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Définir, quantifier, analyser sont autant d’étapes nécessaires pour arriver à cerner la situation des personnes illettrées, (contexte social et éducatif, typologies, parcours de vie…) Il s’agit d’évaluer tant les compétences de lecteur et de scripteur que les compétences clés.

2.3.1. Modèles d’évaluation diagnostique des compétences pour des publics en difficulté face à l’Ecrit

Le groupe PsyEF sous la direction de JM. Besse a élaboré un Diagnostic des modes d’Appropriation de l’Ecrit (DMA) qui vise à « évaluer les illettrismes », en tenant compte des importantes différences interindividuelles entre les personnes qualifiées d’ « illettrées ». La démarche s’efforce de partir des acquis plutôt que des lacunes, de sortir du surplomb du lettré qui ne perçoit l’Autre qu’à travers ses manques par rapport à son système de référence. Il cherche à comprendre comment la personne évolue aux marges du domaine de l’Ecrit et comment, sans le maîtriser, elle s’en approprie des pans. Le DMA propose donc au formateur-évaluateur de tenir compte du parcours d’appropriation de l’Ecrit de chacun des apprenants, de leurs représentations et des stratégies qu’ils ont développées afin de valoriser leurs compétences et de s’appuyer sur elles pour approfondir cette appropriation de l’Ecrit. Dans une conception globale de la personne, il évalue tant les compétences scripturales et de lecture que le rapport à l’Ecrit sur 5 axes :

- l’axe socio-affectif - l’axe métalinguistique

- l’axe du traitement de l’Ecrit à proprement parler - l’axe des pratiques personnelles de lecture et d’écriture - l’axe métacognitif

Il propose sept épreuves (entretien, compréhension de l’oral, expression orale, interprétation d’écrits sociaux, lecture, deux épreuves d’expression écrite) pour mesurer les performances de lecteur et de scripteur.

Par ailleurs, moins rigoureux et mois holistique dans la prise en compte du vécu des apprenants, la méthode « Trait d’Union », dans ses ouvrages « Lire » et « Ecrire » propose également un test de positionnement correspondant à différents temps de formation proposé par la méthode. Ces tests n’évaluent que les compétences écrites et vise simplement à « optimiser l’utilisation du manuel mais pas de dessiner des profils d’apprenants : pour cela, une évaluation beaucoup plus fine est nécessaire. »19

Nous nous sommes grandement inspirée du DMA pour élaborer notre Evaluation initiale, composée d’un test de positionnement individuel (sans formateur), d’un entretien individuel avec le formateur et d’une évaluation diagnostique collective en classe. Néanmoins l’évaluation du DMA est adressé à un public très large, il cherche à connaître le degré de littératie de chacun des apprenants, à diagnostiquer ses compétences à des fins purement orientatives vers la formation la plus adéquate. En ce qui nous concerne, cette évaluation initiale doit opérer une sélection des personnes ayant déjà acquis un certain degré de maîtrise des compétences écrites (connaissance des

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lettres, combinatoire, déchiffrement, construction d’une phrase simple). Elle opère seulement ensuite comme test de positionnement en vue d’une entrée en formation en deux temps. Par ailleurs, l’évaluation proposée par le DMA est lourde en gestion, il demande une appropriation assez poussée des outils d’évaluation par l’évaluateur. Surtout, parce qu’il cherche à faire émerger les compétences, à accompagner l’apprenant dans sa démarche pour ne pas se suffire du résultat, mais analyser les moyens employés pour y parvenir, il propose une évaluation individuelle qualitative coûteuse en temps pour l’évaluateur. Or les exigences de la commande nous poussaient à concevoir un test de positionnement simple à mettre en place, en termes de temps et de logistique. Et finalement, du point de vue des supports thématiques des épreuves, le DMA pouvait et méritait d’être contextualisé davantage dans la perspective FLI-FLP qui nous occupe. En effet, certains items renvoyaient à des connaissances culturelles qui pouvaient biaiser l’évaluation, la lecture d’un menu de crêperie et d’une histoire légendaire au sujet des crêpes notamment. Aussi l’avons-nous adapté, en adoptant également certains exercices des tests proposés par la méthode Trait d’Union, qui s’adresse « d’abord aux migrants faiblement ou non scolarisés mais aussi aux apprenants francophones en situation d’illettrisme ».20

2.3.2. Typologie des profils de compétences

L’évaluation initiale a pour objectif d’orienter mais également et surtout de permettre au formateur de poser un premier diagnostic quant aux types d’organisation des compétences, aux profils de compétences, et aux profils d’appropriation de l’Ecrit et à l’origine des difficultés.

Le DMA évalue cinq grands domaines recoupant les quatre compétences traditionnelles du CECR : la production orale, la production écrite, la compréhension orale et la compréhension écrite, auxquelles est ajoutée une production en lecture, en évaluant la performance dans l’identification de mots et de pseudo-mots. Ces compétences sont évaluées, sans référence au CECR puisqu’il ne s’agit pas en soi de FLE, selon des grilles propres au DMA, en termes de points puis de pourcentage de réussite. Il distingue, dans les types d’organisation des performances, 4 groupes de niveaux :

- un groupe A : les personnes sont qualifiées comme étant « à côté de l’Ecrit », en position de « paragraphie »

- un groupe B : c’est le seul groupe qui soit considéré en situation d’illettrisme. Les personnes de ce groupe sont « occupées à entrer dans l’Ecrit », qu’elles peuvent déchiffrer mais ne sont pas en mesure d’inférer du sens de ce qu’elles peuvent réunir comme informations écrites.

