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Mobilité, nomadisme, habitation

Dans le document Eléments vers une éthique de l'habitation (Page 165-171)

Loin de notre propos donc d’affirmer qu’une dialogique régénérante puisse être à l’oeuvre entre enracinement et déracinement, ce dernier ne semblant pas véritablement pouvoir prendre place dans notre analyse sur l’habiter. Mais comment témoigner alors du fait que, quand même, l’homme n’est pas une plante, et que pas plus «  la maison n’enracine l’être séparé dans un terroir pour le laisser en communication végétale avec les éléments  »   ! D’autant que «  la maison est un centre, certes, mais qui peut se 564

déplacer et, surtout, qui est en contacts permanents avec les différentes échelles du monde (…) Je peux refaire ma maison un peu plus loin, lorsque la première a été détruite ou que j’ai dû la quitter » . Envisageons ainsi, comme invite à le faire Xavier 565

Guillot, l’enracinement en lien avec la mobilité :

« Dans un contexte où les modes de vie dit urbains se sont répandus à l’ensemble des sociétés (du moins dans les pays industrialisés) et où les médias de communication introduisent le monde entier dans chaque

Extrait du texte d’Otto Bartning, organisateur et animateur du colloque, formant le préambule au colloque

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Mensch und Raum de 1951 durant lequel fut prononcée la conférence Bauen, Wohnen, Denken, de Martin Heidegger ; Cf. ORTEGA Y GASSET, Le mythe de l’homme derrière la technique, op. cit.

« Et que dire alors, si le déracinement (Heimatlosigkeit) de l’homme consistait en ceci que, d’aucune manière, il

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ne considère encore la véritable crise de l’habitation comme étant la crise (Not)  ? Dès que l’homme, toutefois, considère le déracinement, celui-ci déjà n’est plus une misère (Elend). Justement considéré et bien retenu, il est le seul appel qui invite les mortels à habiter  » HEIDEGGER, Martin, «  Bâtir, habiter, penser  », in Essais et Conférence, op. cit., p.193.

LEVINAS, Emmanuel, Totalité et infini, op. cit., p.167.

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BESSE, Jean-Marc, Habiter, op. cit., p.221. 565

domicile, ces oppositions ont perdu de leur valeur structurante (…) Il faut déconstruire la dichotomie usuelle entre mobilité et ancrage, penser l’une avec l’autre »566

Etudions tout d’abord l’affirmation suivante  : «  La maison de famille est plus que le bâtiment du même nom : elle est une puissance de filiation et d’enracinement. C’est là que sont nos racines, dit-on parfois en parlant de ces maisons auxquelles nous sommes très fortement attachés  » . Que signifie ici la phrase «  c’est là que sont nos 567

racines  »  ? Elle ne signifie pas que nos racines sont avec nous, sous notre corps. Elle signifie que l’homme est capable d’avoir des racines qui sont extérieures à lui, et qu’il dépose, ici et là, au cours de son existence. Mes racines sont dans les lieux de mon enfance, elles y sont vraiment, pourtant, cela ne m’a pas empêché de me mouvoir, de partir de ces lieux - ce qui est un peu différent du déracinement : rien ni personne n’a en effet arraché ces racines qui sont toujours miennes et sont toujours là où elles se sont installées. Pour les déraciner, que faudrait-il  ? Peut-être s’agirait-il premièrement de destruction : détruire les lieux qui ont hébergé leurs installations serait, sans nul doute, détruire ces racines, les « arracher » de leur milieu de vie nourricier. Car déracinement de l’individu n’est pas déplacement de l’individu. L’humain par essence est capable, par différence de la plante végétale, de vivre dans un lieu différent de ses racines. En partant au travail le matin, je laisse bien mes « racines » à la maison, et elles y resteront vivantes jusqu’à ce que j’y retourne le soir ! Evidemment, nous pouvons aussi faire mourir nos racines si nous ne les abreuvons pas de cette énergie vitale dont elles ont besoin pour survivre – au moins de temps à autre : notre présence effective, ou, tout du moins, notre affection projetée, notre mémoire, nos souvenirs dirigés vers elles, notre attention portée à leur égard, fut-ce à distance…


