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Durant longtemps, le Français de Spécialité n’a été perçu que comme une nécessité d’acquérir des outils linguistiques et surtout lexicaux propres à un domaine particulier. Les formations de spécialité n’étaient alors perçues que comme complément à un tronc commun en FLE et n’étaient donc proposées qu’à des niveaux relativement avancés. Parallèlement au développement de l’approche actionnelle, les réflexions accompagnant l’autonomisation didactique d’un nouveau domaine : le FOS puis le FLP ont fait valoir la très forte dimension pragmatique et socioculturelle à prendre en compte pour des objectifs qui ne relevaient pas exclusivement du linguistique mais du savoir-faire et du savoir-être en langue-culture étrangère. Ces formations ont commencé alors à s’adresser à des niveaux plus débutants qui acquéraient la langue en fonction des situations professionnelles, la progression linguistique ne pouvait plus dès lors se fonder seulement sur la complexité a priori des actes de langage mais sur leur nécessité aux situations de communication professionnelle.

3.3.1. Le lexique et la sémantique

Sans réduire le vocabulaire à l’étude de mots isolés ou à des problèmes de terminologie, le FOS ou le FLP nécessite un travail de compétences lexicales spécifiques, comme le souligne Kahn (1995 : 146) « La chose paraît logique : maîtriser un domaine, c’est (même si ce n’est pas suffisant) maîtriser les mots qui y circulent. » Pourtant le paradoxe de ce domaine est qu’il est finalement moins spécialisé qu’à la confluence de nombreuses spécialités et que sa spécialité est peut-être surtout la nécessité de connaître en profondeur le domaine a priori très général de la vie quotidienne. Il convient de se familiariser progressivement avec le vocabulaire du matériel professionnel et l’application de méthode de travail spécifique pour être à même de comprendre les explications du formateur, mais cet apprentissage lexical technique sera l’objet de la formation professionnelle à proprement parler. La formation linguistique et de remise à niveau doit d’abord et avant tout aider à étoffer le bagage communicatif des apprenants pour qu’ils soient en mesure de traiter ces nouvelles données lexicales scientifiques, techniques et professionnelles.

Les objectifs lexicaux de la première étape ont été définis surtout en fonction des référentiels de compétences et d’activités professionnelles. Le vocabulaire est abordé à travers les mise en situation professionnelle, selon les différentes phases d’intervention : les faits, l’analyse des besoins, puis la mise en œuvre de l’accompagnement quotidien et d’activités de maintien de l’autonomie dans le cadre d’un projet individualisé, et enfin l’évaluation (les bilans d’intervention et les réajustements).

Dans la seconde étape les objectifs lexicaux ont été établis en fonction des référentiels de formation et de certification qui distinguent les différentes sphères au croisement desquelles se trouve la profession. Ce découpage du domaine cible en divers sous domaines constitue autant d’entrées thématiques : vie quotidienne, paramédical, social, psychologique, juridique et administratif, c’est ce qui est proposé surtout dans la deuxième étape de formation.

Concernant la sémantique, comprendre le fonctionnement du lexique dans la langue française : acquérir des notions de préfixes, radicaux et suffixes est utile dans tout apprentissage d’une langue étrangère, car il permet de repérer des régularités et d’être plus méthodique et autonome dans son

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apprentissage lexical. Mais dans le domaine de l’aide à domicile, appliquer ces notions pour s’approprier le sens des termes médicaux et en faciliter la mémorisation s’avère capital. En effet, quoique les AVS ne soit pas des soignants, ils travaillent en collaboration avec eux, et doivent être à même de comprendre et mémoriser certains termes du lexique médical ; par ailleurs l’une des épreuves du DEAVS vise à évaluer des connaissances en biologie, physiologie et pathologie, ces termes plus scientifiques sont souvent complexes et ardus à mémoriser si les logiques sémantiques ne sont pas perçues. Challe (2002 : 92) conseille de procéder par approche binaire du vocabulaire en exploitant les relations d’opposition : les antonymes, homonymes, mais également les relations abstrait/concret, péjoratif / mélioratif et les paires de préfixes opposés… Nous formulons ainsi dans la seconde étape de formation des objectifs de travail consacrés aux affixes (afin de repérer les différents éléments constitutifs d’un terme) et aux logiques sémantiques (synonymie, antonymie, paronymie, étymologie…).

