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De l'événement médiatique international à sa médiatisation nationale : analyse socio-sémiotique du traitement des propos du pape Benoît XVI sur le préservatif dans les quotidiens de Québec et du Cameroun

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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De l’événement médiatique international à sa

médiatisation nationale :

analyse socio-sémiotique du traitement des propos du Pape Benoît

XVI sur le préservatif dans les quotidiens du Québec et du Cameroun.

Thèse

Hubert KEDOWIDE

Doctorat en communication publique

Philosophiae doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

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Résumé

Cette recherche se situe dans la réflexion autour de la production médiatique internationale de l‟événement. Elle tente de montrer que si, en amont, la normativité en matière de production et de diffusion de l‟événement dans les pays du Nord marque le traitement global de l‟information fournie par les agences internationales de presse, en aval, par contre, la réappropriation par les médias nationaux du même événement donne lieu à une pluralité de sens grâce aux contextes sociaux de chaque média. L‟analyse des interactions entre les médias et leur ancrage social peut aider à mieux saisir les dynamiques discursives de la communication publique.

La couverture médiatique de la déclaration du Pape Benoît XVI sur l‟utilisation du condom lors de son premier voyage en Afrique du 17 au 23 mars 2009 a servi d‟étude de cas. À partir de la mise en scène médiatique des propos du Pape sur le préservatif, la thèse tente de saisir, dans une perspective d‟analyse du discours, la « thématisation » de la couverture des propos du Pape dans les médias du Québec et du Cameroun, afin de mettre en évidence les différents prismes par lesquels l‟événement médiatique en contexte international prend sens pour les divers acteurs. Cette démarche socio-sémiotique permet de dégager les liens de parenté entre la production médiatique d‟un événement et les situations de communication de sa mise en scène publique.

L‟étude de la médiatisation des propos du Pape Benoît XVI a été menée sur un corpus de 139 articles d‟agences de presse et de médias québécois et camerounais. Il ressort de l‟analyse thématique de ce corpus que, si la mondialisation facilite l‟échange des informations bien au-delà des espaces nationaux, le processus de réception et d‟interprétation d‟un événement international découle d‟un croisement socio-référentiel marqué à la fois par une sorte d‟homogénéisation et de différenciation entre plusieurs manières de désigner le même phénomène. La différenciation qui nourrit la perspective d‟une pluralité de

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sens accordée à un même événement au plan international est plus prononcée quand il s‟agit des questions identitaires liées à la morale ou à la religion, lesquelles suscitent souvent des débats passionnés. L‟événement médiatique international ne peut être saisi que comme un phénomène en constante reconfiguration ou hybridation socioculturelle. Par conséquent, du point de vue médiatique, la question de l‟internationalisation de l‟événement se déplace du questionnement sur son universalité (homogénéité de la production de l‟information) vers la reconnaissance de sa lecture différentiée (hétérogénéité de la production médiatique). C‟est dire l‟importance de la réception et des dynamiques de communication publique dans la production du sens de l‟événement international.

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Table des matières

RÉSUMÉ... III TABLE DES MATIÈRES ... V REMERCIEMENTS ... XI AVANT-PROPOS ... XIII

INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1

I-PARTIE : CONCEPTUALISATION ... 7

CHAPITRE I : PRÉCISIONS SUR LA PROBLÉMATIQUE... 9

1.1.-MISE EN CONTEXTE DU SUJET ... 10

1.1.1.- Contexte général ... 11

1.1.2.- Le concept d’événement comme objet de la recherche ... 13

1.2.-CHAMP D’ÉTUDE EN COMMUNICATION PUBLIQUE ... 17

1.3.-OBJECTIF DE LA RECHERCHE ... 20

1.4.-QUESTIONS DE RECHERCHE ... 22

1.5.-HYPOTHÈSES DE RECHERCHE ... 26

1.6.-ANCRAGE PARADIGMATIQUE DE LA RECHERCHE ... 27

1.7.-LIMITES APPRÉHENDÉES DE LA RECHERCHE ... 29

CHAPITRE II : LES BASES THÉORIQUES DU CONCEPT D’ÉVÈNEMENT MÉDIATIQUE ... 31

2.1-CLARIFICATION CONCEPTUELLE ... 31

2.1.1.-Prolégomènes historiques ... 32

2.1.2.- De l’occurrence à l’événement ... 35

2.1.3.-La notion d’événement médiatique ... 36

2.1.4.- L’événement médiatique international ... 37

2.2.DIVERSES APPROCHES CONCEPTUELLES DE L’ÉVÉNEMENT MÉDIATIQUE ... 38

2.2.1.-L’événement médiatique comme production objective du journaliste ... 39

2.2.2.-L’approche sociologique de l’événement ... 46

2.3.-ENJEUX DE LA MÉDIATISATION INTERNATIONALE DE L’ÉVÉNEMENT ... 66

2.3.1.- La nature de l’événement médiatique international... 66

2.3.2.- Contexte planétaire de l’événement médiatique ... 70

2.3.3.- Le rôle primordial des agences de presse ... 74

2.3.4.- Revendication d’un Nouvel ordre mondial de l’information et de la communication (NOMIC).... 78

2.3.5.- Communication internationale et émergence du nationalisme moderne ... 84

2.3.6.- Les enjeux socio-éthiques de la médiatisation internationale de l’événement ... 88

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE : LE CADRE CONCEPTUEL ... 92

II-PARTIE : MÉTHODOLOGIE ...103

CHAPITRE III : REPÈRES MÉTHODOLOGIQUES ...105

3.1.-PROLÉGOMÈNES MÉTHODOLOGIQUES... 105

3.2.-LA CONSTITUTION DU CORPUS ... 113

3.2.1.- Corpus documentaire ... 117

3.2.2.- Corpus pour l’analyse de discours ... 120

3.3.-L’ORGANISATION DES ANALYSES ... 121

3.3.1.- L’analyse documentaire ... 121

3.3.2.- Les étapes de l’analyse du discours ... 122

3.4.-L’INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ... 127

CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE : CADRE MÉTHODOLOGIQUE... 128

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CHAPITRE IV : ANALYSE DOCUMENTAIRE ... 133

4.1.-CADRE SOCIOCULTUREL ET MÉDIATIQUE AU QUÉBEC ... 133

4.2.-CADRE SOCIOCULTUREL ET MÉDIATIQUE AU CAMEROUN ... 141

4.3.-LA DOCTRINE SOCIALE DE L’ÉGLISE ... 146

CHAPITRE V : L’ANALYSE DU DISCOURS ... 151

5.1.-L’ANALYSE SYSTÉMATIQUE DES SOURCES ... 151

5.1.1.- Mise en situation ... 152

5.1.2.- Analyse des dépêches ... 153

5.2.-ANALYSE DU DISCOURS MÉDIATIQUE ... 160

5.2.1.- Analyse thématique ... 161

5.2.2.- L’analyse fréquentielle ... 184

CONCLUSION DE LA IIIÈME PARTIE : ANALYSE SOCIO-SÉMIOTIQUE ... 187

IV - PARTIE : L’INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ... 191

CHAPITRE VI - LA SOCIO-SÉMIOTIQUE DE L’ÉVÉNEMENT MÉDIATIQUE INTERNATIONAL ... 193

6.1.-LES PROPOS DU PAPE SUR LE PRESERVATIF ... 194

6.2.-SITUATIONS DE COMMUNICATIOND’ÉMERGENCE DE L’ÉVÉNEMENT ... 200

6.2.1.- Propos du Pape : une tradition de prise de position ... 200

6.2.2.- Propos du Pape : les mises en récits médiatiques ... 203

6.2.2.1.- Le cadrage des agences de Presse ... 204

6.2.2.2.- Lecture événementielle des propos du Pape au Québec ... 207

6.2.2.3.- Lecture événementielle des propos du Pape au Cameroun ... 209

CHAPITRE VII : LA « NATIONALISATION » MÉDIATIQUE DES ÉVÉNEMENTS INTERNATIONAUX ... 215

7.1.-LES MÉDIAS COMME INSTITUTIONS NATIONALES ... 215

7.2.-PRINCIPES RELIGIEUX COMME ÉLÉMENTS SYSTÉMIQUES POTENTIELS DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ MÉDIATIQUE ... 219

