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Les transactions coopératives dans l’innovation produit-marché

2. Cadre théorique : L’interactionnisme, un courant multidisciplinaire

2.7 Emprunts théoriques et modèles

2.7.8 Les transactions communicationnelles

2.7.8.2 Les transactions coopératives dans l’innovation produit-marché

Dans le cadre de notre recherche, l’intérêt des travaux sur les transactions coopératives réside dans la proposition d’un cadre d’analyse des activités coopératives. Par exemple, les co-

96 productions sémiotiques génératrices de connaissances - qui représentent une caractéristique de l’espace numérique participatif (forum de discussion) - dans une perspective d’innovation et de création de valeurs pour les organisations : l’innovation produit-marché. En s’appuyant sur le cadre conceptuel des transactions coopératives, nous soulignons que l’innovation produit-marché peut s’appréhender sous la forme d’un processus ou domine la

personnalisation (singularisation et servicialisation) ou la coopération (intégration et

participation). Bref, nous interprétons cette dernière approche comme une nouvelle orientation de la transaction centrée sur le client, en opposition avec le modèle Fordiste et Tayloriste.

Dans une perspective d’innovation de service (personnalisation-servicialisation), nous souhaitons mettre en avant l’accès à des services-extensions procurés par un bien (Rifkin, 2000). Nous remarquons déjà ce type de modèle dans le leasing et la location à long terme de produits associés à une offre de services dans le but de rallonger la durée de relation avec les clients (fidélisation). Néanmoins, le chercheur s’interroge sur la marchandisation progressive - sous la forme d’un accès - des expériences humaines (paroles, mots, gestes, etc.) et des relations sociales (solidarité, empathie, générosité, affection, rencontre, etc.). Dans cette vision, c'est la notion de propriété privée qui est interrogée ainsi que les conditions d'accès dans la mesure où, le risque d'exclusion lié aux ressources financières et cognitives des consommateurs devient évident. La valeur ajoutée de ce dispositif se remarque dans le développement d'une relation client sur une longue durée grâce aux réseaux sociaux (liens forts ?), voire l'émergence d'une économie du relationnel (Du Tertre, 2001). Nous retrouvons également cette innovation dans l’offre de « bouquets de services ou de produits » (Moati, 2008) qui prend la forme d’une offre commerciale d’un ensemble de produits-services (bouquet/bundle) faisant initialement l’objet d’une vente spécifique et séparée. Toutefois, la possibilité d’acquérir indépendamment une des composantes de l’offre (solidarité versus

modularité) n’est pas de nature à constituer une réelle innovation.

Nous retenons la proposition d’innovation produit-marché dans une démarche de

coopérativité et dans un processus d’intégration et de participation.

Une autre dimension relève, de l'innovation produit-marché dans un processus

97 2007e). Dans cette approche, le produit-service s’intègre dans un dispositif global de

prestations (ensemble de fonctionnalités), mobilise un réseau de partenaires extérieurs et solidaires (intérêts communs) pour assurer une co-réalisation de ces prestations (bien indivisible), dans une perspective bénéfique pour l’environnement (avantage concurrentiel et sociétal). Nous comprenons que c’est l’usage d’un bien qui est vendu et non plus le bien

(Bourg et Buclet, 2005). Dans cette perspective, le bien reste la possession de l’organisation, qui se charge de sa gestion en fin de vie (incitation à la réparation et au recyclage). La mise en œuvre d’un tel processus innovant nécessite des ajustements. Certes, nous repérons des avantages pour l’entreprise par la mutualisation des coûts entre les prestataires, l’accroissement de la marge commerciale-chiffre d’affaires et le bonus « fidélisation », pour les clients par le contrôle du budget familial (non-renouvellement des produits) mais nous repérons des limites à ce processus dans la mesure où les clients restent attachés à la propriété privée et semblent peu soucieux du soin apporté aux produits « loués ».

Malgré les restrictions - essentiellement financières - au développement d’une EF (immobilisations, compétences, déchets, etc.), ces visions de l’innovation ont le mérite d’ouvrir la transaction au mode coopératif (implication des partenaires, des clients) avec une orientation vers d’autres dimensions (humaine, culturelle, sociale, écologique, institutionnelle, etc.) en intégrant un ensemble de « fonctionnalités » (usage, maintenance, assistance, soutien, etc.) autour d’un bien commun partagé dans une perspective de mutualisation-réduction des coûts (matière première, énergie, etc.), D'un accroissement des ressources (chiffre d'affaires, marge commerciale), d'une fonction-client à satisfaire sur une longue période (p. ex. le confort, le bien-être, la sécurité, la mobilité, la fraicheur, etc.) en les inscrivants dans l'excellence environnementale (p.ex. vendre du « confort » est associé à un service économie d'énergie) grâce à la durabilité des produits (recyclage, réparation, etc.).

