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Modèles et méthodes pédagogiques : des concepts à maîtriser pour mieux saisir le sens des pratiques maîtriser pour mieux saisir le sens des pratiques

à une complexification de leur métier

IV.1. Décrire les pratiques pour mieux les connaître

IV.1.1. Modèles et méthodes pédagogiques : des concepts à maîtriser pour mieux saisir le sens des pratiques maîtriser pour mieux saisir le sens des pratiques

Pour bien comprendre ce que sont les pratiques pédagogiques, il est indispensable d’éclairer le lecteur sur le sens des concepts de « modèle pédagogique » et « méthode pédagogique ». Or, la distinction entre ces deux derniers n’est pas véritablement évidente.

D’après Morandi (1998), les modèles sont en quelque sorte les «principes conducteurs» d’une activité et se réfèrent à un mode de pensée. Ils constituent « les principes d’action qui précisent

historiquement ou fonctionnellement un ensemble renouvelé de pratiques et de méthodes (Morandi et La Borderie, 2006). Ces auteurs ajoutent que les modèles constituent « ce au nom de quoi on agit, on dirige, on analyse ».

A partir de ces modèles, sont élaborées des méthodes pédagogiques. Ces dernières consistent en une « organisation codifiée de techniques et de moyens ayant pour but de faciliter l’action éducative » (Raynal et Rieunier, 2005). Elles « rassemblent les acteurs et définissent les caractéristiques matérielles, cognitives et sociales d’une pratique pédagogique » (Morandi et La Borderie, 2006). Cependant, les méthodes sont nombreuses, comme en témoigne la longue liste dressée par Raynal et Rieunier (2005) : méthodes impositives, traditionnelles, attrayantes, intuitives, actives, démonstratives, méthode interrogative, globale, nouvelle, méthodes centrées sur le contenu, modernes, audiovisuelles, en sont des exemples. Ces auteurs précisent d’ailleurs que certaines méthodes sont recensées sous le terme de « pédagogie ». Ils citent notamment à ce titre la pédagogie Freinet, la pédagogie Decroly, la pédagogie des adultes, la pédagogie nouvelle, la pédagogie par objectifs ou encore la pédagogie de la découverte. Frenay (2006) évoque pour sa part l’existence d’une « pédagogie » axée sur les contenus, plus « traditionnelle», s’opposant à une «pédagogie » plus « active», où l’enseignant tient le rôle d’un véritable «metteur en scène » des activités pédagogiques. Cette distinction laisse d’ailleurs présager le fait que les méthodes peuvent être regroupées sous différentes catégories. En réalité, s’il n’existe aucun véritable consensus autour de leur classification, certains chercheurs ont tout de même tenté de les regrouper sous forme de typologies. C’est entre autres le cas de Prégent (1990) qui réunit 34 méthodes d’enseignement en trois catégories : les méthodes fondées sur l’exposé, les méthodes fondées sur la

PARTIE 2 : Chapitre IV. Les pratiques pédagogiques à l’université : éléments de problématisation…

Cette classification laisse entrevoir l’existence de trois grands types de méthodes : la première reposant plutôt sur un schéma transmissif de l’enseignant vers l’étudiant, la deuxième mettant l’accent sur le travail de groupe, et la dernière sur l’apprenant.

Arénilla, Gossot, Rolland et Roussel (2000) distinguent eux aussi dans leur « dictionnaire de pédagogie » trois familles de méthodes :

Les méthodes « traditionnelles » à travers lesquelles le savoir est principalement transmis de façon expositive. L’élève se doit de rester docile tandis que le maître expose et explique le savoir. « L’enseignement frontal» qui vise à laisser le maître sur son estrade inculquer les savoirs à une classe disposée en rangs alignés, « l’enseignement collectif » qui a pour but de développer l’attention, la mémoire et le raisonnement de l’élève, la méthode

« du dialogue » qui consiste en des questions-réponses entre le maître et les apprenants, ou encore la méthode « du silence, de l’obéissance, de l’autorité magistrale, renforcée par les

récompenses, les classements par mérite, ou les sanctions » sont tout autant de méthodes citées par Arénilla et al. et se référant aux méthodes traditionnelles. Ils précisent que le principal matériel employé à travers ces méthodes consiste en une craie et un tableau noir81. Raynal et Rieunier (2005) complètent cette définition des méthodes traditionnelles en ajoutant que les caractéristiques essentielles en sont « l’acceptation sans trop de nuances de la relation d’autorité formateur-formé », « l’acceptation de résultats scolaires se distribuant approximativement selon une courbe de Gauss » et enfin «l’acceptation du principe selon lequel le rôle du maître consiste à dispenser le savoir, l’élève devant s’organiser au mieux pour

apprendre ».

