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Ce chapitre présente les contextes agraires de Galim et de Fokoué. En effet, nous postulons qu’un contexte agraire en mutation ou simplement la recomposition de son « paysage d’acteurs » ne peut être saisi qu’en appréhendant ses différentes dimensions dont le milieu physique, les cultures pratiquées, les acteurs du secteur agricole, ainsi que les interrelations entre ces différentes composantes. C’est pour cette raison que la compréhension du milieu physique nous semble nécessaire.

Ce chapitre montre que les évolutions agricoles en pays Bamiléké sont différenciées en raison de la diversité des contextes locaux. Tout d’abord cette différenciation tient à l’hétérogénéité du relief et de sols et ensuite à l’histoire agricole de chaque petite région, faisant que dans un contexte de mutations comme celui suivant la crise caféière, toutes les localités du pays Bamiléké n’avaient pas les même potentialités, ni les même aptitudes agricoles.

La première section de ce chapitre va présenter la méthode utilisée pour étudier la diversité agraire de Galim et de Fokoué, puis la variété des reliefs et des sols de ces deux localités et enfin des éléments de leur histoire agraire.

Dans la deuxième section, les enquêtes réalisées auprès de 75 agriculteurs de Galim et de Fokoué vont permettre d’étudier ceux-ci, leurs familles, leurs exploitations et les organisations paysannes auxquelles ils appartiennent.

I-

La diversité agraire de Galim et de Fokoué

Le premier volet de cette section va présenter la méthode utilisée qui s’appuie sur certaines phases de la démarche d’analyse des systèmes agraires131 adaptée et simplifiée à notre recherche et tenant compte des particularités des zones étudiées.

Dans un deuxième volet sera présentée la diversité du relief du pays Bamiléké en nous appuyant sur Galim et Fokoué. Ne faisant pas œuvre de géographe132, nous allons coupler ces données du relief aux types de végétation rencontrés. Ce faisant nous aurons déjà une première idée des productions agricoles de la région.

Enfin (§3) seront présentés Galim et Fokoué sur les plans historique et agraire en ne retenant que les éléments directement en lien avec notre sujet, ceux-ci étant extraits d’une synthèse que nous avons produit à la suite de ce travail.

1- La méthode suivie : observations et entretiens

La référence au pays Bamiléké comme zone des hauts plateaux de l’Ouest pourrait laisser penser que c’est une région aux altitudes relativement égales et par conséquent présentant un agro-écosystème assez homogène. En fait, lorsqu’on parcourt la région, on est surpris par la diversité du relief commandant la différenciation de certaines caractéristiques du milieu. Morin (1988)133 note que l’apparence ne doit pas cacher les profonds découpages morphologiques de la région. Ainsi, il distingue :

- l’appareil basalto-trachytique du Bamboutos, édifié sur l’accident bordier de la cuvette de Mamfé et qui, sur sa partie orientale, s’élève jusqu'à 2740 m,

131 La démarche d’étude des systèmes agraires a fait l’objet d’un travail de systématisation par l’Unité de

Formation et de Recherche d’Agriculture comparée d’AgroParisTech. Nous nous en sommes inspirés sur le plan méthodologique, sans toutefois réaliser toutes les étapes prévues, en particulier l’identification de tous les systèmes de cultures et le calcul de leurs performances économiques.

132 Nous ne recourons à des éléments de géographie que dans une perspective d’analyse globale de l’agriculture

de la région.

- à l’extrémité du pays Bamiléké, plus ancien et moins élevé (1923), le très ancien appareil de Bangou qui n’a conservé que les vestiges étagés du milieu de l’édifice originel,

- entre ces deux massifs, de Babadjou à Bandjoun et de Bandjoun à Dschang, le cœur du pays Bamiléké est une sorte de plaque basaltique reposant sur un socle granito-gneissique tranché par une vieille surface d’altération.

La tectonique et le volcanisme expliquent donc en partie le relief diversifié de la région, mouvements repris et remodelés par de violents phénomènes d’érosion. Ainsi, analyser le contexte agricole invite à la nécessaire prise en compte de l’impact de ce relief varié sur l’agriculture. Cette prise en compte de la diversité du relief est d’autant plus indispensable que les manifestations géomorphologiques dynamiques qui ont marqué l’histoire géologique de la région ont laissé des nombreuses empreintes sur les compositions des sols. Ce dernier, à l’image du relief, est aussi diversifié par l’apport de produits volcaniques autour des reliefs tels que le mont Bamboutos et par celui d’alluvions dans d’immenses bas-fonds comme celui de Maguezon dans l’arrondissement de Fokoué.

