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1.2 L’Univers infrarouge et (sub-)millim´etrique

1.2.2 Les d´etecteurs de rayonnement

La photod´etection est un domaine tr`es vaste dans lequel les applications sont multiples et tr`es diversifi´ees. L’utilisateur averti choisira donc le d´etecteur le plus appropri´e au type de mesures qu’il compte effectuer connaissant les contraintes et limitations de son syst`eme d’´etude

5Le terme recombinaison est g´en´eralement utilis´e, toutefois le terme combinaison serait plus appropri´e puisque

c’est la premi`ere fois que les photons peuvent se lier aux autres particules.

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Effet SZ : Lorsqu’un photon faiblement ´energ´etique du CMB traverse un amas de galaxies, le plasma d’´electrons qui baigne l’amas lui communique une certaine quantit´e d’´energie par l’effet Compton inverse modifiant ainsi le spectre du CMB dans la direction de l’amas.

12 Chapitre 1: Une br`eve histoire de l’astronomie infrarouge : de Herschel `a Herschel

Fig. 1.8 La carte du haut est une simulation du ciel tel que l’antenne de Penzias et Wilson l’aurait observ´e s’il avait ´et´e possible d’effectuer un relev´e complet du ciel avec celle-ci. Le CMB est isotrope et poss`ede un spectre de corps noir `a 2.726 K. La carte du milieu a ´et´e obtenue par le satellite COBE `a 53 GHz, elle montre la Galaxie et les anisotropies du CMB apr`es soustraction du dipˆole (effet doppler dˆu au mouvement de la Terre par rapport `a la surface d’´emission du CMB). L’´echelle de couleur de cette carte montre des fluctuations en temp´erature de seulement 10 µK. La carte du bas montre les fluctuations du CMB vues par WMAP avec une r´esolution et une pr´ecision 20 fois meilleure que COBE. (image emprunt´ee sur http ://fr.wikipedia.org/wiki/Fond diffus cosmologique)

et du d´etecteur en question. En astronomie par exemple, la limitation est souvent fix´ee par les flux extrˆemement faibles des sources observ´ees (∼ 10−26 W/m2/Hz dans l’IR). Les cam´eras astronomiques modernes poss`edent g´en´eralement des performances qui approchent les limites fondamentales de la photod´etection, nous parlons alors de d´etecteurs BLIP pour Background Limited Infrared Photodetector (bruit d´etecteur ¿ bruit de photon, cf section 2.1.3). Le champ de vue des instruments modernes a ´egalement tendance `a s’´elargir, augmentant ainsi la vitesse de cartographie de grandes r´egions du ciel ; par exemple les relev´es 2MASS (Skrutskie et al. 2006), UKIDSS (Lawrence et al. 2007), CFHT Legacy Survey (CFHTLS 2003) , SDSS (York et al. 2000), etc... Bahcall et al. (1991) d´efinissent une quantit´e qu’ils appellent le (( potentiel astronomique )) et qui est proportionnelle `a :

(nombre de pixel) × (sensibilit´e du pixel)2 (1.1)

Cette expression indique le nombre de positions dans le ciel qui peuvent ˆetre observ´ees en un temps donn´e `a une limite de d´etection donn´ee. D’apr`es Rieke (2006), l’astronomie infrarouge moderne est fond´ee sur le d´eveloppement des d´etecteurs mono-pixel de la p´eriode 1965 - 1985 ; et les v´eritables matrices de d´etecteurs comprenant un nombre raisonnable de pixels (∼ 32 × 32) sont apparues il y a environ 20 ans. Depuis cette ´epoque, le potentiel astronomique au sens de l’´equation (1.1) a doubl´e tous les 7 mois environ dans le domaine de la d´etection infrarouge proche.