L'innovation produit-marché dans le champ de la participation rencontre les usages et

pratiques observés sur le territoire numérique documentaire participatif, associé aux services web 2.0 (cf. supra, « Un dispositif sociotechnique participatif documentaire »). Nous reprenons les explications du chercheur et nous comprenons que dans une perspective de participation les bénéficiaires jouent un rôle majeur dans les différentes étapes de la

transaction coopérative (quête, offre, évaluation). Cette participation entre l’offreur et le

98 formulation de la demande (axe symétrique). Nous prenons l’exemple des communautés virtuelles et des leaders produisant des contenus originaux et innovants, exploitables par l’offreur (User Genereted Content ou CGU) ou exploités par les bénéficiaires qui deviennent à leur tour des offreurs (Wikis, Open Source). Généralement, l'espace numérique semble reproduire le fonctionnement des organisations (axe dissymétrique) et ces dernières restent à l'initiative de l'offre (ressemblance avec le processus d'intégration), les bénéficiaires participants seulement à sa définition. Ici, c’est surtout le processus de réalisation qui se transforme (crowdsourcing). Avec l’auteur, nous identifions quatre aspects d’innovation et de force croissante dans ce processus :

1. L’écoute client intensive : l’offreur propose aux bénéficiaires d’émettre des idées. C’est une forme de participation modérée qui favorise la conception-création de nouveaux produits. Cette approche est développée par Eric Von Hippel (2005) qui perçoit des consommateurs montrant volontairement leurs productions dans le but de les améliorer et qui considère ces consommateurs comme les principaux fournisseurs d’innovation (« lead

users ») sous la forme de petites adaptations aux produits commercialisés par l’entreprise

(customisation-personnalisation, ajouts, refaçonnage, équipements, fonctionnalités, etc.). Ces « ajouts » qui relèvent de l’expérimentation avec de petits moyens (autodidaxie, bricolage, débrouillardise, etc.) et de l’imagination (flair, intuition, créativité, etc.) n’aboutissent pas à une production, mais favorisent la construction d’un vivier comme source d’inspiration (réservoir d’idées et d’usages). Cette vision du consommateur rencontre celle de Michel de Certeau (1980/1990). Pour le philosophe-historien, les individus pratiquent un « Art de la consommation » en transformant par la ruse et dans la clandestinité/discrétion les productions imposées (produits-services) par des organisations puissantes et institutionnalisées (entreprises-marques). Cette activité de « braconnage » consiste à repérer les failles et les insuffisances pour agir de façon inattendue sur ces productions avec les « moyens du bord » dans le but de « jouer un tour » au plus fort. En définitive, c’est la force du propos du chercheur, le consommateur est d’abord un tacticien qui « se débrouille » dans un univers imposé, celui de la consommation. De surcroît, nous pensons que les échanges entre les consommateurs permettent d'identifier les différents contextes de réalisation d'une offre ainsi que la diversité des problèmes rencontrés (totalisation de retours d'expérience, micro-laboratoires), ce qui constitue une véritable source d'information pour apporter des solutions (Moati, op. cit.).

99 2. La coréalisation effective : l’offreur propose aux bénéficiaires de co-concevoir/co-

développer l’offre ou de leur sous-traiter des tâches qui lui sont habituellement dévolues. Cette activité de délégation n’est pas nouvelle. Nous la constatons pour les activités en rapport avec les produits physiques confiés à des tiers au profit d'un recentrage et d'un contrôle par l'entreprise des activités plus immatérielles (Rifkin, op. cit.). Ici, le talent et les compétences des bénéficiaires sont mobilisés dans la réalisation de l'artefact (crowdsourcing, CGU). Cette activité est favorisée par les comportements coopératifs des consommateurs dans les espaces numériques qui se traduisent par une première exposition-publication des productions dans les espaces numériques de partage, puis une succession d’améliorations par des participants rassemblés (forums, blogs, sites de partage). Cette pratique trouve une force dans les communautés, dans les cercles structurés et hiérarchisés (wikis) réunissant des innovateurs possédants des compétences personnelles et professionnelles (Cardon, 2005).

3. La copropriété : une coréalisation entraine un partage des droits sur l’artéfact entre les bénéficiaires et l’offreur. Toutefois, nous remarquons que les consommateurs ne déposent pas de brevets (altruisme ?), contrairement aux entreprises qui disposent de ressources financières suffisantes. Le questionnement social et économique portant sur les droits d'auteur trouve une nouvelle force. D’ailleurs, dans l’économie immatérielle des propositions se développent autour des licences libres et de la licence Creative Commons.

4. La codécision : l’offreur délègue son pouvoir de décision aux bénéficiaires. (choix des biens, procédés à l’œuvre, etc.). C'est une forme de participation poussée au paroxysme qui ne se réalise pas réellement sauf dans le cas où le réalisateur serait aussi le bénéficiaire (intelligence collective à l'œuvre sur Wikipédia).

Nous pouvons considérer qu’une innovation produit-marché se caractérise par une nouvelle offre induite par les possibilités technologiques (fonctionnalités web 2.0 des plateformes collaboratives) que nous associons aux nouvelles formes de participation des consommateurs (demande). Cette perspective d'innovation produit marché rencontre donc notre travail de recherche qui tend à repérer de nouvelles pratiques de consommation/consommateur sur les réseaux sociaux numériques participatifs, plus précisément sur les forums publics de

100 discussion entre consommateurs. Par souci de simplification, nous nommons ces derniers

forums de consommateurs.