• Aucun résultat trouvé

4.1 2 Expression d'un point de vue directement par la profondeur de

Il s'agit ici d'un calcul purement sémiotique. Il consiste simplement à se demander ce que devient l'interprétation d'un texte ou d'un espace signifiant si on change de profondeur de dispositif. Nous avons indiqué que plusieurs profondeurs de dispositif peuvent en général s'exprimer à propos d'un fait sémiotique, c'est bien sûr également vrai dans la dimension interprétative du modèle procédural. Dans cette technique, on ne touche pas au schéma de la situation construit pas le modélisateur. Cette technique, analytique, est utile lorsque la seconde, qui modifie le schéma, n'atteint pas le point de vue.

VII.4.1. 3 Point de vue dans un schéma

Comme le modèle est graphique, la principale technique pour représenter un point de vue est de modifier le graphique de la situation. Ce calcul graphique, qui peut être opéré algorithmiquement et de façon systématique32, porte le nom de "point de vue dans un schéma". Il ne s'agit pas, ici, de schématiser le point de vue décrit ainsi que le ferait un modélisateur ayant ce point de vue, ce serait une entreprise illusoire car le point de vue considéré est étranger au modélisateur qui utilise le modèle procédural et il lui est donc impossible de le rendre dans toute sa finesse (point de vue du tiers inclus). Il s'agit simplement de décrire la façon dont ce point de vue pondère les informations du schéma de modélisation. Lorsque le point de vue ne pondère pas ces informations et n'intervient donc pas au niveau de la description fonctionnelle, on utilise la méthode analytique précédemment décrite.

Toutes les informations sur la situation données dans le modèle sont déjà catégorisées et pondérées par le modélisateur. Elles sont catégorisées en dimensions (matérielle, psychologique, sémiotique) et classes (rôles, appareillages, axes communicationnels, textes, espaces signifiants, documents, matières d'œuvres…). Elles sont également pondérées : les plus importantes selon le point de vue du modélisateur constituent le dispositif principal (ou l'ensemble d'axes sur lesquels s'appuie la description lorsqu'aucun axe communicationnel principal n'a été défini), les données moins importantes sont traitées à l'intérieur des sous-systèmes (rôles, appareillages).

Décrire un point de vue peut se faire graphiquement de deux façons :

- déplacer un composant dans le schéma du dispositif sans modifier les liaisons dans le schéma. C'est-à-dire changer les catégories. Par exemple, un élément d'un sous-système est remonté au niveau du dispositif principal ; un élément d'un rôle passe dans l'appareillage… On peut également déplacer la frontière d'un domaine. Par exemple, les auteurs (et aussi les lecteurs) considèrent souvent que le source a un rapport causal avec le transitoire observable. Ce point de vue peut être schématisé en considérant que le domaine de l'auteur s'étend jusqu'au transitoire observable. On note donc que ces opérations peuvent correspondre à des schémas illicites dans le modèle :

32 C'est de cette façon qu'à été prédite des éléments de l'interprétation des générateurs automatiques balpiens par un acteur qui les performe régulièrement avant que cette situation ne soit observée.

un acteur peut intégrer l'appareillage, un domaine peut s'étendre sur une zone d'action indirecte, voire totalement inatteignable, etc.. La schématisation d'un point de vue utilise les mêmes règles de normalisation que le schéma du modèle pour décrire, non une situation, mais une interprétation de la situation33 ; c'est-à-dire une composante de la profondeur de dispositif. - pondérer différemment une information, mais sans en modifier la catégorie.

Par exemple, accorder plus de place que ne le fait l'analyste à un rôle, le considérer comme privilégié. Cela se fait en portant le schéma de cette information en gras (ce procédé graphique a été dénommé règle gG dans la thèse). Ou, on contraire, ne pas prendre en compte un élément de la description. Par exemple "oublier" tout le dispositif éditorial et considérer qu'on "lit le livre de l'écrivain". Un tel point de vue est simplement schématisé en supprimant purement et simplement l'information correspondante dans le schéma (ici l'appareillage) et en la remplaçant par un simple trait. C'est la règle dite de "réduction au trait".