Les méthodes « nouvelles, ou actives » 82 se situent à l’opposé des méthodes traditionnelles. Elles ont pour but d’impliquer l’apprenant dans ses propres apprentissages. Arénilla et al. dégagent trois valeurs essentielles de ces méthodes : « l’intérêt spontané des enfants, qui génère la motivation à l’effort », « leur liberté d’invention, de création, d’initiative », ainsi que « la prise en compte des composantes affectives et sociales du

81 Il s’agit là de propos datant de 2000. Il n’est donc pas véritablement certain que plus d’une décennie après, notamment en raison du développement des nouvelles technologies, les outils caractéristiques des méthodes traditionnelles demeurent le tableau et la craie. On peut en effet par exemple supposer que l’emploi d’une présentation PowerPoint ait supplanté ce matériel.

82Aujourd’hui, le terme de « nouvelles » ne semble plus véritablement adapté pour désigner ces méthodes, puisque l’essor de la réflexion sur ces dernières remonte à la première moitié du vingtième siècle. Aussi privilégierons nous plutôt dans le cadre de ce travail l’emploi du qualificatif « actives ».

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développement des individus ». Ces méthodes ont notamment été employées par ceux que Raynal et Rieunier (2005) considèrent comme étant des «pionniers de l’Education nouvelle », comme il en est le cas de Cousinet, Dewey, Freinet, Montessori, ou encore Decroly, cela dans une volonté de s’opposer aux méthodes traditionnelles basées sur une relation de contrainte. Le but est de rendre l’apprenant actif et de lui faire construire ses propres savoirs en l’invitant à réellement s’impliquer dans les situations d’apprentissage.

Les « méthodes ou orientations actuelles » sont moins connues du grand public. Elles s’appuient sur des notions : la notion de « représentation » (partir de ce que sait ou croit savoir l’élève), la notion «d’awareness» (ou prise de conscience qui aide l’apprenant dans son cheminement d’apprentissage), la notion de «contrat pédagogique » (finalise l’effort de l’élève par rapport à un but déterminé), la notion de «contrat didactique » (décrit le rôle de chacun des constituants de la situation pédagogique) et le « concept de conflits ».

De façon analogue à celle de Prégent (1990), cette catégorisation met en avant des méthodes plutôt centrées sur la transmission des savoirs par l’enseignant et à l’opposé des méthodes reposant sur l’étudiant en tant qu’acteur de ses apprentissages. Cette dichotomie est également mentionnée par Raynal et Rieunier (2005), qui établissent la typologie suivante :

La méthode « dogmatique ou expositive » : elle se rattache à la méthode traditionnelle décrite par Arénilla et al. (2000), puisqu’elle consiste en un exposé magistral du savoir par l’enseignant. Le maître est au centre de la situation pédagogique.  La méthode « interrogative »: son usage remontant à l’antiquité, elle consiste pour

l’enseignant à tenter «d’intéresser l’élève en lui donnant l’impression qu’il redécouvre les principes qui font l’objet du cours». Si l’apprenant est plus actif qu’avec la méthode expositive, le maître reste néanmoins le conducteur du raisonnement.

Les méthodes « actives » : comme nous l’avons déjà relaté auparavant, elles consistent à rendre l’élève acteur de ses apprentissages.

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Même s’il existe certaines divergences, les chercheurs s’accordent donc à distinguer au moins des méthodes centrées sur l’enseignant et à l’opposé des méthodes faisant intervenir l’élève dans ses propres apprentissages.

Pour clore cette revue non exhaustive des différentes catégorisations élaborées à partir des méthodes d’enseignement, citons celle de De Ketele et Postic (1988) qui présente la particularité de s’articuler autour de quatre axes :

« L’acteur principal jouant le rôle le plus actif dans la situation

d’enseignement »: s’il s’agit de l’enseignant, la méthode est « magistro-centrée ». S’il s’agit en revanche de l’élève, on parle alors de méthode « puédo-centrée ».

« Le choix des objectifs et la planification de l’activité »: si c’est l’enseignant qui tient ce rôle, la méthode est dite « directive», tandis que si c’est l’élève la méthode est « non-directive ».

« L’agent d’apprentissage », c'est-à-dire le moyen par lequel passe l’enseignement : la méthode est « socio-centrée» lorsqu’il s’agit du groupe et « techno-centrée » quand les moyens techniques, ou autrement dit les médias, tiennent le rôle de l’agent.

« Les objectifs visés » : la méthode est « traditionnelle » si le but est la reproduction des connaissances, ou au contraire « ouverte» si l’intention est mise sur le transfert des connaissances.

De nouveau, cette typologie laisse apparaître à une extrémité les méthodes centrées sur le maître détenteur du savoir et à l’autre extrémité l’élève comme acteur de ses apprentissages.