Michel Lussault le rappelle, «  si l’on considère en général, à juste raison, que l’habitat humain est fondé sur la résidence, point de la sédentarisation, se déploie à partir d’elle et « informé » par elle, il existe toutefois des habitats sans « logis » fixes : celui des sans domiciles par exemple, ou des nomades »568. A sa suite, nous voudrions désormais souligner à quel point tous, sédentaires et résidents, sont des êtres en mouvements permanents. Il n’est nul besoin de dormir dans la rue ou de vivre en nomade complet pour vivre au quotidien la nécessité humaine de se mouvoir - et, simultanément, d’avoir nos racines «  quelque part  ». C’est à cette quotidienneté que nous souhaitons ici nous référer, par cette capacité humaine de se mouvoir tout en restant enraciné que nous voulons mettre en lumière la capacité de l’homme à habiter

les lieux : comment en effet envisager sans cela la possibilité d’habiter un chez-soi ? S’il

fallait nous déraciner à chaque fois que nous passons le seuil de notre porte, nous n’irions en réalité pas bien loin, ou au contraire, nous n’habiterions pas gran’chez-soi… 


GUILLOT, Xavier, «  Habiter les flux de la mondialisation  », in LUSSAULT, Michel, YOUNES, Chris,

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PAQUOT, Thierry, Habiter, le propre de l’humain, op. cit., p.210-211.

TIBERGHIEN, Gilles, «  Une poétique de la cabane  », in BERQUE, Augustin, BONNIN, Philippe, DE

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BIASE, Alessia, L’habiter dans sa poétique première, op. cit., p.87-88.

LUSSAULT, Michel, «  Habiter, du lieu au monde. Réflexions géographiques sur l’habitat humain  », in

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Dit en synthèse avec Christophe Pecqueur, «  l’habitation repose sur une dialectique de l’enracinement et de l’exil, de la demeure et de l’errance » . C’est en ces 569

termes qu’il faut penser l’habitation humaine et ses mobilités fondamentales, plutôt qu’en termes d’enracinement et de déracinement. De la même façon que « la mobilité devient simple fragilité lorsqu’elle ne permet plus la possibilité de l’immobilité  » , 570

l’immobilité serait extrêmement fragile si elle ne permettait le développement d’aucune mobilité  ! La géographie contemporaine n’a pas manqué de relever cette mobilité fondamentalement à l’oeuvre chez l’être humain, Mathis Stock notamment : « si nous n’appréhendons pas l’habitant comme étant fondamentalement temporaire et mobile, nous passons à côté des caractéristiques essentielles de l’habiter contemporain » . 
571

Figures de mobilités

Les études sur les formes de nomadismes de l’occident ont été nombreuses ces dernières années. Nous situons leurs origines dans l’Anthropologie de l’habiter de Radkowski - et 572

noterons à ce propos aussi qu’Anders, en amont encore, situait lui aussi le nomadisme comme un enjeu sociétal majeur, de la première importance .
573

L’errant tout d’abord, le vagabond, ou l’itinérant sont de simples voyageurs pédestres. Tout comme le flâneur de Benjamin, ils n’ont visiblement aucune destination finale, le voyage constituant pour eux la destination elle-même ; mais à la différence 574

de ce flâneur urbain, ils sont généralement pensés et décrits comme des promeneurs plus champêtres ou sauvages575. Figures emblématiques, exacerbés de la mobilité comme mode de vie, ils illustrent par l’extrême des aspects présents en chacun, au quotidien - sous des formes certes plus discrètes, mais néanmoins effectives et structurantes. De l’errance entre deux rayons de livres en bibliothèque ou entre le jambon et la mimolette en supermarché, l’itinérance à travers champs ou le long des Champs Elysées, ou du vagabondage sentimental ou professionnel - ces formes de mobilités accompagnent nos existences sédentaires.


L’émigré, qui deviendra par la suite un immigré, est une personne dans une situation absolument différente de ces promeneurs romantiques ou aventureux que nous venons d’introduire. Généralement contraints et forcés, les migrants traversent les

« Le modèle théorique que nous propose la Théorie de la Médiation nous a permis de conceptualiser l’habiter

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comme objet d’étude sociologique, à savoir que l’habitation (processus rationnel) reposerait sur une dialectique de l’enracinement et de l’exil, de la demeure et de l’errance ». PECQUEUR, Christophe, « les difficultés à habiter, approche anthropologique et clinique de l’habiter », op. cit., p.357.