C’est donc fort de ce constat que nous avons entrepris d’observer et de comprendre le contexte physique des zones étudiées avec en toile de fond le souci d’analyser leurs potentialités respectives et la diversité des activités agricoles. Un tel objectif ne s’avérait pas du tout aisé, surtout pour un non-géographe, qui n’est pas spécialiste ni en géomorphologie, ni en géologie. Nous avons décidé d’avoir recours à la démarche d’étude des systèmes agraires proposée par Cochet et al (2002), notamment l’observation et la description des paysages agraires134.

Il est important de relever qu’une telle démarche, pour un non-géographe, habitué au pays Bamiléké mais n’ayant jamais eu à se pencher sur de tels aspects, représentait un très intéressant retour réflexif sur notre processus de recherche et donc

134 Nous nous sommes initiés à cette démarche d’abord par nous-même à travers la documentation (Démarche

d’étude des systèmes de production de la région de Korhogo-Koulokakaha-Gbonzoro en Cote d’Ivoire. Cochet H., Brochet M., Ouattara Z. et Boussou V., Paris, Les éditions du GRET, 87p.). Dans un deuxième temps, la phase pratique de notre recherche a permis de mieux nous y former. De plus, après cette phase de terrain, nous avons pris part en tant qu’auditeur libre à des séminaires sur l’analyse diagnostic des systèmes agraires dispensées par Hubert COCHET dans le cadre de la formation de Master II Recherche « Mondialisation et Dynamiques rurales comparées » à AgroParisTech, UFR d’Agriculture comparée et Développement agricole.

de compréhension de notre objet. Nous avons été étonnés de certaines évidences (géographiques) et de leurs liens a priori insoupçonnables avec les dynamiques rurales locales. C’est chemin faisant que nous nous posions la question de savoir quel aurait pu être cette prise de conscience si nous avions eu au préalable une bonne connaissance géographique de la région grâce à des documents135. La lecture ultérieure de textes sur la géographie de la région s’est révélée assez renouvelée après ces observations. Elle nous a permis de mieux comprendre des aspects auparavant peu clairs pour nous, contribuant à enrichir un corpus de connaissances explicatives construit à base d’observations directes et d’entretiens avec des agriculteurs acteurs des transformations à l’œuvre. Ainsi, cette démarche a mobilisé un autre référentiel de construction du savoir que celui que nous utilisons d’habitude.

Dès lors, nous ne nous limiterons pas aux généralités sur le pays Bamiléké, mais nous allons nous arrêter sur les différences entre ces deux localités et ne procéder à des extensions à l'ensemble du pays Bamilékéqu’à partir du moment où l'objectivité scientifique et nos données nous le permettront.

De manière opérationnelle, notre démarche a consisté à :

- cerner les limites territoriales et à apprécier sur une carte la diversité des zones étudiées de manière participative avec des paysans locaux,

- parcourir chaque zone étudiée suivant des trajets permettant de saisir la diversité locale. Compte tenu de l’étendue de chaque localité étudiée, ce parcours a été fait à l’aide d’un véhicule roulant à une vitesse assez faible,

- observer les variations de relief sur le parcours. Des arrêts à certains points relativement hauts ont été faits pour mieux apprécier le relief environnant,

- décrire la végétation. Nous avons noté les principales cultures sur les parcelles cultivées ainsi que celles en friche en identifiant lorsque c’était possible les espèces présentes,

- échanger lors de ces parcours avec des paysans individuels ou en groupe sur les observations faites. Celles-ci nous permettaient déjà de saisir la diversité locale et ensuite d’expliquer ou plutôt d’émettre des hypothèses explicatives.

135 Certes de telles connaissances sur la géographie de la région existent, mais l’originalité de la démarche

utilisée ici est d’allier des approches de géographe et d’agronome et donc, avec une sensibilité différente de celle d’un géographe, fut-il intéressé par des questions agricoles.

Comme relevé en introduction à ce chapitre, nous nous limiterons ici aux principales conclusions extraites de la synthèse de ce travail.

2-

Des milieux physiques divers