3.3.2. Les contenus grammaticaux

Pour des raisons pratiques d’économie, nous formulons les objectifs grammaticaux avec le métalangage classique, ensuite bien sûr, ce sera au formateur que reviendra le choix didactique d’une approche plutôt explicite ou implicite de la grammaire. Nous préconisons pour notre part d’expliciter le fonctionnement de la langue en recourant le moins possible au métalangage, au travers de la conceptualisation en l’étayant, au moyen d’une mise en évidence spatiale des régularités par exemple. Il est également intéressant de faire verbaliser la description avec les apprenants des points de grammaire travaillés au moyen de cartes heuristiques.

Nous proposons quelques dialogues et quelques documents supports écrits à partir desquelles une réflexion grammaticale peut s’engager, car les notions grammaticales peuvent et doivent être travaillées dans les 4 compétences. L’intérêt de la simulation globale fonctionnelle dans la 1ère étape de formation est de pouvoir aborder la grammaire dans une perspective actionnelle en travaillant les documents à travers une phase de compréhension visant l’accès au sens, puis de réflexion grammaticale avant une phase de réemploi à travers des productions guidées. Les compétences linguistiques de grammaire et d’orthographe sont un moyen de communiquer qu’on acquiert d’abord à travers les tâches où leur emploi est nécessaire. Ensuite, dans un second temps, il nécessite d’être travaillé plus spécifiquement en vue d’une systématisation et d’une appropriation.

Les apprenants issus de formation en alphabétisation possèdent pour majorité des compétences grammaticales relevant du A1, selon le référentiel du CECR: ils perçoivent la variabilité morphologique et certaines combinaisons syntaxiques mais n’en ont qu’un contrôle limité, sauf pour des structures syntaxiques de l’oral et/ou des formes grammaticales simples appartenant à un répertoire mémorisé. Les objectifs grammaticaux de la première étape de formation doivent ainsi conduire d’un niveau A1 au niveau B1 du CECR, puis la seconde étape vise à développer les compétences grammaticales du niveau B1 et entamer celles du B2. L’ordre adopté n’a rien d’impératif mais répond aux thèmes et aux situations fonctionnelles proposées. Nous proposons des objectifs, visant à dépasser le cadre phrastique de la grammaire et à travailler dès que possible dans une perspective de grammaire textuelle. Nous proposons un travail sur les types de discours, il s’agit surtout des types descriptifs, injonctifs, et narratifs dans la première étape de formation orientée par les documents professionnels ; d’avantage informatifs, explicatifs et argumentatifs dans la seconde plus orientée vers les types de discours des manuels de cours ou de la nature des épreuves. Le travail porte sur la séquentialité des types discursifs, savoir planifier

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le contenu, les différents segments d’un texte, explicatif et argumentatif notamment (prémisses, arguments, contre arguments, conclusion dans la séquence 6 en particulier) et surtout sur l’organisation interne du texte pour une cohérence générale, avec les procédés de connexion, les procédés de cohésion (les chaînes anaphoriques dans les séquences 2, 3 et 7, la ponctuation dans les séquences 6 et 7) et les procédés de modalisation (jugement et évaluation, dans les séquences 3 et 6).