Les avanc´ees fulgurantes de ces derni`eres d´ecennies dans le domaine de l’imagerie ther- mique (de 1 `a 30 µm) ont ´et´e principalement d´evelopp´ees par et pour les militaires. Ils ont en effet ´etabli les bases de l’architecture et des processus de fabrication des matrices de d´etecteurs haute-performance. Quelques industriels comme Raytheon Vision Systems ou Teledyne Imaging Sensors (anciennement Rockwell Scientific Company) ont poursuivi les d´eveloppements et sont aujourd’hui les principaux fournisseurs de d´etecteurs infrarouge proche et moyen pour les grands observatoires. La situation est sensiblement diff´erente dans le domaine de l’infrarouge lointain et du sub-millim´etrique (de 30 `a 1000 µm), en effet les astronomes repr´esentent la majorit´e des utilisateurs de ce type de d´etecteurs et ils ont jou´e un rˆole majeur dans le d´eveloppement des technologies utilis´ees aujourd’hui (bolom´etrie infrarouge et d´etecteurs TeraHertz).

Nous donnons maintenant une br`eve description du principe de fonctionnement des d´etecteurs les plus r´epandus dans le domaine de l’astronomie infrarouge ; et nous faisons la distinction entre les d´etecteurs quadratiques, qui sont sensibles uniquement au carr´e de l’am- plitude du signal incident (i.e. la puissance), et les d´etecteurs coh´erents, qui mesurent `a la fois l’amplitude et la phase du champ de radiation.

Les d´etecteurs large bande : Photoconducteurs et Bolom`etres

La photod´etection dans le r´egime infrarouge proche et moyen repose sur le principe de la photoconductivit´e. L’´el´ement de base d’un photoconducteur est un petit bloc de mat´eriau semiconducteur connect´e de part et d’autre par deux ´electrodes qui ´etablissent un champ ´elec- trique dans le volume du semiconducteur. Lorsqu’un photon interagit avec le mat´eriau, il peut

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´eventuellement lib´erer des porteurs de charges qui migrent vers les ´electrodes produisant ainsi un faible courant qui est ensuite mesur´e par des amplificateurs haute performance. Si l’´energie du photon est sup´erieure `a l’´energie de liaison des ´electrons dans le semiconducteur, alors les porteurs de charges sont lib´er´es en brisant une liaison du cristal semiconducteur ; nous parlons alors de photoconductivit´e intrins`eque. Dans le jargon de la physique du solide, nous dirions qu’un ´electron est promu de la bande de valence vers la bande de conduction. Les d´etecteurs bas´es sur l’absorption intrins`eque peuvent fonctionner jusqu’`a une longueur d’onde de coupure λC qui correspond `a l’´energie de la bande interdite du mat´eriau :

λC = hc Eg = 1.24 µm Eg(eV) (1.2) o`u h est la constante de Planck, c la c´el´erit´e de la lumi`ere et Eg l’´energie de la bande interdite (Eg

= gap energy). Le silicium, par exemple, a une bande interdite de ∼ 1.12 eV, ce qui correspond `a une longueur d’onde d’absorption maximale λC ∼ 1.1 µm.

Pour observer dans l’infrarouge moyen et lointain, il est possible de r´eduire significati- vement Eg en introduisant des impuret´es dans le mat´eriau semiconducteur. Ces impuret´es sont

des atomes exog`enes qui se logent dans le r´eseau cristallin et dont les niveaux ´energ´etiques se trouvent entre la bande de valence et la bande de conduction du semiconducteur. Nous parlons alors de photoconductivit´e extrins`eque. Il est par ailleurs possible d’am´eliorer les performances d’un photoconducteur en s´eparant les fonctions optiques (cr´eation des porteurs de charges) des fonctions ´electriques (transport des porteurs de charges). C’est par exemple le cas des photo- diodes `a base de InSb avec λC = 5.5 µm (Hoffman et al. 2004), ou bien `a base de Hg(1−x)CdxTe.

