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b) L’initiative Pays Pauvre Très Endetté (PPTE) et la remise de la dette (de 1996 à nos jours)

En 1996, la Banque Mondiale et le Fond monétaire international ont engagé l’initiative « Pays Pauvre Très Endetté » dont le but est d’alléger les dettes des pays confrontés à une charge de remboursement excessive. Il s’agit d’une action concertée mobilisant la communauté internationale, y compris les institutions multilatérales et les autorités nationales, afin de ramener ces dettes à un niveau supportable.

66 En 1990, le passif de l’ONCPB dépassait 100 milliards de f cfa alors qu’en 1985, il présentait des réserves de

A partir de 1999, le FMI et la Banque mondiale ont mis en place le dispositif DSRP (Document de stratégie de Réduction de la Pauvreté) obligeant les gouvernements des pays devant faire l’objet d’allégements de la dette à définir des programmes macro-économiques, structurels et sociaux dont la mise en œuvre devait permettre de promouvoir la croissance et de réduire la pauvreté. Cette disposition s’inscrit ainsi dans la logique des Objectifs du Millénaire pour le Développement arrêtés par les Nations Unies en septembre 2000. Ce DSRP, élaboré par pays, constitue après approbation le cadre de l’action gouvernementale et un repère pour les financements internationaux.

En raison de sa situation d’endettement, le Cameroun a été concerné par l’initiative PPTE. Sa politique de développement a été définie dans le cadre du DSRP adopté en avril 2003 par les autorités camerounaises et approuvé par le FMI et la Banque Mondiale en juillet de la même année. Ce DSRP a une composante DSDSR (Document de Stratégie de Développement du Secteur Rural) qui définit le cadre de l’action de l’Etat en matière de développement agricole et rural. L’Etat camerounais lui a assigné un objectif de croissance soutenue, durable et équitable à travers quatre axes d’intervention qui sont :

- accroître l’offre des produits alimentaires - créer des revenus équitablement distribués - assurer la compétitivité des produits - valoriser les ressources naturelles

Les principaux axes directeurs d’intervention contenus dans ce DRSP sont : - moderniser l’appareil de production

- restructurer le cadre institutionnel - construire un environnement incitatif - gérer durablement les ressources naturelles

La modernisation de l’appareil de production est conçue d’une part en terme d’amélioration de la productivité des exploitations agricoles par une intensification raisonnée et d’autre part par l’accroissement des performances des filières. On peut

toutefois se demander comment des exploitations familiales à équipements rudimentaires vont pouvoir soutenir la compétition dans un environnement désormais globalisé où de tels agriculteurs vont être en concurrence avec des agriculteurs modernes et très équipés d’autres régions du monde. Quelles dispositions de politique agricole vont protéger ces agriculteurs par rapport au marché mondial avec des produits à bas prix en provenance de grands pays producteurs ?

Par ailleurs, le DSDSR prévoit la poursuite du désengagement de l’Etat des services à l’agriculture avec prise en charge de ceux-ci par le privé.

Sur le plan opérationnel, cette stratégie se traduit au niveau du ministère de l’agriculture par l’élaboration et la mise en place de grands projets par filière agricole, encore en cours actuellement (Cf.). C’est le cas par exemple du programme maïs ou du programme de relance de la filière plantain.

Ce sont des projets dont l’étude de faisabilité est centralisée par des experts des services centraux du ministère de l’agriculture, et comme nous le verrons par la suite, les niveaux provinciaux ont juste un rôle d’intermédiation dans la réalisation à travers certains cadres des services provinciaux et départementaux du ministère de l’agriculture qui sont désignés comme représentants et très souvent appelés « points focaux provinciaux et départementaux ». De tels projets risquent de coûter chers pour de faibles résultats, comme les « éléphants blancs » (cf. note 16, p.112) de la période post indépendance. D’importantes proportions des ressources de ces projets sont affectées à leur fonctionnement, l’appui direct aux producteurs étant très souvent marginalisé alors que ceux-ci ne disposent que d’outils rudimentaires et de très peu de ressources financières pour leurs activités. A titre d’illustration, en 2005, sur un budget total de 26 501 300 000 f cfa (40 398 323 euros), 23 451 300 000 f cfa (357 489 320 euros) soit 88,5 % sont affectés au fonctionnement et seulement 3 050 000 000 f cfa (4 649 390 euros) à l’investissement (Budget du ministère de l’agriculture).

