• Aucun résultat trouvé

Méthodologie de découpage du discours

3.4.2. Méthodologie d’analyse des représentations schématiques

graphiques. Nous mettons également la grille d’analyse des entretiens que nous avons construite (§ 3.4.1) en relation avec ce qui a été dessiné dans les représentations schématiques pour en dégager des indicateurs d’analyse communs à ces deux types de données.

Les représentations schématiques que nous avons demandées à l’enseignant de réaliser peuvent être mises en relation avec d’autres outils, notamment les cartes conceptuelles24, les cartes cognitives25 ou les cartes mentales26. Afin d’analyser les représentations schématiques, nous nous appuyons sur quelques critères utilisés plus particulièrement dans le cadre de l’analyse des cartes cognitives parce que ces critères nous semblent plus aptes à pouvoir être transposés et utilisés pour l’analyse des représentations schématiques. Notons que, dans notre étude, la spécificité des représentations schématiques tient à l’absence d’intermédiaire entre le constructeur du schéma et l’acteur qu’on questionne. En effet, les représentations schématiques sont réalisées par l’enseignant lui-même ; c’est donc l’enseignant qui a tout librement fait le dessin, et c’est à la charge du chercheur d’interpréter ce que l’enseignant a tracé dans son schéma. En revanche, la carte cognitive est construite par le chercheur à partir des informations obtenues auprès de l’acteur, il s’agit donc d’un outil de modélisation du discours de l’acteur élaboré par le chercheur. Cependant cette distinction, qui nous semble importante à clarifier dès le début, ne nous empêche pas d’appliquer ou de transposer quelques critères d’analyse de la carte cognitive aux représentations schématiques.

Plus concrètement, la carte cognitive est une représentation graphique comprenant deux éléments de base : des nœuds et des flèches reliant ces nœuds. Les nœuds sont les concepts évoqués par le sujet alors que les flèches représentent des liens unissant certains concepts. Les liens peuvent être des liens dits de causalité (A cause B), de similarité/ressemblance (A est similaire/ressemblant à B), d’influence (A a une influence sur B), d’inclusion (A est inclus dans B), de proximité (A est proche de B), de catégorie (A est une catégorie de B), de

continuité (A est la continuité de B), d’implication (A implique B), d’équivalence (A est

équivalent à B) et d’exemple (A est un exemple de B) (Gendre-Aegerter, 2008). Par ailleurs, les analyses des cartes cognitives peuvent être quantitatives et qualitatives. Différents niveaux peuvent être appréhendés : le choix et le nombre de concepts dans un schéma ; la validité des concepts et la pertinence par rapport au sujet ; la cohérence des relations établies entre les concepts ; et le niveau de complexité entre les relations (nombre de connexion, nombre de niveaux hiérarchiques) (Lourdel, 2005). La carte cognitive rend également possible une

24 Une carte conceptuelle est une représentation graphique d’un champ du savoir, d’un ensemble de connaissances tel que perçu par un ou plusieurs individus. Elle se compose de concepts et de liens entre concepts. La technique de la carte conceptuelle a été mise au point par Novak et son équipe pour étudier les changements que l’on peut observer, chez des étudiants, dans leur compréhension de concepts scientifiques (Novak, 1990).

25 Une carte cognitive est une figure tracée par un chercheur pour représenter les affirmations d’un sujet. Elle se compose de deux éléments : des concepts, le plus souvent des variables, et des liens, généralement dits de causalité, unissant certains d’entre eux (Cossette, 1994). En sciences de l’administration, l’intérêt suscité par le concept de carte cognitive est en pleine croissance.