Le grand avantage de ce dernier exemple est que Eg peut ˆetre modifi´e en changeant la compo-

sition ´el´ementaire du mat´eriau x (Garnett et al. 2004), λC peut atteindre ∼15 µm. Une autre

approche de s´eparation des fonctions optiques et ´electriques d’un photoconducteur est `a l’oeuvre dans les d´etecteurs IBC, Impurity band conduction. Ils offrent d’excellentes performances jusqu’`a 18 µm pour un semiconducteur de type Si:Ga (Hogue et al. 2003), 28 µm pour le Si:As qui a ´et´e utilis´e pour les trois instruments de Spitzer, ou encore 40 µm pour le Si:Sb (Huffman et al. 1992). Au del`a de 40 µm, aucun semiconducteur bas´e sur les technologies silicium n’offre des performances suffisamment bonnes pour l’instrumentation astronomique. Les d´etecteurs infra- rouge lointain utilisent plutˆot des photoconducteur `a base de germanium comme par exemple les d´etecteurs du satellite AKARI (Fujiwara et al. 2003) qui couvrent le r´egime spectral de 50 `a 180 µm, ou bien le spectrom`etre de l’instrument Herschel/PACS (Poglitsch et al. 2003). Pour atteindre des ´energies aussi faibles, de l’ordre de 6 × 10−3 eV, des tensions m´ecaniques doivent ˆetre appliqu´ees aux mat´eriaux semiconducteurs pour modifier physiquement la taille du r´eseau cristallin et ainsi rapprocher la bande de conduction de la bande d’impuret´e. Par exemple les d´etecteurs du spectrom`etre PACS (cf section 1.3.2) sont press´es par un (( ´etau )) qui applique une pression uniaxiale de plus de 700 N/mm2; le plan focal de l’instrument est alors tr`es encombr´e et

le nombre de pixels est limit´e `a quelques milliers (16 × 25 pour PACS). D’autre part, l’efficacit´e quantique de ce type de d´etecteur chute avec la longueur d’onde et ne d´epasse pas 40 % au del`a de 200 µm.

Pour les plus grandes longueur d’onde, les photoconducteurs sont supplant´es par les bolom`etres. Ce sont en effet les d´etecteurs qui offrent les meilleures performances en termes de sensibilit´e pour observer dans l’infrarouge lointain et le sub-millim´etrique. Notez que le principe de d´etection d’un bolom`etre est tr`es diff´erent de celui d’un photoconducteur, il repose en fait sur l’absorption du rayonnement par un petit ´el´ement isol´e thermiquement de la structure du d´etecteur, l’´energie radiative est alors transform´ee en chaleur et l’´el´evation de temp´erature in- duite est mesur´ee par un thermom`etre. Le senseur thermique est en g´en´eral une r´esistance dont l’imp´edance varie fortement avec la temp´erature. Nous d´ecrirons en d´etails le fonctionnement d’un bolom`etre dans la section 2.1. Par ailleurs, Richards (1994) pr´esente une excellente revue sur les d´etecteurs bolom´etriques pour l’infrarouge et le millim´etrique.

Photoconducteurs et bolom`etres sont qualifi´es de d´etecteurs large bande car ils peuvent absorber le rayonnement ´electromagn´etique sur des plages de longueur d’onde relativement ´eten- dues. Pour les photoconducteurs, cette plage est limit´ee aux hautes ´energies par la faible section efficace des particules incidentes par rapport `a un semiconducteur d’´epaisseur donn´ee ; aux basses fr´equences la limite est fix´ee comme nous l’avons vu par l’´energie n´ecessaire aux photons pour lib´erer des porteurs de charge. Pour les bolom`etres, l’absorption du rayonnement ne d´epend pas de la longueur d’onde, et il serait en th´eorie possible de fabriquer des bolom`etres pour d´etecter le rayonnement ´electromagn´etique des ondes radio aux rayons γ. Toutefois, les performances des bolom`etres ne sont aujourd’hui comp´etitives que pour la d´etection du rayonnement infrarouge lointain/(sub-)millim´etrique et les rayons X.

