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Une formation initiale des doctorants non institutionnalisée au plan national au plan national

à une complexification de leur métier

III.2. Des formations à la pédagogie diverses, souvent inexistantes

III.2.1. Une formation initiale des doctorants non institutionnalisée au plan national au plan national

Il n’existe en France presque aucune formation initiale en matière de pédagogie destinée aux jeunes doctorants désireux de devenir enseignants à l’université. Pourtant, nombre de chercheurs se positionnent en faveur d’une formation pédagogique initiale pour les futurs enseignants. En témoignent le rapport de Dejean (2002), qui préconise que soit généralisée et rendue obligatoire une formation des enseignants à la pédagogie, ou bien encore le rapport de Petit (2002) qui rappelle la nécessité de ne pas négliger la formation pédagogique initiale et continue des enseignants.

Certaines initiatives politiques ont pourtant tenté de remédier à ce manque de formation. Ainsi, en 1989, sous l’impulsion de Lionel Jospin alors Ministre de l’Education Nationale, paraît un nouveau décret dont l’article premier stipule que « les étudiants qui souhaitent se préparer à des fonctions d'enseignant-chercheur bénéficient d'une formation par l'enseignement et la recherche à ces fonctions dans le cadre du monitorat d'initiation à l'enseignement supérieur54». En d’autres termes, il est prévu que les étudiants disposant d’une allocation de recherche et souhaitant devenir enseignants-chercheurs bénéficient, dans le cadre d’un monitorat, d’une formation les préparant à l’enseignement. En conséquence, « afin de s'initier à la pratique pédagogique, les moniteurs doivent assurer, annuellement, soixante quatre heures de travaux dirigés ou quatre-vingt-seize heures de travaux pratiques ou toute combinaison équivalente en premier cycle ou exceptionnellement en second cycle »55. Cette mission est assurée sous la direction d’un enseignant-chercheur titulaire. Outre cette initiation à la pratique, le décret met en place des stages auxquels devront participer les moniteurs : « les moniteurs bénéficient, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'Enseignement supérieur, de stages annuels de formation dispensés dans des centres d'initiation à l'enseignement supérieur »56. Sont de ce fait créés de tels centres, dont le nom est plus couramment abrégé sous la forme de « CIES ». Ces organismes, hébergés dans les locaux universitaires, se voient confier la tâche d’assurer la formation des allocataires moniteurs. Au-delà de la coordination des heures de cours assurées par les « apprentis enseignants » et de l’action des tuteurs, ils doivent également organiser des stages auxquels les moniteurs sont tenus de se rendre au moins dix jours par an, pendant trois ans. Le but de ces

54 Décret n°89-794 du 30 octobre 1989, Art.1er.

55 Décret n°89-794 du 30 octobre 1989 Art.5.

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stages pour ces derniers est à l’origine «d’accroître leurs connaissances, notamment sur les particularités pédagogiques des disciplines57». Mais comme l’explique Peretti (2009) dans un rapport portant sur les CIES, la formation est devenue au fil du temps plutôt « pratique », « destinée à permettre

d’acquérir les compétences et les savoir-faire nécessaires à l’exercice de leurs fonctions d’enseignement ». Simonet (1994), elle, cite sept axes autour desquels s’articule généralement la formation dans les CIES : « la connaissance des groupes et leur gestion », « les techniques d’expression », « les techniques, méthodes et outils

au service de l’enseignant », « la conception d’un cours », « les processus d’apprentissage », « l’évaluation » et enfin « la réflexion sur la pratique du métier ». A travers la création des CIES, on constate donc une volonté d’encourager la formation initiale des doctorants à la pédagogie. L’action de ces organismes a d’ailleurs été reconnue comme à la fois efficace et efficiente et les formations dispensées comme étant de qualité (Peretti, 2009).

Mais ce système s’est aussi vu reconnaître certaines failles. Tout d’abord, seuls les allocataires de recherche ont pu bénéficier de ces formations. Certains doctorants ne souhaitant pas devenir enseignant ont été préparés à ce métier, alors que d’autres ne disposant d’aucun financement n’ont pu accéder à la formation dispensée dans les CIES. De plus, parmi les allocataires de recherche, tous n’ont pas profité de ces formations, cela tantôt en raison d’un nombre de places insuffisant, tantôt à cause d’un manque d’informations sur les formations dispensées. Adangnikou et Paul (2008) estiment au demeurant que seule la moitié des nouveaux Maîtres de Conférences a effectué un passage par ces organismes. Les stages sont par ailleurs vus par certains moniteurs comme une « obligation ennuyeuse » (Bireaud, 1996). Est également évoqué par les chercheurs un manque de précision dans la définition du rôle des tuteurs et donc des actions très variables, pas toujours « favorables à l’apprentissage du métier » (Bireaud, 1996). Enfin, sont déplorées les faibles ressources allouées aux CIES et le manque de personnel expert dans le domaine de la pédagogie (Adangnikou et Paul, 2008).