26

Encore appelée carte heuristique, la carte mentale est une représentation graphique des idées connectées à un thème central et organisées de manière radiale autour de celui-ci. Elle est composée de branches reliées à un nœud central (le thème central). Chaque branche correspond à une idée, un élément de la pensée. Le concept de carte mentale ou mind mapping a été créé par Buzan (1974). A l’inverse d’une carte conceptuelle, une carte mentale consiste le plus souvent en une représentation arborescente de données.

analyse topographique (Cossette, 2003) qui correspond à l’étude de la structure formée par les liens existants entre les concepts. Cossette (ibidem) propose d’analyser principalement quatre aspects de la topographie d’une carte cognitive :

- l’importance relative de chaque concept : elle est mesurée à partir du nombre d’autres concepts qui lui sont directement ou indirectement liés. Plus un concept a de liens avec les autres, plus il est central et par conséquent plus il est considéré comme important ;

- les facteurs influencés et les facteurs influençant : certains facteurs tendent à être fortement considérés comme des facteurs sur lesquels plusieurs autres exercent directement une influence. En d’autres mots, de tels concepts se présentent d’abord comme des conséquences ou de résultats plutôt que comme des explications. Par ailleurs, d’autres facteurs tendent à être considérés principalement comme des facteurs exerçant une influence directe sur plusieurs autres facteurs ;

- le regroupement des concepts : il est effectué sur la base de la similitude des liens. Chaque groupe est composé de concepts fortement reliés entre eux, mais faiblement reliés aux autres ensembles de concepts. Dans ce cas, l’analyse ne tient compte que des liens directs entre les variables, indépendamment de leur direction ;

- les boucles : il s’agit d’une relation circulaire entre plusieurs concepts. Au-delà des relations d’influence directes, les concepts et les liens forment parfois des sentiers, c’est-à-dire des chemins reliant un concept à un autre en passant par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs autres concepts. Un sentier va créer un cycle ou une boucle lorsque le concept final est relié au concept initial, c’est-à-dire lorsqu’un facteur exerce, de façon indirecte, une influence sur lui-même.

En nous basant sur ces différentes dimensions d’analyse des cartes cognitives, nous construisons notre méthodologie qualitative, dirigée vers la forme et le contenu des schémas. Nous analysons en premier lieu la structure générale de la représentation schématique. Autrement dit, nous repérons les termes qui figurent dans le schéma, la présence ou non de

centres et ce qui se joue autour des centres (que nous désignons par « pôles »), les formes de présentation des termes (carré, rectangle, rond, etc.), les couleurs utilisées. En second lieu,

nous cherchons à repérer la localisation ou la position des termes dans la représentation schématique (au centre, à la marge, à gauche ou à droite, hiérarchie des termes). Nous reprenons les quatre critères d’analyse de la carte cognitive que nous venons de mentionner et nous les mettons à l’épreuve dans l’analyse des représentations schématiques des enseignants. Nous examinons ainsi l’importance relative de chaque terme, les termes influencés et les

termes influençant, le regroupement des termes, et les boucles. Nous faisons l’hypothèse que

le repérage des boucles dans les représentations schématiques pourrait être mis en relation avec le cycle de vie d’un document ; plus globalement, il pourrait nous permettre de saisir des modalités du travail documentaire de l’enseignant dans ses composantes individuelles et collectives.

Nous nous attachons aussi à identifier, à partir des flèches, la nature de la relation (forte, faible), des liens entre les termes. Pour ce faire, nous décrivons les relations entre les termes

caractéristiques des liens (liens de causalité, similarité/ressemblance, influence, inclusion, proximité, catégorie, continuité, implication, équivalence, exemple). Plus particulièrement, nous cherchons à repérer, à partir des flèches, les réactions réversibles27 entre les termes des représentations schématiques (c'est-à-dire quand un terme A influe sur un terme B et que, en retour, le terme B influe sur le terme A).

Comme l’analyse des représentations schématiques prend également appui sur le discours de l’enseignant et la discussion qui accompagnent la réalisation du dessin (§ 3.2.3), nous nous intéressons à mettre en évidence la dynamique de construction de la représentation schématique, et ce en repérant l’ordre par lequel le dessin a été réalisé (quels termes ont été les premiers à être représentés dans le schéma). Ceci pourrait être un indice de l’importance que l’enseignant accorde à certains termes de la représentation schématique.

