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3.2 Propri´et´es physiques des matrices de bolom`etres

3.2.3 La cavit´e r´esonante

Le principe d’absorption du rayonnement ´electromagn´etique par une cavit´e r´esonante a ´et´e mis au point par les militaires durant la deuxi`eme guerre mondiale dans le but d’am´eliorer la furtivit´e de leurs ´equipements. La surface des avions ´etaient par exemple recouverte d’une multitude de petites structures capable d’absorber le rayonnement ´emis par les radars. Lorsque cette technologie est pass´ee dans le domaine public, le CEA/LETI l’a reprise et adapt´ee `a la d´etection sub-millim´etrique pour la bolom´etrie refroidie. Le concept a d’ailleurs fait l’objet d’un brevet. Ce principe a depuis ´et´e adopt´e par la quasi-totalit´e des d´etecteurs bolom´etriques actuels, qu’ils soient coupl´es au t´elescope par des cornets ou pas.

Le silicium mono-cristallin est transparent dans l’infrarouge lointain. Il est donc n´eces- saire de d´eposer une fine couche d’un mat´eriau opaque sur le substrat en silicium pour permettre l’absorption du rayonnement ´electromagn´etique. Le bolom`etre d´ecrit par Low (1961) ´etait re- couvert d’une couche de peinture noire qui assurait une absorption proche de 100 %, mais qui apportait ´egalement un exc`es de capacit´e calorifique r´edhibitoire pour les performances du d´e- tecteur. Les bolom`etres modernes sont plutˆot recouverts de films m´etalliques ; le bismuth par

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Notez que le dopage des thermom`etres du mod`ele de rechange bleu est le mˆeme que celui des thermom`etres du mod`ele de vol rouge.

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Fig. 3.8 ´Evolution de l’imp´edance moyenne des thermom`etres du mod`ele de rechange PACS sur la voie bleue en fonction de la temp´erature et de la tension appliqu´ee `a leurs bornes. Ces thermom`etres sont du mˆeme type que ceux du mod`ele de vol rouge. L’imp´edance est de l’ordre de quelques TΩ dans le r´egime de fonctionnement nominal des bolom`etres PACS. L’effet de champs r´eduit consid´erablement l’imp´edance des thermom`etres lorsque la tension augmente. Remarquez que ces courbes ne repr´esentent pas le comportement d’un seul pixel mais celui d’un pixel moyen calcul´e sur deux matrices (512 bolom`etres en parall`eles).

exemple poss`ede une tr`es faible capacit´e calorifique de par sa nature de semi-m´etal, ou bien le HgTe qui est couramment utilis´e en d´etection X (Stahle et al. 1997). Le LETI utilise du nitrure de titane (TiN) pour les matrices de bolom`etres car c’est un compos´e standard en fili`ere silicium. Ce mat´eriau devient supraconducteur en-dessous de ∼4 K, et il offre une tr`es faible capacit´e calorifique ainsi qu’un bon coefficient d’absorption des ondes sub-millim´etriques (Buzzi 1999). Notez que c’est la premi`ere fois qu’un mat´eriau supraconducteur est utilis´e comme absorbeur pour la bolom´etrie.

