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Les hautes terres bamiléké et les politiques agricoles camerounaises

Carte 4 : Carte du Cameroun avec la localisation des provinces et du pays Bamiléké

III- L’évolution des stratégies de développement agricole au Cameroun

Cette section analyse l’évolution des stratégies de développement agricole au Cameroun de 1960 à nos jours.

L’agriculture reste une composante importante de l’économie camerounaise. La valeur ajoutée de l’agriculture en pourcentage du PIB était de 22 % en 2000, 20 % en 2005 et 2006 (Banque Mondiale, 2008). Malgré cette variation dans le temps, cette valeur ajoutée est restée un peu supérieure au 1/5 du PIB. Par ailleurs, comme nous l’avons relevé plus haut, le secteur rural camerounais compte encore près de la moitié de la population camerounaise (45%). En 2010, estime la FAO (2008), 47,38% de la population totale économiquement active le sera en agriculture. En ayant une contribution significative à l’économie nationale, le secteur agricole occupe ainsi près de la moitié de la population active camerounaise et joue donc un rôle socioéconomique considérable.

Le Cameroun a accédé à l’indépendance politique en 1960. Depuis cette date, l’histoire économique du Cameroun a connu deux phases importantes : une période généralement dite faste, qui va jusqu’en 1985, une période de crise économique depuis 1985 avec un début de relance à partir de 1995 où le taux de croissance redevient positif.

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La période faste post indépendance (1960-1985)

L’une des caractéristiques majeures de l’économie camerounaise pendant cette période est le taux de croissance annuel moyen du Produit Intérieur Brut (PIB)58 de l’ordre de 7% en termes réels. En effet, alors que ce PIB était de 3 146 millions dollars américains en 1965, il est de 6 339 millions dollars américains en 1980. Cet accroissement du PIB est le fait d’une économie exportatrice de matières premières agricoles et de pétrole. Par exemple, alors qu’il exportait 93 600 tonnes de cacao et 48 800 tonnes de café en 1965, le Cameroun en exporte respectivement 110 620 tonnes et 92 460 tonnes en 1975 (FAO, 2008)59.

58 Voir FMI ou INS (Institut National de la Statistique, Cameroun) 59

La politique économique de cette période est fondée sur la planification et le cadre de cette approche fût des plans quinquennaux. Il s’agissait donc d’objectifs de développement que se fixait l’Etat sur une période de cinq ans. Le Cameroun a connu cinq plans quinquennaux successifs de 1961 à 1991. Le 6eme Plan quinquennal sera abandonné après deux années d’exécution (1986 et 1987) du fait des difficultés financières de l’Etat et de la mise en place du Plan d’Ajustement Structurel avec le FMI.

Durant la période des Plans Quinquennaux, c'est-à-dire de 1960 à 1987, la stratégie de développement agricole est caractérisée par une forte intervention de l’Etat. En effet, dans le prolongement de l’administration coloniale, l’Etat camerounais s’est investi dans la promotion des cultures d’exportation. Ces principales cultures sont : la cacao, le café arabica et robusta, le caoutchouc naturel, le coton graine, la banane d’exportation, l’huile de palme, le thé. Pour le jeune Etat indépendant, ces cultures sont sources de devises60 et procurent d’importantes recettes comme en témoigne l’évolution du PIB du pays. L’intervention de l’Etat se fait par une généralisation du recours aux organismes publics et parapublics pour assurer le développement de certaines régions du pays. Il s’est agi de la création d’agro- industries et de projets/missions de développement. Dans le premier cas, ce sont des entreprises agricoles publiques ou parapubliques exploitant des superficies sur lesquelles une main d’oeuvre salariée est mobilisée (Annexe 10). L’entreprise est gérée par des cadres nommés par l’Etat et dispose d’une main d’oeuvre qualifiée constituée de techniciens.

Dans le pays Bamiléké, on relève seulement la présence de quelques exploitations de thé de la société Cameroon Development Corporation (CDC). Plusieurs de ces agro-industries sont situées dans les provinces du Littoral et du Sud Ouest. On peut penser que l’implantation de ces sociétés prenait en compte les exigences agro-écologiques des cultures et la proximité du port de Douala (ville portuaire et capitale de la province du littoral) pour l’évacuation de la production et l’acheminement des matières premières. Par ailleurs, avec des densités de populations

60 Pendant cette période, les produits agricoles d’exportation représentaient plus de 50% de la valeur des

élevées, le pays Bamiléké et son relief de montagnes n’était sans doute pas l’endroit idéal pour disposer de suffisamment de terres pour les agro-industries.

Un autre mode d’intervention fut celui des Projets ou Missions de développement. Dans une région donnée, l’Etat créait un projet chargé de promouvoir une culture d’exportation adaptée au contexte local et d’assurer le développement de la région. Les paysans étaient alors mobilisés pour cultiver sur leurs propres parcelles, mais avec l’encadrement de l’équipe technique du projet. Cet encadrement portait sur différents aspects : l’approvisionnement en intrants, le financement, l’encadrement technique, la commercialisation. Ce fut le cas par exemple pour la SODECAO (cacao), la SODECOTON (coton). La particularité du pays Bamiléké et de toute la province de l’Ouest fut l’existence de l’Union Centrale des Coopératives Agricoles de l’Ouest Cameroun sur laquelle l’Etat s’est s’appuyé dans le cadre de cette stratégie.

L’Etat a mené des actions de promotion des cultures vivrières dans les années 70 dans le but d’assurer l’approvisionnement des villes. Ici aussi, l’Etat est intervenu par la création de missions et de sociétés de développement. Nous pouvons citer la MIDEVIV61 chargée d’améliorer la qualité du matériel végétal des cultures vivrières, la SODERIM, la SEMRY, l’UNVDA62.

Durant cette période, les cultures d’exportation étaient devenues les principales sources de revenu des populations dans les zones où elles étaient promues. Dans l’Ouest Cameroun où la plupart des paysans étaient planteurs de café, les revenus issus de la vente du café représentaient plus de 50 % des revenus monétaires annuels de ces planteurs (Recensement agricole, 1984).

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A partir de 1985, la crise économique

A partir de 1985, 25 ans après l’indépendance politique du Cameroun, la stratégie s’est révélée inefficace et à la limite destructrice pour l’économie nationale. Les entreprises ainsi créées ont fonctionné suivant des logiques administratives, sans souci de rentabilité. Elles se sont constituées en réservoir de clientélisme politique.

61 Mission de Développement des Cultures Vivrières, crée en 1973. 62

SEMRY : Société d’Exploitation et de Modernisation de la riziculture de Yagoua crée en 1972; SODERIM : Société de Développement de la Riziculture de la plaine de Mbo crée en 1973; UNVDA : Upper Noun Valley Development Authority créée en 1970,

Plusieurs d’entre elles ont enregistré des performances économiques désastreuses (cf. annexe 12)

A partir de 1985, l’économie camerounaise entre donc dans une phase de récession. Son PIB, qui avait atteint 9 903 millions de dollars américains en 1985, fut de 8 792 millions de dollars américains en 1990 (Perspectives Monde, 2008). En effet, les cours mondiaux des produits agricoles d’exportation notamment le café, le cacao et le coton ont connu de fortes baisses63 et le dollar a aussi été déprécié par rapport au f cfa64 conduisant à une perte sur la valeur des recettes pétrolières. L’économie camerounaise a enregistré des taux de croissance annuel de -2,14 en 1987 contre 6,77 % en 1986 (Perspectives Monde, 2008). Ce taux a été d’ailleurs négatif de 1987 à 1994.