CONCLUSION DE LA QUATRIÈME PARTIE :L’INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ... 223

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 227

BIBLIOGRAPHIE ... 233

BIBLIOGRAPHIE ... 235

ANNEXES ... 249

INTERVIEW RÉALISÉE AU COURS DU VOL ... 251

LES DÉPÊCHES DE L’AFP, DE L’AP, DE REUTER ET DE FIDES ... 253

DÉCLARATION DES ÉVÊQUES DU CAMEROUN ... 258

DÉCLARATION DES ÉVÊQUES AFRICAINS ... 261

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Les différents tableaux

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES DIFFÉRENTES APPROCHES ... 95

TABLEAU DE SYNTHÈSE DE LA DÉMARCHE ... 113

DIFFÉRENTES LOIS ENTRE QUÉBEC ET OTTAWA EN MATIÈRE DE COMMUNICATION... 130

TABLEAU SYNTHÈSE DES DÉPÊCHES DU 17 MARS 2009 ... 154

TABLEAU DES DIFFÉRENTES THÉMATIQUES DES MÉDIAS AU QUÉBEC ... 163

TABLEAU DES DIFFÉRENTES THÉMATIQUES DES MÉDIAS CAMEROUNAIS ... 175

PUBLICITÉ DU GOUVERNEMENT CAMEROUNAIS CONTRE LE SIDA ... 211

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À mon feu père Samson

KEDOWIDE, mort avant que j’eusse le temps de l’aimer vraiment. À ma mère Béatrice CHAGAS, héroïque compagne des jours féconds d’âpres privations. À tous ceux et celles qui m’ont aimé et soutenu.

« Gardez toujours à l’esprit que, pour réussir, votre détermination est plus importante que n’importe quelle autre chose ». (Abraham LINCOLN)

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Remerciements

La modestie et la gratitude conviennent bien à l‟étape où je me suis rendu. Elles s‟imposent d‟autant plus que, tout au long de ce parcours de combattant, j‟ai progressé très lentement en prenant conscience de mes limites et en travaillant chaque fois à les dépasser… Comme celui qui a peiné pour arriver au sommet de la montagne, je veux ici prendre une pause, juste le temps d‟une halte afin de respirer et de contempler les souvenirs indélébiles qui me rappellent des étapes fortes seulement d‟une foi à transporter les montages, d‟un courage imperturbable, d‟une sérénité insouciante à la défaite et d‟une persévérance capricieuse. Et si j‟ai pu survivre jusqu‟à cet instant ultime où je confie à l‟écriture les résultats de mes travaux, c‟est grâce à l‟aide et aux multiples soutiens de plusieurs amis, aussi bien dans la conduite des recherches ayant abouti à l‟élaboration de cette thèse que dans sa réalisation matérielle. Je voudrais ici exprimer à tous, l‟expression de mes vifs sentiments de gratitude.

Au tout premier rang, mes gratitudes à mon directeur de thèse, M. Charles Moumouni pour son soutien indéfectible depuis la genèse de ce projet. C‟était un grand privilège d‟avoir bénéficié de son assistance et de ses nombreux conseils. Il m‟a appris à être exigeant envers moi-même. Je remercie les membres du jury d‟avoir pris le temps de lire et d‟évaluer cette thèse. Leurs commentaires m‟ont permis d‟approfondir mes réflexions, de clarifier certaines notions et de procéder à des corrections.

Je remercie Marie-Paule Garneau et Lisette Côté Levesque pour leurs multiples relectures qui m‟ont aidé à éliminer les coquilles qui se sont glissées malencontreusement dans mes rédactions. Merci également à Mme Marie-Rose Goulet-Gelinas pour avoir accepté de m‟aider à mieux saisir le sens des documents en anglais. Recevez ici l‟offrande de ma reconnaissance.

Je remercie également le professeur Henri Assogba (Département d‟information et de communication ŔUniversité Laval) d‟avoir accepté de faire une ultime lecture

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critique avant le dépôt de cette thèse. Délicate mission de finition accomplie avec compétence. Merci à tous mes professeurs pour toutes ces années de formation et d‟encadrement. Veuillez recevoir l‟expression de ma vive gratitude et communier avec moi à l‟humble satisfaction que procure la fin de la rédaction d‟une thèse de doctorat.

Un surcroît de gratitude monte de mon cœur quand je pense à mon feu père, Samson Kêdowidé, premier ressortissant de son village à aller à l‟école « des Blancs »… Alphabétisé à l‟âge de 28 ans, son histoire m‟a toujours appris qu‟il n‟est jamais trop tard tant que la volonté y est… Je pense également à ma mère, femme d‟exception, polyglotte sans jamais être allée à l‟école. Sa patience dans les épreuves m‟a appris à faire triompher le calme sur la fougue car cette thèse a exigé beaucoup de sacrifices, de tempérance et d‟endurance.

J‟adresse aussi mes remerciements à mon frère Colombiano Kêdowidé et à sa famille qui n‟ont jamais cessé d‟être mes compagnons de route et de soutien moral. Je ne peux terminer sans souligner la présence et l‟appui de tous mes amis et connaissances. En premier, je suis impatient d‟offrir ma gratitude à Marie-Claire Saucier Saint-Jean, à ses enfants et à ses petits enfants pour leur hospitalité « cinq étoiles ». Au milieu d‟un monde où languissent le courage et l‟espoir, je trouvais dans votre maison l‟oasis de paix et de sérénité qui me permettait de me ressourcer pour la suite du chemin… Et que dire de mon très cher ami Gratien Veilleux dont le soutien et les conseils m‟ont instruit à la ténacité et à la persévérance. Avec toi, Gratien, j‟ai pris très vite conscience que ce projet a un sens et qu‟il fallait aller jusqu‟au bout. Merci d‟avoir été toujours là.

Finalement, il serait impossible de rassembler en un bouquet tous ceux qui ont fleuri mon existence durant cette formation académique, qu‟ils reçoivent tous ici l‟expression de ma gratitude : mes souvenirs et mes remerciements sont immortels.

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Avant-propos

Je dois dire d‟entrée de jeu que ce projet de thèse a émergé d‟une série d‟« événements » liés à mon intégration au Québec. À vrai dire, le début de cette intégration a été une lente expérience éprouvante et complexe même si avant mon arrivée, j‟avais connu des expériences de courts séjours d‟été en France et que, mieux que d‟autres immigrés, j‟étais favorisé par la maîtrise de la langue française. Mon intégration a été un peu comme à l‟image de la météo : « ciel variable, nuageux par endroits, risque d‟orage… ». Il m‟a fallu lentement apprendre les codes culturels de ma société d‟accueil pour éviter « les sorties de routes » et désamorcer les fractures de sensibilités occasionnées par une hospitalité qui, bien que tolérante, ne semble pas toujours mesurer à sa juste valeur le caractère dramatique d‟un immigré en terre étrangère.

Deux expériences combinées ont suscité l‟intérêt de questionner le sens de l‟événement afin d‟y entrevoir toujours la possibilité récurrente d‟une pluralité de sens et, par ricochet, accepter et défendre « les différences de point de vue », bases indispensables du dialogue et de l‟intégration sociale.

La première expérience est relative au choc académique ressenti les premiers mois à l‟université en tant qu‟« analphabète » en informatique; car jamais de ma vie, j‟avais mis en marche un ordinateur avant de mettre pied au Québec. Tout mon cursus académique en Afrique avait été fait à l‟écritoire. Je me suis retrouvé alors dans un tourbillon d‟exigences académiques avec le sentiment de ne pas être toujours compris par ceux qui ont eu, heureusement, le privilège d‟être à l‟abri d‟un tel dépaysement dramatique.