- un groupe C : qui possède « acquis fragiles : il commence à savoir se servir plus efficacement de l’Ecrit, qu’il maîtrise entre la moitié et presque les trois-quarts des items, mais se montre

particulièrement sensible aux jugements sur ses compétences. Il est dans une situation très critique et peut soit consolider des acquis, soit s’écarter de l’usage de l’Ecrit selon les circonstances externes. »

- un groupe D : « se montre efficace sur l’Ecrit, tout en se sentant peu « légitimé » à s’en servir. Il commence à automatiser ses procédures de traitement de l’Ecrit, il n’est donc pas dans

l’illettrisme. Ses erreurs n’entravent pas la compréhension d’un texte simple ».

Dans notre cas, selon cette qualification du DMA, seuls les groupes C et D seraient susceptibles d’entrer en formation.

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Au-delà du fait de pouvoir quantifier la performance par une note ou un pourcentage de réussite, il s’agit de comprendre comment les apprenants traitent et se représentent ces domaines de compétences. On essaiera d’établir si l’apprenant traite l’Ecrit par voie d’assemblage ou de manière globale en puisant dans un répertoire de mots mémorisés, s’il est à même de traiter les informations explicites et implicites ou seulement les premières, d’évaluer si ces difficultés linguistiques se situent plus du côté de la précision lexicale, de la correction grammaticale et syntaxique ou de la conscience phonologique. On tentera par ailleurs d’évaluer les représentations conceptuelles sur l’Ecrit, sur ses caractéristiques et ses fonctions, la capacité de l’apprenant à s’analyser dans le traitement de l’Ecrit, dans ses stratégies de production et de compréhension, les pratiques effectives de la personne en lecture et production écrite ainsi que, au-delà de la motivation professionnelle, d’autres motivations éventuelles.

Cette phase diagnostique doit permettre, outre le positionnement, de formuler des hypothèses sur l’origine des difficultés afin d’y remédier de manière plus perspicace. La remédiation aux difficultés diagnostiquées peut s’effectuer en consacrant un temps de travail séparé selon les profils d’apprenants et les difficultés à résoudre. Des ateliers peuvent être proposés en divisant la classe en deux groupes de besoins : des ateliers de lecture (en développant les compétences d’assemblage ou d’adressage), des ateliers de compréhension en lecture (selon que le travail relève plus de difficultés de repérage ou d’inférence dans le traitement des données implicites.) Quant aux compétences scripturales, elles peuvent être travaillées à travers des ateliers de précision du geste graphique (respecter le tracé ou les contraintes spatiales, la forme des lettres), des ateliers d’amélioration de l’orthographe (selon que les difficultés soit logographiques ou phonologiques), des ateliers d’écriture (en développant soit l’aspect linguistique, soit davantage les visées pragmatiques de l’écriture).

2.3.4. L’évaluation des compétences clés

Des personnes dites illettrées aujourd’hui n’auraient pas été qualifiées ainsi il y a cinquante ans et n’auraient pas été renvoyées au sentiment de présenter un « handicap », les nécessités n’étant pas les mêmes quant aux savoirs de base, les exigences se sont accrues. En effet, l’accroissement des exigences professionnelles et sociales, l’émergence de nouvelles technologies (robotique, informatique…), la montée du chômage et par conséquent l’élévation du niveau de qualification, ont mis en exergue le phénomène de l’illettrisme. Certains parlent même à présent de « littératie numérique et informatique ».

A notre connaissance, il existe peu d’outils d’évaluation des compétences clés rendus publics. Chaque organisme de formation construit ses propres outils de positionnement et d’évaluation en interne, à moins qu’il ne les commercialise. Ainsi existe-t-il un « Bilan d’évaluation 360° » commercialisé par l’entreprise CG et formation.21

Il prétend évaluer les compétences clés et les compétences en informatique appliquée selon un diagramme à huit branches reprenant les 8 compétences clés. Le FAF-TT a également élaboré un outil de pré-positionnement des savoirs de base (consultable en ligne22

), qui

n’est pas destiné au formateur mais davantage aux agents de missions locales pour le repérage des publics pouvant bénéficier d’une Remise à Niveau. Cet outil cherche à évaluer six compétences : la compréhension et l’expression orale (compétences associées), la lecture, l’écriture, la maîtrise des mathématiques, le repérage dans le temps et dans l’espace et enfin la maîtrise de l’informatique ; et cette évaluation se calque sur les 4 degrés de

21 Voir : http://www.cg-conseil-formations.com/bilans-d-evaluation.php 22

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maîtrise des savoirs de base définis d’après le cadre national de référence de l’ANLCI. L’outil est destiné à être utilisé par des personnes non nécessairement pédagogues et à pouvoir évaluer les compétences de manière implicite, à travers les entretiens menés au sein des missions locales.

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3 – OBJECTIFS GENERAUX DE FORMATION ET PRINCIPES

DIDACTIQUES SOUS-JACENTS