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1.1.1. Les difficultés rencontrées

La méthodologie du Français sur objectif spécifique (FOS), que les objectifs soient scolaires ou professionnels, consiste à construire les programmes de formation linguistique au plus près des situations ciblées. Elle suppose une connaissance précise de ces situations, des discours qui y circulent et des savoir-faire langagiers qu’il faut y maîtriser. Nous avons bien conscience que le principe méthodologique de base de l’élaboration d’un programme FLP / FLS repose sur « le primat du terrain, de la réalité professionnelle et des postes de travail » (Adami, 2006 : 45). Aussi souhaitions-nous interroger à la fois des AVS en formation professionnelle, des formateurs professionnels, ainsi que des AVS titulaires en poste, et nous espérions pouvoir observer des interventions à domicile.

Cependant, nos recherches et nos démarches se sont révélées assez infructueuses et nous n’avons pas pu avoir accès et assister à des cours dans le cadre de formations professionnelles ni être présente lors d’intervention d’AVS au domicile de Personnes Aidées. En effet, nos courriers et nos mails23 sont restés lettres mortes et nos appels téléphoniques ainsi que nos déplacements dans les centres de formation ou dans les associations d’aide à domicile ne nous ont jamais permis de nous entretenir vraiment avec des responsables de ces structures. Ainsi n’avons-nous jamais été en mesure d’expliquer correctement et de vive voix notre démarche.

Dans les associations d’aide à domicile, je me suis adressée à l’AMSAV, l’ASAD, l’association Entr'aide et l’AFAD IDF, les secrétaires montraient généralement des difficultés ou peu d’intérêt pour comprendre la démarche et ont freiné le contact direct avec les responsables. Certaines ont cru que je démarchais pour des formations d’accompagnement à la VAE, d’autres refusaient simplement de me donner un RV ou de transférer mon appel téléphonique vers la responsable et me conviait à envoyer un mail auquel je n’avais pas de réponse. Je me suis alors déplacée à plusieurs reprises mais on m’opposait qu’il me fallait un RV avant de revenir. Quand j’ai pu finalement contacter par téléphone la directrice de l’AFAD, elle a décliné la possibilité d’une rencontre, expliquant qu’elle n’avait pas le temps, que les plannings des AVS étaient également trop chargés et qu’il n’était de toute façon pas envisageable que je me rende sur les lieux d’intervention, eu égard à la confidentialité imposée par la déontologie du métier.

Dans les centres de formation, quand nous parvenions à joindre un responsable par téléphone, et que nous expliquions la démarche, il nous demandait aussitôt pour quel centre de formation nous montions ce programme de formation et s’il proposait la formation professionnelle de préparation au DEAVS. Dans le cadre du marché concurrentiel des organismes de formation, les défiances sont importantes. Si j’ai pu avoir l’espoir, maintenu au cours de plusieurs brefs échanges téléphoniques et mails, de pouvoir assister à des cours ou du moins de rencontrer des formateurs à l’Institut Louise Couvé d’Aubervilliers, mon interlocutrice, la directrice pédagogique de l’école

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d’Auxiliaire de vie sociale m’a finalement fait savoir que ses supérieurs s’y opposaient au motif qu’ils n’auraient pas beaucoup de temps à me consacrer.

Je ne connaissais pas personnellement d’AVS, j’ai essayé de contacter des professionnels via les réseaux sociaux (Linkedin, viadéo) mais mes messages n’ont pas trouvé de réponses.

1.1.2. Les données sur la formation de préparation au diplôme professionnel (FLSco)

Nous avons pu repérer très vite en ouvrant les manuels de préparation au DEAVS les thèmes abordés en cours, qui sont très larges : à la fois biologiques et physiologiques, paramédicaux, sociaux et psychologiques mais également juridiques et administratifs. Aussi nous sommes-nous défier de pouvoir nous confiner à un Français de Spécialité qui n’aurait envisagé que les aspects lexicaux propres aux nombreux domaines étudiés en formation professionnelle.

Il ne nous a pas été possible d’assister à des formations professionnelles, pour nous faire une idée précise du traitement pédagogique de ces grands thèmes et réaliser des enregistrements des discours didactique à l’œuvre en cours. Nous avons donc tenté de recenser les différents types de discours scolaires, écrits et oraux, susceptibles d’être rencontrés par les postulants au DEAVS, en nous basant d’une part sur les référentiels de certification et les annales corrigées des examens pour nous représenter la nature des épreuves, et d’autre part sur les référentiels de formation et sur l’analyse des manuels de formation pour mieux appréhender le niveau linguistique à atteindre, les compétences linguistiques et langagières à mettre en œuvre tant en compréhension qu’en production.

1.1.3. Les données professionnelles (FLP)

Nous avons réalisé deux entretiens avec deux AVS : Chantal et Maouwia, travaillant sur Angers. Pour les raisons expliquées plus haut, ces entretiens sont intervenus assez tardivement, et nous avons d’abord dû élaborer globalement notre programme de formation à partir des échanges linguistiques en situation professionnelle présumés. Nous avons bien conscience de la fragilité et des risques de cette démarche, du moins cela nous a-t-il permis d’éviter un autre danger que nomme Hervé Adami: « rester trop près du terrain, ce qui nous conduirait à adopter une position utilitariste forcément réductrice » (Adami, 2006 : 45).