La deuxième expérience qui, finalement, est l‟ultime élément déclencheur de mon désir de comprendre, est intimement liée au sujet de ma thèse. Après une discussion houleuse avec l‟une de mes amies québécoises autour des propos du Pape Benoît XVI sur l‟utilisation du préservatif, un concitoyen est venu se plaindre

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à moi parce qu‟il s‟est senti insulté de voir que des gens puissent défendre avec véhémence le préservatif “africain” malgré tous les produits avariés envoyés en Afrique… Il venait aussi m‟avertir que cette amie viendrait certainement se plaindre à moi parce qu‟il n‟a pas été tendre avec elle car il ne supportait pas que des gens qui n‟ont jamais mis pied en Afrique racontent des bêtises… Quelques minutes plus tard, cette amie visiblement ébranlée par la discussion, m‟appelait. Dans les deux cas, j‟étais comme sur une corde raide. Mon rôle n‟était pas de donner tort ou raison mais de dépassionner le débat et d‟essayer d‟expliquer à l‟un comme à l‟autre ce qui peut justifier la position de l‟un et de l‟autre. Dans cet exercice délicat de négociation de sens et de compréhension mutuelle, j‟avais le sentiment que mes deux amis poursuivaient les mêmes objectifs « sauver des vies humaines » avec des logiques différentes : mon sujet a pris naissance à cet instant : « comment peut-on voir différemment la même chose? ». Cette question restera l‟arrière fond sur laquelle s‟élaborera progressivement jusqu‟à sa forme actuelle mon sujet de thèse avec la conviction qu‟en réfléchissant sur la possibilité d‟avoir une compréhension plurielle et diversifiée d‟un même phénomène, nous éviterons de tomber d‟une part, dans le piège de toujours « regarder avec les yeux des autres » et d‟autre part, d‟entrevoir qu‟il peut y avoir une autre compréhension aussi pertinente que la nôtre.

Cependant mes ambitions restent modestes. Je ne chercherai pas dans cette thèse à proposer une caution magique assortie de toute incompréhension ni une leçon de bonne conduite en matière de tolérance mutuelle. Ma seule prétention sera de défendre la possibilité très réelle d‟analyser un contenu de productions médiatiques internationales de l‟événement et d‟arriver à des résultats scientifiques dans le respect des principes théoriques et méthodologiques adéquats et ainsi m‟inscrire dans la longue chaîne de tous ceux qui sans relâche tentent d‟ouvrir de nouveaux horizons pour une meilleure connaissance des choses.

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Introduction générale

Depuis plusieurs années, de nombreux chercheurs en sciences sociales tentent de comprendre comment les acteurs sociaux « construisent » leurs visions du monde et gèrent dans l‟espace public des interprétations diverses, face à un phénomène ou un problème social1. Cette problématique qui avait été longtemps une préoccupation sociologique est devenue, grâce à la mondialisation et au développement de nouvelles technologies, une problématique majeure en sciences de la communication, étant donné l‟importance du rôle dévolu aux médias dans l‟espace public et dans l‟échange entre des sociétés de plus en plus pluralistes. L‟information médiatique aux multiples visages est non seulement au cœur de toutes les interactions sociales, mais aussi comme le soulignait Judith Lazar, l‟une des problématiques fondamentales des discussions scientifiques pluridisciplinaires, à la fois théoriques et méthodologiques (Lazar, 1991).

Nos sociétés vivent au rythme des événements médiatiques : c‟est par les médias que chacun s‟informe de ce qui se passe chez lui ou ailleurs dans le monde. C‟est aussi par les médias que d‟autres peuvent être informés de ce qui nous arrive ou éventuellement de ce que nous faisons. Dans les sociétés démocratiques, comme l‟indiquait Armand Mattelard (1997), les progrès techniques dans le domaine de la communication sont accueillis comme levier d‟un monde meilleur pour tous avec l‟espoir de rapprocher les humains entre eux, de faciliter les échanges entre les peuples, d‟assurer la pérennité des sociétés démocratiques et de faciliter l‟accès de tous à la connaissance. Cependant, si les résultats de cette « éternelle promesse de la communication » (Wolton, 2005) se font encore attendre, il n‟en demeure pas moins que la communication médiatisée est au cœur de toutes les

1 Notons surtout les travaux de Max Weber (1919), considéré comme le père de la sociologie

compréhensive, et ceux d‟autres comme de Talcott Parson (1937), avec sa théorie sur le fonctionnalisme systémique de l‟action où l‟individu est porteur de son système social; Émile Durkheim (2007), qui définit le « fait social » comme une entité sui generis, autrement dit, une totalité non réductible à la somme des parties; et Pierre Bourdieu (1979), avec ses travaux sur les mécanismes de reproduction des hiérarchies sociales et son insistance sur les facteurs culturels et symbolique dans cette reproduction.

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interactions sociales et constitue à la fois un instrument déterminant de promotion démocratique et un objet de luttes qui alimente le contenu des débats publics en même temps qu‟il modifie la nature même de la communication publique.

Dans cette perspective, l‟événement rapporté par les médias constitue une sorte de matière première pour le débat public. Cependant, cet événement qui nous parvient par la médiatisation, est déjà l‟œuvre d‟une sélection journalistique et s‟inscrit d‟une manière ou d‟une autre dans une traçabilité qui relève d‟un système de valeurs Ŕ souvent des valeurs dominantes Ŕ et subséquemment le fruit d‟une lutte symbolique pour définir ou nommer la réalité sociale (Tuchman, 1973). Ce simple constat soulève moult questionnements sur le statut de l‟événement médiatique, les contextes de son émergence, sa production variée ainsi que sa réception diversifiée2. Ainsi, l‟identification de l‟événement et sa mise en récit médiatique sont régies par une herméneutique sociale de la réalité en contexte. Sa production, sa circulation, son interprétation et sa compréhension ne sont alors possibles que dans une communauté de sens et une aire socioculturelle d‟intérêt commun. De plus, dans un environnement économique amplement néolibéral, on voit naître une concentration des médias et des industries culturelles (Demers, 2000; Lavigne, 2005) où tout est à la remorque de l‟économie, de sorte qu‟un événement médiatique ne peut se soustraire entièrement à la prédominance des critères de rentabilité. D‟autres considérations, telles que l‟avènement des médias sociaux et des nouveaux médias ainsi que l‟utilisation des médias par les mouvements alternatifs3, jettent plus ou moins un soupçon sur la neutralité des

2 À partir d‟un événement brut, il peut y avoir une pluralité de discours médiatiques : songeons aux

évènements survenus en 1917, appelé tantôt « Révolution russe », tantôt « Grande Révolution socialiste soviétique d‟Octobre », tantôt « Coup d‟état bolchevique », tantôt encore « Révolution communiste de 1917 », etc. Partisans et adversaires du nouveau régime lisaient bien entendu l‟évènement avec des grilles différentes, chaussaient des lunettes idéologiques incompatibles : Gérard Leclerc, La société de communication, une approche sociologique et critique, Presses Universitaires de France, Paris, 1999, p. 85.

3 Le mouvement alternatif est le concept utilisé pour désigner, depuis 1970, les mouvements

sociaux qui, s‟inscrivant dans une démarche citoyenne et par des actions non-violentes de désobéissance civile, se portent à la défense d‟un droit qu‟ils jugent menacé… Citons par exemple les mouvements écologistes ou pacifistes.

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3 événements médiatiques4 et subséquemment, rendent davantage complexe le débat sur les bases théoriques du concept d‟événement.

Dans ce contexte, il arrive que certaines informations transmises par les médias mobilisent l‟attention publique et suscitent des débats autour d‟enjeux publics, tandis que d‟autres, bien qu‟importantes, voire vitales pour la société, ne suscitent aucun intérêt médiatique. Les médias transmettent-ils ce qui se passe dans la réalité sociale ou imposent-ils par leur choix, un regard spécifique du monde? Traduisent-ils une vision sociale ou une valeur particulière? Les réalités transmises par les médias sont-elles de vraies réalités ou plutôt des réalités sociales et donc une reconfiguration sociale de ce qui arrive?

