equence plus rapide que la vitesse de d´efilement des cellules. Nous parlons alors d’observations chopp´ees (du mot anglais chopper ). Un autre effet ind´esirable dˆu au d´eplacement des cellules est l’´equivalent du ph´enom`ene de seeing dans le domaine optique. En effet, la distribution de vapeur d’eau le long du trajet optique ´evolue avec le temps, l’indice de r´efraction change ´egalement avec le d´eplacement des cellules et peut introduire une incertitude non-n´egligeable sur le pointage du t´elescope.

Les grands observatoires

Les observations dans le domaine sub-millim´etrique sont relativement difficiles `a r´ealiser du fait de la pr´esence de l’atmosph`ere et du contraste extr`emement faible des sources astrophy- siques par rapport `a l’´emission d’avant-plan (atmosph`ere, t´elescope et int´erieur de l’instrument). Pour explorer le ciel dans l’une des r´egions les moins ´etudi´ees du spectre ´electromagn´etique, les astronomes ont construits de nombreux observatoires sp´ecialement d´edi´es aux r´egimes infrarouge lointain et (sub-)millim´etrique.

Pour minimiser les effets n´efastes de l’atmosph`ere, il faut r´eduire au maximum la co- lonne d’air humide qui se trouve entre le t´elescope et la source. Cela implique de construire les grands observatoires en altitude dans des endroits extr`emement secs. Les trois principaux sites qui autorisent des observations de bonnes qualit´es dans l’infrarouge lointain et le sub- millim´etrique sont :

– Le Mauna Kea `a Hawaii (4200 m) o`u se trouvent trois observatoires majeurs qui sont le CSO (Caltech Submillimeter Observatory, 10 m de diam`etre) avec son optique active unique (Leong et al. 2006), le JCMT (James Clerk Maxwell Telescope, 15 m) et le SMA (SubMillimeter Array, 8 antennes de 6 m).

– Le Cerro Chajnantor dans le d´esert d’Atacama au Chili (5200 m). Les t´elescopes APEX (Atacama Pathfinder EXperiment, 12 m) et NANTEN2 (nanten signifie ciel austral en japonais, 4 m) y sont d´ej`a install´es. Ce site accueillera ´egalement le grand interf´erom`etre ALMA (Atacama Large Millimeter Array, environ 50 antennes de 12 m) et tr`es probablement le t´elescope CCAT (Cornell Caltech Atacama Telescope, 25 m).

– Le plateau antarctique (3000 m) poss`ede d´ej`a plusieurs t´elescopes am´ericains sur leur base du pˆole sud avec entre autre le SPT (South Pole Telescope, 10 m) et AST/RO (Antarctic Submillimeter Telescope and Remote Observatory, 1.7 m). L’atmosph`ere au-dessus du continent est tr`es s`eche `a cause des tr`es basses temp´eratures qui y

r`egnent. De nombreux auteurs s’accordent `a dire que l’antarctique est potentiellement le meilleur endroit sur Terre pour observer le ciel du visible au sub-millim´etrique (Burton 2006 ; Sironi and et al. 2003 ; Mould et al. 2006 ; Minier et al. 2007). Les observations millim´etriques ´etant moins exigentes en terme de PWV, les t´elescopes sont plus nombreux et se trouvent en g´en´eral `a des endroits plus faciles d’acc`es mais toujours en altitude. Par exemple nous trouvons le t´elescope de 30 m de l’IRAM au pico Veleta en Espagne `a 2850 m, l’interf´erom`etre CARMA (Combined Array for Millimeter Wave Astronomy) en Californie `a 2200 m ou encore le tr`es r´ecent LMT (Large Millimeter Telescope) de 50 m de diam`etre au Mexique `a 4600 m d’altitude.

Pour pouvoir observer en-dehors des fenˆetres atmosph´eriques, il est n´ecessaire de mon- ter encore plus haut en altitude. L’avion KAO (Kuiper Airborne Observatory) par exemple volait `a environ 12 km d’altitude et observait le ciel entre 1 et 500 µm avec un t´elescope embarqu´e de 90 cm. Son successeur SOFIA (Stratospheric Observatory for Infrared Astronomy) devrait abriter un t´elescope de 2.5 m de diam`etre ainsi que 9 instruments.

