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L‟histoire des médias camerounais est intimement liée à l‟action de l‟Église catholique dont le mensuel, L’Effort camerounais, créé en 1955, s‟est posé comme presse alternative à la presse nationale aux ordres du pouvoir. Avec un parti pris pour la société camerounaise, ce mensuel catholique avait pour mission, au lendemain de l‟indépendance, de dénoncer l‟absence de libertés et toutes les dérives dictatoriales du pouvoir, malgré l‟assassinat de son rédacteur en chef, l‟Abbé Mbassi et son interdiction de paraître de 1975 à 1987101. Dans ce combat

99 Notons qu‟en la matière, le Québec a été la première province en 1967 à financer une clinique,

un centre et une association de planification des naissances.

100 La loi de l‟union civile avait déjà légalisé l‟union des personnes de même sexe le 8 juin 2002. Il

faut néanmoins attendre le 20 juillet 2005 avec l‟adoption de la Loi sur le mariage civil pour que le mariage des couples homosexuels soit légal à travers tout le Canada.

101 C‟est d‟abord une longue interdiction du mensuel, l‟Effort qui a repris sa parution avant de

connaître en 1988 un épisode dramatique avec l‟assassinat de son rédacteur en chef, l‟Abbé Mbassi. D‟autres exemples : l‟hebdomadaire Lakroa’Ny Madagasiraka (à Madagascar), fondé par des jésuites; Bimensuel catholique Kiongozi en Tanzanie; du quotidien catholique Mumo en

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d‟opposition viscérale aux pouvoirs autoritaires, L’Effort camerounais sera rejoint par d‟autres journaux d‟opinions dans la seconde moitié des années 1970, avec l‟hebdomadaire privé comme Le Messager ou Le Combattant. Dans ce combat contre l‟oppression du peuple par les gouvernants politiques, le Cardinal Christian Tumi représente une figure iconoclaste de l‟histoire contemporaine du Cameroun dans la lutte pour la démonopolisation des médias.

C‟est seulement en 1990, un an après la chute du mur de Berlin, que commence au Cameroun le processus de démocratisation de la vie politique avec le projet de loi n° 90/052 du 19 décembre 1990 sur « la liberté de communication sociale au Cameroun ». Cependant, il a fallu attendre jusqu‟au 03 avril 2000 pour rendre cette loi exécutoire et libérer théoriquement les médias de l‟emprise du pouvoir politique102. Toutefois, dès 1991, le Cameroun a connu la fin du monopole du parti unique que détenait le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais)103. Par la même occasion, il a connu une fluctuation des naissances de partis politiques. On compte au Cameroun, un pays de 15 millions d‟habitants, plus de 168 partis politiques, presqu‟autant que le nombre total des différentes ethnies (plus de 200). Le monde des médias s‟est aussi diversifié, en plus de la radio et la télévision publiques (CRTV Ŕ Cameroun Radio-Télévision Ŕ) et du journal (Cameroun Tribune), pro-gouvernemental, on note plusieurs journaux privés qui représentent en termes de titres et de tirages, 80% de la production de journaux au Cameroun. La libéralisation des ondes a permis également

Ouganda; du bimensuel catholique Moto au Zimbabwe; du Beyond au Kenya et du National en Zambie.

102 Là encore, l‟Église catholique était à l‟avant-garde de la révolution médiatique avec l‟initiative

d‟un jeune prêtre catholique, l‟abbé Jean-Marie Bodo de l‟archidiocèse de Yaoundé qui, le 18 octobre 1997, sans aucune autorisation formelle des pouvoirs publics, se mit spontanément à émettre d‟une radio installée sur le mont Mbankolo, appelée « Radio Reine », dans la proche banlieue de Yaoundé (avec un contenu essentiellement musical d‟inspiration chrétienne). Il eut le soutien personnel du Pape Jean-Paul II qui inaugure la radio lors de sa deuxième visite pontificale au Cameroun en 1995 dans l‟auditorium dédié à son nom « Jean Paul II ».

103 Le RDPC est né en 1985 consécutivement à une transmutation de l‟UNC (Union nationale

camerounaise), ex-parti unique du premier président du Cameroun Ahmadou Ahidjo, avec l‟UPC (Union des populations du Cameroun), créé en 1948, qui était le plus vieux parti politique au Cameroun et, creuset du nationalisme camerounais. Notons que l‟UPC, parti nationaliste avait été interdit en 1955 par l‟administration coloniale. Certains de ses membres ont alors créé la DIC (Démocratie intégrale du Cameroun) pour continuer le combat d‟une société indépendante.