Une couverture médiatique nous sert d‟étude de cas pour questionner le sens de l‟événement médiatique en contexte international et analyser le rôle dévolu aux médias dans la production de l‟événement : le Pape Benoît XVI, lors de son premier voyage en Afrique du 17 au 23 mars 2009, a déclaré dans l‟avion, parlant de la lutte contre le Sida5, « on ne peut pas en venir à bout en distribuant des préservatifs. Au contraire, ils accroissent le problème ». Pendant que le débat médiatique fait rage dans les pays du Nord, une quasi-indifférence s‟observe dans les médias du Sud. Certains médias du Sud vont même jusqu‟à accuser les médias du Nord de vouloir encore vassaliser les pays du Sud. Il semble ici que

4 Le troisième chapitre de La mondialisation de la communication d‟Armand Mattelard, (Paris,

Presses Universitaires de France, 1997) parle de l‟empire de la propagande qui s‟est développée depuis la Première Guerre mondiale et qui s‟est accentuée durant la guerre froide. Cette tentative d‟utilisation des médias à des fins de propagande va prendre une nouvelle forme d‟impérialisme néolibéral grâce à la trans-nationalisation et la raison géoéconomique avec pour conséquence un double mouvement : dans les pays développés, certains considèrent le multiculturalisme comme une menace à l‟identité nationale tandis que naissent de plus en plus des contestations dans les pays du « Tiers Monde » contre l‟inégalité dans les échanges. Dans le miroir de la globalisation et le rôle de la communication dans l‟édification du « village global » se reflètent les vicissitudes d‟un nouvel ordre mondial marqué par des inégalités de plus en plus manifestes.

5 Le Sida (syndrome de l‟immunodéficience acquise) est un ensemble de symptômes qui

apparaissent suite à la destruction de plusieurs cellules du système immunitaire par un rétrovirus. Le Sida est la phase terminale de l‟évolution de l‟infection. Le Sida peut être transmis la plupart du temps par voie sexuelle, par transfusion sanguine ou de la mère à l‟enfant durant la grossesse ou lors de l‟accouchement. Selon certains scientifiques, le virus du Sida a connu une mutation en 1929 et 1950 pour être transmis du singe à l‟homme. Mais la pandémie s‟est développée et est devenue un problème de santé mondiale à partir de 1970. Pour l‟instant, il n‟en existe aucun vaccin.

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l‟information n‟existe pas en soi mais plutôt qu‟elle est une pure énonciation. Elle dépend à la fois du champ de connaissances qu‟elle touche, de la situation d‟énonciation dans laquelle elle s‟insère et des dispositifs de sa mise en œuvre.

Le cas précis de notre étude, relative à l‟analyse de la médiatisation au Cameroun et au Québec des propos du Pape Benoît XVI sur les préservatifs (17 mars 2009), montre comment la mise en scène médiatique d‟un événement s‟organise dans une coproduction sociale de sens (Arquembourg, 2006, p. 50). La façon dont les discussions s‟organisent autour des propos du Pape ainsi que les thèmes et les valeurs socioculturelles et religieuses mises en avant nous font penser que la production médiatique de l‟événement est régie par le contexte socioculturel de son lieu d‟émergence et liée à « une pratique sociale diversifiée complexe, multidimensionnelle et changeante » (Charron, 2000, p. 6). Ce qui fait « événement » au Québec peut donc ne pas l‟être au Cameroun.

Ici, notre recherche propose d‟aborder le concept d‟événement dans un contexte dominé par un double processus d‟internationalisation de l‟événement médiatique et de ses traductions nationales. Nous allons nous intéresser plus spécifiquement à la façon dont les différences agences de presse internationales ont fait écho aux propos du Pape sur l‟utilisation du préservatif et la façon dont les mêmes propos ont été récupérés par les médias nationaux du Québec et du Cameroun. Il s‟agit surtout de voir, au niveau des reconfigurations nationales des propos du Pape, les liens entre les médias et leur milieu dans le traitement de l‟information et par ricochet montrer comment les thèmes mis en avant traduisent l‟attachement de chaque société à des valeurs sociales spécifiques. Nous verrons ensuite en quoi cette analyse est pertinente dans la compréhension de la communication publique et informe sur les usages contemporains et les enjeux de la médiatisation de l‟événement en contexte international où l‟identité commune dans la forme internationale de la construction des enjeux publics chevauche avec les formes nationales de constructions sociales des enjeux publics. Ce qui oblige à repenser,

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5 d‟une part la notion d‟événement médiatique et, d‟autre part, celle d‟événement médiatique international.

Dans le développement de ce travail, nous chercherons, de façon spécifique, à comparer la médiatisation différenciée des propos du Pape sur le préservatif par les médias dans deux sociétés différentes (Québec et Cameroun). Dans le processus de mondialisation, plusieurs chercheurs établissent l‟hypothèse d‟une future production homogène de l‟information; d‟autres parlent plutôt de l‟hétérogénéité de la production médiatique. Cette dernière posture est la nôtre. Nous postulons d‟une part que, dans le traitement médiatique d‟un événement international, les médias reflètent leur milieu socioculturel, surtout lorsqu‟il s‟agit des questions relatives au fait religieux où l‟ancrage socioculturel, malgré la mondialisation, reste très marqué.

Le développement de la thèse s‟articulera autour de quatre parties : la première sera consacrée au cadre conceptuel de la recherche. Il s‟agira de définir la problématique générale de la thèse en la situant dans le champ de la communication publique et de dégager, à partir de la revue de littérature, une synthèse des éléments théoriques disponibles pour une compréhension globale du concept d‟événement médiatique. La deuxième partie abordera le cadre méthodologique de cette recherche et présentera les catégories d‟analyse et d‟interprétation utilisées. La troisième partie présentera les résultats de l‟analyse du contenu du corpus d‟articles sélectionnés. Enfin, la quatrième partie interprétera ces résultats.

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Chapitre I : Précisions sur la problématique

Le premier voyage du Pape Benoît XVI en Afrique du 17 au 23 mars 2009 au Cameroun (Yaoundé) et en Angola (Luanda) a commencé par une polémique médiatique internationale autour des propos qu‟il aurait tenus sur le préservatif dans l‟avion qui le menait de Rome à Yaoundé. Très vite, dans plusieurs pays du monde, des voix se sont levées pour contester les propos du Pape et ont donné lieu à de vifs débats dans plusieurs médias. Ces débats ont aussi permis d‟observer les profondes différences dans le traitement médiatique des propos du Pape dans les pays, opérant même une ligne de démarcation entre les médias du Nord et ceux du Sud. Ces différences, même en contexte de mondialisation, traduisent d‟une manière ou d‟une autre le caractère spécifique de la culture de chaque société. Elles expriment dans le cas qui nous concerne, l‟écho de leur rapport à la fois à l‟éthique religieuse ainsi qu‟à la place de la religion dans l‟espace public. Elles confirment également de très profondes différences dans les pratiques du journalisme. Bref, malgré l‟étanchéité des souverainetés nationales mises en mal par l‟évidence de l‟intensification des échanges médiatiques entre les nations grâce au développement technologiques et à la mondialisation, la médiatisation internationale d‟un phénomène reste encore soumise à des contingences naturelles (distance physique), linguistiques, socioculturelles, politiques et psycho-religieuses. Si la globalisation des échanges et le phénomène de la mondialisation ont fait en sorte que les espaces nationaux sont largement imprégnés d‟une dimension internationale, il reste que celle-ci n‟inaugure pas, pour autant, un espace mondial, mais bien plus des pluri-espaces mondiaux de codétermination des enjeux publics internationaux. On assiste alors à une reconfiguration locale de l‟international. Ce postulat nous amène à questionner l‟événement médiatique dans la double perspective des paramètres de sa mise en scène publique en contexte national et international. Dans l‟un ou dans l‟autre cas, il s‟agit d‟observer que les différences de production entre pays font entrevoir que dans le processus de production de l‟événement, les médias de chaque pays portent d‟une certaine manière les marques socioculturelles de leur localité.

