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1.2 L’Univers infrarouge et (sub-)millim´etrique

1.3.3 Le photom`etre de PACS

Nous revenons dans cette section sur le photom`etre de l’instrument PACS, le PhFPU (Photometer Focal Plane Unit), qui a ´et´e con¸cu par le CEA et qui abrite les 10 matrices de bo- lom`etres sur lesquelles j’ai effectu´e mon travail de th`ese. Nous pr´esentons maintenant le PhFPU de mani`ere assez g´en´erale pour mettre en avant l’environnement imm´ediat des d´etecteurs ; nous d´ecrirons en d´etail le principe de fonctionnement des matrices dans le chapitre 3.

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Fig. 1.15 A gauche, photographie du mod`ele de vol du PhFPU lors de son assemblage. Le Photom`etre poss`ede deux plans focaux. Les d´etecteurs sont situ´es `a la base des deux cˆones noirs qui servent `a d´efinir le champ de vue de la cam´era et `a bloquer la lumi`ere parasite. La voie rouge est `a droite, la bleue `a gauche. La barre m´etallique jaune qui se trouve entre les deux plans focaux (en dessous) fournit les 300 mK n´ecessaires au fonctionnement des bolom`etres. Elle est reli´ee au cryo-r´efrig´erateur qui se situe sous le PhFPU (en partie visible sur la photo). Les dimensions du photom`etre sont de 260 × 348.5 × 216 mm, il p`ese 8.2 kg. Le sch´ema de droite montre comment le dichro¨ıque s´epare la lumi`ere entre la voie bleue et rouge. (cr´edit CEA) Description g´en´erale

Le PhFPU poss`ede deux voies d’imagerie : la voie (( bleue )) qui couvre le domaine spectral de 60 `a 130 µm, et la voie (( rouge )) de 130 `a 210 µm. Les deux voies sont illumin´ees simultan´ement grˆace `a un miroir dichro¨ıque situ´e sur le chemin optique, ce miroir est r´efl´echissant en-dessous de 130 µm et transparent au-del`a (cf figure 1.15). La voie bleue est de plus scind´ee en deux bandes spectrales par le biais d’une roue `a filtre situ´ee entre le miroir dichro¨ıque et le d´etecteur (la roue `a filtre n’est pas repr´esent´ee sur la figure). Nous distinguons donc la bande bleue courte longueur d’onde de 60 `a 85 µm et la bande bleue grande longueur d’onde, aussi appel´ee bande verte, de 85 `a 130 µm. Le PhFPU observe donc dans deux bandes simultan´ement : les bandes bleue et rouge ou bien verte et rouge. La figure 1.16 montre la transmission du syst`eme optique dans chacune de ses trois bandes spectrales, elle est d’environ 50 %. Notez que les bolom`etres ´etant des d´etecteurs large bande, il est n´ecessaire de filtrer le rayonnement infrarouge proche et moyen pour ´eviter une surcharge optique sur les d´etecteurs (augmentation ind´esirable du bruit de photon et de la puissance incidente). Le syst`eme optique est limit´e par la diffraction `a ∼100 µm.

Les plans focaux bleu et rouge (BFP, Bolometer Focal Plane) sont compos´es de mo- sa¨ıques de matrices de bolom`etres : la voie bleue compte 2048 pixels (4×2 matrices de 16×16 bo- lom`etres chacune) et la voie rouge 512 pixels (2 matrices). Le champ de vue des deux BFP est de 3.50× 1.750. Un pixel bleu projet´e sur le ciel repr´esente un carr´e de 3.200× 3.200, les pixels

Fig. 1.16 Courbes de transmission globale des filtres et dichro¨ıque du Photom`etre PACS dans chacune des bandes. La transmittance a ´et´e mesur´ee pour des filtres thermalis´es `a environ 5 K et un dichro¨ıque `a temp´erature ambiante. L’efficacit´e d’absorption des bolom`etres n’intervient pas dans le calcul de ces courbes.

rouges sont deux fois plus grands (les pixels bleus et rouges ont la mˆeme taille physique mais la longueur d’onde est deux fois plus grande sur la voie rouge). La figure 1.17 montre les deux BFP avant int´egration dans le PhFPU. La structure circulaire qui entoure les d´etecteurs est maintenue `a 2 K alors que la structure centrale qui supporte les bolom`etres est thermalis´ee `a 300 mK. Cette derni`ere est attach´ee `a la structure 2 K par un syst`eme de poulies et de fils de kevlar qui isole thermiquement les deux ´el´ements. Cette architecture est extrˆemement solide, le PhFPU a d’ailleurs pass´e avec succ`es la campagne de qualification spatiale, avec entre autre des tests de vibrations `a froid.

