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4. FORME: Théoriser l'efficacité

4.3. La Rhétorique d'Aristote: première approche systématique du langage

4.3.3. La métaphore de la course

De même qu'Aristote enjoignait à choisir les mots en vue d'atteindre la "clarté", il insiste pour que la lexis "montre" son objet. C'est la visibilité qui sert de motif de comparaison entre les deux façons de dire. De la lexis eiromenê, Aristote nous dit (chap. 9, 1409a32-34):

¶sti d¢ éhdØw diå tÚ êpeiron: tÚ går t°low pãntew boÊlontai kayorçn: diÒper §p‹ to›w kampt∞rsin §kpn°ousi ka‹ §klÊontai: proor«ntew går tÚ p°raw oÈ kãmnousi prÒteron.

Elle n’est pas agréable parce qu’elle est indéterminée. Or tout le monde désire voir nettement la fin. C'est pour cette même raison qu'arrivés aux bornes [les coureurs] halètent et défaillent: tant qu’ils voient le but devant eux, ils ne se laissent pas aller.

Deux comparaisons interviennent dans ce passage. D'abord l'acte d'audition est rapporté à la vue, ensuite à la course. Ce dernier motif fait d'ailleurs écho aux métaphores du chemin que nous avons observées chez Pindare. Mais les deux comparaisons nous invitent à nous arrêter sur la part importante accordée à la vue. La vertu de la lexis katestrammenê est celle d'offrir une "fin", un objectif. C'est la métaphore première: Aristote recourt à la vision pour décrire le rapport de l’auditeur au texte. C'est une manière de faire référence à la situation d'énonciation! Contre Georges Kennedy qui, réfléchissant sur l'"art de la persuasion en Grèce", affirme qu'Aristote mène une analyse "based on an abstract construction of speeches of different kinds, not actual speeches"370, l'analyse de la lexis dans le troisième livre souligne fortement l'importance de la relation de communication qui est en jeu. Le destinataire du discours n'est pas défini comme un destinataire idéal, sensible à la seule logique des arguments: il est défini comme "auditeur". D'ailleurs, dans la suite du passage que nous allons observer comme dans l'ensemble du traité, le destinataire est toujours nommé akroatês, "auditeur"371. Mais Aristote reformule en termes de vision son métalangage sur la relation de communication.

D'autres occurrences s'inscrivent dans le même champ sémantique. On a vu les termes employés pour décrire la lexis eiromenê: "désagréable" et "indéterminée". Ils sont symétriques pour la lexis katestrammenê. Elle apparaît comme étant exactement l’inverse (chap. 9, 1409b1): "agréable parce qu’elle est contraire à l’indéterminé ". Quant à la définition de la période comme lexis "bouclée", que nous retrouvons ici dans son intégralité, elle accorde de

370 Kennedy 1963, p. 123.

371 On trouve pour les occurrences du troisième livre de la Rhétorique qui précèdent notre passage: 1404a8,

même une large part à la visibilité (chap. 9, 1409a36-37):

l°gv d¢ per¤odon l°jin ¶xousan érxØn ka‹ teleutØn aÈtØn kay' aÍtØn ka‹ m°geyow eÈsÊnopton.

J’entends par période la lexis qui a un commencement et une fin par elle-même, et une étendue qui se laisse embrasser d’un regard.

Cette définition doit nous permettre de comprendre le sens du recours au visuel. Si ce segment du discours, la période, est plus facile à cerner qu’un autre, qui ne se referme pas sur lui- même, et s'il est possible de le "voir", c'est parce qu’il acquiert, par sa construction, une

forme. La partie du discours est en effet fermée, délimitée par un contour, ce qui est le

principe d’une forme, donc d’un corps visible. C'est d'ailleurs de la même manière que Maria Luisa Catoni définit la forme désignée par le terme schêma, terme auquel elle consacre un ouvrage et que nous retrouverons sous peu en référence au langage: "schema si configura, anche rispetto agli usi più 'astratti', come un termine immancabilmente e inappellabilmente concreto, che tende a visualizzare e a riportare sul versante concreto il limite o l'area visualizzata"372.