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1.1.- Mise en contexte du sujet

Notre étude s‟intéresse de façon spécifique aux propos de Benoît XVI sur l‟efficacité ou non de l‟utilisation du préservatif pour éradiquer la maladie du VIH/Sida en Afrique et la mise en scène médiatique de ces propos avec les diverses médiations observées dans les pays du Nord et dans les pays du Sud6. Ici, l‟événement médiatique est une situation problématique où la prévention et la lutte contre le VIH/Sida ne sont plus une question purement clinique mais aussi sociale, religieuse et publique dont la compréhension n‟est possible que dans une communauté de sens qui permet son intelligibilité et oriente les attitudes diverses envers elle selon les normalités propres à chaque société. En ce sens, la maladie du Sida ne se réduit pas à une question exclusivement biologique et au traitement proposé par la médecine, mais relève également d‟un phénomène social et culturel, c'est-à-dire qu‟elle doit être saisie à travers l‟ensemble des pratiques et des discours qu‟une société élabore à son égard (Herzlich, 1988).

La médiatisation des propos du Pape face aux moyens de lutte contre la maladie du Sida déclenche des débats publics médiatisés dont l‟analyse peut nous permettre de saisir comment les différentes forces en présence vont tenter de faire prévaloir leur point de vue dans l‟espace public et comment, ce faisant, elles alimentent la controverse sociale. Autrement dit, la mise en scène médiatique des propos du Pape permet d‟appréhender la communication publique comme lieu de débats publics en vue de la construction d‟enjeux sociaux. Ainsi, la médiatisation internationale des propos du Pape dépasse la simple nouvelle ou le simple discours informatif qui occupe momentanément l‟espace public. Elle a donné lieu à l‟affrontement de deux visions du monde : elle a permis aux sociétés démocratiques et laïques des pays du Nord de réaffirmer la sortie d‟une vision théologique et cléricale du monde et l‟appel au renoncement par l‟Église du monopole de l‟accès à la vérité et à l‟éthique (Delumeau, 1977); et pour les pays

6 Il ne s‟agit pas ici d‟étudier tous les journaux des pays du Nord et du Sud mais les exemples du

Québec et du Cameroun sont en quelque sorte le miroir de la médiatisation diversifiée entre le Nord et le Sud.

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11 du Sud, en revanche, des préoccupations sociales plus centrées sur autres choses (développement, corruptions, guerres, mauvaise gouvernance) que de s‟émanciper de l‟Église (Smith, 2009).

1.1.1.- Contexte général

Les polémiques dans les médias sur les propos du Pape Benoît XVI s‟inscrivent dans une série de polémiques qui certainement constituent les prémices circonstancielles qui ont favorisé l‟émergence de la controverse autour de ces propos ou tout au moins ont aidé à les alimenter : d‟abord, son discours de Ratisbonne sur l‟Islam7; les scandales des abus sexuels partout dans l‟Église (notamment en France, en Belgique, en Irlande)8; la levée de l‟excommunication des quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X (une fondation sous l‟autorité de Mgr Lefebvre) en janvier 2009 dont un évêque négationniste, Mgr Richard Nelson Williamson9; la découverte de la double vie du fondateur de la communauté des

7 Le 12 septembre 2006, dans son discours à l‟Université de Ratisbonne, le Pape Benoît XVI

déplore énergiquement toute violence commise au nom de la religion. Puis en citant l‟empereur byzantin, Manuel II Paléologue (1391-1425) : « montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l‟épée la foi qu‟il prêchait ». Tandis que cette citation déclenche des réactions politiques et religieuses parfois violentes (avec des manifestations populaires allant jusqu‟à la mort de chrétiens en Irak et en Somalie) dans les pays musulmans, les réactions étaient plutôt positives en Occident, qui défendent le Pape au nom de la liberté d‟expression.

8 En 2008, la communauté des Béatitudes, une association charismatique a été mise en accusation

pour agressions sexuelles sur mineurs; l‟un des responsables, le frère Pierre-Étienne Albert a été condamné pour cinq ans de prison pour avoir commis 38 agressions. En Irlande, une commission d‟enquête présidée par le juge Sean Ryan a déposé plus de 1400 pages de rapport sur des agressions sexuelles commises par des clercs, ce qui a forcé la conférence épiscopale à présenter des excuses publiques le 29 mai 2009 et le Pape, à envoyer une lettre de compassion aux catholiques d‟Irlande. En Belgique, plusieurs affaires de pédophilie des prêtres sont en cours depuis une dizaine d‟années et la justice a même perquisitionné les bureaux diocésains en juin 2010.

9 Mgr. Richard Nelson Williamson, né le 8 mars 1940 en Angleterre était anglican avant de se

convertir au catholicisme pour entrer dans la Fraternité sacerdotale de Saint-Pie-X. Ordonné prêtre puis sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988 sans mandat pontifical, il a été excommunié

latae sententiae, c'est-à-dire par le fait même de l‟acte posé. Une excommunication qui lui a été

notifiée le 1er juillet 1988 selon les canons 1382 et 1364 du Code du droit canonique (1983) par le cardinal Bernardin Gantin, alors préfet de la Sacrée Congrégation pour les Évêques. Il s‟est fait vite remarquer par ses propos négationnistes lors d‟une entrevue à Sherbrooke (Québec) en niant l‟existence des chambres à gaz en avril 1989 et en affirmant que c‟était une invention des sionistes en vue de la création de l‟État d‟Israël (propos réitéré le 1er novembre 2008 au séminaire de Zaitzkofen, près de Ratisbonne). Par ailleurs, il accuse les autorités américaines d‟avoir inventé les

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« Légionnaires du Christ », Marcial Maciel Degollada10; l‟excommunication, le 11 mars 2009, par l‟archevêque de Recife, Mgr José Cardoso, d‟une gamine brésilienne violée par son beau-père ainsi que celle de sa mère et des médecins qui ont aidé cette fille à avorter.

Tout cela avait exacerbé l‟opinion publique internationale. C‟est donc sur fond de contestations que la polémique autour des propos de Benoît XVI va se déployer dans les pays du Nord, forçant l‟Église à entrer en délibération avec des sociétés contemporaines qui l‟accusent d‟être distante et désincarnée. Plusieurs acteurs politiques et sociaux, des professionnels de la santé et même certains pasteurs religieux catholiques11 se sont indignés des propos du Pape qu‟ils considèrent

comme déconnectés de la réalité du monde actuel. Ils accusent Benoît XVI de traditionaliste et l‟invitent à s‟occuper d‟abord de ses prêtres pédophiles12. Mais le

Saint-Siège, en réponse à ces critiques, a publié l‟intégralité de l‟entrevue du Pape et accuse les médias d‟avoir mal cité le Souverain Pontife. Par ailleurs, Benoît XVI a, au cours d‟une de ses audiences publiques (avril 2009), invité les fidèles et les hommes de bonne volonté à ne pas céder à la dictature de l‟opinion et du relativisme. Car, pour lui, contrairement à ce que véhiculent les médias, la foi n‟est pas un « paquet de dogmes ». Il appelle alors à ne pas tomber dans l‟analphabétisme religieux dont l‟un des grands dangers est de penser une foi

attentats du 11 septembre 2001. Les propos de Mgr. Richard Nelson Williamson ont été révélés au public le 19 janvier 2009 par le magazine allemand Der Spiegel, puis diffusés le 21 janvier 2009 par la télévision suédoise.

10 Marcial Maciel Degollada était un prêtre mexicain, fondateur de la Légion du Christ et du

Regnum Christi qui a acquis une grande notoriété dans l‟Église avant la découverte de sa double

vie. Non seulement il entretenait des relations avec au moins deux femmes et est père de six enfants, mais aussi est-il coupable d‟abus sexuel envers des mineurs? Après de longues années d‟enquêtes commencées sous le pontificat de Jean-Paul II, il a été suspendu de tout ministère en 2006 par le Pape Benoît XVI.

11 Le Quai d‟Orsay dit redouter les conséquences néfastes des propos du Pape sur la recherche

contre le sida. Les ministres français, belges et québécois de la Santé ainsi que le président de Médecins du Monde se disent consternés (AFP du 18 mars 2009). Mme Maria De Koninck, professeure au Département de médecine sociale et préventive de l‟Université Laval, a déclaré que les propos du Pape étaient « malheureux et tragiques » (Le Soleil du 19 mars 2009), tandis que le Père Raymond Gravel s‟est indigné des propos du Pape (Journal télévisé sur LCN du 18 mars 2009). Les propos de Benoît XVI ont été également très critiqués par des organisations s‟occupant de la lutte contre le sida, à l‟instar du Fonds mondial de lutte contre le sida et Onusida.