En revanche, on évitera de rajouter un élément au schéma. En effet, vouloir rajouter un élément peut relever de deux situations de modélisation :

- soit l'élément à ajouter est un élément normalisé du modèle (rôle, appareillage…). Dans ce cas, puisque le modélisateur en a connaissance, pourquoi ne pas le prendre en compte dès l'opération de modélisation ? - soit l'élément à ajouter n'est pas un élément normalisé du modèle, et dans ce

cas le schéma obtenu n'étant pas normalisé, le modélisateur ne peut plus faire aucune comparaison avec les autres points de vue. Il vaut mieux, dans ce cas, passer par la méthode analytique.

VII. 5 Appareillage et media

On pourrait être tenté de considérer l'appareillage du dispositif principal d'une communication intentionnelle, soit comme un canal (exemples 1 et 2), soit comme un média (exemples 3 et 4). Il convient pourtant de rester prudent. L'utilisation de ces

33 On se souvient que la description de la situation par le modélisateur est elle-même un point de vue portée sur la situation de communication. Elle peut donc également être apparaître comme un point de vue dans un schéma chez un autre modélisateur.

concepts relève d'un point de vue qui reflète une certaine profondeur de dispositif. Canal et media sont relatifs à un transport de l'information, c'est-à-dire qu'ils mettent l'accent sur ce qui relève du même aux deux extrémités du transport, alors que l'appareillage met l'accent sur la transformation, ce qui est le point de vue exactement inverse. Par ailleurs, parler d'un transport d'information implique que cette information soit un donné, au moins pour le pôle qui la reçoit, c'est-à-dire, dans le modèle procédural, pour le rôle lecteur. Or le modèle procédural nie l'existence d'un tel donné : l'information, pour un sujet humain, prend la forme d'un texte sémiotique ; elle est donc toujours de l'ordre d'un construit.

Le modèle procédural inverse donc la question fondamentale des théories du canal ou des media qui est celle du bruit. Dans ces approches, tout ce qui relève de la différence est traité comme un bruit. Le bruit est supposé négligeable et détectable (c'est le rôle de la redondance dans la théorie de Shannon) de façon à ce que le récepteur puisse réorganiser l'information en le supprimant dans son processus d'interprétation. Dans le modèle procédural, le bruit relève uniquement du fonctionnement technique ; il n'existe pas au niveau du texte. On ne peut pas qualifier une décision sémiotique de "bruitée". Bien sûr, le rôle lecteur peut avoir pour intentionnalité de retrouver dans le texte-à-voir qu'il actualise le texte-à-voir imaginé par le rôle auteur et considérer, alors, que ce qui s'éloigne de ce qu'il imagine, lui, de la nature de ce texte-à-voir imaginé constitue un bruit. Mais il s'agit, là encore, d'une construction interprétative qui nie le gap sémiotique et dont jouent d'ailleurs parfois les artistes numériques en créant du "faux" bruit. Ainsi donc, dans le modèle procédural, le bruit informationnel est un construit interprétatif et non un donné physique.

Finalement, considérer l'appareillage comme un canal ou un média suppose que soient réalisées les conditions qui limitent, et si possible annulent, le gap sémiotique, ce qui est loin d'être le cas général. On peut, à l'inverse, considérer que le modèle procédural fournit un domaine de validité aux concepts de canal et de média.

VIII Quelques exemples

Il peut être utile, à ce stade, de faire jouer ces concepts dans la description de quelques situations réelles. J'en considèrerai trois, relatives à des domaines très

différents et non numériques. Nous aurons tout le loisir, au chapitre suivant, de traiter la mise en œuvre du modèle dans le domaine numérique.

Nous n'allons pas analyser directement des situations de communication, mais des commentaires décrivant des situations. Autrement dit, nous allons mettre en œuvre le modèle procédural pour faire une étude d'un texte considéré dans le modèle comme un discours second relatant la situation de communication qui en constitue le référent. L'application du modèle à des études de textes permet d'expliciter les détails des points de vue qui s'expriment et, surtout, de les comparer, ce qui constitue un des objectifs principaux du modèle.

VIII. 1 Altercation entre Ravel et Toscanini