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Un passé modernisé

Dans le document La religion de Rimbaud (Page 162-178)

« Bonne pensée du matin » 3

5. Un passé modernisé

Le passé appartient à un temps révolu, il est ce qui s’est achevé et a cessé d’être.

Dans une telle optique le passé est logiquement un temps inaccessible, ce qui entraîne, pour celui qui ne cesse de le poursuivre, frustration, déception et mélancolie, puisqu’il poursuit ce qui ne saurait revenir et redevenir. On assisterait donc, dans la poésie sentimentale, au traditionnel schéma d’un état mélancolique et nostalgique né de l’évocation de ce passé3 qui n’est plus : un très bon exemple nous est donné par Verlaine dans son premier recueil Poèmes Saturniens4, et plus particulièrement dans ceux regroupés sous le sous-titre de « Melancholia ».

Pourtant c’est sous une approche différente que Rimbaud choisit de traiter la notion. Comme nous l’avons évoqué précédemment, en nous appuyant sur l’analyse de Dominique Combe et de Jean-Nicolas Illouz, les Derniers Vers sont fortement

1 Qui apparaît comme un nouveau Judas.

2 Bernard Meyer évoque une réflexion temporelle doublée d’une réflexion spatiale dans ces deux termes. (op.cit., p. 274). Le château nous semble néanmoins, dans le contexte du poème, plus un marqueur temporel que géographique, celui de constructions qui survivent à l’homme et marquent sa présence malgré la mort.

3 Dans l’état de mélancolie ou de nostalgie dont il est fait question, le passé est par essence positif, la mémoire usant de sa capacité d’élaguement pour le purger de tout aspect négatif, le rendant, paradoxalement, très proche de la pastorale : l’idéalisation s’inscrit dans un passé parallèle et non dans une réalité parallèle.

4 Loin de nous l’idée d’établir les Derniers Vers comme une possible réponse de Rimbaud à Verlaine, notre analyse n’étant pas comparative nous ne faisons qu’exposer deux attitudes poétiques opposées face à une même notion : le passé et son impact sur l’émotion humaine.

influencés par l’Idylle. Dès lors, l’œuvre s’écrit et s’inscrit dans un cadre spatio-temporel irréel et parfait où toute notion de mélancolie ou de nostalgie ne devrait exister, puisque ce monde est purgé de toute calamité1. Rimbaud va certes s’appuyer sur ce cadre que lui propose l’Idylle, mais il n’est pas question pour lui de se refuser la possibilité « d’accueillir de nouvelles utopies politico-religieuses ».2 Ainsi, face à l’exacerbation sentimentale pour le passé3, notamment celle de Banville, Rimbaud s’offre la possibilité d’une réponse dans le même ton, mais avec des finalités for différentes : le passé n’est qu’un moyen supplémentaire pour Rimbaud d’évoquer le présent et la réalité de son monde.

5.1. Valse à deux temps : « La rivière de Cassis »4

S’il est un poème qui nous a permis de comprendre et de percevoir la distance critique que Rimbaud semblait conserver avec le passé, et plus particulièrement avec la vision nostalgique ou mélancolique, telle qu’écrite par la poésie de son temps5, c’est bien La rivière de Cassis. Ce poème, glosé de manière conséquente par la critique, a posé quelques problèmes d’interprétations. La rivière mentionnée était-elle réelle ou non6 ? Si oui, fallait-il la rechercher dans la campagne ardennaise ou dans l’imagination rimbaldienne ? Quant à ce terme de « cassis », que signifiait-il ? Faisait-il référence à la couleur ou à la consistance de la rivière7 ou fallait-il chercher dans un argot ou un patois connu de Rimbaud seul une explication plus réaliste ou subversive à ce terme ? Nous ne reviendrons pas sur toutes ces hypothèses, résumées par Bernard Meyer dans son analyse du poème8.

Cependant, l’une des significations possibles du terme « cassis » nous semble avoir été écartée jusqu’à très récemment9, alors même qu’une contextualisation du

1 « [..] hors du temps, de l’Histoire et préservés de la mort », note Dominique Combe sur les bergers amoureux de Théocrite, Virgile ou Goethe. (op.cit., p. 31).

2 Jean-Nicolas Illouz, chap.cit., p. 58.

3 Puisque l’Idylle se veut une évocation de « l’origine perdue ». (Dominique Combe, op.cit., p. 30).

4 La version privilégiée est celle de l’ancienne collection Pierre Berès.

5 Rappelons cet amour du Parnasse et plus particulièrement de Théodore de Banville pour le passé et la forme poétique ancienne, l’exemple le plus probant en étant ses Rondels composés à la manière de Charles d’Orléans et Les Princesses (1874).

