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Hypothèses de recherche

3.2. Méthodologie de recueil de données

3.2.2. Des entretiens

Nous conduisons des entretiens avec les enseignants reprenant l’idée de Gueudet & Trouche (2008) et de Margolinas et al. (2007) de rencontrer le professeur dans l’endroit où se déroule l’essentiel de son travail hors classe, c’est-à-dire, dans le cas d’un enseignant du second degré, à son domicile. En effet, le principe de suivi continu du travail documentaire (§ 3.1.3) implique, en particulier, d’interroger l’enseignant dans le lieu où l’on fait l’hypothèse qu’il prépare ses ressources-filles et conserve la plupart de ses ressources. De ce fait, nous rencontrons le professeur, lorsque cela est possible, chez lui et nous menons un

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L’équipe S2HEP (Science et Société : Historicité, Education, Pratiques, Université Lyon 1) a une composante propre à l’IFÉ-ENS de Lyon, EducTice (Education, technologies de l’information et de la communication), équipe à laquelle j’ai participé en tant que doctorante pendant mes trois années de thèse ;

entretien semi-directif qui permettra par les reformulations et les demandes de précision, un

questionnement du « comment » (Vermersch, 1994) et non du « pourquoi ».

Nous organisons quatre entretiens avec les enseignants : un entretien général (EG) au début du suivi, un entretien précédant l’observation de classe (EPO), un entretien à chaud (EC) suivant l’observation de classe et un entretien final qui peut prendre la forme d’un

entretien d’auto-confrontation (EAC). Nous présentons ci-dessous chacun de ces entretiens :

- Entretien général : cet entretien a pour objectif d’approcher le système de ressources du professeur en chimie ainsi que son travail collectif avec ses collègues dans et en dehors de son établissement. Il nous permet de repérer les systèmes d’activités de l’enseignant et les diverses communautés avec lesquelles il interagit.

Cet entretien prend la forme de « l’instruction au sosie » (Oddone et al., 1981) : dans notre cas, il s’agit d’inciter à une description adressée à un pair, avec une utilité concrète, et une nécessaire précision. Appliquée à notre étude, la question posée est :

« Dans le cadre d’un échange scolaire, vous partez à l’étranger un an, un sosie vous remplace. Vous devez lui expliquer comment sont rangées, organisées, structurées, toutes les ressources (fichiers papiers, numériques...) que vous avez constituées pour développer les différentes activités liées à votre enseignement ». L’enseignant est

censé dire ce qu’il faut savoir pour le remplacer en nous montrant éventuellement où se trouvent ses ressources. A ce titre, au cours de cet entretien, nous organisons une

visite guidée des ressources de l’enseignant où celui-ci nous présente un ensemble de

ressources rassemblées pour appuyer son activité. L’hypothèse sous-jacente à l’utilisation de la situation d’instruction au sosie réside dans le fait que, dans une telle situation, l’enseignant sera amené à expliciter davantage et d’une manière plus précise les ressources qu’il utilise pour organiser son enseignement. Cet entretien stimule ainsi la réflexivité de l’enseignant (§ 3.1.4) sur la nature et la structure de ses ressources ;

- Entretien précédant l’observation de classe : cet entretien se centre sur le processus de conception d’une ressource-fille particulière fondée sur les DI. Comme dans l’entretien général, nous interrogeons le professeur en chimie selon la méthode de l’instruction au sosie : « c’est votre sosie qui va mettre en œuvre dans la classe

demain cette situation. Vous lui expliquez où sont les ressources nécessaires, comment elles ont été réunies et organisées (leur histoire), comment elles ont évolué au cours du temps, comment il doit les mettre en œuvre ». En effet, cet entretien permet le récit