Pendant la campagne d’´etalonnage men´ee au MPE (Garching, Allemagne), l’´equipe a test´e un ´equipement que nous appelons le XY-Stage avec une source tout `a fait remarquable. En fait, le XY-Stage est un boˆıtier externe au cryostat de test qui permet d’illuminer le FPU avec des sources g´en´eralement ponctuelles et de les d´eplacer dans le champ de vue pour simuler diff´erentes techniques d’observation. D’autre part, la mascotte de PACS ´etant un ours polaire, ils ont d´ecoup´e la forme d’un ours dans une plaque m´etallique et ont utilis´e le XY-stage pour (( simuler )) l’observation de Ursa Major avec le photom`etre PACS ! Une des images du balayage est devenue le logo de l’instrument PACS, elle est pr´esent´ee dans la figure 1.18. Notez de plus que ce (( test )) a permis de mettre en ´evidence un cross-talk ´electrique sur les matrices du BFP rouge (cf section 5.5.3).

L’´electronique chaude n´ecessaire pour lire le signal bolom´etrique se situe dans le module de service du satellite, c’est-`a-dire `a une distance de 7 m et `a une temp´erature 10 fois plus ´elev´ee

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Fig.1.17 Photographie des deux BFP du PhFPU avant int´egration dans le photom`etre. `A gauche le BFP rouge contient 2 matrices de 16 × 16 bolom`etres chacune. Les matrices de bolom`etres seront d´ecrites en d´etails dans le chapitre 3. `A droite, le BFP bleu est compos´e d’une mosa¨ıque de 8 matrices pour un total de 2048 bolom`etres. C’est `a ce jour le d´etecteur qui contient le plus grand nombre de bolom`etres. Pour chacun des BFP, la structure circulaire interne qui porte les bolom`etres (´etage 300 mK) est thermiquement isol´ee de la structure cylindrique (´etage 2 K) qui la supporte m´ecaniquement par des fils de Kevlar. Le doigt froid qui connecte thermiquement les bolom`etres au cryo-r´efrig´erateur est visible `a droite sur chacune des photographies. (cr´edit CEA)

Fig. 1.18 Observation de Ursa Major avec PACS ! En r´ealit´e, cette image est extraite d’une si- mulation d’observation r´ealis´ee avec le XY-Stage du banc de test de Garching. Le soleil couchant (ou plutˆot disque rouge en fond) correspond `a des r´eflexions internes sur la fenˆetre d’entr´ee du cryostat (‘300 K). Cette image est maintenant devenue le logo de l’instrument PACS.

que le PhFPU. L’´electronique chaude se compose de plusieurs ´el´ements, en partant du PhFPU vers la plateforme du satellite nous trouvons :

BOLC : C’est le boˆıtier ´electronique qui contrˆole les matrices de bolom`etres et le cryo-r´efrig´erateur (cf section 1.3.3). Il p`ese un peu plus de 18 kg, consomme environ 44 W en mode de fonc- tionnement nominal12, c’est-`a-dire en mode d’observation, et fonctionne `a une temp´erature d’environ 300 K. Une description d´etaill´ee est pr´esent´ee dans la section 3.3.2. Notez sim- plement que le d´ebit de donn´ees g´en´er´ees par les deux plans focaux13 du PhFPU est de l’ordre de 1600 kbits/s. Les donn´ees de House Keeping14 sont ´echantillonn´es `a 0.5 Hz et occupent environ 1 % de la bande passante de la t´el´em´etrie.

DECMEC : Ce boˆıtier contrˆole les photoconducteurs du spectrom`etre ainsi que toutes les parties m´ecaniques (roue `a filtres, chopper, r´eseau) et les sources de calibration de PACS. Il transmet ´egalement le signal brut vers le SPU (Software Processing Unit). Du point de vue de BOLC, DECMEC est un fil ´electrique qui le connecte au SPU.

