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3.2 Propri´et´es physiques des matrices de bolom`etres

3.2.2 Les thermom`etres

Les thermom`etres utilis´es pour les matrices de bolom`etres du CEA sont de type r´e- sistif. Nous exploitons la forte d´ependance en temp´erature de la r´esistance du mat´eriau autour de sa transition m´etal-isolant (Mott 1990) pour mesurer les fluctuations de temp´erature de la grille absorbante. Comme le reste des matrices, les thermom`etres sont bas´es sur une technologie silicium6. Toutefois, `a 300 mK, les porteurs de charges sont gel´es dans la plupart des semi-

conducteurs, il est alors n´ecessaire de doper le silicium avec des impuret´es de type n (donneur d’´electrons) et de type p (accepteur d’´electrons) pour permettre le transport de charges et offrir une fonction thermom´etrique aux bolom`etres. Dans les mat´eriaux faiblement dop´es, comme c’est le cas pour les bolom`etres du CEA, le mode de conduction principal est la conduction par sauts entre impuret´es ((( hopping conduction )) en anglais). Le silicium ´etant un ´el´ement t´etravalent, le phosphore qui se trouve dans le groupe V de la table p´eriodique joue le rˆole de donneur d’´elec- trons, et le bore qui se trouve dans le groupe III se comporte comme un accepteur d’´electrons. D’autre part, les atomes de phosphore ont des niveaux d’´energie proche des nombreux niveaux de la bande de conduction dans le silicium, et la conduction ´electrique dans un thermom`etre silicium dop´e phosphore s’effectue par sauts des ´electrons entre atomes de phosphore neutres et atomes de phosphore ionis´es. La pr´esence d’atomes de Bore7 est donc n´ecessaire pour accepter les ´electrons provenant du phosphore et ainsi permettre la conduction ´electrique dans le mat´e- riau. Le saut des ´electrons entre deux atomes de phosphore est activ´e par la temp´erature. Un grand nombre de mod`eles th´eoriques ont ´et´e d´evelopp´es pour expliquer les mesures de r´esistivit´e `a basses temp´eratures, les principaux ´etant le mod`ele du (( Nearest Neighbor Hopping )) (Miller and Abrahams 1960), celui du (( Variable Range Hopping )) (Mott 1956), et celui du (( Cou- lomb gap )) (Shklovskii and Efros 1984). La r´esistivit´e du mat´eriau doit donc ´evoluer avec la temp´erature comme suit :

ρ = ρ0exp

µ T0

T ¶n

(3.3) avec n = 1 pour le mod`ele de Miller-Abrahams, n = 1/4 pour Mott et n = 1/2 pour Shklovskii- Efros. Les param`etres ρ0 et T0d´ependent de la g´eom´etrie et du dopage du thermom`etre. D’apr`es

la th`ese de Buzzi (1999) qui pr´esente une analyse d´etaill´ee de ces trois mod`eles, les diff´erents r´egimes de conduction devraient se succ´eder `a mesure que la temp´erature diminue.

Notez toutefois que ces mod`eles de conduction ne sont valables que dans la limite des faibles champs ´electriques. En effet, la probabilit´e qu’un ´electron saute d’un atome de phosphore `a un autre peut ˆetre modifi´ee en appliquant un champ ´electrique `a travers le mat´eriau. Les

6D’autres mat´eriaux thermom´etriques ont tout de mˆeme ´et´e envisag´es et rapidement rejet´es : le NTD Ge (il

ne permet pas une r´ealisation collective des matrices), les TES (inadapt´es `a une lecture par transistors MOS) et les couches minces du type NbSi ou AuGe (´el´ements non-standards dans les fili`eres technologiques classiques).

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Une concentration en bore deux fois moins ´elev´ee qu’en phosphore donne les r´esultats les plus satisfaisants en terme de conduction ´electrique.

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Fig. 3.6 ´Evolution de la r´esistance d’un thermom`etre Si:P:B en fonction de sa temp´erature et de la tension de polarisation appliqu´ee `a ses bornes. Les mesures, repr´esent´ees par les symboles, sont bien ajust´ees par le mod`ele de Buzzi. Les coefficients `a droite de la courbe sont ceux qui ajuste le mieux les donn´ees selon la loi d’Efros modifi´ee (´equation 3.4). Cette figure est extraite de la th`ese de Buzzi (1999).

bolom`etres du CEA ´etant lus par des transistors MOS relativement bruyants, il est n´ecessaire de g´en´erer des forts signaux ´electriques en sortie des bolom`etres. Les thermom`etres sont donc fortement polaris´es pour surpasser le bruit de l’´electronique de lecture : les effets de champ ne sont alors plus n´egligeables. En s’appuyant sur le mod`ele de Hill (1971), C. Buzzi et P. Agn`ese ont r´ealis´e des simulations num´eriques de la conduction en utilisant des techniques de percolation (Buzzi 1999), puis ils ont ajust´e les mesures exp´erimentales effectu´ees sur un thermom`etre Si:P:B avec leur mod`ele. Une loi d’Efros modifi´ee (cf ´equation 3.4) semble ˆetre la plus repr´esentative du comportement des bolom`etres. La figure 3.6 montre l’ajustement des mesures pour diff´erentes tensions de polarisation et diff´erentes temp´eratures de fonctionnement. Pour un champ direct, c’est-`a-dire parall`ele `a la direction de conduction, ils trouvent que la formule analytique suivante d´ecrit correctement l’´evolution de la r´esistance R du thermom`etre en fonction de sa temp´erature T et du champ ´electrique E qui r`egne en son sein :

R(T, E) = R0exp Ãr T0 T ! exp µ −eEL(T ) kBT ¶ (3.4) o`u e est la charge ´el´ementaire, kB est la constante de Boltzmann et L(T ) est la longueur moyenne

de saut entre deux atomes de phosphore. Buzzi utilise un polynˆome du second ordre pour repr´e- senter la longueur de saut : L(T ) = aT2+ bT + c.