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13 émancipée du magistère de l‟Église et dépendante de l‟opinion du monde. Il a enfin réaffirmé que seule une éthique enracinée dans l‟amour de Dieu peut affronter avec justesse les défis politiques et économiques de la mondialisation. Enfin, il affirme que l‟Église propose sa doctrine sociale non comme une contrainte mais plutôt comme la vraie libération.

Dans ce contexte de controverses et d‟incompréhensions mutuelles, le diocèse de Québec a reçu, en un seul mois, une cinquantaine de demandes d‟apostasie13, alors que selon la chancellerie, on ne comptait qu‟au plus une vingtaine par année. Même durant les moments de crise entre l‟Église et la société, comme ce fut le cas après l‟adoption de la loi sur le mariage gai au Québec, le diocèse avait reçu une quarantaine de demandes émanant principalement des personnes homosexuelles (Lemieux, 2009). Cependant, au Cameroun où le Pape est en visite, les journaux le décrivent comme l‟humble serviteur qui n‟a pas peur des contradictions et dont le calme et le courage montrent qu‟il est un véritable guide spirituel (Noana, 2009).

1.1.2.- Le concept d‟événement comme objet de la recherche

Le concept d‟événement est au cœur de notre projet de thèse. La production médiatique étant une pratique sociale diversifiée, il nous paraît nécessaire d‟opérer une distinction simple mais essentielle entre ce concept et d‟autres qui lui sont apparentés. Cette précision est indispensable car elle nous préserve de l‟inconvénient d‟un mélange de genres et nous permet de nous en tenir spécifiquement à ce concept qui nous semble plus adéquat dans notre projet de thèse.

Il est facile de constater dans la revue de littérature que, bien souvent, l‟expression « événement médiatique » est remplacée par « nouvelle », « actualité » ou

13 L‟apostasie est un mot grec qui signifie « se tenir à distance de… ». C‟est l‟acte de renonciation

libre et publique d‟une personne à une doctrine ou à une religion. C‟est un acte qui marque une rupture avec une organisation (religieuse par exemple) dont on était membre auparavant.

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« information ». Il y a, certes, indiscutablement un fond commun à ces différents concepts. À la genèse latine du concept d‟« information », il y avait non seulement l‟idée de partager l‟écriture mais aussi d‟enseigner, mettre au courant de quelque chose, instruire. Malgré l‟évolution sémantique du concept, il reste que la notion d‟information est toujours tributaire de l‟idée d‟accumulation de connaissances. Nous sommes informés de quelque chose que nous ne connaissons pas, de quelque chose que nous n‟avons pas su et dont nous n‟avons pas fait directement l‟expérience. Une information ne fait pas « événement » tant qu‟elle n‟a pas fait l‟objet d‟une mise en débat public. Le concept d‟information ou de nouvelle renferme la notion d‟un « savoir »14 dont nous ne faisons pas directement l‟expérience et qui est porté à notre connaissance. Charaudeau désigne la nouvelle comme « un ensemble d‟informations se rapportant à un même espace thématique, ayant un caractère de nouveauté, provenant d‟une certaine source et pouvant être diversement traité » (Charaudeau P. , 2005a, p. 106).

La nouvelle est plutôt une configuration médiatique de l‟information, une mise en forme médiatique de l‟occurrence portée à la connaissance du public, tandis que l‟événement est une occurrence phénoménale qui trouve sa place dans le dispositif discursif du média parce qu‟il organise le temps et l‟espace publics. En ce sens, toute nouvelle n‟est pas un événement, mais plutôt une sorte de compte rendu, une attitude de mettre autrui au courant et le rendre sensible aux faits qui se passent près de lui ou ailleurs dans le monde. Dans la production du discours médiatique, il faut tenir compte de la dimension sémantico-discursive de l‟événement : que ce soit en sociologie où l‟accent est mis sur les contraintes discursives qui orientent la production et la réception de l‟événement (Quéré, 1997), en philosophie (Badiou, 1988) et en philosophie du langage (Davidson, 2001) où l‟on questionne les présupposés sémantico-linguistiques qui président aux représentations des acteurs et qui permettent la mise en scène publique de l‟événement, et en sémantique lexicale qui met plutôt l‟accent sur la construction sémiotique de l‟événement non comme un simple moyen de transmission

14 Il ne s‟agit pas ici d‟un « savoir scientifique » mais d‟une nouvelle connaissance acquise par un

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15 médiatique de l‟événement mais comme forme ritualisée de mode d‟organisation du discours (Van de Velde, 2006).

Le concept d‟événement médiatique est plus qu‟une simple information ou une nouvelle étant donné qu‟un événement peut continuer à être médiatisé même si le temps de l‟information est terminé. Harvey Molotch et Marilyne Lester (1974) montrent que, plus qu‟une simple nouvelle, d‟un point de vue diachronique, la désignation d‟un événement peut structurer la mémoire de l‟actualité. Le simple fait d‟évoquer la date du « 11 septembre » ou « le drame de la Polytechnique » restitue dans la mémoire collective les données qui y sont relatives. L‟événement ne cristallise pas seulement l‟actualité mais organise cognitivement notre connaissance de l‟espace public. Le concept d‟événement permet alors de soustraire l‟information ou la nouvelle de ses données immédiates. Ce qui fait événement, ce n‟est pas seulement une occurrence spatio-temporelle, ni la manière dont celle-ci est transmise au public par les médias, mais le sens qui lui est accordée dans l‟espace public et qui lui confère de l‟importance ou non. Si les journalistes sont les acteurs de l‟information, étant donné qu‟ils collectent, structurent et traitent les informations, on ne peut affirmer sans réserve qu‟ils font l‟événement (Molotch, 1974). L‟information résulte du processus de traitement des occurrences, c'est-à-dire de leur utilisation par les journalistes à des fins médiatiques. Mais cela ne devient événement médiatique que s‟il est utile à un espace social donné, à un moment déterminé et surtout s‟il a un sens pour les différents acteurs et initie le débat public. Un événement médiatique ne peut donc pas être seulement un fait isolé ou singulier, il s‟inscrit dans une totalité sociale en construction (Véron, 1981). Il en constitue soit un moment de cette totalité ou une production de cette totalité (Mattelart, 1995). À cet effet, il est impossible, selon Voirol, d‟analyser « les contenus d‟un événement médiatique… sans concevoir leurs liens avec la société dont ils émanent » (Voirol, 2008, pp. 48-49). Car tout événement médiatique porte dans sa singularité, une empreinte de la totalité sociale.

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Le concept d‟événement médiatique peut être, par contre, plus rapproché de celui de « discours médiatique ». En ce sens, il ne s‟agit pas seulement d‟un traitement d‟information mais d‟une production médiatique de l‟événement qui implique une fonction référentielle au réel et aux acteurs concernés; une problématique liée à la fonction identitaire et normative des discours publics et un rapport au contexte et aux différentes normes (techniques, professionnelles, socioculturelles et économiques). Cependant, un évènement médiatique n‟est pas que « discours médiatique » car les journalistes ne sont pas les seuls sélectionneurs de tous les faits qui surviennent dans le monde. Les travaux de Meredith Kingston (1996) nous montrent le rôle important des « agences de presse ». L‟information que reçoivent les journalistes grâce aux dépêches n‟est plus à l‟état brut. Il y a déjà eu une sélection antérieure et même une sorte d‟hiérarchisation qui, d‟une manière ou d‟une autre, facilitent le travail du journaliste et subséquemment, orientent son choix rédactionnel. Les agences de presse sont sans nul doute la première étape du processus de transformation de l‟occurrence en évènement. Elles opèrent un premier filtrage qui se fait nécessairement à travers une certaine vision du monde, qui dans le contexte de globalisation, est quasi occidentalisée et soumise aux lois du marché et à la logique de l‟offre et de la demande. Pour Molotch et Lester (1974), il existe trois types d‟acteurs dans le processus de construction de l‟évènement : les promoteurs (les institutions officielles), les assembleurs (les journalistes) et les consommateurs (le public). L‟événement n‟est donc pas que discours médiatique. Néanmoins, il est important de souligner que c‟est le journaliste qui, en fin de compte, sélectionne selon les exigences de sa profession et en fonction des attentes de ses lecteurs : au Québec, un journaliste du journal Le Soleil n‟écrit pas de la même manière que celui du journal Le Devoir; les cibles visées ne sont pas les mêmes. Il ne s‟adresse pas nécessairement aux mêmes publics (lecteurs).

