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Le concept d‟événement n‟est pas seulement une occurrence, c‟est-à-dire un phénomène, un fait remarquable, planifié ou spontané, insolite et inédit qui attire ou mérite une couverture médiatique. La première partie de notre thèse nous a permis, à partir de la revue de littérature, de montrer que l‟événement n‟est pas une réalité statique mais dynamique dont nous pouvons cependant énumérer trois caractéristiques fondamentales :

1. Elle est une occurrence mise en discours médiatique. Autrement dit l‟événement médiatique résulte d‟un travail d‟interprétation du journaliste qui donne sens à « ce qui arrive » (occurrence) et qui le sélectionne à des fins médiatiques.

2. Une fois sélectionnée par le journaliste, cette occurrence ne devient événement médiatique que lorsqu‟elle est utile à un espace public donné, à un moment donné et surtout lorsqu‟elle a la capacité d‟ « opiner », c‟est-à- dire d‟initier le débat public.

3. Enfin, la capacité de déclencher un débat pour la construction d‟un enjeu social n‟est possible que lorsque cette occurrence mise en discours médiatique est définie par un passé (les analogies qu‟elle suggère) et un futur (les anticipations qu‟elle permet de faire).

Cependant, les médias ne sont pas les seuls dans la construction de l‟événement médiatique. Si en amont, ils jouent un rôle important dans la détermination de l‟événement, celui-ci n‟émerge complètement qu‟en s‟appuyant en aval sur les manifestations d‟un public, c‟est-à-dire sur les articulations entre les valeurs partagées de la société d‟émergence et les grilles professionnelles d‟encodage du réel des phénomènes qui permettent aux journalistes une lecture événementielle.

93 Deux théories essentielles permettent d‟entrevoir des approches différentes de l‟analyse de l‟événement médiatique :

1. L‟événement médiatique considéré comme une production objective du journaliste. L‟objectivité est en référence à l‟aptitude du journaliste à rendre compte fidèlement du phénomène perçu. On peut alors présupposer de la production objective d‟un événement médiatique dans le sens où cette production est une représentation fidèle, adéquate ou exacte de la réalité, laissant au public le soin de se faire sa propre idée. Cette attitude d‟authenticité représente un contrat tacite d‟honnêteté et d‟indépendance des médias vis-à-vis de leurs sources.

2. L‟événement médiatique est une construction intersubjective de la réalité sociale. Il existe une structure sociale pré-narrative qui préside à la sélection, à la production, à la diffusion et à la réception de l‟événement. La mise en scène médiatique de l‟événement s‟inscrit donc dans des représentations sociales communes des problèmes sociaux qui permettent aux acteurs de convertir les occurrences en événements publics. De cette théorie découlent plusieurs approches dont celles liées aux cadrages. Il s‟agit ici non pas d‟abord des conditions sociales de l‟action mais plutôt de dispositifs cognitifs et des pratiques organisationnelles de l‟expérience sociale qui rendent possible la compréhension d‟un phénomène. Il y a aussi les approches liées aux théories d‟agenda. Par exemple, l‟agenda-setting, défini comme le processus par lequel les médias de masse communiquent l‟importance des enjeux sociaux et donc qui suggèrent aux publics une hiérarchisation des enjeux sociaux. Autrement dit, c‟est grâce aux médias que le public prend conscience de l‟importance d‟un enjeu social. L‟agenda- building met plutôt en lumière l‟influence d‟autres instances (construction conjointe des journalistes et des sources) dans l‟élaboration de l‟ordre du jour médiatique. Les approches liée à aux théories de « gatekeeping », « framing » et « priming » soulignent, quant à elles, l‟importance du rôle du

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journaliste dans le traitement et la diffusion des événements puisque c‟est lui qui, en bout de ligne, a pour mission de faire le choix des nouvelles à médiatiser parmi les nombreuses occurrences, de les présenter dans un cadre donné qui d‟une manière ou d‟une autre influence le récepteur. Il y a donc un pouvoir de décision et de contrôle sur l‟information à publier. Enfin, nous avons aussi parlé de l‟approche archéologique qui nous permet de nous pencher sur les bases d‟émergence du discours médiatique autour de l‟événement en cherchant surtout à découvrir l‟ensemble des règles anonymes et historiques ainsi que l‟aire sociale, économique, géographique qui ont présidé à la production médiatique de l‟événement. Quand un journaliste écrit, il ne donne pas seulement une information personnelle sur un objet mais il donne surtout une représentation sociale (son regard sur l‟objet, son rapport à l‟objet et au public qui en est le destinataire) à partir de son contexte socioculturel et de ses croyances et valeurs. Par conséquent, l‟approche archéologique renverse la perspective habituelle de considérer le sujet qui prononce le discours en le privant symboliquement de son « droit d‟auteur » pour considérer plutôt un ensemble dispersé et discontinu de positions subjectives que renferment le discours. Ainsi dans la médiatisation des propos du Pape sur le préservatif, les médias ne sont pas seuls, ils sont les portes paroles et reflètent leur milieu.

Enfin, cette première partie nous a permis de mettre en lumière les enjeux de la médiatisation internationale de l‟événement. L‟événement transmis par les dépêches est déjà une construction. Il y a déjà eu une sélection antérieure et donc une sorte d‟hiérarchisation qui, d‟une manière ou d‟une autre, facilite le travail du journaliste et subséquemment, oriente son choix rédactionnel. Les agences de presse ont par conséquent une grande influence dans la production internationale de l‟événement, c‟est-à-dire elles sont au premier rang dans la transformation de l‟occurrence en événement transnational. Elles opèrent un premier filtrage qui se fait nécessairement à travers une certaine vision du monde, qui dans le contexte de globalisation, est quasi occidentalisée et soumise aux lois du marché et à la

95 logique de l‟offre et de la demande. Ce constat d‟un déséquilibre Nord-Sud dans la production médiatique pousse des pays du Sud à revendiquer un « Nouvel ordre mondial de l‟information et de la communication (NOMIC) ». Ce dernier ayant pour objectif de mettre en place un nouveau système de relations internationales fondé sur le principe d‟égalité pour une communication plus juste, mieux équilibré et démocratique.

Cependant, en attendant l‟avènement d‟une production médiatique plus équitable sur le plan international, la réappropriation par les médias nationaux et l‟apparition des médias sociaux permettent un travail de reconfiguration selon l‟ancrage socioculturel de la réception. Ce qui expliquerait l‟hétérogénéité de la production internationale de l‟événement même si, là encore, les enjeux sociopolitiques des médias au niveau international autant que national se font souvent à l‟avantage des intérêts de classes dominantes.

Tableau récapitulatif de l’événement médiatique vu sous l’angle