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La revue de la littérature nous offre une variété de recherches sur le concept d‟événement. Cependant, aucune d‟entre elles n‟a encore abordé la question d‟évènement médiatique en lien avec la communication publique et tenté de montrer en quoi l‟analyse d‟un événement médiatique en contexte international peut aider à mettre en lumière l‟hétérogénéité des productions médiatiques. En analysant les diverses productions médiatiques au Cameroun et au Québec sur les propos de Benoît XVI concernant le préservatif, nous allons pouvoir identifier, en les comparant, les perceptions, les valeurs socioculturelles, les attitudes qui peuvent expliquer ces différences. L‟objectif est de montrer que même en contexte international, la compréhension de l‟événement nécessite de recourir à l‟ancrage socioculturel et voir en même temps les pratiques discursives héritées de la mise en relation des acteurs avec leur réalité sociale (Foucault, 1969; Moirand, 1997).

À partir des propos de Benoît XVI sur le préservatif, nous nous inscrivons dans une démarche scientifique exonérée de la « confrontation habituelle »17 entre le religieux et le laïc dans l‟espace public. Nous optons pour la voie de l‟analyse scientifique du traitement médiatique des propos de Benoît XVI sur l‟utilisation du préservatif dans la lutte contre le Sida, avec une triple perspective théorique, méthodologique et sociale qui converge à la charnière interdisciplinaire de la communication publique. L‟intérêt scientifique qui sous-tend la perspective

17 Jusqu‟à la Seconde Guerre mondiale, pendant de nombreux siècles, les sociétés étaient

organisées et développées selon des valeurs modelées par la religion. Celles-ci servaient de référence à « l‟être-ensemble » en ce sens qu‟elles orientaient les attitudes individuelles et collectives de la société. Mais après la Seconde Guerre mondiale, les sociétés occidentales ont connu plusieurs métamorphoses à la faveur de la démocratie et le rejet de l‟idéal abstrait de la métaphysique et de la religion. Le rapport social à l‟intérieur de cette rupture se manifeste souvent à travers des débats polémiques, parfois acrimonieux et « l‟acharnement de la pensée laïque à déloger la religion et à minimiser son rôle comme système fournisseur de normes et d‟idéaux » (AOUN, 2011, p. 10)

21 théorique est un questionnement sociologique porté sur la production médiatique de l‟événement, une réappropriation du concept d‟événement qui permettra dans le cadre de la communication publique de rendre compte de la traduction diversifiée et plurielle dans les médias et de montrer pourquoi malgré le phénomène de la mondialisation, il serait impossible d‟obtenir une production homogène de l‟information surtout lorsqu‟il s‟agit d‟un enjeu social impliquant la religion et donc avec nécessairement une charge émotionnelle considérable.

Enfin, notre démarche a aussi une perspective sociale dans le sens qu‟en mettant en lumière l‟indispensable différence dans la production médiatique d‟un événement en contexte international, nous mettons en évidence le principe de différence qui favorise la compréhension mutuelle et la tolérance d‟autres points de vue. Au fond, la compréhension d‟une production médiatique de l‟événement ne peut être appréhendée qu‟à ses médiations. Notre recherche appelle donc à une sorte d‟arrimage du choix journalistique avec les valeurs partagées d‟une société qui, pour nous, est une condition indispensable pour rendre possible son intelligibilité, ce qui pourrait aider à endiguer les dysfonctionnements entre les perspectives offertes par une communication publique purement technique ou professionnelle et la réalité concrète des personnes à qui cette communication est adressée. Puisque l‟événement médiatique n‟est pas seulement une exclusivité médiatique, son identification ne peut se limiter aux critères professionnels de la sélection. Ainsi, la production internationale de l‟événement médiatique « qui vise l‟idéal d‟une raison partagée, d‟une plénitude liée à l‟échange » (Maigret, 2003, p. 213), ne peut que se déployer comme une production dynamique d‟où émergerait à partir des paramètres contextuels des réceptions diversifiées.

La problématique de notre recherche est centrée certes sur la production médiatique de l‟évènement en contexte international, mais elle y intègre l‟importance de la réception. L‟ancrage socioculturel de la réception expliquerait l‟hétérogénéité de la production de l‟événement et appellerait à la reconnaissance de l‟altérité, gage d‟une communication internationale équitable pour tous (Wolton,

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2003). S‟il est vrai que l‟événement ne peut exister en soi Ŕ les médias ne partant pas ex nihilo Ŕ, il est tout aussi vrai que sa mise en scène publique constitue un « savoir » inter-subjectivement acquis. Les médias ne contribuent pas seulement à la diffusion de l‟événement médiatique, ils en sont des acteurs en même temps qu‟ils sont en interaction avec leur contexte socioculturel.

En s‟inscrivant dans la perspective de la communication publique telle que définie par le programme de doctorat en communication à l‟Université Laval, cette recherche permet d‟observer que les différences dans la médiatisation internationale des propos du Pape sur le préservatif traduisent non pas des contradictions oppositionnelle mais plutôt des spécificités inhérentes qui découlent des rapports inter-discursifs que chaque média entretient avec son milieu. La communication publique étant non seulement une communication interpersonnelle mais également « un lieu, un espace ou un territoire » (Gauthier, 1992, p. 13); elle est, de nos jours, une réalité de plus en plus politique (Lavigne, 1995) qui laisse entrevoir que la médiatisation d‟un événement demeure aussi une praxis intersubjective qui informe sur l‟organisation d‟une société donnée en même temps qu‟elle est une construction sociale, objet de connaissance.