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Les dispositifs du secteur agricole bamiléké

II- Après 1985 : Quatre types de dispositifs dominent

4- Le dispositif résiduel de l’UCCAO et de ses coopératives

L’UCCAO est leader d’un dispositif qui comprend : - l’UCCAO

- ses coopératives membres

- des « notables planteurs », représentants « élus » de planteurs - un petit nombre de planteurs.

Le changement capital depuis 1985 est que la « base », c’est à dire les agriculteurs sur laquelle l’UCCAO et ses coopératives fondaient leur légitimité, s’est effondrée. La plupart des agriculteurs ne cultivent pas de caféiers ou, s’ils en ont encore, ils ne livrent plus leur café à l’UCCAO et n’en sont plus membres. Ce n’est plus du tout comme autrefois quand, avec Nji et Sama (1987), on pouvait virtuellement assimiler tous les agriculteurs du département de la Menoua à des planteurs de café et ces auteurs considéraient la liste de la CAPLAME comme étant la liste des agriculteurs du département.

En juin 2008, la délégation agricole d’arrondissement de Fokoué dit avoir recensé environ 100 agriculteurs produisant le café dans une localité comptant 3040 exploitants agricoles. Il s’agit là de ceux ayant des caféiers et prêts à s’y réinvestir en cas d’appuis éventuels de l’Etat pour une relance. Ils ne représentent que de 3% des exploitants agricoles de Fokoué, une localité où presque tous les agriculteurs étaient planteurs de café et membres de la CAPLAME, coopérative de l’UCCAO.

Par ailleurs, ce dispositif ne jouit plus de la complicité et des faveurs de l’Etat : vers 2000, l’UCCAO a introduit un dossier de demande de financement pour les fonds issus de l’initiative PPTE et ce dossier a été refusé par les autorités ministérielles. C’est pourquoi, un responsable du ministère de l’agriculture s’interroge sur la

légitimité de l’UCCAO ou plutôt de ses dirigeants en ces termes : « Quand je les

entends parler de la relance de l’UCCAO et de tout ce qu’ils envisagent comme projets, je me demande toujours si ces dirigeants savent qu’ils ne sont que des techniciens. Ça devrait être aux coopérateurs de proposer la voie à suivre et non à eux. Ils font tout comme si c’était leur affaire. Et la réalité c’est qu’ils parlent en leurs noms propres ».

L’UCCAO repose sur ses techniciens qui semblent très nostalgiques, se définissant comme le seul outil de développement régional sur lequel l’Etat et les agriculteurs doivent compter. Ils espèrent toujours que l’Etat va leur donner des ressources pour financer leur relance. En 2008, l’UCCAO organise son 50eme anniversaire et les propos de ses responsables illustrent notre analyse : « C’est le

premier arrêt pour regarder derrière. Les 50 ans de la vie d’une structure, surtout d’une coopérative qui, depuis les années 60, était pratiquement le porte-flambeau du mouvement coopératif en Afrique au Sud du Sahara, de toutes les coopératives qui ont existé, avant les années 92, il n’y a que l’UCCAO, et dans une moindre mesure, la NWCA qui, ont résisté à la bourrasque de la crise économique.

50 ans plus tard, nous avons l’obligation de montrer aux yeux du monde que ce fleuron de l’économie camerounaise depuis 1975 demeure. Il faut que toute la communauté agricole de l’Ouest et du Cameroun sache qu’elle peut toujours compter, qu’elle doit compter sur l’UCCAO, pour conduire son développement. A l’heure actuelle, à notre manière de voir, il n’y a pas encore de structure pour emboîter le pas et prendre le relais de ce que nous avons déjà réalisé jusqu’à présent. »129. Dans la partie III, nous verrons ce qui reste de ce dispositif au niveau de Fokoué et de Galim.

129

Conclusion

Tous ces dispositifs ont en commun le fait que l’agriculteur constitue l’acteur du bout de la filière. C’est la personne finale à atteindre, le socle sur lequel repose tous ces types de dispositifs.