La convertion d’une ´energie radiative en chaleur est d´ecrite en physique classique par deux ph´enom`enes : la composante ´electrique du champ de radiation g´en`ere le mouvement des ´electrons libres contenus dans le m´etal par la force de Lorentz, et l’´energie cin´etique de ces ´electrons est transform´ee en chaleur par dissipation Joule. Une couche m´etallique plac´ee dans un champ de radiation peut ainsi absorber un maximum th´eorique de 50 % de l’´energie conte- nue dans l’onde ´electromagn´etique, c’est-`a-dire toute l’´energie {electrique. Le principe de la cavit´e r´esonante est relativement simple, il consiste `a cr´eer une onde stationnaire `a l’aide d’une plaque r´efl´echissante (le champ ´electrique `a la surface d’un conducteur parfait a une composante perpendiculaire nulle) et de placer l’absorbeur `a une distance de λ/4 au-dessus du r´eflecteur, c’est-`a-dire `a l’endroit o`u toute l’´energie de l’onde ´electromagn´etique est concentr´ee dans sa composante ´electrique (ventre du champ ´electrique et nœud du champ magn´etique). En pra- tique, cela revient `a fabriquer une cavit´e quart-d’onde entre le circuit de lecture et le circuit de d´etection, la taille de la cavit´e ´etant d´etermin´ee par le diam`etre des billes d’indium. Le r´eflecteur utilis´e pour les matrices de bolom`etres est une fine couche d’or d´epos´ee sous chacun des pixels (cf figure 3.3). Ce type de r´esonance est appel´ee r´esonance verticale. Lorsque la r´esistance de surface du m´etal est adapt´ee `a l’imp´edance du vide (377 Ω9), elle permet une absorption th´eorique de

100 % de l’´energie totale de l’onde ´electromagn’etique. Le profil d’absorption d’un tel syst`eme optique est relativement large ; il est cependant possible de le modifier l´eg`erement en changeant le motif de l’absorbeur m´etallique. Nous parlons alors de r´esonance horizontale. Plusieurs g´eo- m´etries de l’absorbeur ont ´et´e test´ees (en grille, en croix ou en boucle, ce qui correspond `a des filtres passe-bas, passe-bande ou passe-haut). Le motif retenu pour les matrices de bolom`etres est celui de la g´eom´etrie en boucle (cf figure 3.7).

L’absorption des matrices de bolom`etres de type PACS, c’est-`a-dire avec des billes d’indium de 20 µm de diam`etre, a ´et´e mesur´ee par l’´equipe du SAp10 `a l’aide d’un spectrom`etre

`a transform´ee de fourier. La m´ethode consiste `a mesurer le spectre d’un corps noir r´efl´echi sur un miroir, Sref erence, puis le spectre du mˆeme corps noir r´efl´echi sur la matrice `a tester (Sechantillon).

La mesure effectu´ee sur le miroir que l’on suppose parfaitement r´efl´echissant sert de r´ef´erence, elle contient la contribution spectrale du syst`eme de mesure (la source de rayonnement, les filtres optiques, le d´etecteur utilis´e pour mesurer le flux r´efl´echi, etc...). En faisant l’hypoth`ese simple que le rayonnement qui n’est pas r´efl´echi par la matrice est effectivement absorb´e, nous calculons

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L’unit´e Ω, (( Ohm par carr´e )), est utilis´ee pour exprimer l’imp´edance des mat´eriaux en couche mince ; leur ´epaisseur doit ˆetre constante et le courant doit circuler parall`element `a la surface.

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Fig. 3.9 Mesures d’absorption r´ealis´ees avec le FTS pour une matrice de type PACS, c’est-`a- dire avec une cavit´e de 20 µm de profondeur. La bande PACS (60-210 µm) est sur-lign´ee en vert sur la figure. Ces mesures ont ´et´e r´ealis´ees par Vincent Rev´eret.

le spectre d’absorption A de la matrice avec la formule suivante : A = 1 −SSechantillon

ref erence

(3.5) Le r´esultat de ces mesures est pr´esent´e dans la figure 3.9. Dans la bande de PACS (60-210 µm), l’absorption est sup´erieure `a 75 %.

L’absorption du rayonnement par cavit´e r´esonante est donc un processus tr`es efficace. Elle autorise de plus l’abandon des cornets trop encombrants au niveau du plan focal (cf sec- tion 3.1.2). Toutefois, l’absorption n’est pas directive avec ce type de syst`eme optique11, les

d´etecteurs sont donc tr`es sensibles aux lumi`eres parasites. Il est par cons´equent crucial de mini- miser les sources possibles de lumi`ere parasite lors de la conception de l’instrument. Dans le cas de PACS, les deux plans focaux sont cloisonn´es dans deux cˆones dont les ouvertures d´efinissent le champ de vue des bolom`etres (cf section 1.3.3). L’int´erieur des cˆones est soigneusement noirci pour ´eviter les r´eflections internes.

