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On prône de plus en plus une pédagogie axée sur des objectifs et des référentiels de formation spécifiques (FLP, FLI…) en visant une meilleure intégration sociale et professionnelle des migrants. Pourtant les formations pour adultes et les réflexions didactiques qui les entourent semblent faciliter autant, voire davantage, la vie des entreprises que celles des migrants en tant qu’individus. Les migrants formés aux premiers niveaux de maîtrise des compétences clés doivent être plus opérationnels en poste, c’est bien ce que met en évidence le guide d’utilisation du référentiel des CCSP qui prétend répondre aux besoins des types d’acteurs suivants : « entreprises et des collectivités territoriales en tant qu’employeurs, des commanditaires financeurs publics et privés (…) » avant de répondre au besoin des « personnes en insertion professionnelle et les salariés en professionnalisation ou en voie de qualification » (ANLCI, 2009 : 7).

En effet, quoiqu’ils suivent des formations de RAN, il ne leur est que rarement proposé d’accéder à des formations réellement qualifiantes ou diplômantes, leur permettant d’envisager une plus grande mobilité professionnelle. Le FLP vise souvent le simple accès à l’emploi, comme le précise Florence Mourlhon-Dallies « Il ne s’agit pas d’améliorer son français pour obtenir une promotion, mais de trouver du travail ou de se maintenir sur son poste, ce qui n’est possible qu’en progressant en français» (Mourlhon Dallies, 2006 : 33). Lorsque les commanditaires de formation en FLP notamment se trouvent être des chaînes telles que Carrefour ou Elior, qui propose une formation a minima pour leurs salariés concernant leurs protocoles de travail propres, c’est une manière de les « attacher » à l’entreprise et cela ne facilite pas nécessairement ni leur vie quotidienne, ni n’accroît réellement leur reconnaissance salariale et leur potentialité d’évolution professionnelle. Seuls les organismes de formation publique tels que les GRETA ou les AFPA

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proposent de véritables formations certifiantes permettant d’accompagner une réelle reconnaissance des savoir-faire à travers la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE). Pourtant là encore surgit rapidement un paradoxe : la formation continue des adultes, migrants notamment, est encouragée mais toutes les certifications demeurent calquées sur la nomenclature de l’Education Nationale (1969) qui sert à répartir les élèves selon leur niveau de formation et à repérer le niveau atteint au terme de leur formation initiale :

- Niveau VI et V bis : sorties en cours de 1er cycle de l'enseignement secondaire (6ème à 3ème) ou abandons en cours de CAP ou BEP avant l'année terminale.

- Niveau V : sorties après l'année terminale de CAP ou BEP ou sorties de 2nd cycle général et technologique avant l'année terminale (seconde ou première).

- Niveau IV : sorties des classes de terminale de l'enseignement secondaire (avec ou sans le baccalauréat). Abandons des études supérieures sans diplôme.

- Niveau III : sorties avec un diplôme de niveau Bac + 2 ans (DUT, BTS, DEUG, écoles des formations sanitaires ou sociales, etc.).

- Niveaux II et I : sorties avec un diplôme de niveau supérieur à bac+2 (Licence, Maîtrise, Master, DEA, DESS, Doctorat, diplôme de grande école).

Le Diplôme DEAVS, d’après le Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP) est classé au niveau V de la nomenclature française. Cela devrait donc correspondre à un niveau CAP ou BEP ou seconde/première. Or comment comparer une formation à visée professionnelle pour adultes ayant été peu ou pas scolarisés à des niveaux scolaires renvoyant à l’apprentissage de connaissances et de culture générale, plus qu’à l’acquisition de savoir-faire ? Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, visant notamment à fonder une politique européenne de l’éducation et à homogénéiser les niveaux de qualification, une nomenclature européenne a été mise au point. Son objectif n’est plus d’établir la liaison avec le niveau des diplômes mais d’établir des équivalences entre les degrés de maîtrise des compétences clés dans les différents pays de l’Union Européenne. Ce « cadre européen de certifications » définit officiellement 8 niveaux de référence d’objectifs visés en acquis de l’éducation et de la formation, il prend en compte pour se faire les savoirs théoriques et/ou factuels, les aptitudes cognitives et pratiques et les compétences en termes de prise de responsabilité et d’autonomie. Cette nomenclature semblerait plus pertinente pour situer les apprenants à leur entrée et à leur sortie de formation, le DEAVS correspondrait alors à un niveau 3 :

• savoirs couvrants des faits, principes, processus et concepts généraux, dans un domaine de travail ou d’études

• gamme d’aptitudes cognitives et pratiques requises pour effectuer des tâches et résoudre des problèmes en sélectionnant et appliquant des méthodes, outils, matériels et information de base

• prise de responsabilités pour effectuer des tâches dans un domaine de travail ou d’études • adaptation de son comportement aux circonstances pour résoudre des problèmes

Cette grille nous éclaire davantage sur les compétences à travailler mais dans le système français actuel, on ne peut pas faire l’économie de cette référence en termes de niveaux scolaires. De fait, la directrice d’EDIFOR, Mme Mokni, s’évertue à trouver un équivalent scolaire au niveau linguistique travaillé. Aussi tenons-nous compte dans l’élaboration de notre programme de formation, des savoirs supposés avoir été accumulés pour accéder à un niveau V, dans le domaine

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de spécialité. Cela oriente en partie la remise à niveau en culture générale (mathématiques, biologie, histoire-géographie notamment). En effet, il convient d’éviter que les difficultés dans la maîtrise de compétences de base et les « lacunes » en culture générale au vu d’un parcours de formation initiale puissent hypothéquer leur accès au niveau de maîtrise requis pour un diplôme de niveau V.