6 Delahaye évoque La Semoy (ou Semois).

7 La rivière tâchée du sang des morts (Steinmetz, Reboul).

8 Bernard Meyer, op.cit., p. 37-38.

9 Steve Murphy revient sur cette lecture technique des deux termes (cassis et claire-voie), suggérée par Marc Ascione dans son article « Deux (et même trois) homonymes dans “La Rivière de Cassis” »,

texte l’admet aisément comme plausible et possible. En effet, le terme de « Cassis » est également le nom donné à la grille d’égout à ciel ouvert, élément architectural qui s’épanouit au XIXe siècle, temps des politiques de grands travaux parisiens et hygiénistes amorcés sous l’impulsion du baron Haussmann. Ainsi, comme nous l’évoquions déjà dans le cadre de notre analyse sur « Bonne pensée du matin », Rimbaud s’amuse à perdre le lecteur dans l’enchevêtrement de deux espaces temporels diamétralement opposés : un passé idyllique, naturel, et un présent prosaïque et citadin.

Il faut comprendre que la réalité du Parisien de l’époque, c’est un paysage de moins en moins sauvage et de plus en plus factice, dessiné non par la nature, mais par la nécessité d’urbanisation qu’implique un accroissement significatif de la population parisienne : agrandissement de l’espace urbain, intégration des campagnes avoisinantes, aménagement de la cité dans une optique hygiéniste.1 Des transformations visibles à la surface de la ville – créations des grandes artères parisiennes, des grands magasins –, mais qui eurent lieu également dans ses profondeurs avec la mise en place d’immenses réseaux d’assainissement.2

Ainsi s’établit un réseau souterrain de fleuves, de rivières, de lac, qui viennent hanter l’imagination et la littérature de ce XIXe siècle.3 Le Parisien voit s’établir sous ses pieds, une véritable créature vivante à vocation sanitaire.4 Ce n’est pas seulement une conception différente de la ville qui naît à cette période, mais également une représentation différente de la nature et de son pendant : la limite entre naturel et artificiel s’amenuise et la création humaine s’anime et prend vie.5 Mais le sang de

Rimbaud Vivant, 1986, n°25, pp. 10-13. (Cité par Steve Murphy dans Rimbaud et la Commune, op.

cit., p. 836).

1 « “L’invention de la question urbaine”, le triomphe de la conception fonctionnelle de la “ville-machine” incitent à une “toilette topographique”, indissociable de la “toilette sociale” que manifestent la purgation de la rue et l’aménagement des lieux de relégation. [..] Le plus archaïque des impératifs de cette hygiène désodorisante consiste à tenter d’isoler l’espace aérien des émanations telluriques ».

(Alain Corbin, Le miasme et la jonquille, op. cit., pp. 133-134. Ainsi le cœur de la terre, son centre était déjà, avant l’établissement des égouts, symbole de miasme et d’émanations empoisonnées.

2 « C’est en effet à partir du Second Empire que s’opère, conjointement avec le nouvel urbanisme haussmannien, la métamorphose de l’égout. Réorienté dans ses grands axes, considérablement développé, ce dernier, désormais de section ovoïde, est devenu spacieux, efficient, presque salubre ».

(Boudriot Pierre-Denis, « Les égouts de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les humeurs de la ville préindustrielle », dans Histoire, économie et société, 1990, 9e année, n°2, p. 198).

3 « Insalubre, mystérieux et voûté, l’égout est devenu au XIXe siècle un thème littéraire consacré et traité par Victor Hugo dans Les Misérables [..]. » Boudriot Pierre-Denis, « Les égouts de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les humeurs de la ville préindustrielle », dans Histoire, économie et société, 1990, 9e année, n°2. pp. 197-198.

4 « Depuis la découverte de Harvey, le modèle de la circulation sanguine induit, dans une perspective organiciste, l’impératif du mouvement de l’air, de l’eau, des produits. » (Alain Corbin, Le miasme et la jonquille, op. cit., p. 136).

5 Rappelant la ville de Bruxelles dans « Plates-bandes d’amarantes.. ».

cette ville, cachée dans ces profondeurs, ne manque pas de révéler au regard du poète, dans une évocation en deux temps, la réalité de son contenu impur.

