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3. L’espace participatif numérique : un dispositif sociotechnique participatif documentaire

3.2 Un dispositif sociotechnique d’initiative humaine

3.2.1 L’individu relié

Intéressons-nous aux caractéristiques des espaces participatifs publics, que nous inscrivons dans une dimension conversationnelle et dans une perspective d’innovation de services. De fait, nous excluons de notre étude, les espaces participatifs privés comme le courriel, l’intra et l’extranet. Nous pointons sur la difficulté de cartographier les réseaux sociaux compte tenu de la variété des outils, des applications, des services et des usages, eux-mêmes en hybridation et en perpétuel mouvement. De plus, en 2013, nous dénombrons environ 700 réseaux sociaux généralistes ou spécialisés. Ce chiffre en constante évolution est déjà obsolète au moment où j’écris ces lignes. Les auteurs intéressés par cette dimension du web font preuve d’imagination et de patience pour tenter de représenter graphiquement un dispositif aussi fugace et instable. Parmi ces contributions, nous distinguons la proposition de Frédéric Cavazza (2013) - dont le mérite est de dresser un panorama exhaustif, régulièrement réactualisé - qui repère (provisoirement) des grandes catégories d’usage, en associant pour chaque catégorie les plateformes phares. Avec habileté Christine Balagué et David Fayon (2012, p. 28-29) s’abstiennent d’identifier des usages - jamais figés et toujours en construction - et suggèrent, une typologie originale et précise basée sur la distinction entre les sites spécialistes-généralistes que nous combinons aux usages prioritaires communautaires-

individuels, puis une seconde typologie basée sur l’usage professionnel-personnel que nous

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Figure n°3 : Panorama et positionnement des réseaux sociaux, selon Frédéric Cavazza et Christine Balagué

109 Des remarques s’imposent. Dans la littérature scientifique et journalistique, l’expression

réseau social est souvent utilisée pour caractériser l’espace participatif. Nous constatons des

contradictions dans les approches et les définitions de ces espaces numériques participatifs. En définitive, nous relevons autant de définitions que d’auteurs. Nous n’y échappons pas. L’hybridation des services, des activités, des usages et les fonctionnalités sans cesse renouvelées des différentes plateformes nous incitent à investiguer davantage ces espaces sociaux afin d’en apprécier les différentes facettes et caractéristiques. À la lumière des travaux déjà réalisés, à partir d’un recensement empirique des principaux espaces sociaux et de notre réflexion, nous proposons d’examiner les RS en tenant compte de nouveaux critères. Pour ne pas rendre (déjà) obsolète notre production, nous évitons le « piège » qui consiste à cataloguer toutes les activités possibles en les associant aux différentes et nombreuses plateformes actuellement disponibles8. En outre, nos propositions restent indépendantes des considérations techniques (outils, logiciels, formats propriétaires, etc.). Nous pensons qu'un RS (Réseaux Social) disparaît rapidement quand il ne regroupe pas suffisamment de participants, c'est-à- dire une taille critique pour assurer la constitution de groupes (Balagué et Fayon, op. cit.) de plus, un RS peut faire l'objet d'un rachat, ce qui remet en cause sa pérennité. Le RS généraliste bénéficiant d’une large couverture médiatique (popularité = inscriptions = membres), reste plus attractif pour les usagers compte tenu des nombreux services et activités mises à disposition (réalisation des activités humaines quotidiennes) et semble se pérenniser. Enfin, nous constatons l’utilisation régulière et systématique d’un RS généraliste à forte notoriété et l’usage ponctuel d’un deuxième voire troisième RS spécialisé. Pour ces raisons, nous écartons une classification trop détaillée - avec un risque de dispersion - pour nous intéresser aux seuls RS pérennes à forte notoriété. Nous renonçons au clivage généraliste-spécialiste, certes que nous trouvons pertinent, mais nous repérons des RS sans spécialité, autrement dit sans finalité professionnelle ou personnelle, destinés aux nombreuses activités humaines et sociales difficiles à classer (usage, service, idéal, projet, évènement, action, etc.). De surcroît, sur les RS, nous observons une hybridation des pratiques sociales, professionnelles, personnelles, humaines et une complémentarité des outils (interopérabilité). En définitive, les RS se fixent

les mêmes objectifs, disposent le plus souvent de mêmes fonctionnalités, mais proposent une thématique ou une activité dominante. Par conséquent, nous renonçons à regrouper les

réseaux sociaux dans des catégories. Nos propositions concernent donc tous les RS à forte notoriété. Nous les considérons indistinctement comme des espaces où s’entremêlent et se