Nous avons donc opté d‟utiliser le concept d‟événement parce que mieux que les autres, il nous permet de considérer tous les moments, tous les acteurs et tous paramètres possibles de la production médiatique. Un événement n‟est pas régi

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17 par la seule dimension médiatique. Il est aussi un produit et un miroir de l‟évolution et du changement social, historique et culturel. L‟événement médiatique est donc moins un phénomène découlant exclusivement des théories de l‟information, pour lesquelles communiquer signifie essentiellement transmettre des messages, qu‟à une phénoménologie et une anthropologie socioculturelles, qui rendent indissociables l‟événement médiatique et l‟élaboration des valeurs constitutives de sa médiatisation en tant que pratique sociale discursive. Le caractère fondamentalement social et contextuel invite à concevoir l‟événement médiatique au-delà du lien entre événement et média, des critères professionnels et des « schémas journalistiques » (Mathieu, 1993, p. 81). L‟événement médiatique remplit une « fonction sociale » qui implique un ensemble de relations symboliques de nature politique, au sens où la mise en scène médiatique de l‟évènement constitue le lieu de confrontations de l‟opinion publique pour la construction des enjeux sociaux. Ainsi, notre recherche s‟inscrit pleinement dans le champ de la communication publique.

1.2.- Champ d’étude en communication publique

L‟intérêt de notre projet de thèse repose sur deux éléments : la nature du problème que nous étudions et son appartenance au champ de recherche en communication publique, notamment les axes « représentations et discours publics » et « pratiques professionnelles »15. En questionnant la pluralité et la diversité des

productions de l‟événement autour des propos de Benoît XVI, nous tentons d‟appréhender les situations de communication sous-tendant leur émergence :

15 Comme le décrit le programme de doctorat en communication publique de l‟Université Laval

(www.com.ulaval.ca/etudes/programmes ), les pratiques professionnelles sont « l‟examen des pratiques déjà bien institutionnalisées du journalisme » Plus précisément, les questions sur les « processus de médiatisation de l‟espace public ». Notre recherche touche les règles et les conditions qui président à la collecte, au traitement, à la diffusion et à la réception des nouvelles internationales. Les représentations sociales et discours publics sont « l‟analyse des contenus de communication publique. La teneur sémantique des messages, leur contenu discursif, les représentations cognitives sociales et individuelles ainsi que les significations sociales, les stratégies de mise en scène de l‟information…la communication publique comme lieu de construction de la réalité sociale ».

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« Qui parle? Quelle est la nature de ce qui est dit? À qui s‟adresse-t-il? Quel est le rapport entre l‟information transmise et sa réception? »16.

Il s‟agit pour nous, d‟une part, de chercher les liens de parenté entre la production de l‟événement et sa réception, et d‟autre part, d‟appréhender les rapports qui peuvent échapper à la conscience des producteurs et des récepteurs, mais sont intimement liés à la représentation sociale. Comme le disait, Umberto Eco dans Lector in fabula :

« le journaliste choisit parmi un ensemble de scénarios possibles, en fonction des moyens dont il dispose et dans lequel il cherche à inclure le récepteur de l‟information comme destinataire supposé complice étant donné que le message est conçu pour un destinataire-cible ou un destinataire-modèle » (Umberto, 1979, p. 29)

En alimentant le débat public, les médias ne sont jamais neutres. Volontairement ou non, ils sont des acteurs dans la mise en scène des interactions discursives en vue de la construction des enjeux sociaux. Ce faisant, ils peuvent être considérés comme des faiseurs d‟opinion publique. Max Weber, dans Le Savant et la politique avait déjà souligné que le journalisme n‟est pas seulement un traducteur ou un simple rapporteur de ce qui se passe, il participe à la construction de l‟opinion. Il est le type exemplaire de l‟activité professionnelle placée à mi-chemin entre la vocation du savant et la vocation d‟homme politique. Il est politique, parce que fabricant ou faiseur d‟opinion. Il est savant, parce que chercheur et producteur d‟œuvres intellectuelles et littéraires (Weber, 1959). Cependant, son travail émerge d‟un contexte, c'est-à-dire d‟une mise en relation de ce qui se passe avec les éléments socioculturels et ce sont ces derniers qui constituent la référence à travers laquelle s‟effectue la sélection d‟éléments pertinents à être médiatisés. Dire cela, c‟est poser la problématique d‟un va-et-vient permanent entre le journaliste et son milieu et laisser entrevoir qu‟une analyse de l‟événement médiatisé peut

16 Cf. Patrick Charaudeau, Le discours d’information médiatique. La construction du miroir social,

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19 permettre d‟appréhender les principes inter-discursifs autour desquels s‟organisent la construction des enjeux sociaux.

L‟événement médiatique s‟inscrit alors dans une « situation de communication » (Van Dijk, 1997, p. 15) qui informe sur les paramètres socioculturels et les positionnements des différents acteurs dans le jeu de la construction des enjeux sociaux (Bourdieu, 2001). L‟étude des différents paramètres de l‟événement médiatique permet de dégager les multiples strates de sens qui s‟y cachent ainsi que l‟univers référentiel des enjeux sociaux. L‟événement médiatique n‟est pas une simple réalité rapportée mais plutôt un espace où se compriment implicitement ou explicitement les discussions qui se mènent autour des enjeux sociaux. Dans ce sens, notre recherche s‟inscrit bien dans le champ de la communication publique, comme le définit le Département d‟information et de communication de l‟Université Laval :

« La communication publique consiste en l‟ensemble des phénomènes de production, de traitement, de diffusion et d‟échange d‟information qui reflètent, créent et orientent les débats et les enjeux publics. La communication publique désigne à la fois la réalité et l‟étude de la façon dont sont discutés les enjeux sociaux et animés les débats publics. En communication publique, les activités de communication ne sont pas envisagées pour elles-mêmes ou en tant qu‟objet concret en se demandant en quoi elles consistent. Elles sont plutôt abordées en fonction d‟une préoccupation formelle de recherche : en se demandant comment elles sont utilisées comme instruments pour tenter de faire prévaloir un point de vue dans l‟espace public et comment elles concourent à la controverse sociale »

( http://www.com.ulaval.ca/etudes/programmes/troisieme-cycle/1-axe-de-recherche-en-communication-publique/ )

L‟analyse de l‟événement médiatique permet de saisir, de décrire et de comprendre ce qui se passe aux différents niveaux de la dynamique des jeux d‟influence que se livrent les différents acteurs afin de faire prévaloir leurs points de vue dans l‟espace public international et comment ce faisant ils participent à la controverse sociale. Notre travail tente justement de jeter un faisceau de lumière

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sur la dynamique de cette controverse médiatique et voir comment chaque pays s‟est positionné par rapport aux propos du Pape et en quoi cette position traduit une sorte de reconfiguration médiatique endogène de ce qui vient d‟ailleurs.

1.3.- Objectif de la recherche

La revue de la littérature nous offre une variété de recherches sur le concept d‟événement. Cependant, aucune d‟entre elles n‟a encore abordé la question d‟évènement médiatique en lien avec la communication publique et tenté de montrer en quoi l‟analyse d‟un événement médiatique en contexte international peut aider à mettre en lumière l‟hétérogénéité des productions médiatiques. En analysant les diverses productions médiatiques au Cameroun et au Québec sur les propos de Benoît XVI concernant le préservatif, nous allons pouvoir identifier, en les comparant, les perceptions, les valeurs socioculturelles, les attitudes qui peuvent expliquer ces différences. L‟objectif est de montrer que même en contexte international, la compréhension de l‟événement nécessite de recourir à l‟ancrage socioculturel et voir en même temps les pratiques discursives héritées de la mise en relation des acteurs avec leur réalité sociale (Foucault, 1969; Moirand, 1997).

