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Comme nous l’avons pr´esent´e dans la section 2.1.3, tout syst`eme ´electronique poss`ede un bruit basse fr´equence, g´en´eralement de la forme 1/f, qui se traduit dans l’espace r´eel par une lente d´erive du signal ´electrique. Ce genre d’effet instrumental est potentiellement n´efaste pour des observations astronomiques puisqu’il empˆeche de distinguer les v´eritables variations de flux incident par rapport `a la d´erive ´electrique du d´etecteur. Il est donc n´ecessaire de quantifier ce ph´enom`ene afin d’adapter les m´ethodes d’observation aux carat´eristiques des bolom`etres.

Jusqu’`a pr´esent, nous avons rencontr´e ces d´erives basses fr´equences dans l’espace de Fourier uniquement. Par exemple, la figure 5.16 montre des densit´es spectrales de bruit obtenues pour des mesures de 3 heures ; ces spectres ´etant moyenn´es sur une matrice enti`ere, ils poss`edent tr`es peu de fluctuations statistiques et r´ev`elent ainsi une remont´ee basse fr´equence autour de 1 Hz. Cependant, sur des densit´es spectrales de bruit mesur´ees sur des pixels individuels, le coude

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Une estimation plus pr´ecise du flux incident sur le pixel le plus brillant n´ecessiterait d’int´egrer les PSF sur la bande spectrale totale en les pod´erant par la transmission des filtres.

Fig.6.2 ´Etude de la stabilit´e du signal bolom´etrique. La courbe du haut montre l’´evolution du signal d’un pixel bleu sur une dur´ee de quelques minutes. En bas `a gauche se trouve la densit´e spectrale de bruit de ce signal. Le coude de remont´ee en 1/f est difficilement rep´erable. En bas `a droite, nous pr´esentons la variance d’Allan calcul´ee pour ce mˆeme signal. Le minimum de la courbe donne le (( temps de coh´erence )) du signal, il nous indique qu’au-del`a de 1 s la d´erive du signal domine le niveau de bruit blanc des bolom`etres.

de remont´ee du bruit basse fr´equence est (( noy´e )) dans les fluctuations statistiques et il est tr`es difficile de d´eterminer clairement la position de ce coude. La figure 6.2 montre par exemple un signal temporel de 4 minutes et le spectre correspondant sur lequel ni le coude du bruit en 1/f ni la fr´equence de coupure du bolom`etre n’est clairement visible. Nous nous tournons alors vers une technique qui est habituellement utilis´ee pour caract´eriser la stabilit´e des d´etecteurs h´et´erodynes mais qui peut s’appliquer plus g´en´eralement `a un signal bolom´etrique comme le notre : il s’agit de la variance d’Allan (Allan 1966). En termes simplifi´es, cette quantit´e repr´esente l’´evolution de la variance du signal filtr´e par une moyenne glissante en fonction de la taille de ce filtre. Ossenkopf (2003) pr´esente par exemple un calcul d´etaill´e de la variance d’Allan qu’il applique ensuite aux d´etecteurs de l’instrument Herschel/HIFI. D’autre part, l’article de Schieder and Kramer (2001) montre que pour un signal qui contient du bruit blanc ainsi que du bruit de d´erive, comme c’est le cas pour les matrices de bolom`etres, alors la variance d’Allan devrait pr´esenter un minimum indiquant la p´eriode de temps `a partir de laquelle la d´erive du signal commence `a dominer le bruit blanc du d´etecteur. Ce temps caract´eristique donne un (( temps de coh´erence )) du signal qui nous permettra d’optimiser les modes d’observation de l’instrument. Notez que la d´erive basse fr´equence du signal ne d´epend pas de la tension de polarisation des

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bolom`etres (cf figure 5.16) ni du flux incident sur les d´etecteurs (cf annexe E).

Nous avons donc calcul´e la variance d’Allan du signal de la figure 6.2 pour comparer le r´esultat `a l’analyse de Fourier. Alors que le coude du bruit basse fr´equence n’est pas visible sur le spectre, le minimum de la variance d’Allan est facilement d´etectable et donne un temps de coh´erence de l’ordre de la seconde, ce qui co¨ıncide parfaitement avec la fr´equence de coude de ∼1 Hz que nous avons trouv´ee `a partir de la figure 5.16. Puisque les deux m´ethodes fournissent des r´esultats similaires, nous pouvons affirmer avec confiance que l’´echelle de temps des d´erives du signal est effectivement d’une seconde. De plus, nous avons montr´e que cette d´erive ne s’applique qu’`a la partie additive5 du signal. En effet, en utilisant les sources internes d’´etalonnage du banc de test, nous avons mesur´e r´eguli`erement l’´evolution du gain des d´etecteurs lors de la campagne d’´etalonnage, et nous avons montr´e qu’il fluctue d’environ 0.1 % sur des p´eriodes de plusieurs heures.