BEGOUT, Bruce, Lieu commun, op. cit., p.73.

570

STOCK, Mathis « Théorie de l’habiter. Questionnements », in Habiter, le propre de l’humain, op. cit., p.109.

571

RADKOWSKI, Hubert, Anthropologie de l’habiter, op. cit. 572

Voir ANDERS, Günther, « Les seconds nomades », in Stenogrammes philosophiques (1965), op.cit., p.88-91. 573

«  Qu’il soit en mer ou sur terre, l’itinérant n’a pas de destination finale, car quel que soit l’endroit où il se

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trouve, et tant que la vie, continue, il peut toujours aller plus loin » INGOLD, Tim, cité par BESSE, Jean-Marc, Habiter, op.cit., p.214

« Comment le vagabond habiterait-il entre les murs d’une ville ? Pourrait-il en supporter les effluves, lui qui

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ne connaît que le parfum des humus ? Est-il seulement capable de survivre sous la cloche de verre des cités de pierre ? » TESSON, Sylvain, Petit traité sur l’immensité du monde, Paris, Equateurs, 2005, p.103

frontières pour fuir la dictature, la misère ou la famine, la guerre, ou la maladie. Ils constituent généralement un ensemble de déracinés, traversant des existences auxquelles justement, ont été arrachés des racines, des héritages, humains ou spatiaux, symboliques ou parfois concrets  : corporels, familiaux, etc. Nous l’avons vu, Anders était sans nul doute l’un d’entre ces migrants, par de multiples aspects.


Et de toutes ces catégories finalement se détache encore le nomade, au sens traditionnel du terme. « Le nomade ne se définit pas d’abord comme itinérant ni comme transhumant, ni comme migrant (…) le nomade n’est pas du tout le migrant »576. Il est l’habitant d’un monde topologiquement différent de nos sociétés occidentales. Basé sur des calendarités et des cardinalités autres, son rythme de vie s’établit dans des spatialités différentes, et selon des principes si fondamentalement différents de nos sociétés que nous ne pourrons être qu’extrêmement bref à son égard, sous peine de nous égarer de nos considérations initiales, et nous perdre dans des descriptions, analyses et explications trop aventureuses et incertaines.


Le nomade et les mécanismes habitationnels

C’est la grande force des écrits de Deleuze et Guattari que d’avoir réussi à entrelacer pour le nomadisme un développement théorique basé sur des exemples concrets, ne tombant jamais dans la simplicité d’une résolution (le nomade et le sédentaire sont similaires / le nomadisme et le mode de vie sédentaire n’ont aucun rapport), mais articulant dans la complexité les différents points réglant les aspects de l’un et de l’autre. En effet, bien que l’homme sédentaire et l’homme nomade vivent bien dans des paradigmes différenciés, ils n’en restent pas moins, l’un et l’autre, les habitants humains d’un écoumène, et sont donc, l’un et l’autre, soumis à ces mêmes mécanismes habitationnels que nous cherchons ici à mettre en lumière. Illustrons cette proposition des écrits de Deleuze et Guattari.


Les penseurs l’affirment tout d’abord, le nomade n’est pas le mouvant, mais l’habitant «  tenant  » un territoire tout entier  :  «  l’espace sédentaire est strié, par des murs, des clôtures et des chemins entre les clôtures, tandis que l’espace nomade est lisse, seulement marqué par des « traits » qui s’effacent et se déplacent avec le trajet (…) Le nomade se distribue dans un espace lisse, il occupe, il habite, il tient cet espace, et c’est là son principe territorial. Aussi est-il faux de définir le nomade par le mouvement » . 577

En effet, le nomade suit des trajets coutumiers, ponctués par des points absolument fixes, des repères structurants sans évolutions, bref, s’il se déplace, c’est tout d’abord au sein d’un territoire, d’un espace constant . Et, en ce sens, il n’est donc pas 578

véritablement définissable par le mouvement, pas plus en tout cas que les commuters qui naviguent pendant parfois plusieurs heures par jour entre leurs banlieues et leurs lieux

DELEUZE, Gilles, GUATTARI, Félix, Mille Plateaux, op.cit., p.510, p.471.

