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3 1990 : une loi favorise la création d’ONG et d’associations

V- Les nombreuses organisations paysannes bamiléké

2- De 1992 à 2007 : de nombreuses organisations paysannes agricoles

Dans le cadre de ce travail, la nécessité de disposer d’éléments quantifiables permettant d’apprécier le foisonnement des OP nous a amené à constituer un fichier. Pour cela, nous avons eu recours au service des coopératives et groupes d’initiative commune de la province de l’Ouest qui, comme on l’a vu, est le seul service délivrant les certificats de reconnaissance officielle pour toute la province et donc pour les départements constituant le pays Bamiléké. Il est à relever qu’une OP peut se faire reconnaître comme association et dans ce cas être enregistrée plutôt au niveau des préfectures des départements dans le cadre de la loi sur les partis politiques et les associations. Une OP peut aussi se faire reconnaître comme groupe d’intérêt économique (GIE)115 auprès du greffe du tribunal de première instance de sa localité. Mais, puisque la plupart des partenaires du monde agricole ne reconnaissent que les GIC et que le statut d’association et celui de GIE ne permettent pas d’accéder aux avantages dont peuvent bénéficier les GIC, les OP se font rarement reconnaître sous ces lois116.

114 ou d’organisations paysannes agricoles 115

Loi n° 93/015 du 22 décembre 1993.

116 Au cours des entretiens, les responsables du BINUM, association en cours de mutation vers le statut de

coopérative, nous ont révélé qu’il est presque impossible d’accéder à la plupart des partenaires nationaux sans le statut de GIC ou de coopérative. D’ailleurs, leurs différents dossiers adressés aux programmes de l’Etat (en particulier des demandes d’appui pour des infrastructures et des équipements adressées au PNVRA) n’ont pu être

Le tableau ci-dessous présente par département les effectifs des OP légalisées au 30 juin 2007, sur la base des documents que nous avons exploités au niveau du service provincial des coopératives et GIC pour l’Ouest.

Tableau 8: Effectif de organisations paysannes des départements du pays Bamiléké 1993-2007

Département Date d’enregis- trement de la première OP Effectif d’OP légalisées avant 2000 Effectif d’OP légalisées après 2000 Effectif d’OP au 23 juin 2007 Bamboutos 14/02/94 184 693 877 Haut Nkam 06/01/94 288 447 735 Hauts Plateaux 17/01/94 221 336 557 Koung Khi 11/01/94 123 239 362 Menoua 15/11/93 301 959 1260 Mifi 03/01/94 361 845 1206 Ndé 15/11/93 91 537 628 Total 1569 4056 5625

Les premières organisations ont donc été enregistrées en 1993. À partir de cette année, on constate un foisonnement d'organisations paysannes atteignant un effectif de 1569 à la fin de l'année 1999. Tous les départements du pays Bamiléké sont concernés par cette nouvelle dynamique. Certes, il n'y a pas que les agriculteurs qui constituent des GIC ou des coopératives : plusieurs autres acteurs socioéconomiques ont trouvé dans ce cadre juridique l’occasion de se faire reconnaître par la loi et de bénéficier des avantages qu’elle confère, notamment l’exonération d’impôts, la responsabilité des membres librement fixée par eux dans leurs statuts, etc. Ce qui fait que des non agriculteurs y ont trouvé un « parapluie fiscal » au point qu’il serait naïf et imprudent de considérer que les GIC rencontrés, même en milieu rural, sont tous des regroupements d’agriculteurs. D'ailleurs, les deux premières OP légalisées, étudiés, en partie pour cette raison. Notons que le BINUM s’est permis de fonctionner sous ce statut parce qu’il dispose d’un réseau de partenaires financiers via le SAILD, promoteur de ce modèle de regroupement.

enregistrées le 15/11/93, n’ont pas été créées par des agriculteurs : l’une, basée dans le département de la Menoua, est le Groupe artisanal pour handicapés moteurs et la deuxième, du département du Ndé, est le GIC Force de Bangangté dont l'objet est la fabrication d'outils agricoles. Mais, globalement, les agriculteurs ont constitué la très grande majorité des OPA ainsi légalisées.

Par rapport aux coopératives, cette prédominance des GIC découle d'une certaine préférence pour ce type de statut juridique qui se révèle finalement moins contraignant que le statut de coopérative qui prévoit un regard de l’Etat et exige du personnel qualifié. Un autre élément déterminant est que seuls les GIC peuvent bénéficier des appuis fournis par divers organismes de développement agricole. De plus, au moins jusqu'en 1999, le principal facteur de cette floraison d'OP est l'action des ONG que renforce le discours international en faveur d’une aide au développement allant directement aux bénéficiaires.

À partir de 2000, on constate la création d'un effectif encore plus important d'organisations paysannes. Sur les 5625 OP du pays Bamiléké, 1569, soit 28 %, sont fondées dans la période allant de 1993 à 1999. Et, de 2000 à juin 2007, 4056 OP, soit 72 %, sont créées. Deux éléments principaux nous semblent expliquer ce fort accroissement. Tout d'abord, le lancement du programme national de vulgarisation agricole (PNVA) en 1988. Celui-ci couvre toute l'étendue du territoire camerounais et, au début, son action au niveau du terrain fut centrée sur le « paysan de contact » identifié par l'agent vulgarisateur de zone (AVZ). Un groupe de contact était ensuite créé autour du paysan de contact, lequel groupe donnait naissance à au moins un GIC car chaque AVZ avait des objectifs en termes de nombre de GIC à légaliser et à encadrer117. Ainsi, le programme national de vulgarisation, son important personnel et leurs moyens de déplacement vont contribuer beaucoup à la forte croissance du nombre des GIC dans le pays Bamiléké à partir de 2000, notamment vers 2002 où le travail des AVZ fut en grande partie l’accompagnement du processus de légalisation des OP.

Le deuxième élément à prendre en compte est, qu’à partir de l’année 2000, la plupart des programmes étatiques financés par les fonds PPTE ou par les bailleurs de

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fonds multilatéraux se mettent en place. Comme déjà indiqué plus haut, ces programmes portent en général sur l’octroi d’intrants ou de moyens financiers. Et, pour bénéficier de ces appuis, les paysans doivent constituer des GIC ou des coopératives, seuls autorisés à faire acte de candidature : la sélection des bénéficiaires ne porte que sur les dossiers soumis par ces agriculteurs regroupés. La constitution des GIC devenait donc un enjeu important pour les agriculteurs en quête de ressources pour leurs activités.