Des techniques d’observation permettent de s’affranchir efficacement de cet effet instru- mental. Le principe repose sur la modulation du signal `a l’aide du miroir secondaire du t´elescope, g´en´eralement appel´e chopper ou wobbler, pour observer alternativement le champ o`u se trouve la source et le fond de ciel puis un champ vide qui ne contient que le fond de ciel ; l’objectif ´etant de soustraire les d´erives additives introduites par l’instrument ou par les ´emetteurs d’avant-plan dans le cas d’observations au sol, c’est-`a-dire l’atmosph`ere. Le t´elescope est ensuite g´en´eralement nodd´e pour corriger les erreurs introduites par la diff´erence de chemin optique entre les deux positions chopp´ees. Dans le cas de PACS, le temps de coh´erence ´etant d’environ une seconde, il est n´ecessaire d’effectuer un cycle chopper toute les secondes de sorte `a garder l’information sur l’offset avant qu’il ne d´erive. La fr´equence du chopper PACS devrait par cons´equent ˆetre de ∼2 Hz. Notez qu’il est possible de se dispenser d’un chopper pour moduler le signal. Les articles de Weferling et al. (2002) et Reichertz et al. (2001) proposent en effet une technique d’observation qu’ils appellent fastscanning qui consiste `a balayer le ciel relativement vite pour que ni les offsets des d´etecteurs ni l’atmosph`ere n’aient le temps de d´eriver. Ils utilisent entre autre la redondance d’information sur une matrice de d´etecteurs pour corriger les fluctuations de l’atmosph`ere (plusieurs pixels observent la mˆeme r´egion du ciel sur des p´eriodes plus courtes que le temps de coh´erence).

D’autre part, nous avons tent´e de r´eduire le bruit basse fr´equence des bolom`etres en cherchant une possible corr´elation entre les d´erives du signal et les d´erives en temp´erature des d´etecteurs. Nous avons trouv´e que, pour une mesure longue d’une heure, la temp´erature du plan focal d´erive de fa¸con monotone sur seulement ∼30 µK ; et qu’une si faible variation n’affecte pas significativement le signal, c’est-`a-dire que le spectre du signal brut et celui du signal d´ecorr´el´e se superposent parfaitement `a l’exception des premiers points du spectre. En mode nominal d’observation, le syst`eme est extr`emement stable thermiquement, relativement au niveau de bruit blanc.

Toutefois, lors de la mise sous tension des d´etecteurs, le signal peut significativement d´eriver. En effet, l’instrument PACS n’est pas op´erationnel d`es lors qu’il est polaris´e, il est

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Nous d´ecomposons le signal de la fa¸con suivante : Signal = gain × flux + offset o`u l’offset est ce que nous appelons la partie additive et le gain est la partie multiplicative.

Fig. 6.3 Corr´elation entre le courant qui circule dans le BU et le temps de stabilisation des d´etecteurs apr`es la mise en marche de l’instrument. En haut `a gauche : ´Evolution du signal moyen des 6 groupes de d´etecteurs apr`es l’allumage de PACS. En haut `a droite : ´Evolution du courant qui circule dans le CL, Ivss, de chacun des groupes. Les groupes 5 et 6 (BFP rouges) se stabilisent tr`es rapidement alors que le groupe 2 n´ecessite plus d’une heure. En bas `a gauche : Le courant qui circule dans les BU se stabilisent tr`es rapidement. En bas `a droite : Plus le courant du BU est grand, plus les d´etecteurs se stabilisent rapidement. Le Ivss BU du groupe 2 est aujourd’hui r´egl´e `a 300 nA comme pour les autres groupes du BFP bleu.

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n´ecessaire d’attendre que toutes les charges se repartissent dans le circuit de lecture et que les d´etecteurs soient thermalis´es. Le temps de stabilisation peut atteindre 80 minutes suivant le r´eglage de l’´electronique de lecture, temps durant lequel aucune observation n’est r´ealisable. La figure 6.3 montre les r´esultats d’une mesure de stabilisation effectu´ee sur les deux BFP du mod`ele de vol du Photom`etre PACS. Les BFP sont allum´es au temps t=0 et re¸coivent un flux constant de 2 pW/pixel. Les diff´erents groupes ne se stabilisent pas `a la mˆeme vitesse. Nous avons ´egalement trac´e l’´evolution du courant qui circule dans le CL, Ivss, qui met un temps similaire pour se stabiliser, et le courant qui circule dans le BU, Ivss BU, qui, lui, se stabilise quasi-instantan´ement. Notez la corr´elation que nous avons trouv´ee entre Ivss BU et le temps de stabilisation du signal. Dans la figure 6.3, ce temps de stabilisation est d´efini comme ´etant le temps n´ecessaire au signal pour atteindre 90 % de sa valeur asymptotique. Lorsque le circuit de lecture est sous-aliment´e comme c’est le cas du groupe 2 dans ce jeu de donn´ees, il faut attendre plus d’une heure avant de pouvoir utiliser les matrices. Le groupe 2 est aujourd’hui aliment´e comme les autres groupes bleus, c’est-`a-dire avec un courant Ivss de l’ordre de 300 nA.