143 l‟implantation de plusieurs médias étrangers. Cependant, l‟étude réalisée par Médiamétrie en août 2000 a montré que les Camerounais sont plus attachés aux nouvelles de chez eux qu‟à celles qui viennent d‟ailleurs. Par exemple, 44% des camerounais à Yaoundé regardent la CRTC entre 20h et 21h30 (journal), contre seulement 5% pour TV5 Afrique et 5,8% pour TF1. La presse écrite reste un lieu de culture peu fréquenté, d‟abord parce qu‟à l‟origine, la socialisation de l‟Africain ne se fait pas par la culture de la lecture, mais par la culture de l‟oralité, ensuite parce que le journal est paradoxalement un bien culturel qui coûte relativement cher « 300 F CFA » pour la majorité des lecteurs potentiels (Eone, 2001).

Si le Cameroun est incontestablement l‟un des pays africains à connaître ces dernières années une formidable éclosion de la presse privée pluraliste, il reste que cette presse est encore peu organisée en groupes et en entreprises de presse. Elle est souvent dirigée par des individus avec des moyens financiers limités qui, par ricochet, les exposent à la manipulation ou à la corruption. L‟efficacité de cette presse reste donc aléatoire avec un lectorat variable et un personnel peu ou pas du tout formé aux métiers du journalisme et de la communication. Malgré cette situation, en dehors de Jeune Afrique Économie (JAE), magazine d‟information traitant prioritairement des sujets politiques et économiques des pays africains et qui est édité à Paris, les Camerounais n‟ont pas d‟engouement pour la presse écrite étrangère surtout française. Par ailleurs, dans les médias camerounais, l‟Église catholique peut faire l‟objet de critique. Cependant, la cohabitation du religieux et du public est quasiment une réalité ordinaire. Les médias diffusent régulièrement des célébrations religieuses et les chaînes publiques comme privées passent quotidiennement des musiques religieuses sans que personne ne s‟en offusque.

D‟une manière générale, les libertés de presse et d‟opinion sont des principes normatifs de la société camerounaise. Le Cameroun a adhéré aux instruments

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internationaux de la liberté de communication104. Dans le préambule de sa constitution adoptée le 18 janvier 1996, il est écrit que le peuple camerounais « affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l‟homme, la Charte des Nations unies, la Charte africaine des droits de l‟homme et des peuples et toutes les conventions internationales y relatives et dûment ratifiées ». Cette affirmation fait suite à la loi n°90/052 du 19 décembre 1990, relative à la liberté de la communication sociale, pièce maîtresse de la législation sur la communication sociale, c'est-à-dire, l‟imprimerie, la librairie, les organes de presse écrite, les entreprises éditrices, les entreprises de distribution, l‟affichage, les entreprises de communication audiovisuelles. Elle garantit leur liberté de travail. Malgré toutes ces précautions juridiques, les rapports entre la presse (médias privés) et les autorités politiques ont été toujours sous fond de suspicions avec, de la part de l‟État, des moments d‟intimidation voire d‟accusations et d‟emprisonnement des journalistes pour des pseudo-diffamations.

Malgré quelques critiques, l‟Église catholique a toujours bonne presse au Cameroun. Le Cameroun et le Bénin font partie des deux pays en Afrique que le Pape Jean-Paul II a visités deux fois au cours de son pontificat. Ils seront les seuls pays africains visités par Benoît XVI. C‟est dire que le Cameroun entretient avec le Saint-Siège une relation de grande proximité. Le Vatican vient d‟ailleurs de signer avec le gouvernement camerounais (le lundi 13 janvier 2014) un accord-cadre sur un statut de l‟Église catholique au Cameroun105. Cet accord officialisera la

104 Le Cameroun a adhéré à la « Déclaration universelle des droits de l‟homme », adoptée par

l‟assemblée générale de l‟ONU le 10 décembre 1948; au « Pacte international relatif aux droits civils et politiques » adopté par l‟Assemblée générale le 16 décembre 1966 et en vigueur depuis le 23 mars 1976; à la « Charte africaine des droits de l‟homme et des peuples », adoptée à l‟unanimité des chefs d‟États et de gouvernements réunis à Nairobi (Kenya) au 18ème sommet de

l‟OUA (Organisation de l‟unité africaine) en juin 1981, puis entré en vigueur le 21 octobre 1986 après que la majorité absolue des États, dont le Cameroun, l‟aient ratifiée.

