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2.2 L’av`enement des bolom`etres sur les grands t´elescopes

2.2.1 Les bolom`etres r´esistifs

L’histoire moderne des bolom`etres a v´eritablement commenc´e avec le d´etecteur de Boyle and Rodgers (1959) qui utilisait une r´esistance en carbone comme thermom`etre. L’avantage de cette technologie est qu’elle est relativement peu on´ereuse, facile `a fabriquer et que la capacit´e calorifique du composant chute significativement `a basse temp´erature. La r´esistance jouait le rˆole d’absorbeur et de senseur thermique. Cependant ces r´esistances poss`edent un fort bruit basse fr´equence qui limite les performances du bolom`etre ; de plus le carbone est un mat´eriau amorphe qui ne permet pas d’atteindre des capacit´es calorifiques aussi faibles que celles des mat´eriaux cristallins. Le stade suivant du d´eveloppement des bolom`etres est donc l’invention de thermo- m`etres basse temp´erature `a base de germanium cristallin fortement dop´e et compens´e. L’article de Low (1961) pr´esente les performances sup´erieures d’un tel d´etecteur. Il mesure une NEP de 5 × 10−13 W/√Hz `a 2 K et pr´edit une NEP de 10−15 W/√Hz `a 0.5 K avec une constante de

temps de 1 ms. `A noter ´egalement le travail de Downey et al. (1984) qui a introduit le concept de bolom`etres monolithiques `a base de silicium o`u le thermom`etre est directement implant´e dans le substrat par implantation ionique compens´ee. Il obtient une NEP de 4 × 10−16 W/Hz `a

350 mK et une constante de temps de 20 ms. Les bolom`etres de Downey et al. sont d’autant plus int´eressants que leur conception est assez proche de celle des matrices de bolom`etres du CEA que nous d´ecrirons en d´etail dans la section 3.1.

Aujourd’hui, la grande majorit´e des bolom`etres composites utilise des thermom`etres de type NTD Ge (Neutron-Transmutation-Doped Germanium) car ils pr´esentent une faible capacit´e calorifique et des niveaux de bruit peu ´elev´es (Lange et al. 1983). La m´ethode de fabrication de ces thermom`etres consiste `a placer le germanium dans un flux de neutrons provenant d’un r´eacteur nucl´eaire pendant une dur´ee bien pr´ecise. Certains noyaux de70Ge vont alors subir une

d´ecroissance b´eta pour devenir du71Ge. Cet isotope a une demi-vie de 11 jours et se transmute finalement en71Ga qui est un accepteur d’´electron par rapport au germanium. D’autres isotopes du 70Ge se transmutent en 75As qui, lui, est un donneur d’´electron. Le rapport des isotopes

est tel que le cristal finit par contenir un exc`es d’accepteur d’´electrons ce qui rend le mat´eriau conducteur. Le m´ecanisme de conduction dans ce type de mat´eriau (semiconducteur dop´e et compens´e) sera d´ecrit dans la section 3.2.2. Cette technique a l’avantage d’ˆetre reproductible et permet d’obtenir de grandes quantit´es de mat´eriau dop´e de fa¸con tr`es homog`ene, ce qui conf`ere aux thermom`etres un bruit basse fr´equence relativement faible. Toutefois, le taux de compen- sation (rapport accepteurs/donneurs) n’est pas contrˆolable, il est en effet impos´e par le rapport des isotopes de germanium. De plus, ces thermom`etres doivent ensuite ˆetre assembl´es indivi- duellement sur les substrats. Cette technologie est tr`es d´elicate et ne permet pas la fabrication collective de bolom`etres.

La cam´era SCUBA (Holland et al. 1999) poss´edait par exemple des thermom`etres NTD Ge fonctionnant `a 100 mK. Elle ´etait install´ee `a Hawaii sur le JCMT et observait dans les fenˆetres `a 350, 450, 750 et 850 µm. Elle a ´et´e r´ealis´ee3 `a Edinburgh (UK) par la mˆeme ´equipe qui