3.3.3. L’orthographe

L’un des enjeux forts de la formation linguistique et de remise à niveau réside dans le fait de pouvoir amener les apprenants à se reconnaître comme lettrés, en dépit d’erreurs résiduelles. Les apprenants doivent prendre conscience que les lettrés ne forment pas non plus un univers homogène, que de nombreux français, natifs, scolarisés jusqu’à un niveau universitaire, ne maîtrisent pas non plus parfaitement l’orthographe, ni même parfois tous les registres de langue, qu’ils convient ainsi de tendre à l’acquisition des normes plus rigoureuses qu’impose l’Ecrit, sans s’y crisper. Pour autant, quoique l’on cherche à aider les apprenants à se déprendre de la pression de ne pas oser écrire par peur de « mal écrire » et que la priorité soit donnée à la communication, les apprenants doivent pouvoir veiller à la correction de la langue. Ils se destinent en effet à suivre une formation professionnelle, dans un cadre scolaire et préparant un diplôme. Or un écrit standard correct, d’un point de vue scolaire, doit répondre à un certain nombre de conditions formelles.

Dans un premier temps de formation, il est nécessaire d’expliquer les règles et d’en proposer une application dans des exercices systématiques, mais dans un second temps de formation, l’important est de développer les compétences stratégiques vis-à-vis des productions et d’aider au contrôle orthographique. En effet, revoir les règles orthographiques et répéter les exercices systématiques est usant sans être bénéfique, comme le souligne Anne Sophie Gobin (2005 : 25) « les élèves comprennent les règles orthographiques revues, parviennent à les appliquer dans le cadre d’exercices systématiques, mais n’utilisent pas ces connaissances quand il s’agit de réaliser une tâche d’écriture ». Selon elle, dans le cas d’une remise à niveau en orthographe, c’est l’opération de transfert des connaissances qui permet de fixer les règles, le fait d’utiliser dans une tâche de production écrite, des connaissances développées durant l’apprentissage.

Dans les copies de K., Sk ou Mo, les apprenants les plus durablement scolarisés, les erreurs provenaient souvent d’une trop grande rapidité dans la tâche de production, où tous les efforts étaient concentrés sur les processus de planification et de mise en texte, linéarisation et lecturisation, sans qu’aucun temps ne soit ménagé à la relecture. La plupart du temps quand on leur indiquait les erreurs ils étaient en mesure de les corriger efficacement. Il convient donc d’étayer cette démarche de relecture pour la systématiser et inviter l’apprenant à une posture réflexive de transfert de ces connaissances.

Outre les protocoles de relecture invitant à vérifier point par point la conformité du texte produit à la consigne et la cohérence de l’ensemble, une grille d’autocorrection, dont nous proposons des exemples dans le guide pédagogique, doit permettre aux apprenants de procéder à une correction linguistique plus rigoureuse et méthodique. Les grilles de relecture de l’orthographe

grammaticales vont inviter les apprenants à être vigilants sur des points de confusion potentielle (homophones grammaticaux, participe passé / infinitif). Pour qu’ils ne soient pas vouer à l’hésitation et au risque de surcorrection, pour les aider à résoudre les problèmes qu’ils auront

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repérer, nous soulignons dans le guide pédagogique qu’il est important non seulement de les aider à acquérir des connaissances et des règles mais également de leur permettre de s’approprier des procédures méthodiques de vérification de la correction des formes employées.

Il convient donc de trouver un équilibre subtil qui permette d’apprendre à se corriger tout en osant écrire en dépit des erreurs, apprendre à dédramatiser l’écrit et l’orthographe. La formation doit permettre non pas de nier ou de méconnaître le recours aux stratégies de contournement ou d’évitement des difficultés à recourir à l’écrit mais de les dépasser en s’appuyant sur les stratégies positives d’accès à l’écrit et valoriser les acquis des apprenants, de ne plus avoir à se censurer ou à se refreiner dans ses élans communicatifs. Afin de lutter contre l’insécurité scripturale, nous insistons dans le guide pédagogique sur la nécessité de travailler en recourant à une « pédagogie de l’erreur » qui non seulement accepte l’erreur mais la reconnaisse comme nécessaire et positive à l’apprentissage, afin de ne plus avoir peur de se tromper dans l’apprentissage et en général, dans la vie sociale. Et nous encourageons le formateur à prendre en compte l’apprenant au-delà de sa figure d’apprenant comme sujet scripteur.