Or Aristote, comme Pindare récusant le statut de sculpteur, créateur d'œuvres immobiles373, ne s'en tient pas à cette seule qualité du texte: il y ajoute la dimension du mouvement. La métaphore de la vue est en effet développée dans une action physique: les auditeurs sont semblables à des sportifs qui courent sur une piste. Ils courent en fixant la fin de la période qui est comme la borne au bout de la piste. La piste est constituée par la période elle-même, c’est-à-dire par la forme de l'énoncé, au fur et à mesure que celui-ci se développe, car le discours est malgré tout linéaire et se construit bout à bout. L'image de la course est assez complexe pour rendre compte de l'acte de communication et évoquer énonciateur, énonciataire et énoncé. Ce serait un premier motif pour croire qu'elle n'est pas anecdotique, et d'autres indices parlent en ce sens, qui interviennent dans la suite du texte.

Mais d'abord Aristote introduit une autre composante, propre à la forme de la période: le nombre. Il permet à l’auditeur, comme pour les vers, de mesurer et de retenir l'unité (chap. 9, 1409b1-8):

372 Catoni 2005, p. 63.

≤de›a d' ≤ toiaÊth ka‹ eÈmayÆw, ≤de›a m¢n diå tÚ §nant¤vw ¶xein t“ éperãntƒ ka‹ ˜ti ée¤ t‹ o‡etai ¶xein ı ékroatØw ka‹ peperãnyai ti aÍt“, tÚ d¢ mhd¢n pronoe›n mhd¢ énÊein éhd°w: eÈmayØw d¢ ˜ti eÈmnhmÒneutow, toËto d¢ ˜ti ériymÚn ¶xei ≤ §n periÒdoiw l°jiw, ˘ pãntvn eÈmnhmoneutÒtaton. diÚ ka‹ tå m°tra pãntew mnhmoneÊousin mçllon t«n xÊdhn: ériymÚn går ¶xei ⁄ metre›tai.

Une telle lexis est agréable et facile à comprendre. Agréable, parce qu’elle est contraire à l’indéterminé, et parce que l’auditeur croit toujours détenir quelque chose et que quelque chose est mené à son terme pour lui; à l'inverse, ne rien prévoir et ne rien achever est désagréable. Ensuite facile à comprendre, parce qu'elle est aisée à retenir. Cela vient de ce que la lexis par périodes a du nombre, ce qui est la chose dont on se souvient le mieux. C'est la raison pour laquelle tout le monde retient les énoncés métrés mieux que ceux "qui coulent à flots"374, car ils

ont un nombre par quoi ils sont mesurés.

Aristote précisait au huitième chapitre que ce "nombre" ne correspondait pas au mètre des vers: "le nombre, appliqué à la forme de la lexis (ho de tou schêmatos tês lexeôs arithmos), est le rythme, dont les mètres ne sont que des sections" (chap. 8, 1408b28). L'article de Fowler cherche également à montrer que la période se définit en termes logiques et non métriques. Plus précisément: "It can be allowed, then, that metrical patterns go hand in hand with periods; but it remains true that the period is not defined metrically"375. Dans la période se rencontrent les données sémantiques et formelles; "it's a marriage of form and content"376. Pour comprendre la notion de rythme impliquée ici, on peut se référer à la définition qu'en donne Marlein van Raalte: "the phenomenon of a recurrence, within a succession of auditory stimuli, of prominent stimuli which give rise to a perception of coherence"377. Il faut donc qu'il y ait dans la période une répétition, la répétition d'une mesure identique, qui sert à lui donner sa forme.

Or la période, pour Aristote, semble en effet comprendre idéalement deux parties: elle est "complète, divisée (diêirêmenê), facile à débiter d'une haleine (...). Le membre (kôlon) en est l'une des deux sections" (chap. 9, 1409b14-17). La description parle pour une symétrie de forme, un effet de miroir. De fait, dans le même chapitre, Aristote explique que "dans la phrase formée de membres, les deux parties sont tantôt divisées (diêirêmênê), tantôt opposées

374 Cf. Rapp 2002, p. 878: "Wörtlich: 'als das Ordnungslose, Hingeschüttete', gemeint ist natürlich die prosaische

Rede".

