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2.2 L’av`enement des bolom`etres sur les grands t´elescopes

2.2.2 Les bolom`etres supraconducteurs

Les premi`eres r´ealisations de bolom`etres supraconducteurs datent des ann´ees 40. Par exemple Andrews et al. (1946) de l’Universit´e Johns Hopkins dans le Maryland ont fabriqu´e un bolom`etre supraconducteur en utilisant une fine bandelette de CbN maintenue `a ∼14.36 K autour de sa phase de transition. Malgr´e de bonnes performances en terme de sensibilit´e et de rapidit´e, ce type de d´etecteur ne s’est pas vraiment d´evelopp´e `a cette ´epoque car il ´etait relativement difficile `a fabriquer et `a maintenir dans sa zone de transition. D’apr`es Zwerdling et al. (1968) les bolom`etres en germanium d´ecrit par Low (1961) ´etaient bien plus pratiques que les bolom`etres supraconducteurs et suffisamment performants. ¸Ca n’est que tr`es r´ecemment que les mat´eriaux supraconducteurs ont repris le pas sur les thermom`etres NTD Ge en terme de sensibilit´e et de rapidit´e. Les bolom`etres dont la thermom`etrie est bas´ee sur des mat´eriaux supraconducteurs sont appel´es des TES (Transition-Edge Sensors).

La r´eponse d’un bolom`etre est bien souvent exprim´ee par le coefficient de temp´erature α ; nous avons trouv´e plusieurs d´efinitions dans la litt´erature, mais nous adoptons pour le mo- ment la convention α = R1 dRdT. Notez que ce param`etre renseigne en effet sur la capacit´e qu’a un thermom`etre `a changer d’imp´edance lorsque sa temp´erature ´evolue. Les m´etaux supraconduc- teurs pr´esentent des coefficients α qui peuvent d´epasser de plusieurs ordres de grandeur ceux des bolom`etres r´esistifs lorsqu’ils passent de l’´etat normal, c’est-`a-dire conducteur, `a celui de supraconducteur. Cependant, la plage de temp´erature sur laquelle le param`etre α est particu- li`erement int´eressant est g´en´eralement tr`es ´etroite. D’apr`es Richards (1994), cette plage vaut environ l’inverse du coefficient α tel que d´efinit pr´ec´edemment. Il est donc en th´eorie possible d’obtenir des α tr`es grands, i.e. des bolom`etres tr`es sensibles, `a condition de pouvoir mainte- nir le m´etal supraconducteur dans sa phase de transition. Les bolom`etres modernes utilisent le principe de contre-r´eaction ´electro-thermique pour garder le mat´eriau `a sa temp´erature de transition. Le principe de cette contre-r´eaction est de r´eduire la dissipation ´electrique dans le thermom`etre lorsque sa temp´erature s’´el`eve. Cette condition est r´ealis´ee pour des thermom`etres polaris´es en tension, nous parlons alors de d´etecteurs VSB (Voltage-biased Supraconductor Bo- lometers). En effet, lorsque le flux incident chauffe le bolom`etre, le supraconducteur s’´eloigne de sa transition et l’imp´edance augmente tr`es rapidement, la dissipation Joule P = V2/R diminue

et contre-balance l’apport d’´energie radiative. Le bolom`etre retourne alors rapidement `a sa tem- p´erature d’´equilibre autour de sa transition de phase. Les fortes contre-r´eactions permettent en plus d’obtenir des bolom`etres tr`es rapides. Par exemple, en rempla¸cant le traditionnel thermo- m`etre NTD Ge par un film de titane sur un bolom`etre de type spiderweb, Lee et al. (1997) ont mesur´e des constantes de temps de 5 ms `a 300 mK pour une NEP de 1.1 × 10−17 W/√Hz.

Dans leur r´egime de fonctionnement, les thermom`etres TES poss`edent des imp´edances bien inf´erieures `a 1 Ω ce qui rend les d´etecteurs inadapt´es aux circuits de lecture conventionnels `a base de transistors FET. Pour lire le signal bolom´etrique, le TES est mont´e en s´erie avec une source de tension et une bobine supraconductrice ; lorsque l’imp´edance du TES change, le courant dans la bobine varie et g´en`ere un faible champ magn´etique qui est d´etect´e par un SQUID (Superconducting Quantum Interference Device). Un SQUID est en effet un magn´e- tom`etre extrˆemement sensible qui fonctionne `a tr`es basse temp´erature et qui dissipe tr`es peu d’´energie. Tous les bolom`etres TES utilisent des SQUID pour leur circuit de lecture (Irwin 2002).