5.1.1.Premier temps : le sang du passé

C’est par des termes sibyllins qu’est présenté, dès les premiers vers du poème, le cours d’eau : « La Rivière de Cassis roule ignorée / En des vaux étranges. » Elle apparaît secrète, hors du commun et appelle la curiosité du lecteur. Rimbaud la place dans un décor qui souligne une « atmosphère lourde », « funèbre1 », dramatisée : l’évocation de « cent corbeaux qui l’accompagnent2 », « les vents » et le terme

« mystérieux » de la seconde strophe offrent au poème une certaine austérité mystique. La nature accompagne le moment de la révélation, dans une complicité poétique, qui permet au poète de débuter son évocation du passé : « De campagnes d’anciens temps ; / De donjons visités, de parcs importants : / […] / Les passions mortes des chevaliers errants. » Le temps évoqué est aussi proche d’une perception temporelle, historique, traditionnelle (évoqué dans « Mémoire »), que celle d’une influence des récits historiques (Walter Scott, Dumas…). La nostalgie se veut à la fois liée à celle de l’homme face à l’Histoire et à celle du lecteur puisque la rivière est conteuse d’histoires – « c’est en ces bords qu’on entend ».

Happé par ce passé, c’est un « vent salubre », sain, qui le rappelle à son présent, à son statut de passant qui ne peut qu’admirer cette rivière. Le cours d’eau défiant le temps et lui apportant les bribes d’un passé inconnu, rappelle celui de

« Mémoire », la temporalité personnelle remplacée par une historicité humaine :

« Que le piéton regarde à ces claires-voies3 ». René Etiemble décrit ces « claires-voies » comme l’illustration de ce temps féodale, légendaire, accessible par bribes au poète.4 Elles sont une échappatoire à sa réalité temporelle vers d’autres lieux, d’autres réalités, d’autres temps et s’affirment comme accessibles à tous ceux qui le désirent.

1 Pierre Brunel, Rimbaud : Œuvres complètes, op. cit., p. 829.

2 Le Corbeau rimbaldien est paradoxal, au-delà de toute notion de Bien ou de Mal, il est avant tout garant d’un ordre, un être en mission suggéré par ce rapprochement aux « anges ».

3 Le terme de claire-voie renvoie probablement ici à l’imaginaire des cathédrales, lieux emblématiques de ce Moyen Âge que Banville admire tant.

4 « Quant aux claires-voies [..], il s’agit tout simplement des barrières à claire-voie qui permettent au piéton d’entrevoir des parcs, des donjons, de rêver au vieux temps ». (René Etiemble, « D’une majuscule et d’une virgule chez Rimbaud », Rimbaud, système solaire ou trou noir ?, Presses universitaires de France, Paris, 1984, p. 25).

Elles pourraient être ainsi, ces récits historiques, évoqués précédemment : claires-voies de l’imagination.

Le poème s’achève enfin sur une ultime évocation méliorative des corbeaux – « corbeaux délicieux » – et d’un « paysan matois trinquant d’un vieux moignon ». En demande aux premiers de chasser ce dernier, Etiemble évoque un mépris du poète, de Rimbaud en l’occurrence, pour « les cul-terreux de son pays ».1 Pour notre part, nous y voyons un appel à ces Corbeaux, garants de ce passé idéalisé, de chasser de la vue du poète la réalité crue de ces grandes guerres féodales. Le « moignon » est figure de l’amputation, d’une violence que le poète ne souhaite évoquer ou voir. Ainsi, « La rivière de Cassis » serait comme le suppose Etiemble, une référence à la liqueur de cassis2 bue par ces masses, non dans une logique critique à l’égard du peuple, mais à l’égard de ce poète qui ne souhaite pas voir le sang qui coule en son cœur. Il se veut le poème d’un déni de l’horreur et de la véritable histoire face à un passé idéalisé. D’une horreur dont la littérature ne veut parler et qui « coule ignorée » de la majorité, dans la logique d’une Histoire qui ne se veut que l’écho des puissants et non des faibles. Le paysan est « matois », confiné à son rôle de bandit dans ce roman poétique. Le poète traître tente d’amadouer les corbeaux – « délicieux » –, gardiens de la rivière3, afin de faire disparaître toute trace de la tragédie passée. Loin de tout engagement, il est le véritable Corbeau, envoyé des puissants, du texte.

5.1.2.Deuxième temps : une immondice morale

Si « cassis » et « claires-voies » évoquent, comme le souligne Marc Ascione, des éléments d’architecture urbains4 liés aux égouts ; « moignon » peut également être rattaché à cette lecture en désignant la « partie supérieure d’une descente d’eau soudée au chéneau ou à la gouttière. »5 Ce « paysan matois » ferait écho à un vieil habitant de Paris, ces vieux égouts démodés qu’il est nécessaire de remplacer et qui blessent le regard du poète haussmannien. Dès lors, les Corbeaux deviennent

1 ibid.