Celui tenu par les ONG est caractérisé par un contrôle fort sur les paysans bénéficiaires qui sont regroupés dans des organisations paysannes. Ces organisations, créées par ces ONG, constituent une base qui justifie et légitime l’intermédiation par l’ONG concernée. Chacune de celles-ci est très soucieuse de fidéliser les OP et les agriculteurs de leur réseau. Des paysans ou une OP sont mal vus s'ils se partagent entre les réseaux de plusieurs ONG. Ils sont alors considérés comme déloyaux, infidèles à leurs partenaires.

La relation entre OP et ONG repose sur un rôle important et délicat des leaders d’OP. Ces leaders peuvent être évincés si leurs conduites ne correspondent plus à ce que veut l’ONG. L'enjeu pour celle-ci est donc de disposer d'une base de bénéficiaires, mais aussi de travailler sur une thématique à la mode. Cette situation soulève la question de l’autonomie des OP : comment les paysans membres peuvent-ils parvenir à préserver une capacité d’initiative et impulser leurs orientations face à l’intervention d’ONG qui veulent modeler des OP selon leurs propres priorités ?

Le type de dispositif tenu par les commerçants est lui aussi un dispositif de conquête des agriculteurs, acheteurs des produits dont la vente constitue l’objectif final. Cette conquête consiste en des actions d'influence pour proposer des produits efficaces et à des prix très compétitifs. C'est donc cette efficacité technique ou financière des produits qui constitue le levier de persuasion et de fidélisation des agriculteurs dans le réseau de chacun des commerçants. Mais on constate ici une très forte mobilité des agriculteurs qui jouissent de plus de liberté en raison du fait qu’il n’y a pas de contrat durable avec ces entreprises commerciales. S’il dispose des ressources financières nécessaires, un agriculteur peut se mouvoir du réseau d'un commerçant à celui d’un autre commerçant ou bien se retrouver à la fois dans plusieurs réseaux commerciaux. L’autonomie relative des paysans à l’égard de ce dispositif semble reposer sur leur indépendance financière. Un des principaux déterminants de la dynamique de ce dispositif est l’efficacité technico-économique des

intrants mis sur le marché. L’extension de la base de ces dispositifs repose sur un travail de recherche de marché fait par les réseaux de distribution.

Le type de dispositif contrôlé par l'État et ses programmes est un dispositif un peu ouvert vis-à-vis des paysans : il n’y a pas de paysans ou d’OP que l’on cherche forcement à maintenir dans le dispositif. D’ailleurs, les OP doivent se livrer à une compétition en soumettant des dossiers afin que quelques-unes soient sélectionnées. Le plus important ici pour l’Etat, leader du dispositif, concerne l'impact en terme de nombre d’agriculteurs bénéficiaires, mais il ne lui est pas nécessaire de disposer de bénéficiaires fidèles à mobiliser et à « présenter » pour justifier sa légitimité. Vis-à-vis des financeurs extérieurs, l’Etat veille à disposer d’éléments de rapport allant dans le sens des objectifs du millénaire pour le développement et l'un des enjeux principaux est ici l'argument du nombre de personnes atteintes par l'intervention, ceci en lien avec la réduction de la pauvreté. Mais, pour bénéficier de ces projets, les paysans doivent être suffisamment au courant de la démarche à suivre, surmonter toutes les étapes procédurières ou administratives le plus souvent avec l’aide d’un prestataire (monter les dossiers, disposer d’un compte bancaire, apporter une contribution financière si nécessaire, etc.). Il s’agit d’un dispositif de recrutement sélectif.

Nous constatons que les relations des paysans avec leurs partenaires au sein de ces différents dispositifs varient énormément. De cette diversité de dispositifs - et donc de caractéristiques - découle une diversité de services et de types d’intervention auprès des agriculteurs.

Nous présentons dans le tableau ci-après les principaux types de dispositif caractérisant actuellement le secteur agricole bamiléké

Tableau 12: Une vue synoptique des différents types de dispositifs du secteur agricole bamiléké en 2007

Dispositif 1 Dispositif 2 Dispositif 3 Dispositif 4