a construit UKT14 (Duncan et al. 1990), le pr´ecurseur des cam´eras sub-millim´etriques actuelles. Alors que UKT14 ne poss´edait qu’un seul pixel, SCUBA comptait 37 bolom`etres dans les deux bandes grande longueur d’onde et 91 dans les deux autres. SCUBA fut le premier instrument `a offrir une r´eelle capacit´e d’imagerie dans le sub-millim´etrique. D’apr`es Holland et al., SCUBA ´etait dix mille fois plus rapide que UKT14 pour cartographier le ciel. L’arriv´ee de SCUBA a ´et´e une v´eritable r´evolution pour la communaut´e sub-millim´etrique et a permis de nombreuses d´ecouvertes. Par exemple, Hughes et al. (1998) ont observ´e le Hubble Deep Field pendant 51 heures et ont d´ecouvert une population de galaxies distantes extrˆemement brillantes. L’´etude des m´ecanismes de formation d’´etoiles (Kirk et al. 2005) ou de disques de poussi`ere (Wyatt et al. 2003) a ´egalement profit´e des performances de SCUBA.

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52 Chapitre 2: La bolom´etrie

Au milieu des ann´ees 90, l’´equipe du GSFC (Goddard Space Flight Center) a d´evelopp´e des d´etecteurs bolom´etriques de type pop-up pour la cam´era SHARC (Wang et al. 1996). Elle ´etait install´ee sur le t´elescope CSO et observait `a 350 et 450 µm. La thermom´etrie est r´ealis´ee par silicium implant´e phosphore et compens´e bore, comme pour les matrices de bolom`etres du CEA (cf section 3.2.2 pour plus de d´etails). La concentration de dopant est choisie de sorte que l’on obtienne une imp´edance de 10 MΩ `a 300 mK. Le plan focal est compos´e de bolom`etres monolithiques planaires qui se pr´esentent sous la forme d’une barrette lin´eaire de 24 pixels. Tous ces pixels sont manufactur´es simultan´ement `a partir d’une mˆeme plaque de silicium par des tech- niques de micro-lithographie. L’absorption est r´ealis´ee par une fine couche de bismuth d´epos´ee sur le substrat en silicium. La NEP est de 5×10−15 W/√Hz. En 2002, SHARC est remplac´e par SHARC II (Dowell et al. 2003 ; Silverberg et al. 2004) qui repose sur la mˆeme m´ethode de fabrication mais qui contient 12 barrettes de 32 pixels (85 % des pixels sont fonctionnels). L’id´ee originale du GSFC pour pallier au probl`eme d’encombrement des longues poutres qui relient l’absorbeur `a la structure a ´et´e de les plier perpendiculairement au plan des bolom`etres. De cette fa¸con les barrettes ont pu ˆetre assembl´ees de mani`ere contig¨ue pour obtenir un bon facteur de remplissage du plan focal. De plus, les bolom`etres de SHARC II sont plac´es dans une cavit´e quart-d’onde pour augmenter l’absorption du rayonnement (ce syst`eme d’absorption a ´et´e introduit par le CEA pour ses matrices de bolom`etres, nous y reviendrons dans la section 3.2.3). Bas´e sur la mˆeme technologie, le GSFC a construit HAWC, un photom`etre optimis´e pour ob- server de 50 `a 250 µm, il est destin´e `a l’observatoire SOFIA (Harper et al. 2004) qui devrait bientˆot prendre son envol.

Le groupe du Max-Planck-Institut f¨ur Radioastronomie de Bonn poss`ede ´egalement une longue exp´erience dans la fabrication de bolom`etres infrarouges. Ils ont entre autre fourni `a l’IRAM la cam´era MAMBO (Kreysa et al. 1998) qui poss`ede 117 bolom`etres et observe `a 1.3 mm au Pico Veleta. Tr`es r´ecemment, le groupe a effectu´e avec succ`es la v´erification scientifique de leur dernier instrument LABOCA (Kreysa et al. 2003) sur le t´elescope APEX. Cette cam´era contient 295 bolom`etres, dont 16 % sont d´efectueux, elle fonctionne `a 300 mK et utilise des thermom`etres NTD Ge. Sa sensibilit´e `a 870 µm d´epend du mode d’observation mais vaut environ 75 mJy/√Hz.

