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CONCLUSION : DES MOTS AUX CHOSES, ENTRE ACTION ET MÉDIATION

MOTS, SITUATIONS DE TRAVAIL ET CONCEPTS PRAGMATIQUES

6. CONCLUSION : DES MOTS AUX CHOSES, ENTRE ACTION ET MÉDIATION

Ainsi, au cours de la journée, les vignerons se rencontrent, parlent, échangent des informations orientées vers la compréhension de l'état d'ensemble du système de vignes. Pour cela, ils s'appuient sur des mots qui évoluent de la simple mise en mots de leur activité, à des mots de signification négociée, qui deviennent des ressources pour penser collectivement le monde et y agir. On a donc des mots qui renvoient à des réalités sensibles, des mots qui renvoient à des réalités mesurées, des mots qui renvoient à des réalités interprétées, diagnostiquées, pronostiquées… des mots qui ont une certaine histoire au sein du groupe, des mots instruments cognitifs (Rabardel 1995, Vygoski 1934- 1985), ressources pouvant permettre d’agir ensemble, de négocier les conditions de cette activité collective, mais surtout des mots dont les significations admissibles évoluent au sein des collectifs de travail. Des mots dont le sens peut s'enrichir pour chacun à travers la relecture de son activité qu'il lui permettent, entre médiation de soi pour soi et de soi par les mots des autres. À travers ces

allers et retours permanents entre action sur le monde, et confrontation sociale à travers des mots de sens flou mais supposé et reconstruit, c'est la construction médié et négociée de concepts pragmatiques qui se joue.

Pour illustrer ceci, deux observations en guise de conclusion : des étrangers, en particulier des Allemands, qui participent aux vendanges, utilisent le mot « pègue » dans les mêmes situations de parole que les locaux qui ont baigné dans l’occitan depuis longtemps. Il y a fort à parier qu’ils ne l'ont pas appris à l’école… Et le soir, tous ces vendangeurs se retrouvent autour du quai de déchargement, à proximité immédiate des vignerons planifiant leur journée du lendemain. Tandis que ceux-ci échangent sur la difficulté physique de la journée, faisant reconnaître leur travail par les vendangeurs des autres équipes, avec des mots très proches de ceux qu'ils utilisent à la parcelle, les vignerons sont plongés dans la planification du lendemain. Chez les uns, les mots restent centrés sur eux-mêmes, proches de leur corps, tandis que les autres sont engagés dans la négociation autour d'indicateurs plus construits, plus abstraits, de champ plus étendu. À activités différentes, genèse de concepts pragmatiques différents… quelquefois se réalisant dans les mêmes mots. Mais jusqu'à quel point son-ils les mêmes ?

BIBLIOGRAPHIE

BÉGUIN P. (2004). Monde, version des mondes et monde commun. Bulletin de Psychologie. FRIEDBERG E. (1993). Le Pouvoir et la Règle : Dynamiques de l'action organisée. Paris : Seuil. LEONTIEV A. (1975-1984). Activité, conscience, personnalité. Moscou : Ed du Progrès

MAYEN P. (2004). Le couple situation-activité : Sa mise en œuvre dans l’analyse du travail en Didactique professionnelle. In J.-F. Marcel et P. Rayou : Recherches contextualisées en éducation. INRP. pp 29-40.

RABARDEL P. (1995). Les hommes et les technologies, approche cognitive des instruments contemporains. Paris : Armand Colin.

VERGNAUD G. (1996). Au fond de l’action, la conceptualisation. In Savoirs théoriques et savoirs d’action, Barbier J.-M. (dir.), Paris : Presses Universitaires de France, pp 275-292.

VERGNAUD G. (1998). Qu’est-ce que la pensée ? In Actes du colloque de Suresnes : Compétences complexes dans l’éducation et le travail Suresnes, CNEIFEI, du 1 au 4 juillet.

A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXVII, 2005

COMMENT LE LANGAGE ORGANISE L’EXPLORATION

DU MONDE PHYSIQUE

Gérard COLLET IUFM Grenoble

MOTS-CLÉS : LINGUISTIQUE – SÉMANTIQUE – DIDACTIQUE

RÉSUMÉ : La recherche proposée ici se propose de montrer que des concepts empruntés aux sciences du langage permettent de décrire un certain nombre de mécanismes cognitifs mis en œuvre dans les tâches expérimentales, et fournissent un point de vue complémentaire aux points de vue classiques de la didactique des sciences. Nous montrons en particulier comment une description sémantique des mots employés pour décrire une tâche de modélisation projette un éclairage nouveau sur l’appropriation des concepts scientifiques visés, sur l’origine des hypothèses formulées par les élèves, et sur l’interprétation du monde réel des objets et des événements.

ABSTRACT : This research aims to introduce linguistics concepts in order to describe cognitive mechanisms in experimental tasks. It introduces a new vision in the didactics of experimental sciences. We intend to show how a semantic description of linguistic items of a task enlights the ways of appropriating scientific concepts, explains partly what forces pupils hypothesis, and somehow describes how the organisation of the physical world of an experiment may appear.

1. INTRODUCTION

Cette contribution propose de mettre une approche linguistique au service d’une réflexion épistémologique et didactique. En effet, il s’agit ici d’analyser la construction des concepts scientifiques et l’exploration du monde physique du point de vue de la sémantique des termes introduits par un modèle utilisé dans l’enseignement d’une science expérimentale.

L’introduction de ce type de modèle, au niveau du secondaire en tout cas, se faisant essentiellement grâce à des textes rédigés en langue naturelle, il semble prometteur de se pencher sur le fonctionnement du texte et sur les connaissances véhiculées par la langue.

Proposant à la didactique des sciences expérimentales, un point de vue et une méthodologie linguistiques sur le contenu et le fonctionnement d’un modèle énoncé en langue naturelle, cette contribution apporte des éléments de réflexion sur la création des modèles scientifiques, sur les effets de leur formulation, et éclaire certains aspects de leur fonctionnement et de leurs limites.

2. MODÈLE ÉTUDIÉ, MODÉLISATION EN PHYSIQUE