375 Fowler 1982, p. 92; Dover 1997 parvient à la même conclusion dans un appendice sur la période. 376 Fowler 1982, p. 92.

(antikeimenê)" (chap. 9, 1409b33-34): et de donner une succession d'exemples où des kôla sont apposés, mis en parallèle, et porteurs de significations dans un cas approchantes, dans l'autre antithétiques.

Dans les deux cas, il s'agit bien d'une structuration binaire de la phrase: les parties des kôla sont formellement en correspondance. Le sens de circuit compris à la fois dans le terme péridoe et dans le terme katestrammenê pourrait donc s'éclairer à la lumière de cette explication: la période correspond à une piste de course, qui part d'un point pour y revenir, après avoir tourné autour d'une borne. L'aller et le retour correspondent à chacun des kôla, qui s'équivalent du fait d'une symétrie structurelle. On se souvient d'ailleurs378 qu'Aristote ouvrait

le chapitre 9 en comparant la lexis katestrammenê "aux antistrophes des anciens poètes" (chap. 9, 1409a26). Il comprendre là le type de construction en alternance des strophes et des antistrophes. En effet, Aristote l'oppose plus loin aux antibolai ("préludes") de dithyrambe que Mélanippide, connu pour avoir révolutionné la musique à la fin du 5ème siècle, aux côtés de Timothée, aurait conçues "à la place d'antistrophes" (chap. 9, 1409b27). West note à propos du terme employé: "I take this to mean that the song fell into metrically independent sections without responsion, separated by instrumental passages"379. Le terme se référerait donc aux successions de vers hors structure strophique, les apolumena, "composizioni astrofiche, 'libere' o 'sciolte' da ogni 'responsione' (schesis), come per esempio i nomoi citarodici di Timoteo o il nuovo ditirambo"380.

Pour résumer, la comparaison que fait Aristote revient à décrire le processus d'audition comme la réplique d'une double activité physique, dans deux registres différents: la vision et la marche. De ce point de vue, l'auditeur assume une part active dans la relation de communication. Certains exemples que nous allons voir tendent d'ailleurs à en faire l'auteur d'une recréation par anticipation. Ce pourrait être là le telos qu'Aristote faisait intervenir dans sa métaphore de la course. On voit dans cette dynamique la vertu du nombre, dont parlait plus haut Aristote: il permet de prévoir la fin d'une série, pour autant que celle-ci ait bien "une fin par elle-même". L'acte d'audition attaché à la lexis katestrammenê, dans la perspective d'Aristote, consiste donc à la fois en la reconnaissance d'une forme (passive) et en la

378 Voir le début du point 4.3.2.

379 West 1982, p. 138 n.2, qui cite à la même page le passage de Phérécrate (fr. 145 Bergk) où la Musique se

plaint du sort que lui font subir Mélanippide, Timothée et une série de musiciens innovateurs.

380 Gentili et Lomiento 2003, p. 70. Sur l'interprétation de ces antibolai, voir aussi Cope 1867, p. 307 n. 1.

Steinrück 2004b parle néanmoins pour le nouveau dithyrambe d'une "Responsion zwischen den aufeinanderfolgenden zeilenartigen Einheiten" (p. 124).

recréation (active), par projection, de son achèvement. Cette conception trouve un écho dans une définition de la vision qu'Aristote donne dans les Réfutations sophistiques (22, 178a15- 16): "Mais 'voir' est pourtant une façon d'être affecté par un objet sensible, de sorte que c'est à la fois une forme de passivité et une activité (kai paschein ti kai poiein)."