8

Nous renvoyons le lecteur aux études et aux articles diffusés abondamment et régulièrement par les médias ou les sociétés de marketing.

110 reproduisent les comportements sociaux observés dans la vie quotidienne. Dans une première approche, les principales et premières observations montrent qu’un RS nécessite une inscription (empreinte), favorise la présentation de soi (mise en scène), conduit à la mise en relation (liens), aboutissant à une construction permanente et collective de documents, sous le

mode conversationnel, dans un cadre spatio-temporel virtuel. Pour rendre compte d’une telle

complexité, nous inclinons vers une première représentation qui rend compte de l’enchevêtrement des activités que nous désignons comme un dispositif sociotechnique

d’initiative humaine :

Figure n°4 : Dispositif sociotechnique d’initiative humaine

Cette première représentation graphique montre que sur les réseaux sociaux l'individu est un

participant relié. Son intérêt premier réside dans le désir de construire des liens sociaux en MISE EN RELATION

CONSTRUCTION PERMANENTE DE DOCUMENTS PRESENTATION DE SOI

Rassemblement

INSCRIPTION

Gratuite

Payante Spontanée Cooptée

Pseudo

Image/photo

Profil

Inviter de contacts Retrouver des contacts Rechercher de contacts

Réseautage

Entretien des liens

Production de contenus

et de connaissances

collectives

Slogan Signature Ressources informationnelles Style rédactionnel

Conversation

Participation

Initiative individuelle Avatar

111 procédant à une recherche de contact et une mise en relation avec des individus connus ou inconnus. Le RS constitue « Une technologie relationnelle avancée » (Stiegler, 2012, p. 18). La forme participative (agir et publier) et le dispositif conversationnel mis à disposition (s'exprimer par la parole) constituent des moyens « 2.0 » pour concrétiser ce besoin de contact. Nous observons que sur les réseaux sociaux à dominante documentaire, les pratiques prioritairement coopératives destinées à bâtir des contenus et construire des documents (wikis, blogs, forums, sites de partage, etc.) sont dorénavant associées à des activités conversationnelles ou communautaires devenues parfois indispensables pour assurer la sur(vie) de l’espace. En effet, nous mettons à disposition des Wikipediens des zones de discussion : cafés, bistrots spécialisés et salons de médiation. La publication de billets sur les blogs permet d’engager des conversations autour de centres d’intérêt (commentaires) qui d’ailleurs assureront la pérennité du site. Les forums de discussion se développent grâce à une production substantielle de discussion (solutions, conseils, avis, témoignages, etc.), et les sites de partage proposent aux participants de se regrouper dans des communautés. Nous repérons un enchevêtrement des pratiques et des intérêts : construire un contenu puis le discuter ou prendre connaissance de discussion avant de produire. En définitive, le participant reproduit sur les RS (norme sociale) les comportements et les tâches dévolues à la vie quotidienne (24 h). Nous percevons ici une socialisation sans intimité (s'identifier), moins hiérarchique,

sans temporalité, sans territorialité, sans engagement, mais sans disparition (traces, pérennité) ni possession (industriels propriétaires). Cette vie sociale virtuelle se réalise dans

un contexte marchand, où l’accès devient progressivement payant (premium), où s’exploitent le travail des acteurs (crowdsourcing, CGU), où s’indexent les données personnelles (profils, documents) dans une perspective de publicité contextuelle (Ertzscheid, 2009). Un bémol, en marge de cette tendance, nous constatons la persistance « d’ilôts pirates » (Faucilhon, 2010).