de l’action de l’enseignant à un moment donné, repéré dans le temps et dans l’espace en référence à une situation spécifique d’élaboration d’une ressource-fille basée sur les DI. Plus précisément, trois étapes du cycle de vie d’un document, à savoir la recherche de ressources, la sélection et la mise au travail de ressources et la conception d’une ressource-fille par combinaison et transformation de ressources-mères (§ 2.2.4) sont interrogées dans cet entretien. Les dimensions collectives qui interviennent dans ces étapes sont également questionnées. Cet entretien permet donc de repérer des éléments relatifs au travail documentaire de l’enseignant, notamment les ressources-mères exploitées et les interactions collectives qui ont débouché sur la ressource-fille, fondée sur les DI, que nous avons observée ultérieurement en classe. Il

permet aussi de repérer la façon dont l’enseignant pense les DI (les significations qu’il donne aux DI, les aspects essentiels caractérisant les DI, les difficultés rencontrées lors de la mise en place de DI…) ;

- Entretien à chaud suivant l’observation de classe : cet entretien a lieu immédiatement après l’observation de classe. Il permet un retour rapide et « à chaud » sur le déroulement de la séance fondée sur les DI ;

- Entretien final qui peut prendre la forme d’un entretien d’auto-confrontation : l’entretien final avec l’enseignant permet un retour sur la séance fondée sur les DI et observée en classe, et plus globalement sur le système de ressources de l’enseignant et son système d’interactions.

Nous avons conduit cet entretien, lorsque cela est possible, sous forme d’un entretien

d’auto-confrontation simple (Theureau, 2000). Dans la tradition ergonomique, Clot et al. (2000) rappellent que les méthodes de connaissance associent de façon diversifiée

les protagonistes d’une situation de travail à son analyse. Comme le soulignent Rix & Lièvre (2005), il semble qu’une observation extérieure ne puisse suffire ni à rendre compte, ni à comprendre, ni à expliquer l’activité d’un acteur : il s’agit de considérer sa propre manière de vivre et de se re-présenter sa situation.

Partant de ces points de vue, nous avons introduit, dans le prolongement de la méthodologie d’investigation réflexive (Gueudet & Trouche, 2010), un entretien d’auto-confrontation simple dans le dispositif de recueil de données. Cet entretien nous permet de croiser nos inférences quant aux PCK et règles d’action de l’enseignant, identifiées à travers l’analyse de l’observation de classe, avec ce que dit l’enseignant quand il commente les extraits vidéo de la séance (§ 3.2.6). En effet, nous avons sélectionné quelques extraits, à partir desquels des PCK et des règles d’action ont été inférées, pour les discuter ensuite avec l’enseignant lors de l’entretien. Nous avons fait le choix de communiquer la vidéo de la séance observée à l’enseignant avant de mener avec lui l’entretien d’auto-confrontation simple. Ce choix est lié au fait que l’enseignant sera amené, suivant une démarche réflexive, à analyser lui-même sa pratique, ce qui s’inscrit dans le principe de la stimulation de la réflexivité de l’enseignant (§ 3.1.4). Nous demandons à l’enseignant de repérer, avant l’entretien, tout ce qui n’était pas prévu dans la séance, les écarts entre ce qui était prévu et ce qui est effectivement réalisé en classe, les évènements qui se sont bien passés ou inversement. Au cours de l’entretien, nous discutons avec l’enseignant les extraits vidéo que nous avons sélectionnés, mais aussi ceux que l’enseignant a choisi de commenter en se voyant avant l’entretien et nous croisons de ce fait nos extraits. Par conséquent, le regard du chercheur et celui de l’enseignant se complètent et s’alimentent mutuellement.

Ainsi, cet entretien vise la verbalisation de l’action et des connaissances professionnelles qui lui sont sous-jacentes. Suivant cette perspective, l’enseignant est donc amené à effectuer un retour réflexif sur sa propre activité. Nous considérons ainsi que la réflexion du professeur sur sa pratique est à même d’éclairer la structure

confrontation d’éclairer ses PCK et ses règles d’action qui justifient ses choix et son action.