Si l'on reprend la métaphore de la course, on peut donc y distribuer les rôles de manière relativement claire, quoique très imagée: l'auditeur est amené à visualiser un parcours et, guidé par la voix du locuteur, s'élance sur la piste qu'il voit se déployer. L'image n'est pas anecdotique parce que l'on trouve d'autres références à cette dynamique dans la description que fait Aristote de l'effet des périodes trop courtes ou trop longues sur l'auditeur. Quelques vingt-cinq lignes après la première occurrence, la métaphore de la course est reprise et développée (chap. 9, 1409b19-22):

de› d¢ ka‹ tå k«la ka‹ tåw periÒdouw mÆte muoÊrouw e‰nai mÆte makrãw. tÚ m¢n går mikrÚn prospta¤ein pollãkiw poie› tÚn ékroatÆn (énãgkh går ˜tan, ¶ti ırm«n §p‹ tÚ pÒrrv ka‹ tÚ m°tron o ¶xei §n •aut“ ˜ron, éntispasyª pausam°nou, oÂon prÒsptaisin g¤gnesyai diå tØn ént¤krousin).

Il faut que les membres (kôla) comme les périodes ne soient ni tronqués ni trop longs. Le membre trop court fait souvent se heurter (prosptaiein) l'auditeur: quand ce dernier, en train de s'élancer (hormôn) vers l'avant et vers la mesure (metron) dont il a en lui-même une délimitation, est rejeté en arrière parce que [l'orateur] a terminé, il survient nécessairement une sorte de heurt, en raison de ce coup inattendu.

On notera les verbes comme "heurter" et "s'élancer" qui dénotent la part active de l'auditeur. C'est que les kôla "conduisent l'auditeur" (agei ton akroatên), nous dit Aristote à la fin de ce même paragraphe (1409b31-32). Dans le passage cité, il semble donc qu'Aristote décrive les effets d'un deuxième membre trop court par rapport au premier. Comme nous l'avons vu, l'auditeur connaît le nombre et prévoit la fin de la mesure, mais il est arrêté dans son anticipation par une rupture de la symétrie.

A la suite, la même métaphore sert à expliquer les défauts des membres qui dépassent la mesure (chap. 9, 1409b22-25):

tå d¢ makrå épole¤pesyai poie›, Àsper ofl §jvt°rv épokãmptontew toË t°rmatow: épole¤pousi går ka‹ otoi toÁw sumperipatoËntaw, ımo¤vw d¢ ka‹ afl per¤odoi afl makra‹ oÔsai lÒgow g¤netai ka‹ énabolª ˜moion.

A l'inverse, [les kôla] trop longs font qu'on reste éloigné, comme ceux qui contournent la borne le plus à l'extérieur. En effet, ces derniers s'éloignent des autres concurrents. Pareillement, les trop longues périodes deviennent un discours et il y a là quelque chose qui ressemble à un prélude [de dithyrambe].

Si le premier kôlon d'une période est trop développé, il empêche l'auditeur d'intégrer le "nombre" de la période, d'en visualiser le centre. Il l'emmène au-delà de la borne, sans lui permettre de concevoir la mesure qui compose la moitié de la boucle, ni par conséquent d'anticiper sa fin. Les périodes trop longues deviennent ainsi un logos (1409b25), soit vraisemblablement un discours "qui coule à flots" (chudên), du type de la lexis eiroménè. De toutes ces comparaisons, il se dégage l’idée que, d'une unité à l'autre, l’acte d’audition d’un discours correspond à la réalisation d’un parcours. Celui-ci est déterminé par la structuration de l'énoncé, par sa lexis. Dans ce paradigme du moins381, la parole tient la part modale du "faire faire" tandis que l’écoute tient celle du "faire". On se rappellera à ce propos les conclusions que Foley empruntait à Seremetakis pour décrire l'effet du thrène rituel des

Choéphores: "Hearing and seeing 'do not have the passive or purely receptive implications'

that such terms have in English, but imply 'an active role in the productions of juridicial discourse (…). Hearing is the doubling of the other's discourse'."382 Les images intervenant dans la description formelle d'Aristote font écho à ce processus: elles lui confèrent une dynamique. Comme nous l'avons vu pour la tragédie383, des métaphores empruntés à d'autres registres sensitifs expriment la dynamique qui s'y joue. Une métaphore éloquente, dans le De