Par ailleurs, nous poursuivons l’analyse des représentations schématiques dessinées par les enseignants en nous basant cette fois-ci sur la grille d’analyse des entretiens ou, autrement dit, sur les thèmes et les catégories/sous-catégories qui les constituent (§ 3.4.1). En effet, nous considérons que la grille d’analyse des entretiens peut nous servir pour interpréter et analyser les représentations schématiques. Plus précisément, nous examinons dans la RSSR, les ressources que l’enseignant mobilise pour organiser son enseignement, et éventuellement l’organisation et la structure de ces ressources, ce qui correspond respectivement aux catégories SR1 et SR2 du thème « système de ressources SR » (§ 3.4.1). Dans la RSSR retouchée, nous repérons les ressources-mères que l’enseignant a mobilisées pour concevoir sa ressource-fille basée sur les DI, ce qui renvoie à la catégorie DI1 du thème « démarches d’investigation DI » (§ 3.4.1). Dans la RSTC, nous cherchons à identifier les communautés ou les personnes avec lesquelles l’enseignant interagit et éventuellement l’objet, la division du travail, les outils utilisés, et les règles qui régissent les interactions collectives de l’enseignant, ce qui se rapporte respectivement aux sous-catégories TC1, TC2, TC3, TC4 et TC5 du thème « travail collectif TC » (§ 3.4.1). Ainsi, ces indicateurs d’analyse communs aux données des entretiens et des représentations schématiques nous permettent de croiser ces deux types de données. En effet, il s’agit d’analyser d’abord la représentation schématique comme un objet isolé (ce que dit le dessin seul), puis de la mettre en relation avec ce qui a été dit lors de l’entretien en exploitant ces indicateurs d’analyse communs, mais aussi avec les ressources recueillies et éventuellement avec d’autres données. Ceci nous permettra, entre autres, de repérer si l’enseignant évoque des choses dans l’entretien qu’il ne reprend pas dans sa représentation schématique ou inversement (par exemple des ressources que l’enseignant mentionne dans l’entretien, mais qui ne se trouvent pas sur la représentation schématique qu’il a réalisée ou inversement).

Nous synthétisons les critères qui constituent notre grille d’analyse des représentations schématiques (Tableau 9).

27 Le terme de « réaction réversible » relève du domaine de la chimie. Une réaction réversible est une réaction chimique qui peut s’effectuer dans les deux sens : les produits obtenus réagissent entre eux pour reformer les réactifs de départ.

Critères d’analyse des représentations schématiques

- Structure générale de la représentation schématique : termes présents, présence ou non de centres, pôles (ce qui se joue autour des centres), formes de présentation des termes (carré, rectangle, rond, etc.), couleurs utilisées

- Localisation ou position des termes dans le schéma (au centre, à la marge, à gauche ou à droite, hiérarchie des termes)

- Importance relative de chaque terme

- Les termes influencés et les termes influençant - Regroupement des termes

- Les boucles

- Nature de la relation (forte, faible), des liens entre les termes (causalité, similarité/ressemblance, influence, inclusion, proximité, catégorie, continuité, implication, équivalence, exemple)

- Réaction réversible entre les termes

- Ordre par lequel le dessin est réalisé (les termes qui ont été les premiers à être représentés dans le schéma)

- Indicateurs d’analyse communs aux entretiens et aux représentations schématiques : SR1, SR2, DI1, TC1, TC2, TC3, TC4, TC5.

Tableau 9. Grille d’analyse des représentations schématiques

Nous avons ainsi développé une méthodologie pour analyser les représentations schématiques des enseignants. Certains des critères d’analyse sont communs à ceux des entretiens, ceci nous permet alors de croiser ce qui a été dit lors de l’entretien avec ce qui a été dessiné dans la représentation schématique.