Les ballons stratosph´eriques sont aussi des options int´eressantes pour s’affranchir de l’atmosph`ere terrestre, ils permettent en effet de s’´elever `a environ 38 km d’altitude. Par exemple, lors de son troisi`eme vol fin 2006, l’exp´erience BLAST (Devlin et al. 2004) a observ´e le ciel sub-millim´etrique avec son t´elescope de 2 m de diam`etre pendant plus de 10 jours alors qu’il tournait autour du continent antarctique port´e par les vents circumpolaires. En 2000 et 2001, les exp´eriences en ballon MAXIMA (Hanany et al. 2000) et BOOMERANG (Lange et al. 2001) ont r´ecolt´e des donn´ees tr`es importantes qui ont permis de montrer que l’Univers ´etait (( plat )), au sens topologique du terme. Notez ´egalement les exp´eriences franco-europ´eennes PRONAOS (Serra et al. 2002), Archeops9 (Benoˆıt et al. 2002) et le futur ballon PILOT (Bernard et al. 2007)

qui devrait mesurer entre 2010 et 2012 la polarisation du milieu interstellaire `a 240 et 550 µm avec des matrices de bolom`etres du type HERSCHEL/PACS (Billot et al. 2006).

La derni`ere ´etape, la plus on´ereuse mais ´egalement la plus efficace, consiste `a satelliser le t´elescope. Il existe certes de lourdes contraintes sur la charge utile embarqu´ee notamment sur la taille du r´eflecteur, mais dans l’espace la transmission est de 100 % `a toutes les longueurs d’onde, l’environnement est tr`es stable, les ´el´ements optiques sont plus froids et donc moins brillants dans l’infrarouge lointain. La sensibilit´e des t´elescopes spatiaux est sans commune mesure avec celle des meilleurs observatoires terrestres ou mˆeme stratosph´eriques. Une ´etape importante en terme de seuil de d´etection (∼1 Jy) a en effet ´et´e franchie en 1983 avec le lancement du satellite IRAS (Neugebauer et al. 1984). En 10 mois d’op´eration, il a observ´e 96 % du ciel entre 10 et 120 µm (cf figure 1.5) et a d´etect´e environ 350000 sources dont 20000 galaxies. La NASA a ensuite lanc´e le satellite COBE (Boggess et al. 1992) pour ´etudier le fond diffu cosmologique ainsi que les avant-plans astrophysiques. Puis le satellite europ´een ISO (Kessler et al. 1996) a observ´e le ciel entre 2.5 et 240 µm pendant deux ans et demi, et a r´ev´el´e entre autre l’omnipr´esence de la poussi`ere froide Galactique et extra-galactique ind´etectable par IRAS. En 2001, l’agence

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spatiale am´ericaine lance le t´elescope WMAP (Bennett et al. 2003) pour mesurer les anisotropies du CMB avec une meilleure r´esolution que COBE. Puis vinrent les satellites Spitzer (Werner et al. 2004) et AKARI (Murakami 2004), les dignes successeurs de ISO et IRAS. Les satellites de l’ESA, Planck (Tauber 2005) et Herschel (Pilbratt 2004), devraient ˆetre lanc´es fin 2008 (cf section 1.3). Enfin, dans un futur plus lointain, des projets ambiteux tels que le JWST (Clampin et al. 2006) avec son t´elescope d´epliable de 6 m de diam`etre, l’observatoire japonais SPICA (Nakagawa 2006) avec son miroir de 3.5 m refroidi `a 4.5 K, ou encore SAFIR (Lester et al. 2006) et son miroir de 8-10 m `a 5 K devraient voir le jour pour pousser encore plus loin les limites de notre connaissance, particuli`erement en ce qui concerne la d´etection de plan`etes extrasolaires, la formation des ´etoiles et des galaxies, et de mani`ere plus g´en´erale l’origine de notre Univers.

1.3

L’Observatoire Spatial Herschel