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Sans doute était-il nécessaire, pour démarrer ces travaux, de déminer quelques mines9, pour faire bonne mine… mais surtout pour réfléchir sur l’importance du sens qu’école et médias donnent… ou ne donnent pas aux mots. Il reste beaucoup à faire pour tendre vers le projet des scientifiques et des ingénieurs, à savoir promouvoir une langue « rigoureuse, transparente et univoque » et surtout support d’un apprendre aisé…

Mais est-on allé suffisamment en profondeur ? Sans doute faudrait-il regarder au-delà de l’apparence… Et pour l’illustrer, j’aimerais avancer deux « scoops », du moins pour les non- scientifiques :

D’abord, « les poissons n’existent plus » du moins pour les systématiciens ! En effet, ces spécialistes ont montré en utilisant, entre autres, les méthodes génétiques que « les poissons osseux sont plus proches des mammifères que des requins ».

Deuxièmement, « les dinosaures n’ont pas disparu »

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En effet, les spécialistes des classifications ont montré, par les mêmes méthodes, que « les oiseaux sont très proches d’un groupe de petits dinosaures volants vivants au crétacé. Le Vélociraptor est considéré comme un parent plus proche des oiseaux que du Tyrannosaure … et ce dernier est plus voisin des oiseaux que du Diplodocus. Conséquence, le groupe Reptiles n’a plus de sens… il n’existe plus pour les mêmes cladiciens10…

9 de mina, mot celtique. Il est intéressant de voir comment de la mine de plomb qui permettait de dessiner, on est passé au lieu où se trouve le minerai, à la méthode pour l’extraire, puis à l’explosif pour l’extraire et à la mine de guerre…

Ainsi, les mots scientifiques n’ont rien de neutre ! Le sens, mieux la perception du monde, est modifié suivant tel ou tel usage d’un simple mot. S’il fallait encore convaincre, on pourrait ajouter : « la crainte des reptiles n’a plus de sens, puisqu’il est devenu impossible de les rencontrer… du moins en tant que groupe reconnu et donc nommé ».

Pourtant, sans se désespérer, les linguistes continuent d’avancer que la langue scientifique est « une langue plus rigoureuse, aux énoncés clairs, une langue d’ailleurs parfois largement formalisée ; une langue neutre, transparente aux vérités qu’elle professe, une langue presque sans sujet, sans affect même. »

Pour l’instant, seule la publicité a bien compris sa nature controversée ; elle mise en permanence sur l’impact favorable… Pour elle, les mots scientifiques entraînent toujours par automatisme le sérieux ou l’efficacité. Ne les utilisent-elles pas depuis longtemps pour susciter la démarche d’achat ? La réclame des années quarante faisait déjà appel :

- aux Vitamines, - à la Chlorophylle, - à l’hexachlorophène et - au fluor.

Jusqu’au moment où l’on s’aperçut que l’hexachlorophène était tératogène… Comme le fluor l’est soupçonné de nos jours. On mettait même en avant les bienfaits des eaux radioactives ! Aujourd’hui, on mettrait plutôt sur le devant de la scène :

- les oligoéléments, - les omega 3, - les anti-oxydants,

- la lutte contre les radicaux libres - ou encore le BIO…

Il faut se rendre à l’évidence. Non seulement les mots scientifiques ou techniques ne sont pas impartiaux, mais ils peuvent être mystificateurs par leur usage ou leur détournement, et pas seulement dans la publicité.

Dans l’enseignement, ils le sont par exemple quand ils masquent des inconnus ou des incompris. Prenons « gravitation », certes ce vocable balise un domaine ; certes la gravité peut être mise en formule et être à l’origine de multiples expérimentations. Mais le mot « gravitation » suscite une illusion de savoir la chose parce qu’on manie le mot chez nombre de personnes. Alors qu’on ne connaît toujours pas la nature de cette interaction.

Leur accumulation dans la presse spécialisée ou les télévisions sans aucun mot sur nos ignorances ou les limites crée une impression d’une grande maîtrise. Or, nos connaissances scientifiques actuelles portent sur d’infimes parcelles de savoirs.

Cette illusion de savoir devient encore plus scandaleuse dans les domaines où le savoir reste fragile. On n’est pas très loin du Médecin malgré lui de Molière quand la médecine avance : « Alzheimer » ou « Parkinson ». Sous ces mots sont rassemblées des pathologies multiples d’origines diverses. On touche même au grotesque sensus stricto quand on rencontre certains neurologues. Avant, ils auraient dit benoîtement : « Pépé sucre les fraises aujourd’hui », « Mémé est un peu gâteuse ». Actuellement, ils proclament somptueusement : « démence sénile ». Ce terme ne « dit » rien de plus de ce qu’on pouvait dire précédemment -les neurologues restent tout aussi incompétents sur ces pathologies- pourtant, par ces mots, la personne est stigmatisée dramatiquement.

Alors quand les mots rencontrent les choses, tout se révèle décuplé. Un cocktail détonnant peut déclencher immédiatement des réactions irrationnelles. Par exemple, je vais réaliser devant vous et en direct un « clonage ». Je prends un élément d’un être vivant, je le fragmente et je le clone immédiatement…

André Giordan prend une branche de buis, sort un sécateur… et coupe des fragments de branche qu’il plante.

Le mot « clonage » vous a alerté. Tout aurait été tout autre, si d’entrée j’avais avancé : « je vais faire un bouturage » !.… Qu’est-ce en réalité un bouturage, sinon un clonage ! Suivant l’usage de l’un ou de l’autre mot, les connotations n’ont rien d’identique, et les ressentis sont à l’extrême… Le mot clonage est porteur de significations et, par là, provoque des réactions, totalement absentes dans bouturage.

André Giordan sort ensuite une branche de maïs.

Je pourrais dire : « je montre un maïs sélectionné pour ses hautes potentialités en matière de lutte contre la faim »… Si maintenant, j’avance qu’il s’agit « d’un OGM », votre réponse sera radicalement autre !..