Les d´etecteurs h´et´erodynes

Le principe de la d´etection coh´erente repose sur la mesure simultan´ee de l’amplitude et de la phase du champ de radiation incident, c’est-`a-dire que le signal ´electrique d´etect´e par le r´ecepteur pulse `a la mˆeme fr´equence que l’onde ´electromagn´etique. La technologie utilis´ee pour ces r´ecepteurs est `a base de FET (Field Effect Transistors) ou de HEMT (High Electron Mobility Transistors). Pour des fr´equences sup´erieures au GHz, il est en pratique tr`es difficile d’amplifier le signal et de le transporter sur de grandes longueurs de cˆable ; il est alors n´ecessaire de ramener la fr´equence du signal astronomique `a une fr´equence interm´ediaire plus basse et d’effectuer l’amplification `a cette fr´equence l`a. Ces d´etecteurs sont qualifi´es de h´et´erodyne `a cause de la transposition de fr´equence du signal utile. Cette op´eration est r´ealis´ee par un composant ´electronique non-lin´eaire, le m´elangeur, et d’un oscillateur local qui fournit une onde sinuso¨ıdale de fr´equence constante assez proche de celle du signal astronomique.

Plusieurs types de m´elangeurs sont disponibles. Les diodes Shottky sont principalement utilis´ees aux grandes longueurs d’ondes (λ > 1 cm), elles sont peu on´ereuses et peuvent fonction- ner `a temp´erature ambiante. Dans le domaine millim´etrique, les m´elangeurs SIS (Supraconducteur- Isolant-Supraconducteur ) sont plus sensibles et donc plus int´eressants pour les applications en astronomie. L’´el´ement non-lin´eaire se pr´esente sous la forme d’une jonction dans laquelle une couche d’isolant tr`es fine (environ 30 Angstroms) s´epare deux ´electrodes supraconductrices typi-

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quement en niobium. Un tel empilement s’appelle une jonction de Josephson (Josephson 1974). Dans le domaine sub-millim´etrique, les ´el´ements m´elangeurs les plus sensibles sont des HEB (Hot Electron Bolometers). Les bolom`etres sont en effet des composants non-lin´eaires, mais la plupart d’entre eux n’est pas suffisamment rapide pour ˆetre utilis´e comme des m´elangeurs dans le r´e- gime TeraHertz. Toutefois, pour les HEB, les ´electrons du mat´eriau poss`edent une temp´erature sup´erieure `a celle des phonons, donnant ainsi une constante de temps compatible avec les hautes fr´equences du domaine sub-millim´etrique. Avec le d´eveloppement r´ecent de ces HEB, nous ren- trons v´eritablement dans l’`ere de l’astronomie TeraHertz7. Par exemple, Cherednichenko et al.

(2006) pr´esentent des m´elangeurs HEB `a base de NbN fonctionnant `a 2.5 THz ; H¨ubers et al. (2004) utilisent le mˆeme mat´eriau et poussent la limite jusqu’`a 5.2 THz.

Le grand avantage de la d´etection coh´erente est qu’elle permet une r´esolution spectrale virtuellement infinie grˆace aux autocorr´elateurs qui poss`edent des dixaines de milliers de voies. L’instrument HERSCHEL/HIFI poss`ede par exemple une r´esolution R = ∆νν ∼ 107 (de Graauw

et al. 2005). Notez toutefois que la bande passante des d´etecteurs h´et´erodynes est relativement limit´ee (∼4 GHz) ; ces d´etecteurs sont donc d´edi´es `a l’´etude des raies spectrales contrairement aux d´etecteurs large bande qui sont plus adapt´es `a l’observation du continuum. Une des fai- blesses des d´etecteurs h´et´erodynes est qu’ils ne poss`edent g´en´eralement qu’un seul pixel ce qui rend la cartographie du ciel extr`emement longue ; cependant, depuis une d´ecennie, nous voyons apparaˆıtre des matrices de d´etecteurs comme par exemple CHAMP+ qui fonctionne `a 450 et 350 µm sur le t´elescope APEX et qui poss`ede 8 pixels (Kasemann et al. 2006). L’instrument SUPERCAM fonctionne `a 870 µm et devrait ˆetre install´e fin 2007 sur le t´elescope Heinrich Hertz en Arizona, il contiendra 64 pixels (Groppi et al. 2006). Enfin, un dernier avantage no- table de la d´etection coh´erente est qu’elle permet d’obtenir des r´esolutions spatiales inf´erieures `a la milliseconde d’arc par la technique d’interf´erom´etrie et de synth`ese d’ouverture8.