Du cˆot´e fran¸cais, le CEA s’est lanc´e en 1995 dans le d´eveloppement de matrices de bolom`etres pour l’infrarouge lointain. Ces matrices sont innovantes sur de nombreux points, no- tamment sur la fabrication collective des bolom`etres, le circuit de lecture multiplex´e ou encore l’utilisation de cavit´es r´esonantes pour optimiser l’absorption du rayonnement. Nous reviendrons en d´etails sur ces d´etecteurs dans le chapitre 3. Notez ´egalement la mise en place d’une colla- boration `a l’´echelle nationale, le DCMB (D´eveloppement Concert´e de Matrices de Bolom`etres), dont l’objectif est d’exploiter les comp´etences de plusieurs laboratoires de recherche fran¸cais et de d´evelopper conjointement des matrices de bolom`etres d’une nouvelle g´en´eration pour l’astro- nomie (sub-)millim´etrique. Le groupe est men´e par Alain Benoˆıt, il rassemble dix laboratoires situ´es `a Grenoble, en r´egion parisienne et `a Toulouse. Les travaux de recherche sont financ´es par

Fig. 2.4 Photographies de bolom`etres de type spiderweb con¸cus par le JPL. La masse suspen- due est r´eduite au maximum abaissant ainsi la capacit´e calorifique de la grille absorbante. Le thermom`etre est coll´e au centre de la toile et est connect´e ´electriquement au circuit de lecture par une piste m´etallis´ee visible sur les deux photos. (images emprunt´ees sur www.planck.fr/ et www2.jpl.nasa.gov/)

le CNRS et le CNES. Les th´ematiques scientifiques vis´ees par le DCMB concernent principale- ment la mesure de la polarisation du CMB, avec le projet spatial SAMPAN/Bpol (D´esert 2007), ainsi que la mesure de l’effet Sunyaev-Zeldovich pour le projet stratosph´erique Olimpo (Masi et al. 2005). Le groupe a d´ej`a r´ealis´e des matrices prototypes contenant jusqu’`a 200 pixels, les thermom`etres employ´es peuvent ˆetre de type r´esistif `a tr`es haute imp´edance, ou de type supra- conducteur. Les thermom`etres sont r´ealis´es par d´epˆot de couches minces de NbSi. Ce mat´eriau se comporte comme un isolant d’Anderson ou comme un supraconducteur suivant la stochiom´etrie des deux ´el´ements. L’´electronique de lecture est alors adapt´ee au type de thermom`etres utili- s´es, des SQUID pour les TES et des Quantum-Point-Contact High-Electron-Mobility-Transistors (QPC-HEMT) pour les r´esistifs (Benoˆıt et al. 2008).

Enfin, nous terminons ce tour d’horizon non-exhaustif des bolom`etres r´esistifs par les d´etecteurs les plus r´epandus actuellement en bolom´etrie infrarouge. Il s’agit des bolom`etres spiderweb du JPL/Caltech (Jet Propulsion Laboratory/California Institute of Technology), ini- tialement con¸cus par J. Bock (Bock et al. 1995 ; Turner et al. 2001). La figure 2.4 montre deux photographies de ces bolom`etres. Le pixel est constitu´e d’une grille `a g´eom´etrie circulaire, en forme de toile d’araign´ee, sur laquelle est d´epos´ee une fine couche de bismuth pour absorber le rayonnement (sub-)millim´etrique. La structure de la grille pr´esente de nombreux avantages, notamment une faible masse (donc une faible capacit´e calorifique), une faible conductance ther- mique, ainsi qu’une faible section efficace g´eom´etrique aux particules cosmiques qui perturbent les signaux bolom´etriques. La grille est r´ealis´ee en Si3N4 par des techniques de micro-usinage

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Initialement coll´es par ´epoxy, les thermom`etres sont maintenant soud´es `a l’indium sur un d´e- pˆot Cr-Au. Les connections ´electriques sont r´ealis´ees par des fils en NbTi qui contribuent `a la conductance thermique. Les performances de ces d´etecteurs en terme de sensibilit´e sont excel- lentes : NEP= 1.2 × 10−17 W/√Hz `a 300 mK et 2 × 10−18 W/√Hz `a 100 mK. Ces bolom`etres ´equipent de nombreux instruments comme par exemple BOLOCAM sur le CSO qui observe `a 1.1, 1.4 et 2.1 mm avec ses 144 pixels (Glenn et al. 1998). Caltech devrait livrer une ca- m´era quasi-identique `a BOLOCAM pour le LMT au Mexique. Les projets ACBAR au pˆole sud, BOOMERANG, MAXIMA et ARCHEOPS en ballon, Planck/HFI (Lamarre et al. 2003) et Herschel/SPIRE (Griffin et al. 2006) dans l’espace utilisent ´egalement des bolom`etres spiderweb.