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Les pratiques pédagogiques comme concept multidimensionnel multidimensionnel

à une complexification de leur métier

IV.1. Décrire les pratiques pour mieux les connaître

IV.1.2. Les pratiques pédagogiques comme concept multidimensionnel multidimensionnel

Le concept de « pratiques pédagogiques » faisant souvent l’objet d’un amalgame avec d’autres notions, les définitions de ce qu’elles sont réellement demeurent peu nombreuses. Aussi, revenons d’abord sur ce qu’est la «pratique » en elle-même. Celle-ci est définie par Ansart (1999) comme étant tout « comportement ou activité sociale envisagés dans la manière dont ils sont exercés de façon habituelle par une personne ou un groupe». Cette spécification du terme impose ici l’idée d’une constance dans l’activité ou le comportement. La pratique serait donc le siège de certaines régularités. Pourtant, selon Perrenoud (1994), la pratique, lorsqu’elle est qualifiée de pédagogique, est constituée « d’une succession de micro-décisions de tous ordres », cela même « dans la classe la plus ordonnée et contrôlée ». Est alors entrevue ici l’idée d’une spontanéité dans la pratique pédagogique. Les travaux de Bru (2006) permettent de mieux comprendre en quoi les propos de Ansart d’une part et de Perrenoud d’autre part, ne s’opposent en réalité pas totalement.

PARTIE 2 : Chapitre IV. Les pratiques pédagogiques à l’université : éléments de problématisation…

Selon Bru (2006), les pratiques pédagogiques sont, en théorie, définies par la (ou les) méthode(s) pédagogique(s) adoptée(s) par l’enseignant pour faire acquérir des connaissances aux apprenants. Ainsi, la méthode oriente le choix des pratiques. Elle ne les détermine toutefois pas entièrement. En effet, ce dernier ajoute que dans la pratique interviennent quasi systématiquement des « éléments imprévus » qui ont pour conséquence le fait que « la pratique ne suit pas toujours un chemin balisé ». Houssaye (2009) considère de surcroît que « la pratique échappe toujours un tant soit peu à la théorie ». Même s’il peut exister en théorie certaines régularités, la pratique pédagogique ne consiste pas systématiquement et uniquement en l’application stricte et rigoureuse d’une méthode. Cet avis rejoint là celui de Morandi (2001). Ce dernier considère que les méthodes ne sont que des « guides », « des organisateurs du travail pédagogique ». La méthode, d’après cet auteur, «coordonne l’ensemble des dispositions qu’un enseignant prévoit pour ses interventions et le

chemin à parcourir pour ses élèves». Mais il ne s’agit là que de « prévoir », cela ne signifie pas que l’enseignant ne peut, au travers de sa pratique, déroger à la méthode pour laquelle il avait opté au départ. D’ailleurs, Perrenoud (1994) estime pour sa part que « la pratique pédagogique en classe n'est pas la mise en pratique d'une théorie, ni même de règles d'action ou de recettes ». De même, pour Altet (2003), la pratique ne découle pas uniquement d’une «planification préétablie », mais « elle se construit en situation à partir de micro-décisions, d’approximations bricolées et d’ajustements ».

Clanet (2001) retient quant à lui la définition suivante de la pratique : « fruit d’une interactivité entre

des dimensions relevant des situations, des sujets et des processus ». Cela rejoint la vision de la pratique pédagogique de Perrenoud (1994), puisque pour ce dernier, l’enseignant doit gérer, à l’aide de ses pratiques pédagogiques, moult dimensions lors du déroulement d’un cours : « la structuration intellectuelle des échanges », « leur progression didactique, vers une découverte ou une synthèse provisoire », « le climat et la dynamique globale du groupe-classe », « les interventions ou conduites individuelles d'une partie des élèves », « les interruptions externes » et « le temps limité dont on dispose avant la prochaine activité ou la récréation» sont ainsi pour Perrenoud tout autant d’éléments, relatifs autant aux situations en elles-mêmes, aux sujets ou encore aux processus, concernant lesquels les pratiques pédagogiques de l’enseignant ont un rôle à jouer.

D’autre part, selon la théorie bourdieusienne, les pratiques trouvent leur origine dans l’habitus des individus, c'est-à-dire dans « ce petit lot de schèmes permettant d'engendrer une infinité de pratiques adaptées à des situations toujours renouvelées, sans jamais se constituer en principes explicites », ou autrement dit dans ce « système de dispositions durables et transposables qui, intégrant toutes les expériences passées, fonctionne à chaque moment comme une matrice de perceptions, d'appréciations et d'actions, et rend possible l'accomplissement de tâches infiniment différenciées, grâce aux transferts analogiques de schèmes permettant de

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résoudre les problèmes de même forme » (Bourdieu, 197283). Aussi Perrenoud (1994) considère-t-il que les pratiques pédagogiques sont elles aussi liées à l’habitus, puisqu’une transformation de ces dernières implique selon lui autant une « transformation de l’habitus », que « la mise à disposition de l'enseignement de nouvelles théories de l'apprentissage ou de nouvelles recettes didactiques ».

