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Le modèle procédural repose sur une conception très simple de la communication humaine : la communication humaine est une mise en relation des

interprétations que se font sur leur situation de contact des individus mis en contact par une transformation matérielle. La mise en relation des interprétations peut être faite

directement via la transformation, ce qui implique une co-présence des individus et nous parlerons alors de communication synchrone, ou elle peut être faite a posteriori par un individu ou un observateur, nous parlerons alors de communication asynchrone. La communication apparaît donc fondamentalement comme un point de vue porté sur une situation, ce point de vue pouvant être porté par l'un ou les individu(s) en contact ou par autrui, et non comme une réalité objective du monde. Cette conception rejoint très largement, je l'ai déjà mentionné, l'approche sémio-pragmatique d'Odin. Odin considère son approche comme un modèle de non-communication parce qu'elle s'oppose aux modèles standards de la communication. Il la considère comme une heuristique plutôt que comme un modèle. J'affirme au contraire que cette approche constitue une véritable approche de la communication et qu'il n'y a pas lieu de parler de non-communication. Il est alors souhaitable d'élaborer un modèle pour cette conception, et non seulement des heuristiques. C'est à ce vaste projet que, modestement, s'atèle le modèle procédural. Ce modèle n'est sans doute pas "Le" modèle final dans ce point de vue. Pour en découvrir le domaine de validité et les failles éventuelles, il faudra sans doute l'amender et, en tout état de cause, le mettre à l'épreuve dans des situations de communication autres que celles auxquelles je me suis intéressées parce qu'elles sont cloisonnées à un domaine trop restreint, essentiellement celui de la littérature numérique.

Notons que dans le modèle, la communication met en contact des individus

différents et non un individu avec lui-même. Cette dernière situation serait du ressort de

la psychologie.

Le contact peut être instrumenté ou non, il peut être synchrone ou asynchrone. Lorsque le contact est instrumenté, il est établi par un appareillage technologique qui transforme une matière d'œuvre d'entrée fournie par un individu ou un groupe en une

matière d'œuvre de sortie recueillie par un autre individu ou groupe. Lorsqu'il n'est pas instrumenté, la mise en contact passe par un canal naturel comme l'air. La communication est alors nécessairement synchrone, c'est-à-dire qu'elle nécessite la coprésence des individus en communication. Un contact instrumenté peut, lui, être asynchrone. Dans ce cas, les individus sont en contact avec une production, un artefact humain.

Le contact constitue la dimension matérielle de la situation de communication. Elle est inscrite dans un monde qui obéit aux lois de la physique. Elle est donc, de ce point de vue, le siège de signaux physiques et de composants matériels ou énergétiques29. L'interprétation, nous l'avons vu, introduit un autre niveau, spécifiquement humain30.

Ainsi donc, bien que très basique, la conception de la communication mise en œuvre obéit bien à l'axiome 2. Elle distingue fondamentalement ce qui relève du monde physique de ce qui relève du monde psychologique, elle établit d'emblée une distinction très nette entre signe et signal, les positionnant en dimensions complémentaires dans la communication.

On peut alors schématiser comme suit les relations disciplinaires qui fondent le modèle procédural :

communication

technologie

sémiotique

psychologie

Figure 20 : relations disciplinaires dans le modèle procédural

29 mais chacun sait que depuis Einstein, matière et énergie sont une seule et même entité 30

VI

Les concepts communicationnels

J'aborderai la situation de communication comme un système selon la seconde systémique, celle de Simon (1991), Le Moigne (1990, 1999) et Morin (1992). Le système sera donc défini par un point de vue de modélisateur, décomposable en sous- systèmes en interactions. Le système de la situation complète, tout comme les sous- systèmes qui le composent, possède une structure matérielle, une organisation et un fonctionnement technique. Dans le schéma fonctionnel du système complet, les sous- systèmes apparaissent comme des "boîtes noires" qui transforment une matière d'œuvre d'entrée en une matière d'œuvre de sortie. L'optique systémique met l'accent sur la transformation et non la transmission. Il s'éloigne donc par nature du modèle de Shannon (1948) qui relève, lui, de la première systémique.

VI. 1 L'axe communicationnel

Introduisons les concepts communicationnels du modèle à partir de quelques exemples de situations de communication :

- situation 1 : une réunion de concertation entre les "partenaires sociaux" regroupant patronat et syndicats.

- situation 2 : soirée entre amis au café autour d'une bonne bière.

- situation 3 : communication entre une équipe de réalisation et les spectateurs d'un film via la projection du film.

- situation 4 : lecture de la version éditée par Gallimard du coup de dé de Mallarmé.

- situation 5 : je suis serré au garde à vous contre mes voisins à 8h du matin sur la ligne 13 du métro parisien. Quelqu'un monte avec une forte odeur de sueur. Je me retourne alors pour orienter ma cloison nasale à l'opposé de cette personne.