105 C‟est un accord cadre qui définira un cadre juridique des rapports entre les autorités de l‟Église

au Cameroun et le gouvernement camerounais. En effet l‟Église, dans son rôle social au côté du peuple camerounais, a souvent entretenu des rapports conflictuels avec l‟État. D‟ailleurs, l‟accord prévoit la mise en place d‟une commission d‟enquête pour clarifier les assassinats de certains prêtres et religieux classés jusque-là sans suite. On pourrait citer : Mgr Jean Kounou, assassiné en même temps que le père Materne Bikoa en 1982; le père Joseph Yamb, tué le 5 avril 1983; l‟abbé Joseph Mbassi retrouvé mutilé le 26 octobre 1988 (rédacteur en chef de l‟Effort camerounais); l‟abbé Barnabé Zambo en 1989, le père Anthony Fontech, en 1990; l‟archevêque émérite de

145 reconnaissance de la personnalité juridique de l‟Église catholique et des institutions ecclésiastiques. Cet accord affirmera également la valeur sociale de l‟Église dans l‟espace public pour la préservation de la dignité humaine et l‟édification d‟une société plus juste et pacifique (www.Zenit.org consulté le 13 janvier 2014). Au Cameroun, pays multiethnique (plus de 200 groupes ethniques qui forment cinq grandes régions culturelles), les catholiques sont majoritaires avec 38,4% de la population106. Malgré la multiplicité ethnique et la présence de plusieurs religions, le Cameroun est souvent cité parmi les meilleurs exemples de cohabitation pacifique entre toutes les religions. Par ailleurs, il faut noter que malgré les rapports souvent conflictuels entre le gouvernement et l‟Église catholique sur des questions d‟ordre social, l‟Église catholique aux côtés d‟autres religions chrétiennes joue un rôle important dans l‟éducation et la santé. L‟Église catholique est d‟ailleurs l‟un des premiers partenaires du gouvernement dans la définition de la politique de santé (par exemple dans la lutte contre le Sida et dans les campagnes de vaccination…)107.

Au Cameroun et comme partout dans le monde, l‟Église ne se contente pas seulement de la spiritualité, elle s‟implique aussi dans la résolution des problèmes sociaux de son temps à travers de nombreuses interventions du Magistère (des Papes) sur les thèmes sociaux connues sous le nom de la « Doctrine sociale de l‟Église ». Il serait impossible, pour nous, dans le cadre de notre thèse, de faire un résumé de toutes les interventions du Magistère relatives aux problèmes sociaux.

Garoua, Mgr Yves Plumey, assassiné dans la nuit 3 septembre 1991; le père Engelbert Mveng étranglé dans son lit dans la nuit du 22 au 23 avril 1995; l‟abbé Apollinaire Ndi, tué en 2001, les sœurs Marie Germaine et Marie Léontine, assassinées le 12 juin 1991; le frère Yves-Marie Lescanne, assassiné le 30 juillet 2002 et Anton Probst, le 25 décembre 2003; le père François Mekong, le 24 décembre 2008. Ce lourd tribut payé par l‟Église dans la défense de la démocratie et des droits de l‟homme a fait d‟elle un animateur incontournable de la vie publique au Cameroun.

106 Il faut noter, cependant, qu‟avec les 26, 3% de protestants de diverses branches, les chrétiens

représentent plus de 60% de la population contre 20,9% de musulmans et 5,6% de religions traditionnelles ou animistes.

107 L‟Église catholique avec sa structure, l‟Organisation catholique de la santé au Cameroun

(OCASC), représente 40% de l‟offre des soins de santé, avec le Conseil des Églises Protestantes du Cameroun (CEPCA) et la Fondation Ad Lucem (FALC). Aucune politique en matière de santé ne peut être efficace sans leur participation. L‟Église catholique est en tête de liste en termes de nombre d‟hôpitaux sur le territoire camerounais. Elle possède 13 hôpitaux et 229 centres de santé et emploie plus de 3 000 personnes.

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Nous nous limiterons, plutôt, à celles susceptibles de nous informer sur les rapports qu‟entretient l‟Église avec les médias (ou tout système de médiatisation).