2 ibid.p. 24.

3 La rivière est accompagnée par ces Corbeaux, mais le poète (dans un écho au poème « Les Corbeaux ») les renvoie à leur mission première « Soldats des forêts que le Seigneur envoie », les obligeant presque à revenir à leur mission première. Les oiseaux semblent s’être rebellés puisque le poète est obligé d’utiliser ce ton mielleux pour qu’ils lui obéissent.

4 Marc Ascione, « Deux (et même trois) homonymes dans “La Rivière de Cassis” », Rimbaud Vivant, 1986, n°25, pp. 10-13.

5 TLFI.

l’évocation des gardiens de la paix1 – garants de la salubrité publique – ironiquement pris à partie par ce poète bourgeois tentant d’arrêter cette gouttière hors-la-loi.

Ce pied de nez rimbaldien était pourtant lisible, indiqué par ces « mystères » qui sont « révoltants ». Le terme désigne ce qui remplit d’indignation, de dégoût, de mépris, ou qui suscite le refus, l’opposition de l’âme, de l’esprit2. Il y aurait donc dans cette rivière des mystères qui dégoûtent notre poète bien-pensant, auxquels s’ajoute un vent ironiquement « salubre » pour l’homme. Tout comme les égouts enfouis et cachés de la vue des bourgeois, le poète cache sous une apparence esthétique un sujet provocateur : les selles parisiennes3. Les convenances sont respectées et le lecteur est dupé : la rivière sibylline se transforme en vulgaire scatomancienne.

Mais cette lecture ne rejette pas l’engagement. Ainsi, Rimbaud, par ses égouts, évoque Paris et sa Commune ensanglantés4, que la ville tente de cacher comme une immondice, derrière des évocations d’un passé idéalisé. Néanmoins, le sang est toujours présent, et l’odeur de la rivière – « salubre » – rappelle également à Rimbaud la puanteur des cadavres que cette rivière charrie, victime de ceux d’en haut, les puissants.5 Dans une logique de peur des émanations nauséabondes telluriques, propre au XIXe siècle et évoquée par Alain Corbin dans son ouvrage6, Rimbaud met en garde : ce que devrait redouter et cacher ce peuple, plus que sa souillure physique est sa souillure morale et les émanations sociales qui en naîtront.

Par une valse en deux temps, Rimbaud mène la danse poétique, il impose son rythme à la lecture du poème et se permet de critiquer le poète amoureux du passé, désengagé (Banville) et cette société bourgeoise à la moralité corrompue. Si les

« claires-voies » sont un terme clef du poème, c’est parce qu’elles évoquent sa lecture faite de lumière et d’ombre : d’un texte qui se lit dans ses pleins et ses vides, son ironie et son sérieux, porteur d’une accusation double.

1 L’uniforme permet de suggérer ce rapprochement d’apparence.

2 TLFI.

3 Rimbaud réitère l’attaque avec l’évocation du terme « salubre » pour désigner le vent. On imagine aisément que le vent des égouts n’est guère salubre, mais qu’il répond en revanche à un besoin de salubrité publique

4 Tel que le soutiennent Yves Reboul (Rimbaud dans son temps, op. cit., p. 86) et Steve Murphy (Rimbaud et la Commune, op. cit., pp. 836-842).

5 Elle lui donne « courage » à lui le « piéton ».

6 Alain Corbin, « La terre et l’archéologie du miasme », dans Le miasme et la jonquille, op. cit., pp-35-42.

5.2. Mise en scène dans différents espaces temporels dans

« Comédie de la soif »1

« Comédie de la soif » propose en revanche une plus grande difficulté d’analyse. En substituant ultérieurement le terme Comédie à celui d’Enfer2, Rimbaud brouille les pistes et tente de nous faire oublier que son premier titre, Comédie, nous permettait de mieux comprendre que le poète jouait ici un rôle en cinq actes. 3 Si le texte (la pièce ?) est l’évocation d’une soif, d’un désir ardent du poète pour un élément qui lui est et lui reste inconnu, mais dont il ressent le manque4, il est également un voyage : cinq strophes, cinq espaces-temps aux enjeux différents pour le poète. Il s’agit pour le poète d’explorer les possibilités qui s’offrent à l’apaisement de cette soif universelle.5