SPU : Du fait de la faible bande passante disponible pour communiquer avec la Terre (130 kbps), le SPU effectue un pr´e-traitement du signal (photom`etre et spectrom`etre) ainsi qu’une com- pression des donn´ees. Pour le photom`etre, il est n´ecessaire de r´eduire le d´ebit de donn´ees par un facteur 16. Un facteur de compression l´eg`erement inf´erieur `a 4 est r´ealis´e sans perte de donn´ees15, et le facteur 4 restant est atteint en moyennant 4 images successives. L’avantage de ce type de (( compression )) est que le rapport signal-`a-bruit des donn´ees transmises est augment´e d’un facteur 2 ; l’inconv´enient est que l’information contenue dans ces 4 images se trouve (( m´elang´ee )) (cf section 6.4.3).

DPU : C’est un boˆıtier ´electronique num´erique qui est `a l’interface entre PACS et le satellite. Il g`ere notamment l’aspect t´el´em´etrie/t´el´ecommande.

Tous les boˆıtiers de la chaˆıne ´electronique de PACS poss`edent des voies nominales et redondantes, ceci afin d’assurer une bonne fiabilit´e du syst`eme.

Le cryo-r´efrig´erateur

Le satellite fournit au PhFPU une temp´erature minimum de 1.7 K. Cependant, les ma- trices de bolom`etres requi`erent d’ˆetre refroidies `a 300 mK pour fonctionner. C’est donc le rˆole du cryo-r´efrig´erateur d’abaisser la temp´erature des BFP. Le cryo-r´efrig´erateur `a adsorption de PACS a ´et´e con¸cu par le service des basses temp´eratures du CEA (Duband and Collaudin 1999), celui utilis´e pour l’instrument Herschel/SPIRE en est une copie quasi-conforme. Le principe de fonctionnement de ce cryo-r´efrig´erateur est relativement simple et efficace, il ne contient aucune partie mobile (tr`es adapt´e aux contraintes spatiales), nous allons donc bri`evement d´ecrire son concept et pr´esenter ses performances.

12Il ne consomme que 6.9 W durant le recyclage du cryo-r´efrig´erateur et 6.0 W en standby. 13

Au total 2560 pixels ´echantillonn´es `a 40 Hz dont le signal de chaque pixel est cod´e sur 16 bits.

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Ces donn´ees contiennent les informations sur l’´etat de fonctionnement du satellite comme par exemple le pointage, la temp´erature des instruments ou encore la position d’une roue `a filtre.

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Fig.1.19 Photographie du cryo-r´efrig´erateur de PACS. Nous voyons la sph`ere qui est maintenue en suspension par des fils de kevlar. Le sch´ema de droite pr´esente le fonctionnement du cryo- r´efrig´erateur. En haut, la pompe est chauff´ee pour d´esorber le gaz qui va se condenser dans l’´evaporateur (sph`ere de droite). En bas, la pompe est connect´ee au niveau 0 et les charbons actifs pompent l’h´elium liquide, la temp´erature du liquide en ´ebullition chute `a 300 mK. Ce sch´ema est extrait de la pr´esentation de Laurent Clerc pour la conf´erence (( Cryog´enie spatiale )) en avril 2005. (cr´edit CEA)

Le fonctionnement du cryo-r´efrig´erateur `a adsorption repose sur l’´evaporation d’une petite quantit´e de 3He qui permet d’abaisser la temp´erature de la phase liquide jusqu’`a 250-

300 mK. Sch´ematiquement, le cryo-r´efrig´erateur se pr´esente sous la forme de deux sph`eres en titane reli´ees par un tube. Dans l’une de ces sph`eres que nous appelons la pompe se trouve quelques grammes de charbons actifs. Ces charbons sont tr`es poreux et poss`edent une capacit´e extraordinaire `a adsorber le gaz (un gramme de charbon actif repr´esente une surface sp´ecifique d’environ 2000 m2). La pompe est reli´ee au niveau 0 (∼ 2 K) par un interrupteur thermique.

Une chaufferette situ´ee sur la sph`ere permet de changer la temp´erature des charbons, et ainsi de contrˆoler leur vitesse d’adsorption et de d´esorption. L’autre sph`ere s’appelle l’´evaporateur, elle contient une mousse qui permet de retenir le liquide par capillarit´e en l’abscence de pesanteur. Elle est ´egalement li´ee au niveau 0 par un interrupteur thermique ce qui permet de condenser l’h´elium pendant la phase de recyclage. Le tube qui relie les deux sph`eres est thermalis´e `a 2 K pour isoler thermiquement la partie chaude de la partie froide, c’est-`a-dire la pompe de l’´evapo- rateur. La structure pompe/´evaporateur/tube est maintenue dans un chassis `a 4 K par des fils de kevlar pour assurer une bonne isolation thermique. La figure 1.19 pr´esente une photographie du cryo-r´efrig´erateur de PACS et un sch´ema explicatif de son fonctionnement.