Les chefs d’Etat africains avaient pourtant pris l’engagement de consacrer plus de ressources au financement de l’agriculture67 lors de leurs assises à Maputo en 2002. Cet engagement, baptisé « Déclaration de Maputo », devait se traduire par une affectation d’au moins 10 % du budget publique à l’agriculture. Or l’évaluation faite en Mai 2008 (Fongang, 2008), montre que, depuis 2002, l’Etat camerounais a consacré moins de 3% de son budget annuel à l’agriculture tel que l’atteste le tableau ci-après :

Tableau 2: Dépenses publiques agricoles effectives du Cameroun de 2001/2002 à 200668

Année budgétaire 2001/2002 200369 2004 2005 2006 Totale dépenses de

l’Etat (en milliards de F CFA)

1 386, 7 1 378, 2 1 345, 1 1 476, 1 1 529, 1

Pourcentage affecté à l’agriculture70

2,30 3,58 2,91 2,18 2,37

Source : Fongang (Rapport sur l’évolution des dépenses agricoles au Cameroun, NEPAD- Union Africaine-FAO, 2008)

Conclusion

Ainsi, la stratégie de développement agricole au Cameroun a changé en fonction de l’évolution globale de l’économie nationale. La période faste d’après l’indépendance « 1960-1985 » a été celle d’une forte intervention de l’Etat à travers des entreprises agricoles publiques et parapubliques, des Missions et Projets de développement. L’action de l’Etat a privilégié les cultures d’exportation introduites par l’administration coloniale. Celles-ci ont apporté d’importantes devises avec une contribution significative au PIB. L’encadrement agricole était organisé et assuré par l’Etat à travers le déploiement d’équipes techniques. Les agriculteurs avaient dès lors

67 Il est vrai que les dépenses agricoles globales peuvent s’accroître sans que ceci ne traduise forcement une

augmentation des investissements productifs ayant un réel effet sur la production et les revenus des agriculteurs.

68

Les données intègrent les ressources PPTE (Pays Pauvre Très Endetté). -Les dépenses sont celles ayant fait objet de règlements.

-Pour 2003, la loi de règlement nous fournit uniquement pour chaque ministère les dépenses récurrentes, les investissements et les ressources PPTE sont données sur le plan global. Nous avons estimé les dépenses sur la base des prévisions en investissements et en ressources PPTE, en leur appliquant le taux de réalisation pour le total des investissements et le taux de réalisation pour le total des ressources PPTE. Ceci reste donc une estimation assez approximative.

69 A partir de 2003, l’exercice budgétaire va de janvier à décembre. 70

un rôle et surtout une responsabilité relativement réduite car les services à l’agriculture relevaient des structures mises en place par l’Etat : approvisionnement, financement, commercialisation.

Avec la crise économique à partir du milieu des années 80, l’Etat a été confronté à l’obligation de réduire ses dépenses en se trouvant dans une situation d’endettement insupportable. Il a revu son rôle au niveau général de l’économie avec comme principales orientations : la libéralisation, la privatisation et le désengagement. Au niveau agricole, l’Etat se retire de la plupart des services autrefois assumés (encadrement technique, financement, commercialisation, etc) et encourage l’émergence d’acteurs privés et de dynamiques paysannes pour assurer désormais ces activités.

Le Cameroun a désormais pour cadre de référence en matière de politique publique le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) qui contient une composante Document de Stratégie de Développement du Secteur Rural (DSDSR) situant son action en matière agricole dans le cadre de l’initiative PPTE de la Banque mondiale et du Fonds Monétaire International. En retrait depuis le début de la crise économique, l’Etat camerounais va toutefois initier de grands projets à partir de 2000 : programme Maïs, projet de protection du verger café cacao, programme de relance de la filière plantain, etc.

Cette évolution révèle donc comment le contexte international, notamment la baisse des cours mondiaux, la dépréciation du dollar américain, l’intervention des institutions de Breton Wood déterminent l’évolution du contexte national et en deviennent un des principaux régulateurs. Le secteur agricole à l’échelle d’une région du pays s’en trouve influencé particulièrement par les évolutions de prix et donc de volume de production des produits agricoles, notamment ceux destinés à l’exportation, et aussi à travers les changements de stratégie de développement agricole et leurs retombées pour les différents acteurs du développement agricole.

Quelles sont donc les conséquences pour les composantes d’un tel dispositif, notamment les agriculteurs et les autres partenaires du développement agricole ? Que deviennent les agriculteurs engagés dans les cultures d’exportation désormais sans mesures de protection et dans un marché libre et concurrentiel ? Quelles alternatives

pour les paysans bamiléké confrontés à l’effondrement des prix du café ? Et, dans un tel contexte de marché, quel mode de prise en charge des services assurés autrefois à travers l’encadrement de l’Etat, par qui et à quel coût ?