Interpretatione, corrobore ce principe, tout en faisant écho au principe des unités (16b20-23):

évoquant le statut des verbes (rhêmata), Aristote leur prête la vertu de "signifier quelque chose en eux-mêmes". Or cette qualité a pour conséquence que "le locuteur s'arrête dans sa réflexion" (histêsi gar ho legôn tên dianoian) et que "celui qui écoutait s'est immobilisé" (ho

akousas êremêsen)! Vision, mouvement: les métaphores employées permettent d'inscrire tout

discours dans le cadre d'une action, une action qui est partagée par le locuteur et par l'auditeur.

381 Dans une autre comparaison que Svenbro met en lumière (Svenbro 1988), l’auteur prend le rôle de l’amant

(actif) tandis que le lecteur tient celui de l’aimé (passif). Mais il s’agit là du rapport établi dans la dimension écrite.

382 Foley 2001, p. 155.

383 Deux expressions fortes intervenaient par exemple dans les Choéphores. A entendre le chœur, Oreste s'écriait:

"Ce que tu lances là s'enfonce en mon oreille, la perce comme un dard!" (vv. 380-381), et plus loin Electre et les chœur lui adressaient ces recommandations: "–Entends et inscris dans ton cœur. –Par tes oreilles, fais passer ma parole jusqu'au fond calme de ta pensée." (vv. 450-451)

C'est ce que nous retiendrons principalement du troisième livre de la Rhétorique. Aristote établit des normes au discours rhétorique, mais décrit dans le même temps une relation entre orateur et auditeur qui prend en compte la donnée de la performance. Dans notre perspective, les éléments saillants de cette analyse sont: le rejet d'une lexis poétique qui contredit l'objectif de la lexis rhétorique, la définition d'un type d'unité discursive (au sens où nous l'entendions de "forme close"), la part active jouée par l'auditeur dans la construction du sens de l'énoncé. On voit à présent que ces données font écho à celles que nous avons récoltées jusqu'ici, tant du point de vue du rite, d'ailleurs, que de la forme. Dans sa dimension rituelle, le texte théâtral appelait lui aussi à être reconnu par les auditeurs. Les variations métriques jouent d'ailleurs le même rôle, nous l'avons vu à plusieurs reprises dans le kommos chez Eschyle: celui d'indiquer des ambiances, des modes (au sens musical, encore que la mélodie, et avec elle les accents, aient leur rôle à jouer) –. En ce qui concerne la forme, objet d'étude de ce chapitre, c'est le concept d'unité constitutive qui sort renforcé de la lecture de la Rhétorique: dans la continuité de ce que nous avons pu observer dans les discours de Gorgias, le traité d'Aristote définit un type d'unité discursive caractérisé par le fait d'être clos, discernable à l'oreille.

Cependant, nous nous sommes fondé sur un traité qui met en rapport direct les données de la composition stylistique et l'effet du discours rhétorique sur l'auditoire (la persuasion), en employant à cet effet une métaphore physique, celle de la course. Cette perspective ne peut être appliquée telle quelle à l'objet qui nous concerne, la tragédie. La question de l'efficacité du texte tragique se pose en d'autres termes, nous l'avons déjà perçu dans notre approche des

Choéphores. En revanche, la relative homogénéité qui se dégage des "théories linguistiques"

de Gorgias et d'Aristote nous fournit un cadre dans lequel replacer la tragédie. Nous le ferons en abordant le deuxième traité d'Aristote que nous évoquions, la Poétique. A travers cette lecture, nous entendons poser une question principale, qui est de savoir si les éléments que nous avons mis en lumière dans la Rhétorique, nature de la lexis poétique, concept d'unité, rôle de l'auditeur, trouvent à s'appliquer au théâtre dans l'analyse qu'Aristote en fait. Il s'agit pour nous d'affiner nos résultats, en vue de revenir à la production poétique particulière qu'est le texte tragique.