En principe, il est possible de d´ecaler le domaine spectral d’absorption des matrices de bolom`etres en adaptant la taille de la cavit´e. `A plus basses longueurs d’ondes que la bande PACS, l’int´erˆet pour l’astronomie est discutable puisque les photoconducteurs traditionnels pr´e- sentent de meilleures performances en termes de sensibilit´e. Cependant, le LETI s’est lanc´e dans le d´eveloppement de cam´eras bolom´etriques non-cryog´eniques fonctionnant `a plus courtes lon- gueurs d’ondes pour l’industrie de la surveillance. Aux plus grandes longueurs d’ondes, il est

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Des mesures quantitatives du diagramme de rayonnement des matrices de bolom`etres sont actuellement en cours au SAp.

Fig.3.10 Simulations pr´esentant l’absorption absolue des matrices de bolom`etres du CEA pour trois ´epaisseurs de la cavit´e r´esonante. `A gauche la matrice est de type PACS. `A droite elle est recouverte d’une couche de di´electrique structur´ee qui permet d’obtenir une excellente absorption dans les trois bandes atmosph´eriques `a 200, 350 et 450 µm. Cette figure est extraite de Rev´eret et al. (2006).

important de mentioner le travail de th`ese de Vincent Rev´eret sur l’adaptation des matrices de bolom`etres pour la fenˆetre atmosph´eriques `a 1300 µm (Rev´eret 2004). `A une telle longueur d’onde, il n’est pas envisageable d’augmenter la taille des billes d’indium jusqu’`a 325 µm alors que les murs interpixels ne font que 50 µm de large ; la cavit´e serait alors pleine d’indium et l’efficacit´e d’absorption chuterait radicalement. D’autre part, il faut alt´erer le moins possible le design des matrices PACS pour minimiser le coˆut de d´eveloppement. Une autre solution tech- nique a ´et´e mise au point pour (( pi´eger )) la composante ´electrique de l’onde incidente dans la cavit´e r´esonante : il s’agit de cr´eer une couche anti-reflet sur chacun des pixels `a l’aide d’une couche de di´electrique. Cette couche est plane ou structur´ee selon la taille de l’airgap n´ecessaire (l’airgap est le volume d´elimit´e par les murs interpixels, la couche de di´electrique et la grille suspendue). En se basant sur le formalisme des couches minces, V. Rev´eret a montr´e qu’un empilement de type [couche di´electrique - airgap - substrat silicium - absorbeur - cavit´e - r´eflec- teur ] permettait d’obtenir une absorption efficace jusqu’`a 1300 µm. La figure 3.10 pr´esente des courbes d’absorption calcul´ees pour diff´erentes tailles de bille avec et sans couche di´electrique. Nous voyons qu’il est possible d’obtenir des matrices de bolom`etres adapt´ees aux trois fenˆetres atmosph´eriques `a 200, 350 et 450 µm avec une seule couche structur´ee de di´electrique (Rev´eret et al. 2006). Cette technologie a ´et´e test´ee sur le t´elescope APEX pour une cam´era prototype d´evelopp´ee par le CEA : P-ARTEMIS. Quelques plan`etes du syst`eme solaire ainsi qu’une r´egion de formation d’´etoiles tr`es brillante ont ´et´e observ´ees avec succ`es `a 450 µm par P-ARTEMIS. L’instrument ARTEMIS devrait voir le jour courant 2009, il contiendra 16 matrices de 288 pixels chacune. Une description d´etaill´ee de la cam´era est donn´ee dans l’article de Talvard et al. (2006).

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