576

Idem, p.472.

577

Idem, p.471.

de travail… A l’échelle sociétale pas plus, les sociétés sédentaires n’ont-elles représenté, jamais, des espaces absolument fixes, stables et immobiles. Pour envisager très brièvement cet aspect, nous pourrions voir avec John Brinckerhoff Jackson le fait qu’historiquement, la mobilité entendue à l’échelle sociétale est une caractéristique traditionnelle des sociétés occidentales elles-mêmes :

« Dans son étude sur l’histoire de l’habitat mobile en Amérique du Nord, John Brinckerhoff Jackson a montré en quoi le rapport mobile et éphémère à l’espace et au temps de l’habiter était une caractéristique ancienne de l’habitat vernaculaire et populaire sous ses différentes formes. Le principe d’immobilité n’est qu’une des formules possibles de l’habiter, et il doit en ce sens être relativisé aussi bien sur le plan de l’histoire que sur celui de l’anthropologie. Ainsi, de nombreuses sources médiévales «  évoquent des habitations que l’on transporte sur le lieu d’un nouveau travail, ou sur une parcelle inoccupée. Des villages entiers se déplaçaient quand le sol était épuisé ou quand l’ennemi menaçait d’attaquer (…)  je crois qu’elle a toujours offert, bien que pour un court moment seulement, un type de liberté que nous sous-estimons souvent  : la liberté par rapport à des liens affectifs pesants avec l’environnement, par rapport aux responsabilités de la communauté, par rapport à la tyrannie du foyer traditionnel et de ses possessions ; par rapport à la soumission à un carcan social ; et par-dessus tout, la liberté de déménager encore » » .
579

Et Deleuze et Guattari le rappellent, similairement eux aussi, «  il est vraisemblable que les sociétés primitives ont entretenu «  dès le début  » des rapports lointains les unes avec les autres, et pas seulement de proche en proche » . 
580

Ni le nomade ni le sédentaire donc ne sont très différents des mouvants

immobiles. A peine les temporalités de déplacements seules changent-elles. Car, si le

nomade quitte les lieux qu’il habite temporairement, ce n’est que pour mieux y revenir par la suite, quand la saison sera revenue, ou que les baies auront bourgeonné, ou que les troupeaux pourront y paître. De même que tout point lui permet de rester mais n’est considéré que temporairement, tout départ n’est jamais définitif, et le voyage n’est qu’une impermanence cyclique, en attendant un retour à venir «  Aussi est-il faux de définir le nomade par le mouvement. Toynbee a profondément raison de suggérer que le nomade est plutôt celui qui ne bouge pas » 581. Pour le dire dans les termes de notre étude  : lui aussi a ses racines, est un être enraciné, et ne s’éloigne finalement de ces racines qu’à l’occasion, et pour y revenir, nécessairement, un jour ou l’autre. 


Le nomade et le sédentaire vivent dans des spatialités différentes

Toutefois, dans l’espace nomade, la mobilité n’est certes pas envisagée du point de vue sédentaire. Les voies notamment, n’y sont pas polis, structurantes des règles étatiques, de l’ordre en place, bref, l’espace du nomade n’est pas strié comme peut l’être

JACKSON, John Brinckerhoff, A la découverte du paysage vernaculaire, Arles et Versailles, Actes Sud et Ecole

579

nationale supérieure du paysage, 2003, p.200, cité par BESSE, Jean-Marc, Habiter, op.cit., p.210-211. DELEUZE, Gilles, GUATTARI, Félix, Mille Plateaux, op.cit., p.535.