Il existe aujourd’hui un v´eritable engouement pour les bolom`etres supraconducteurs car ils offrent d’excellentes performances, mais ´egalement parce qu’ils sont compatibles avec des m´ethodes de fabrication collective. C’est d’ailleurs l’objectif que s’est fix´ee l’´equipe d’Edinburgh, en collaboration avec d’autres laboratoires britanniques, canadiens et am´ericains, de fabriquer une cam´era sub-milim´etrique `a base de bolom`etres TES contenant pas moins de 10000 pixels. Ce projet colossal et ambitieux porte le nom de SCUBA2 (Holland et al. 2006), digne successeur de SCUBA. Cet instrument devrait ˆetre install´e sur le t´elescope JCMT pour observer `a 450 et 850 µm. Les bolom`etres sont refroidis `a 100 mK et poss`edent une NEP de ∼ 1 × 10−16 W/Hz

`a 450 µm et ∼ 3 × 10−17 W/√Hz `a 850 µm. Les TES sont form´es d’un film bi-couche de Mo/Cu dont la transition s’´etale sur seulement 1-2 mK (Audley et al. 2004) pour permettre une grande sensibilit´e. Les bolom`etres sont hybrid´es au circuit de lecture par billes d’indium tout comme les photoconducteurs d´ecrits dans la section 1.2.2. La lecture du signal est multiplex´ee par des SQUID qui se trouvent juste sous les bolom`etres. Cette cam´era est tr`es attendue par la communaut´e des astronomes car elle devrait ˆetre 1000 fois plus rapide que SCUBA pour cartographier le ciel. Toutefois, comme tout projet ambitieux, la livraison de l’instrument a d´ej`a pris du retard (probl`eme de blindage magn´etique, ´evolution du design des d´etecteurs, etc...), la mise en service de l’instrument complet aura probablement lieu courant 2008.

Le NIST d´eveloppe d’autres d´etecteurs en collaboration avec le GSFC, les BUG (Backshort- Under-Grids arrays), qui reposent aussi sur une fabrication collective de milliers de bolom`etres multiplex´es par des SQUID (Allen et al. 2006). L’instrument GISMO par exemple est destin´e au t´elescope de 30 m de l’IRAM, il poss`ede 8 × 16 bolom`etres TES qui fonctionnent `a 2 mm et offre une NEP de 4 × 10−17 W/Hz (Staguhn et al. 2006). Benford et al. (2006) montrent

les premi`eres images astronomiques obtenues avec un d´etecteur bolom`etrique supraconducteur multiplex´e. Ils pr´esentent des observations `a 350 µm de Jupiter, Venus et d’une r´egion de for- mation d’´etoile G34.3+0.2. L’instrument est install´e au CSO, il s’appelle FIBRE et a ´egalement ´et´e construit par la mˆeme ´equipe NIST/GSFC.

56 Chapitre 2: La bolom´etrie

Fig.2.5 Ces deux photographies montrent le plan focal de APEX-SZ ainsi qu’une vue rapporch´ee d’un des pixels. Nous voyons 300 bolom`etres `a thermom´etrie TES dont le signal est multiplex´e dans le domaine fr´equentiel (8 -> 1). `A droite, nous retrouvons la g´eom´etrie spiderweb de la grille suspendue et les lignes ´electriques grav´ees dans le silicium. (images emprunt´ees sur http ://bolo.berkeley.edu/)

Le groupe de Berkeley men´e par Paul Richards et Adrian Lee est ´egalement tr`es pro- lifique en mati`ere de bolom`etres TES. C’est d’ailleurs l’´equipe qui a mis au point la th´eorie des VSB (Lee et al. 1996 ; Lee et al. 1998). Ils ont de plus d´evelopp´e la technique de multiplexage fr´equentiel (Lanting 2006). L’id´ee est d’associer `a chaque TES une bobine dont l’inductance varie l´eg`erement d’un pixel `a l’autre, chaque bolom`etre poss`ede alors une fr´equence propre diff´erente de celle des autres pixels. Ces bolom`etres sont mont´es en s´erie, c’est-`a-dire sur un seul fil, ils sont aliment´es par une onde porteuse qui contient la fr´equence de tous les pixels, ce signal est ensuite lu par un seul SQUID et d´emodul´e par une ´electronique chaude pour extraire le courant qui circule dans chacun des bolom`etres. Cette technique permet `a pr´esent de multiplexer 8 pixels ; la limite aux basses fr´equences est fix´ee par la constante de temps thermique des bolom`etres, celle aux hautes fr´equences est d´etermin´ee par la constante de temps ´electrique des cˆables qui relient les bolom`etres `a l’´electronique chaude. L’equipe de Berkeley a r´ecemment r´ealis´e avec succ`es la v´erification scientifique de leur cam´era APEX-SZ au Chili. Elle contient 300 bolom`etres de type spiderweb avec des thermom`etres TES fonctionnant `a ∼300 mK (Dobbs et al. 2006). L’objectif de cet instrument est de d´ecouvrir et d’´etudier des amas de galaxies dans le domaine millim´e- trique en utilisant l’effet Sunyaev Zel’dovich. Un instrument similaire, mais contenant pr`es de 1000 bolom`etres, a ´egalement ´et´e install´e sur l’antenne de 10 m du SPT.