Les définitions des concepts de modèles et de méthodes pédagogiques laissent entendre que ceux-ci recouvrent des réalités différentes. Pourtant, certaines des méthodes précédemment citées sont en réalité considérées par plusieurs chercheurs comme étant des modèles. C’est ainsi que Morandi (2001) distingue quatre types de modèles principaux : le modèle traditionnel, le modèle d’éducation nouvelle, le modèle de maîtrise, et enfin le modèle global et l’autonomisation. Il semble dès lors qu’il existe un réel manque de consensus autour de l’emploi des termes « méthodes » et « modèles ». En réalité, pour Arénilla et al. (2000), la notion de

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méthode peut apparaître quelque peu restrictive, tandis que le terme de « modèle » se montre plus « englobant ». Ainsi, Vienneau (2005) distingue différents courants pédagogiques auxquels il associe des modèles. Il répertorie :

« Le courant béhavioriste », auquel correspond le modèle de la maîtrise de l’apprentissage ;

« Le courant cognitiviste »: modèles de l’exposé oral, de l’enseignement stratégique ;  « Le courant constructiviste » : modèles de l’apprentissage par projet, de

l’apprentissage par la découverte ;

« Le courant humaniste » : modèles de la pédagogie ouverte, de la pédagogie ouverte et interactive, de l’activité d’apprentissage ouverte ;

« Le courant transpersonnel »: modèle de l’éducation dans une perspective planétaire.

Raby et Viola (2007) exposent quant à eux une typologie présentant certaines similitudes avec celle de Vienneau (2005) et faisant apparaître quatre courants pédagogiques auxquels correspondent également plusieurs théories de l’apprentissage et modèles d’enseignement :

« Le socioconstructivisme »: modèle de l’apprentissage par projets, apprentissage coopératif, apprentissage par problèmes, apprentissage expérientiel ;

« Le cognitivisme » : enseignement et apprentissage stratégique, traitement de l’information, apprentissage par la découverte ;

« L’humanisme » : pédagogie ouverte et pédagogie actualisante ;  « Le béhaviorisme » : enseignement direct.

On constate à travers ces typologies que ce que certains considèrent comme des méthodes sont vues ici par ces chercheurs comme des modèles. Par ailleurs, on pourrait considérer que les courants mentionnés par ces chercheurs peuvent tout aussi être entrevus comme des modèles, puisque selon Morandi (1998), le modèle pédagogique « constitue la ligne de cohérence des actions, organise la synchronie des acteurs et des représentations qui les animent » (Morandi, 1998). La méthode est pour sa part le « mode de réalisation » du modèle (Morandi, 1998). Dancel (1999), rapportant les propos de Houssaye (1992), considère que la méthode détermine « la nature et le rôle respectifs » des trois « acteurs» que sont l’enseignant, les élèves et le savoir, «mis en scène dans l’acte

pédagogique» et les relations qui s’établissent entre les trois pôles de ce «triangle pédagogique » présenté dans le chapitre précédent. En d’autres termes, elle constitue « un mode organisé et conscient de pratiques » (Morandi, 1998), ou autrement dit « un cadre pour penser et réaliser la pratique

PARTIE 2 : Chapitre IV. Les pratiques pédagogiques à l’université : éléments de problématisation…

éducative » (Bru, 2006). En effet, comme nous le verrons dans la partie suivante, les méthodes sont étroitement articulées aux pratiques pédagogiques et permettent en partie d’expliquer ces dernières. Avant cela, il convient de faire un point sur le vocabulaire employé dans le cadre de ce travail. Ainsi, nous prendrons principalement appui sur les travaux d’Arénilla et al. (2000), en cela que nous opposerons les méthodes traditionnelles aux méthodes actives. Nous considérons que les méthodes traditionnelles sont en réalité synonymes des méthodes transmissives et expositives : l’enseignant se place alors au centre de la situation pédagogique et transmet le savoir. Le terme « traditionnel » peut être discuté, dans la mesure où il peut être perçu comme ayant une connotation péjorative. Néanmoins, son emploi est courant dans la littérature, en témoignent les écrits cités dans cette partie ou encore, à titre d’exemple, les récents travaux de Chevallier et Giret (2013), qui dans la perspective de mettre en rapport les dispositifs pédagogiques dans l’enseignement supérieur et l’insertion sur le marché du travail des jeunes diplômés, mettent au jour l’existence d’un modèle d’enseignement académique « traditionnel ». Finalement, les méthodes traditionnelles sont considérées dans notre travail comme reposant sur « un processus de transmission par lequel le savoir est directement donné aux élèves », sensés « l’enregistrer et l’accumuler » (Bru, 2006). A contrario, l’emploi du terme « méthodes actives » fera référence à l’emploi de pratiques plus innovantes et entraînant une réelle implication des étudiants dans leurs apprentissages. L’enseignant n’est dans ce cas plus un « transmetteur » mais un accompagnateur dans l’acquisition des savoirs.

IV.1.2. Les pratiques pédagogiques comme concept

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