Le CEA/LETI a fabriqu´e de nombreux types de thermom`etres de forme et de dopage diff´erents dans le but d’en extraire leurs param`etres physiques et de les ajuster aux besoins des d´etecteurs PACS. Les thermom`etres carr´es ou en serpentin montrent un fort effet de champ de sorte que leur imp´edance s’´ecroule pour des tensions de polarisation sup´erieures `a ∼100 mV. La g´eom´etrie qui minimise les effets de champ est la g´eom´etrie longiligne. Les thermom`etres s´electionn´es pour les matrices de bolom`etres sont donc des bandes de 40 µm de large pour 600 µm de long.

D’autre part, la dose d’impuret´es implant´ees est choisie telle que le coefficient α = ∂R∂T soit le plus grand possible dans le domaine de fonctionnement des bolom`etres PACS. L’uniformit´e du dopage est ´egalement un param`etre critique. La conductance ´electrique est en effet une fonction exponentielle de la densit´e d’impuret´es, et si l’implantation n’est pas homog`ene, alors des courants non-uniformes peuvent se former et engendrer des points chauds par auto-´echauffement ou bien g´en´erer un exc`es de bruit `a basses fr´equences. Deux m´ethodes de fabrication ont ´et´e test´ees :

– l’implantation du phosphore et du bore dans le corps du substrat en silicium suivi d’un recuit `a temp´erature mod´er´ee pour limiter la diffusion des impuret´es,

– la configuration mesa dans laquelle le thermom`etre est sur´elev´e par rapport `a la grille et isol´e par une fine couche de SiO2 imperm´eable `a la diffusion des ions, ce qui

permet un recuit `a environ 1000◦C pendant plusieurs heures.

Seule la deuxi`eme m´ethode autorise une bonne homog´en´eit´e des dopants dans le volume du thermom`etre (Simoens et al. 2004). Notez toutefois que cette fa¸con de proc´eder n´ecessite pas moins de 40 ´etapes suppl´ementaires dans la fabrication des matrices par rapport `a une implan-

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Fig. 3.7 Vue rapproch´ee de l’extr´emit´e d’un thermom`etre Si : P : B en configuration mesa. Le thermom`etre est bien en relief par rapport `a la grille, il est isol´e du substrat par une couche de SiO2qui emp`eche les ions de diffuser dans la grille. La r´egion claire `a l’extr´emit´e du thermom`etre

et sur la poutre du bas correspond au d´epˆot m´etallique qui connecte ´electriquement la r´esistance au circuit de lecture. Notez la finesse des poutres de suspension (2 × 5 µm) qui maintiennent la structure. Nous apercevons ´egalement des motifs carr´es qui entourent les trous perc´es dans la grille, ce sont des d´epˆots de TiN qui servent `a absorber le rayonnement ´electromagn´etique.

tation dans le corps du substrat. La figure 3.7 montre une vue rapproch´ee d’un thermom`etre en configuration mesa. Nous voyons ´egalement un d´epˆot m´etallique sur le thermom`etre et la poutre qui joue le rˆole de connecteur ´electrique entre la r´esistance et le circuit de lecture.

Les deux thermom`etres qui composent le pont bolom´etrique d’un mˆeme pixel sont iden- tiques en forme et en dopage (cf figure 3.5). La fabrication collective des bolom`etres garantit en fait que tous les thermom`etres d’une mˆeme matrice poss`edent des caract´eristiques physiques identiques, ce qui n’est pas le cas des bolom`etres `a base de germanium qui sont fabriqu´es puis assembl´es sur les grilles absorbantes de fa¸con individuelle.

Dans le cas plus sp´ecifique des d´etecteurs du Photom`etre PACS (cf section 1.3.3), les matrices de bolom`etres qui ´equipent le plan focal sont de deux types. Elles se diff´erencient par le dopage de leurs thermom`etres : les bolom`etres du BFP bleu sont par construction plus imp´edants que ceux du BFP rouge. Mis `a part cette diff´erence, les matrices bleues et rouges sont g´eom´etri- quement identiques, c’est-`a-dire qu’elles poss`edent des absorbeurs, des cavit´es r´esonantes et des thermom`etres de mˆeme taille.

Des mesures r´ecentes (cf section 5.5.5 pour plus de d´etails) r´ealis´ees sur le mod`ele de rechange bleu8 du BFP PACS ont permis de calculer l’´evolution de l’imp´edance des bolom`etres

en fonction de leur temp´erature et de la tension appliqu´ee `a leurs bornes. Les r´esultats sont pr´esent´es dans la figure 3.8. Nous mesurons une imp´edance de l’ordre de quelques TΩ dans le r´egime de fonctionnement des bolom`etres PACS (cf chapitres 4 et 5 pour la d´etermination de ce r´egime). D’autre part, nous retrouvons la forte d´ependance en temp´erature n´ecessaire aux thermom`etres pour atteindre l’objectif de quelques 1010V/W de r´eponse.