L’´etape de recyclage consiste `a chauffer la pompe avec la chaufferette jusqu’`a environ 45 K. Le gaz contenu dans les charbons actifs est d´esorb´e et va condenser dans l’´evaporateur qui est maintenu `a 2 K. Lorsque tout l’h´elium est en phase liquide, le chauffage est arrˆet´e, la pompe est connect´ee au niveau 0 par l’interrupteur thermique et l’´evaporateur est d´econnect´e du niveau 0 en ouvrant son interrupteur thermique. La temp´erature des charbons passe `a 2 K augmentant ainsi consid´erablement leur pouvoir d’adsorption, pour suivre la chute de pression dans l’´evaporateur l’h´elium liquide se met `a bouillir et sa temp´erature chute alors `a ∼260 mK. Le cryo-r´efrig´erateur maintient cette temp´erature au niveau de l’´evaporateur tant qu’il reste du liquide `a ´evaporer. La figure 1.20 montre l’´evolution des temp´eratures du cryo-r´efrig´erateur durant un recyclage.

Lors des tests effectu´es `a Saclay, nous avons obtenus une autonomie de 59 heures avec un recyclage de 2 heures et un niveau 0 `a 1.6 K. Durant la campagne d’´etalonnage de PACS au MPE, un recyclage de 2 heures ne donnait qu’une autonomie de ∼35-40 heures (le niveau 0 du cryostat PACS est sup´erieur `a 1.6 K). N´eanmoins, des recyclages de 3 heures nous ont permis d’obtenir une autonomie de 45-50 heures (il faut attendre que l’´evaporateur passe en dessous des 2 K avant de le connecter aux BFP). Bien que l’autonomie du cryo-r´efrig´erateur d´epende du niveau 0, la temp´erature de l’´evaporateur est extrˆemement reproductible quel que soit le niveau 0. La description du photom`etre PACS a ´et´e inspir´ee de l’article publi´e dans les procee- dings de la conf´erence SPIE 2006 d’Orlando o`u j’ai pr´esent´e `a l’oral les performances du PhFPU. Le lecteur pourra consulter cet article dans l’annexe A.

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Fig.1.20 ´Evolution de la temp´erature des diff´erents ´el´ements du cryo-r´efrig´erateur (en haut) et du PhFPU (en bas) durant un recyclage. TEMP SP et TEMP EV sont les temp´eratures de la pompe et de l’´evaporateur respectivement. TEMP SP SWT et TEMP EV SWT sont les tem- p´eratures des interrupteurs thermiques de la pompe et de l’´evaporateur respectivement (ils sont passants quand ils sont chauds). TEMP FPU1 est la temp´erature du BFP rouge, TEMP FPU2 celle du BFP bleu et TEMP FPU ST celle de la structure du PhFPU. Ce recyclage a dur´e environ 2 heures.

La bolom´etrie

Ce chapitre introduit les concepts fondamentaux qui r´egissent le fonctionnement d’un bolom`etre. Nous commencerons par d´ecrire le travail de S.P. Langley qui fabriqua le tout premier bolom`etre de l’histoire `a la fin du XIXe

si`ecle. Nous verrons ensuite la description d´etaill´ee du comportement thermique de ce type de d´etecteur ainsi que les diff´erentes sources de bruit inh´erentes `a l’utilisation de bolom`etres. Enfin, nous ferons le tour des instruments actuellement en op´eration sur les grands t´elescopes (sub-)millim´etriques en insistant sur les aspects thermom´etriques et optiques de la d´etection bolom´etrique.

2.1

Des d´etecteurs thermiques

(( I call the instrument provisionally the “Bolometer” (βoλ´η, µ´²τ ρoν), or “Actinic Balance”, because it measures radiations and acts by the method of the “bridge” or “balance”, there being always two arms, usually in juxtaposition, and exposed alike to every similar change of temperature arising from surrounding objects, air-currents, etc., so that the needle is (in theory at least) only affected when radiant heat, from which one balance-arm is shielded, falls on the other. ))

Extrait de Langley (1881), p.349.