En définitive, certaines lignes directrices permettant de mieux caractériser en quoi consiste la pratique pédagogique peuvent être distinguées : même si elle prend au départ appui sur une méthode, la pratique pédagogique se caractérise par sa spontanéité, non pas dans le sens où l’enseignant n’aurait rien préparé avant le déroulement du cours, mais dans le fait que ce dernier l’adapte aux diverses circonstances auxquelles il doit faire face. La pratique se situe en ce sens au cœur d’une interaction entre des situations, des sujets et processus et permet justement de gérer cette interaction. Elle est de surcroît en partie déterminée par l’habitus de l’enseignant.

Si tous les aspects de la pratique pédagogique mentionnés auparavant permettent de mieux préciser ce qu’elle est réellement, nous nous appuierons cependant dans ce travail plus particulièrement sur la définition fournie par Bru (2006), qui décrit la pratique pédagogique comme consistant à « mettre en place un certain nombre de conditions cognitives, matérielles, relationnelles, temporelles auxquelles les élèves sont confrontés ». On relève notamment à travers cette spécification du terme que les pratiques pédagogiques peuvent être relatives à plusieurs dimensions.

Nous appuyant sur l’ensemble de ces éléments, nous définissons pour notre part les pratiques pédagogiques comme représentant toutes les actions mises en œuvre par l’enseignant, de

manière plus ou moins consciente, en vue de faire acquérir des connaissances aux étudiants. Ces actions peuvent être plus ou moins spontanées, au sens où certaines ont fait l’objet au préalable d’une préparation de la part de l’enseignant, comme il en est le cas d’une présentation PowerPoint, tandis que d’autres interviennent au gré du déroulement du cours. Nous considérons par ailleurs, comme le laisse entendre Bru (2006) à travers sa définition, que ces pratiques peuvent être relatives à plusieurs dimensions. De ce fait, nous identifions la façon

qu’al’enseignant de transmettre le cours, sa clarté dans sa manière de le faire, ainsi que son organisation du cours, parmi les dimensions se référant aux conditions cognitives mises en place par l’enseignant et mentionnées par Bru (2006). La façon de transmettre le cours fait référence à la manière dont l’enseignant s’appuie sur des supports en vue de communiquer le cours (lecture de feuilles, dictée du cours …), au rythme du cours ainsi qu’à l’emploi de

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pratiques telles que l’humour, le récit d’anecdotes ou encore l’utilisation d’exemples. Cette dimension se rapproche par certains points de celle liée à la clarté. Cette dernière a trait tout autant aux pratiques destinées à faciliter l’appréhension du cours et la prise de notes par l’étudiant (dictée du cours, reformulation, accent mis sur les points principaux du cours, explicitation des nouveaux termes techniques utilisés…), qu’aux pratiques mises en œuvre pour appuyer les étudiants dans leur travail personnel (explicitation des modalités d’examen, consignes de travail). L’organisation désigne pour sa part la manière dont l’enseignant planifie les séances et articule les savoirs pour les faire acquérir aux étudiants (présentation du but du cours, récapitulatif de ce qui a été vu la fois précédente, gestion du volume horaire, alternance entre cours magistral et travail individuel…). L’organisation du cours est en cela également relative aux conditions temporelles que l’enseignant se doit de mettre en place. Le matériel

utilisé par l’enseignant reprend les conditions pareillement nommées par Bru. Il fait référence aux supports de cours employés par l’enseignant. Enfin, les interactions avec les étudiants et

l’attitude de l’enseignant sont des dimensions que nous prendrons également en considération car elles permettent de se pencher notamment sur l’aspect relationnel évoqué par Bru (2006). Les interactions peuvent être considérées sous plusieurs angles : celui de leur fréquence et celui du motif de ces interactions. Cette dimension a d’ailleurs été particulièrement mise en relief par Clanet (2001), puisque celui-ci s’est penché autant sur les interactions à l’initiative de l’enseignant, que celles à l’initiative de l’étudiant. Enfin, l’attitude constitue sans doute la dimension la plus subjective des pratiques. Elle concerne tout autant la manière qu’a l’enseignant de s’exprimer, que ses déplacements dans l’amphithéâtre ou encore sa conduite corporelle (gestes, mimes).

Le concept de pratiques pédagogiques ayant été défini, il convient à présent de nous pencher sur les descriptions de ces pratiques produites par les chercheurs.

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