5.2.1.Trois ancêtres6 : trois temps du passé

La première scène s’ouvre par la prise de parole « des Grands-Parents, les Grands », redondance et majuscules qui insistent sur le caractère immémorial de leur existence, mais également leur grandeur aux yeux du poète.7 Ils prennent la parole au-delà de leur mort, leurs os blanchis et délavés par le temps ne laissent aucun doute quant à l’ancienneté de leurs dépouilles : « Couverts des froides sueurs / De la lune et des verdures. »8

Ils sont également ceux qui, les premiers, donnent au poète un début de réponse à ce désir qui le submerge : « Que faut-il à l’homme ? boire », impliquant qu’ils ont été, également, victimes de cette soif. Et l’amenant à rêver à ce temps qui

1 Nous privilégierons dans notre étude la version donnée à Louis Forain.

2 Il semblerait en effet que la version dite Forain, soit ultérieure au texte conservé à la BNF.

3 Daniel Leuwers parle de « comédie en cinq actes » (« Comédie de la soif », Œuvre-vie, op.cit., p. 1142). « Opéra fabuleux » selon Yves Bonnefoy (Rimbaud par lui-même, Seuil, Paris, 1961, p. 63).

Écho à « Comédie en trois baisers » où « le moi est aux prises avec ses voix secrètes », selon Steinmetz.

(Rimbaud : Poésies, op. cit., p. 341).

4 Daniel Leuwers évoque une « soif intarissable ». (« Comédie de la soif », Œuvre-vie, op. cit., p. 1144).

Pierre Brunel utilise le terme de « soif inextinguible ». (Rimbaud : Œuvres complètes, op. cit., p. 830).

5 « À dire vrai, la soif est universelle [..] » (ibid.).

6 Le terme ancêtre, qui peut paraître dans un premier temps maladroit, est une volonté de notre part de rappeler au lecteur les nombreux échos que ce poème partage avec la première partie de la Saison :

« J’ai de mes ancêtres gaulois.. ».

7 Une grandeur qui ne se veut pas obligatoirement positive, plutôt abyssale dans la profondeur temporelle (guerre, mort) qu’ils impliquent. Daniel Leuwers note que « le lien aux parents est occulté, ce qui permet d’écarter les interdits trop prégnants et faciliter la descente “au fonds”, dans les “celliers”

et jusqu’aux urnes » de la mort ». (Œuvre-vie, op. cit., p. 1143).

8 Rappelant la danse macabre de « Mes petites amoureuses ».

fut le leur et qu’il admire : « Mourir aux fleuves barbares. »1 La réponse est nostalgique, teintée d’un enthousiasme tout en retenue pour ce temps où brillait « un soleil sans imposture », aujourd’hui inaccessible2. Ils prennent donc le rôle d’initiateurs, de sages qui tentent de guider le poète, mais en aucun cas de le contraindre, en restant vague dans leur réponse « boire », ils lui donnent un indice et insistent sur le caractère personnel du cheminement ; eux avaient trouvé leurs « vins secs »,3 mais ne tentent pas de le proposer au poète : cela était leur réponse, pas la sienne.

Viennent ensuite les « Grands-Parents, Des champs ». Si les précédents semblaient évoquer un passé indéterminé, presque mythique.4 Les seconds se font plus proche temporellement, il est ici question de la France paysanne, mais également de la France seigneuriale : « Vois le courant du fossé / Autour du Château mouillé. » Ils sont vassalisés aux puissants et ne peuvent être, pour le poète engagé, source d’espoir, de renouveau, d’admiration et de respect. Alors que les premiers ancêtres allaient « au soleil sans imposture », astre sacralisé chez Rimbaud, ces derniers au contraire descendent en leurs celliers. Loin d’une descente spirituelle comme se veut la descente aux enfers, elle est l’image d’une matérialité exacerbée et d’une docilité consommée. Ils descendent en leurs celliers, comme un repli en

Viennent ensuite les « Grands-Parents, Des champs ». Si les précédents semblaient évoquer un passé indéterminé, presque mythique.4 Les seconds se font plus proche temporellement, il est ici question de la France paysanne, mais également de la France seigneuriale : « Vois le courant du fossé / Autour du Château mouillé. » Ils sont vassalisés aux puissants et ne peuvent être, pour le poète engagé, source d’espoir, de renouveau, d’admiration et de respect. Alors que les premiers ancêtres allaient « au soleil sans imposture », astre sacralisé chez Rimbaud, ces derniers au contraire descendent en leurs celliers. Loin d’une descente spirituelle comme se veut la descente aux enfers, elle est l’image d’une matérialité exacerbée et d’une docilité consommée. Ils descendent en leurs celliers, comme un repli en

Dans le document La religion de Rimbaud (Page 162-178)