580

Idem, p.472

celui du sédentaire . Qui a déjà joué au go sent la pertinence de l’allégorie entre échecs 582

et go, utilisée pour manifester la différence fondamentale de paradigme entre nomos et

polis . Et « le trajet nomade a beau suivre des pistes ou des chemins coutumiers, il n’a 583

pas la fonction du chemin sédentaire qui est de distribuer aux hommes un espace fermé, en assignant à chacun sa part, et en réglant la communication des parts. Le trajet nomade fait le contraire, il distribue les hommes (ou les bêtes) dans un espace ouvert, indéfini, non communicant » . C’est que l’Etat est bien une forme incompatible, tant 584

avec l’espace lisse qu’avec les trajets nomades. Deleuze et Guattari :

« On sait les problèmes que les Etats ont toujours eu avec les « compagnonnages », les corps nomades, ou itinérants du type maçons, charpentiers, forgerons, etc. Fixer, sédentariser la force de travail, régler le mouvement du flux de travail, lui assigner des canaux et conduits (…) ce fut toujours une des affaires principales de l’Etat, qui se proposait à la fois de vaincre un vagabondage de bande, et un nomadisme de

corps. Si nous revenons à l’exemple gothique, c’est pour rappeler combien les compagnons voyageaient,

faisant des cathédrales ici et là, essaimant les chantiers, disposant d’une puissance active et passive (mobilité et grève) qui ne convenait certes pas aux Etats. La riposte de l’Etat, c’est gérer les chantiers, faire passer dans toutes les divisions du travail la distinction suprême de l’intellectuel et du manuel, du théorique et du pratique, copiée sur la différence « gouvernants-gouvernés » »585.


De cet Etat souverain, législatif, et historique, il nous faut retenir la force de coercition et de normativité. Cherchant à structurer et rassembler, l’Etat déstructure et ré-assemble, décompose et recompose autour de ses propres hiérarchies et systèmes. Il applique le même processus de striage à l’humain qu’il gouverne qu’à l’espace qu’il met au service de son pouvoir. Dans ce contexte, c’est l’Histoire, non seulement en tant que science et discipline, mais aussi en terme de mythe, de récit sociétal, qui ne peut plus avoir de sens dans le paradigme nomade. Qu’est la vie du nomade, si ce n’est un « intermezzo »586 ? Il n’y a pas d’histoire du nomade et ne peut en exister, « les nomades n’ont pas d’histoire, il n’ont qu’une géographie »587 ; à l’inverse, nous argumenterions sans peine que, nous sédentaires, n’avons jamais eu autant d’histoire et aussi peu de géographie…


Ainsi la Nomadologie de Deleuze et Guattari, à laquelle il a fréquemment été fait référence dans les textes traitant de la question de l’habiter et de la mobilité contemporains, n’est aucunement un jeu de mot et encore moins un néologisme pour appeler à une analyse du nomadisme comme forme de mobilité. Ce terme désigne l’opposition structurelle entre historicité et nomadisme ; en lui, Mille Plateaux désigne la possibilité d’une réconciliation (sûrement impossible) entre histoire et nomadisme  : « on écrit l’histoire, mais on l’a toujours écrite du point du vue des sédentaires, et au

« Une des tâches fondamentales de l’Etat, c’est de strier l’espace sur lequel il règne, ou de se servir des espaces

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lisses comme d’un moyen de communication au service d’un espace strié. Non seulement vaincre le nomadisme, mais contrôler les migrations (…) D’où l’importance de la thèse de Paul Virilio, quand il montre que « le pouvoir politique de l’Etat est polis, police, c’est-à-dire voirie » » Idem, p.479.

Idem, p.437. 583 Idem, p.471-472. 584 Idem, p.456. 585 Idem, p.471. 586 Idem, p.490. 587

nom d’un appareil unitaire d’Etat (…). Ce qui manque c’est une Nomadologie, le contraire d’une histoire (…) Jamais l’histoire n’a compris le nomadisme, jamais le livre n’a compris le dehors »588. 


En synthèse donc : nous avons tenté de le montrer, les paradigmes sédentaires (Etat, Histoire, Polis et Espace Strié) sont résolument différents et incompatibles avec les paradigmes nomades (Intermezzo, Nomos, Espace Lisse et Ouvert) ; mais les habitants de l’un et l’autre paradigme possèdent et déployent des structures habitantes similaires, qui confirment nos propositions : l’un et l’autre sont des mouvants immobiles,

des nomades du même territoire, des enracinés mobiles. Clôturons en ces termes nos

considérations sur le nomadisme pour envisager finalement la conséquence inévitable de ces démonstrations : l’homme est un être polytopique. 


Dans le document Eléments vers une éthique de l'habitation (Page 165-171)