Mais l’université est une institution en constante mutation. Aussi la formation doctorale est-elle amenée à évoluer dans la seconde moitié des années 2000. A travers l’arrêté du 7 août 2006, sont créées les écoles doctorales telles que nous les connaissons aujourd’hui. Celles-ci « proposent aux doctorants les formations utiles à leur projet de recherche et à leur projet professionnel ainsi que les

formations nécessaires à l’acquisition d’une culture scientifique élargie58

». Ce présent arrêté stipule également que « au cours de leurs parcours de formation doctorale, les doctorants suivent des formations

57 Arrêté du 23 novembre 1990 Art.1er.

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d’accompagnement et participent à des enseignements, séminaires, missions ou stages organisés dans le cadre de l’école doctorale59

».

En 2009, le statut des doctorants est lui-aussi réformé. La Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche évoque le souhait de faire du doctorat « un diplôme phare du système de formation national et européen » (Pécresse, 2008). A travers un nouveau décret, le monitorat est supprimé. Est institué à la place le « contrat doctoral », qui a pour but d’« apporter toutes les garanties sociales d’un

vrai contrat de travail, conforme au droit public60» (Pécresse, 2008). Concernant la formation des doctorants, on peut lire dans ce décret que « l’établissement employeur s’assure que le doctorant

contractuel bénéficie des dispositifs d’encadrement et des formations utiles à l’accomplissement de l’ensemble des

missions qui lui sont confiées. Ces dispositifs de formation sont inscrits dans le plan de formation de

l’établissement employeur61 ». On constate à travers ces quelques mots l’absence totale de notions se référant à la pédagogie. Pourtant, la création des écoles doctorales et le changement de statut des doctorants ont conduit en 2011 à la suppression définitive des CIES. La formation pédagogique initiale des doctorants s’en est alors trouvée fragilisée, cela malgré l’avènement des missions doctorales, dépendantes des universités et chargées de proposer aux doctorants des formations professionnelles.

Certes, les écoles doctorales ont la possibilité d’offrir aux étudiants des formations à la pédagogie. Par exemple, le collège doctoral de l’Université de Toulouse dispense des formations pédagogiques obligatoires aux doctorants contractuels avec mission d’enseignement62. Ces derniers doivent, durant les trois années de préparation de la thèse, assister à six ou sept jours de formation par an. Parmi les objectifs de ces formations figurent entre autres les dimensions suivantes : la pédagogie andragogie universitaire, la construction d’un cours, les TICE63 dans l’enseignement supérieur, ou encore l’innovation pédagogique. Mais le programme dont il est question ici ne touche une fois encore que les bénéficiaires d’un contrat doctoralet n’est mis en place que dans peu d’universités. D’autres écoles doctorales proposent des formations ouvertes

59Arrêté du 7 août 2006 Art.16.

60 Création d’un nouveau « contrat doctoral », Valérie Pécresse, conférence du conseil européen de la recherche : « Le conseil européen de la recherche pour une politique d’excellence : les premiers jeunes lauréats ouvrent la voie », Collège de France, mardi 7 octobre 2008.

61 Décret n°2009-464 du 23 avril 2009, Art.6.

62Durant l’année 2011-2012.

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à l’ensemble des doctorants. Par exemple, la mission doctorale de l’université de Bourgogne, en coordination avec les écoles doctorales, organise depuis plusieurs années une formation à la préparation au métier d’enseignant-chercheur. Le but de ce stage de trois jours, animé par une spécialiste en pédagogie universitaire travaillant au sein du Centre d’Innovation Pédagogique et d’Evaluation des apprentissages (CIPE), est d’enseigner aux futurs universitaires comment planifier, animer et évaluer un cours.

Cependant, ce genre de formation reste optionnel pour les doctorants. Par ailleurs, rares sont les universités à mettre en place un tel type d’offre en la matière. Nombre d’écoles doctorales offrent des formations relatives par exemple aux Technologies de l’Information et de la Communication dans l’Enseignement (TICE), plutôt qu’à la pédagogie universitaire.

Néanmoins, la situation est amenée à évoluer en 2013, puisque dans le cadre d’un projet de refondation de l’école, le Ministre del’Education Nationale Vincent Peillon annonce l’ouverture d’Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education (ESPE). Parmi les différentes missions assignées à ces écoles, il est prévu que les doctorants qui se destinent à l'enseignement supérieur puissent bénéficier de formations les préparant au métier d'enseignant. N’ayant été que très récemment instituées, il est néanmoins difficile de connaître pour le moment les réelles implications des ESPE sur la formation à la pédagogie des doctorants. La création de ces écoles montre toutefois que la formation initiale des doctorants à la pédagogie fait aujourd’hui encore l’objet de débats. Mais la formation continue des enseignants-chercheurs se situe elle aussi au cœur de controverses, comme nous le montrerons dans la partie suivante.

III.2.2. La formation continue des enseignants-chercheurs :

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