À partir des propos de Benoît XVI sur le préservatif, nous nous inscrivons dans une démarche scientifique exonérée de la « confrontation habituelle »17 entre le religieux et le laïc dans l‟espace public. Nous optons pour la voie de l‟analyse scientifique du traitement médiatique des propos de Benoît XVI sur l‟utilisation du préservatif dans la lutte contre le Sida, avec une triple perspective théorique, méthodologique et sociale qui converge à la charnière interdisciplinaire de la communication publique. L‟intérêt scientifique qui sous-tend la perspective

17 Jusqu‟à la Seconde Guerre mondiale, pendant de nombreux siècles, les sociétés étaient

organisées et développées selon des valeurs modelées par la religion. Celles-ci servaient de référence à « l‟être-ensemble » en ce sens qu‟elles orientaient les attitudes individuelles et collectives de la société. Mais après la Seconde Guerre mondiale, les sociétés occidentales ont connu plusieurs métamorphoses à la faveur de la démocratie et le rejet de l‟idéal abstrait de la métaphysique et de la religion. Le rapport social à l‟intérieur de cette rupture se manifeste souvent à travers des débats polémiques, parfois acrimonieux et « l‟acharnement de la pensée laïque à déloger la religion et à minimiser son rôle comme système fournisseur de normes et d‟idéaux » (AOUN, 2011, p. 10)

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21 théorique est un questionnement sociologique porté sur la production médiatique de l‟événement, une réappropriation du concept d‟événement qui permettra dans le cadre de la communication publique de rendre compte de la traduction diversifiée et plurielle dans les médias et de montrer pourquoi malgré le phénomène de la mondialisation, il serait impossible d‟obtenir une production homogène de l‟information surtout lorsqu‟il s‟agit d‟un enjeu social impliquant la religion et donc avec nécessairement une charge émotionnelle considérable.

Enfin, notre démarche a aussi une perspective sociale dans le sens qu‟en mettant en lumière l‟indispensable différence dans la production médiatique d‟un événement en contexte international, nous mettons en évidence le principe de différence qui favorise la compréhension mutuelle et la tolérance d‟autres points de vue. Au fond, la compréhension d‟une production médiatique de l‟événement ne peut être appréhendée qu‟à ses médiations. Notre recherche appelle donc à une sorte d‟arrimage du choix journalistique avec les valeurs partagées d‟une société qui, pour nous, est une condition indispensable pour rendre possible son intelligibilité, ce qui pourrait aider à endiguer les dysfonctionnements entre les perspectives offertes par une communication publique purement technique ou professionnelle et la réalité concrète des personnes à qui cette communication est adressée. Puisque l‟événement médiatique n‟est pas seulement une exclusivité médiatique, son identification ne peut se limiter aux critères professionnels de la sélection. Ainsi, la production internationale de l‟événement médiatique « qui vise l‟idéal d‟une raison partagée, d‟une plénitude liée à l‟échange » (Maigret, 2003, p. 213), ne peut que se déployer comme une production dynamique d‟où émergerait à partir des paramètres contextuels des réceptions diversifiées.

La problématique de notre recherche est centrée certes sur la production médiatique de l‟évènement en contexte international, mais elle y intègre l‟importance de la réception. L‟ancrage socioculturel de la réception expliquerait l‟hétérogénéité de la production de l‟événement et appellerait à la reconnaissance de l‟altérité, gage d‟une communication internationale équitable pour tous (Wolton,

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2003). S‟il est vrai que l‟événement ne peut exister en soi Ŕ les médias ne partant pas ex nihilo Ŕ, il est tout aussi vrai que sa mise en scène publique constitue un « savoir » inter-subjectivement acquis. Les médias ne contribuent pas seulement à la diffusion de l‟événement médiatique, ils en sont des acteurs en même temps qu‟ils sont en interaction avec leur contexte socioculturel.

En s‟inscrivant dans la perspective de la communication publique telle que définie par le programme de doctorat en communication à l‟Université Laval, cette recherche permet d‟observer que les différences dans la médiatisation internationale des propos du Pape sur le préservatif traduisent non pas des contradictions oppositionnelle mais plutôt des spécificités inhérentes qui découlent des rapports inter-discursifs que chaque média entretient avec son milieu. La communication publique étant non seulement une communication interpersonnelle mais également « un lieu, un espace ou un territoire » (Gauthier, 1992, p. 13); elle est, de nos jours, une réalité de plus en plus politique (Lavigne, 1995) qui laisse entrevoir que la médiatisation d‟un événement demeure aussi une praxis intersubjective qui informe sur l‟organisation d‟une société donnée en même temps qu‟elle est une construction sociale, objet de connaissance.

1.4.- Questions de recherche

Au-delà de la production médiatique, la compréhension de l‟événement exige la prise en compte non seulement de la matérialité de sa production médiatique, mais également ses conditions de mise en scène publique. L‟explication et la compréhension d‟un événement médiatique sont une tâche commune où le texte et son contexte s‟articulent pour engendrer le sens. En livrant des informations sur un phénomène (un fait ou une déclaration), le journaliste ne peut pas ne pas donner une représentation de ce phénomène et, ce faisant, définir la nature du rapport qu‟il entretient avec lui. Sa médiatisation du phénomène donne à celui-ci une identité sociale que l‟occurrence ne peut avoir. Par ailleurs, en s‟adressant à un public donné, ce journaliste ne peut pas ne pas lui attribuer aussi une certaine

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23 identité et définir du même coup, la nature du rapport qu‟il pourrait entretenir avec le même phénomène.

Les propos de Benoît XVI sur l‟utilisation du préservatif dans la lutte contre le VIH/Sida18 et son accueil différencié dans les médias (les médias, surtout occidentaux en ont fait une large couverture médiatique alors qu‟en Afrique ces propos ont suscité peu d‟intérêt médiatique) peuvent nous fournir une gamme de représentations de la maladie du Sida et les différentes perceptions et attitudes envers elle. Ils peuvent également permettre d‟observer le rôle du religieux dans l‟espace public à cet égard. Par ailleurs, puisque la production médiatique sur les propos du Pape a donné lieu à l‟intervention de plusieurs acteurs sociaux, la dynamique des débats s‟est opérée à partir de référentiels sociaux qui correspondent à des cadres normatifs sociaux préexistants qui dépassent le simple cadre professionnel du journalisme. La cohérence de la production médiatique de l‟événement est alors assurée par des éléments extérieurs aux propos du Pape et qui sont puisés dans le contexte socioculturel et historique du lieu d‟émergence (Moliner, 1999).

Nous n‟ambitionnons pas ici de rendre compte de la totalité des pratiques médiatiques ni de dégager toutes les interactions imaginables relatives à la médiatisation de propos de Benoît XVI. Sans rouvrir le débat, inépuisable et insoluble des déterminismes des phénomènes susceptibles d‟être médiatisés, il s‟agira de poser des questions pouvant nous permettre de mettre en lumière la façon dont les médias nationaux (Québec et Cameroun) ont procédé à la reconfiguration des propos du Pape et comment cette reconfiguration traduit un contexte international marqué par la diversité des normes sociales et des pratiques

18 Selon le rapport de l‟Onusida de décembre 2007, le continent africain est celui où réside le plus

grand nombre de personnes infestées par le VIH/Sida soit 67% des malades. Le même rapport indique que le préservatif est un des rares moyens de prévention efficace pour lutter contre la maladie. Les autres moyens tels que l‟abstinence et la fidélité proposées par l‟Église sont loin d‟être réalistes. Cependant, comme l‟attestent plusieurs recherches, les freins à l‟utilisation du préservatif sur le continent ne relèvent pas nécessairement de la position de l‟Église mais de la réticence des hommes dans plusieurs pays d‟Afrique à utiliser le préservatif d‟une part, et d‟autre part un manque de volonté politique à le promouvoir.

Figure

Tableau récapitulatif de l’événement médiatique vu sous l’angle  des différentes approches
Tableau de synthèse de la démarche socio-sémiotique
Tableau synthèse des dépêches du 17 mars 2009
Tableau des différentes thématiques des médias au Québec

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