La majorité des compétences langagières sont effet transversales avant d’être techniques. Les échanges linguistiques principaux en contexte professionnel sont menés d’abord et avant tout avec la Personne Aidée, et si certains actes techniques sont présents (l’aide à la mobilisation notamment) la majorité des actes langagiers relèvent de la vie quotidienne. Ces derniers peuvent être appréhendés assez finement à partir d’une analyse détaillée du référentiel d’activité et de compétences de l’Auxiliaire de Vie Sociale, qui décrivent les savoir-faire de manière complexe et détaillée et induisent les actes langagiers propres au domaine. C’est donc en nous inspirant des référentiels professionnels et techniques que nous avons d’abord identifié et analysé les besoins du monde professionnel. Nous avons commencé par inventorier les situations de communication à priori les plus fréquentes et les particularités d’ordre linguistique et surtout les compétences langagières requises.

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Nous avons par ailleurs tenté de recueillir un maximum de documents écrits qui peuvent circuler dans le domaine de l’aide aux personnes et de l’aide à domicile. A partir de recherche en ligne, nous avons pu réunir : fiche de poste, trame vierge de cahier de liaison, fiche de liaison sur les accords en gré à gré sur la nature des interventions (descriptif des activités de ménage à réaliser notamment), fiche administrative de renseignement medico-social sur des Personnes Aidées, grille d’estimation de l’autonomie des personnes (grille AGGIR…). En nous déplaçant dans les associations à domicile, nous avons également pu récupérer des affiches et dépliants présentant des offres d’activités de loisirs pour les personnes âgées, l’organigramme hiérarchique et le règlement intérieur d’une association, une fiche récapitulant les coordonnées des structures d’urgence et d’assistance notamment. Par ailleurs, dans les cabinets médicaux et pharmacie, nous avons pu rassembler des dépliants d’information sur le diabète, l’ostéoporose, des ordonnances ou des feuille de soins vierge par exemple afin d’évaluer les besoins langagiers de manière contextualisée. Nous avons alors contextualisé le recours aux documents supports recueillis en tentant de les intégrer à des scénarios professionnels. Nous avons également rédigé quelques dialogues qui nous semblaient pouvoir représenter les discours présents dans le cadre d’intervention auprès de Personnes Aidées que nous avons ensuite soumis à Chantal et Maouwia au cours des entretiens.

1.1.4. Entretien avec deux AVS professionnelles

Chantal et Maouwia sont deux aidantes professionnelles, initialement Auxiliaire de Vie Sociale elles sont devenues respectivement Aide Médico Psychologiques (AMP) et aide-soignante. Elles travaillent toutes deux auprès de personnes handicapées au sein d’une structure médico- sociale, proposant aux personnes accueillies des studios autonomes, et une équipe d’aidants présents constamment en relais, composée d’AVS, d’AMP, d’aide-soignante, et renforcée par les interventions ponctuelles des « paramédicaux » (les kinés, ergothérapeutes et psychologues). Mais antérieurement, elles étaient intervenues à domicile : la première pour relayer des parents de jeunes handicapés et la seconde auprès de personnes âgées. Elles représentaient donc deux facettes de la profession. En outre Maouwia, d’origine marocaine, était très sensible et encline à partager ses réflexions sur les questions interculturelles, ce qui me fut d’une aide précieuse pour interroger les compétences socioculturelles à acquérir.

Nous les avons rencontrées à deux reprises et au cours de nos entretiens24, nous leur avons soumis nos suppositions quant à la nature des échanges langagiers afin qu’elles confortent ou modifient notre perception a priori des actes langagiers et des discours à l’œuvre sur le terrain. Leurs remarques nous ont permis d’ajuster nos premières hypothèses. Nous avions par exemple établi un planning d’intervention fictif pour notre simulation, elles nous ont invité à le modifier pour plus de vraisemblance, en ajoutant une période fixe d’intervention d’une soignante dans la semaine et un deuxième passage d’une des AVS le soir pour le coucher. Elles nous ont rassurée sur le fait que les périodes d’intervention de deux AVS travaillant en binôme pouvaient être effectivement non continues. Par ailleurs, en commençant à envisager une situation globale mettant en jeu deux personnages principaux : Katie, une AVS et Mme Thévenon, une personne âgée dépendante, nous avions rédigé des dialogues que nous estimions probables et représentatifs de situation d’échange en contexte professionnel entre aidé et aidant. Nous avons soumis ces dialogues à Chantal et Maouwia, dans l’un d’eux, Katie se rendait pour la première fois au domicile de Mme Thévenon où l’attendait la fille de cette femme âgée, qui avait été auparavant « aidante naturelle » auprès de sa mère et qui tenait à passer le relais et à donner des consignes quant à

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l’intervention au domicile, en faisant visiter le logement. Dans le dialogue initial, la fille emmenait la nouvelle AVS visiter le logement en laissant Mme Thévenon au salon. Chantal et Maouwia m’ont alors fait remarquer que la personne aidée devait toujours être consultée et que, gardant toujours à l’esprit la nécessité de maintenir de la personne, il s’agit de ne jamais faire d’emblée sans elle ou pour elle, mais toujours comme si elle pouvait le faire et de lui laisser au moins le choix. Cette modification du dialogue se faisait alors en transcrivant les questions que les AVS auraient spontanément posées dans cette situation pour le rendre plus proche de la réalité des interventions. A partir des canevas de dialogue, elles réagissaient et proposaient des suppressions ou des ajouts.

Finalement, quoique nous ne disposions pas d’enregistrement d’interactions sur le lieu de travail, nous avons pu nous faire une idée assez précise de la nature des échanges et à défaut d’authenticité, nous avons cherché la précision du vraisemblable. Une fois cet inventaire des compétences verbales écrite et orales à posséder pour l’exercice du métier établi, après m’être fait une idée précise de la nature des échanges professionnels les plus représentatifs. Nous avons organisé cette matière à travers le canevas d’une « simulation globale » professionnelle.